Bilan de surveillance de la maladie de Lyme : année 2021

La maladie de Lyme est à déclaration obligatoire au Québec depuis 2003. Les cas sont déclarés par les médecins cliniciens et les laboratoires aux autorités de santé publique de leur région qui procèdent aux enquêtes épidémiologiques pour recueillir différentes informations, dont le lieu probable d’exposition et le type de cas (probable ou confirmé).

Surveillance humaine

En 2021, 709 cas de maladie de Lyme ont été déclarés aux autorités de santé publique en date du 6 avril 2022, dont 650 cas confirmés ou probables acquis au Québec et 59 cas acquis hors Québec ou dont le lieu d’acquisition était inconnu (Figure 1). Le nombre de cas acquis localement est en continuelle progression. Le taux d’incidence de maladie de Lyme en 2021 est 1,7 fois plus élevé qu’en 2019 (année affichant le 2ème taux d’incidence le plus élevé).

Parmi les 650 cas confirmés ou probables de maladie de Lyme acquis au Québec, 56 % étaient des hommes, avec un risque 1,3 fois plus élevé que chez les femmes (p-value < 0,05). La maladie de Lyme a une distribution bimodale, avec un premier pic du taux d’incidence observé chez les moins de 10 ans (ces derniers représentent 10 % de l’ensemble des cas) et un deuxième pic plus important chez les 60-69 ans (représentant 22 % de l’ensemble des cas). Les 10-29 ans semblent les moins touchés par la maladie de Lyme (Figure 2).

En 2021, les 650 cas de maladie de Lyme acquis localement ont été déclarés dans 11 régions sociosanitaires (RSS) du Québec pour un taux d’incidence standardisé de 7,5/100 000 personnes-années (p.a) (Tableau 1). Deux RSS, Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine ont rapporté leur premier cas acquis localement. L’Estrie demeure la RSS la plus touchée par la maladie de Lyme rapportant près de 70 % de l’ensemble des cas et un taux d’incidence standardisé 10 fois plus élevé que le taux de la province. Similaire aux années précédentes, la majorité des cas (91 %) acquis en Estrie sont survenus dans les deux territoires du Réseau local de services (RLS) de la Pommeraie et de la Haute-Yamaska.

Figure 1 – Nombre annuel de cas de maladie de Lyme déclarés, selon le lieu d’acquisition (Québec vs hors Québec) et taux d’incidence standardisé (pour les cas acquis au Québec), 2004 – 2021

 

Sources : Direction de la vigie sanitaire, MSSS. Extraction SI-GMI en date du 6 avril 2022; MSSS, estimations et projections démographiques basées sur le recensement de 2021

Figure 2 – Nombre de cas de la maladie de Lyme et taux d’incidence par groupe d’âge, Québec, 2021

 

Sources : Direction de la vigie sanitaire, MSSS. Extraction SI-GMI en date du 6 avril 2022; MSSS, estimations et projections démographiques basées sur le recensement de 2021

Tableau 1 – Nombre de cas de la maladie de Lyme et taux d’incidence standardisé selon la RSS d’acquisition probable, Québec, 2021

Région sociosanitaire d'acquisition Nombre de cas total Nombre
de cas résidants de la région d'acquisition
Taux d’incidence1
/100 000 personnes-année
Bas-Saint-Laurent 1 1 0,72 (0,02-4,00)
Saguenay-Lac-Saint-Jean 2 0 0
Capitale-Nationale 1 1 0,14 (0,00-0,77)
Mauricie et Centre-du-Québec 10 10 1,82 (0,86-3,37)
Estrie 452 381 73,62 (66,36-81,45)
Montréal 13 12 0,60 (0,30-1,02)
Outaouais 19 13 3,18 (1,70-5,43)
Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine 1 0 0
Lanaudière 9 8 1,45 (0,62-2,85)
Laurentides 9 6 1,00 (0,36-2,14)
Montérégie 124 108 7,40 (6,07-8,93)
Inconnue 9   -
Total 650 540 7,55 (6,98-8,15)

1 Le taux d’incidence par RSS est calculé en excluant les cas acquis à l’extérieur de leur RSS de résidence (n = 110).
Sources : Direction de la vigie sanitaire, MSSS. Extraction SI-GMI en date du 6 avril 2022 ; MSSS, estimations et projections démographiques basées sur le recensement de 2021.

Surveillance acarologique

Surveillance acarologique passive

La surveillance acarologique passive est réalisée par le Laboratoire de santé publique du Québec (LSPQ) qui reçoit et identifie les tiques collectées sur des humains ou des animaux et qui sont soumises volontairement par les médecins et vétérinaires. Les tiques Ixodes scapularis (I. scapularis) sont par la suite envoyées au Laboratoire national de microbiologie (LNM) pour vérifier la présence de Borrelia burgdorferi (B. burgdorferi) et d’autres pathogènes.

En 2021, le LSPQ a reçu 1 192 tiques, dont 907 (76 %) étaient des I. scapularis. Les deux autres espèces les plus fréquentes étaient I. cookei (n=204) et Dermacentor variabilis (n=55). Parmi les 886 I. scapularis acquises au Québec, 781 (88 %) étaient des adultes, 89 (11 %) des nymphes et 7 tiques avec stade inconnu (Tableau 2). Parmi les 635 I. scapularis testées pour la présence de pathogènes, 18 % étaient positives pour B. burgdorferi (18 % pour les adultes et 14 % pour les nymphes).

La proportion des nymphes soumises en surveillance passive a connu une croissance au fil du temps. Elle est passée de 7 % en 2019 à 11 % en 2021 (Figure 3). De même, malgré que la proportion d’I. scapularis positives pour B. burgdorferi (18 %) a baissé par comparaison à 2019 (avec 24 % d’I. scapularis positives à B. burgdorferi), celle des nymphes a connu une légère augmentation, passant de 12 % en 2019 à 14 % en 2021. Cette abondance et taux d’infection plus élevés pourraient expliquer, en partie, l’augmentation observée dans le nombre de cas humains, compte tenu que les nymphes sont plus susceptibles de transmettre la maladie à l’homme à cause de leur petite taille et leur présence accrue durant les mois les plus propices aux activités humaines à l’extérieur.

En 2021, les I. scapularis provenaient de toutes les régions du Québec, sauf du Nord-du-Québec, du Nunavik et Terres-cries et baies James. L’Estrie, suivie par l’Outaouais et la Montérégie sont à l’origine de près de 47 % de l’ensemble des I. scapularis soumises en surveillance passive (61 % de l’ensemble des tiques dont la RSS d’origine est connue) (tableau 2).

Tableau 2 – Caractéristiques des Ixodes scapularis prélevées sur des humains ou des animaux et soumises en surveillance passive au LSPQ, Québec, 2021

RSS d'origine des tiques1

Nombre d’I. scapularis
selon l’origine

Nombre d’I. scapularis
selon le stade2

Nombre 
d’I. scapularis positives à
B. burgdorferi
(Nombre testées)3

Nombre de soumissions multiples4
d’I. scapularis

 

Humain5

Animal6

Adulte

Nymphe

Humain

Animal

 

Bas-Saint-Laurent

9

8

17

0

2 (8)

2 (8)

1

Saguenay–Lac-Saint-Jean

9

0

9

0

1 (8)

0

0

Capitale-Nationale

25

-

24

1

4 (22)

-

0

Mauricie et Centre-du-Québec

55

-

52

3

5 (52)

-

1

Estrie

186

-

146

39

36 (177)

-

1

Montréal

15

-

15

0

4 (13)

-

0

Outaouais

119

-

106

11

12 (112)

-

1

Abitibi-Témiscamingue

2

6

8

0

1 (1)

1 (6)

0

Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine

7

4

10

0

0 (4)

0 (4)

0

Chaudière-Appalaches

34

-

32

2

4 (32)

-

0

Côte-Nord

5

0

4

0

0 (4)

-

0

Laval

10

-

8

2

5 (10)

-

0

Lanaudière

33

-

32

1

2 (30)

-

1

Laurentides

44

-

43

1

7 (40)

-

0

Montérégie

106

-

96

10

25 (101)

-

2

Inconnue

209

0

179

28

0 (3)

 

0

Total

868

18

781

98

108 (617)

3 (18)

7

1 La RSS d’origine des tiques est déterminée lorsque la personne ou l’animal piqué ne s’est pas déplacé en dehors de sa RSS de résidence dans les deux semaines précédant le retrait de la tique.
2 Sept tiques soumises dans les RSS de l’Estrie, de l’Outaouais, de la Gaspésie et de la Côte-Nord avec stade inconnu.
3 Les tiques trop détériorées ou conservées de façon inadéquate ne sont pas testées pour la présence de pathogènes.
4 Une soumission multiple correspond à une soumission où il y a plus d’une tique sur le même animal ou humain.
5 La surveillance des tiques d’origine humaine a cessé dans certains secteurs de l’Estrie et de la Montérégie depuis juin 2014. Certains laboratoires de ces secteurs n’ont pas adhéré à cette demande et continuent de soumettre des tiques au LSPQ (Maladie de Lyme – Analyse des tiques, LSPQ).
6 Afin d’optimiser les avantages de chaque mode de surveillance et de respecter les capacités des laboratoires, la surveillance acarologique passive d’origine animale a été arrêtée dans dix RSS (Maladie de Lyme – Analyse des tiques, LSPQ).
Source : LSPQ et LNM, 2022

Figure 3 – Distribution annuelle du nombre de tiques Ixodes scapularis d’origine humaine collectées au Québec en surveillance passive, selon le stade de la tique, 2009-2021

 

L’arrêt de la surveillance des tiques d’origine humaine dans certains secteurs de l’Estrie et de la Montérégie depuis juin 2014 explique en partie la baisse du nombre d’I. scapularis soumises en 2015.

Surveillance acarologique active

La surveillance acarologique active consiste à collecter des tiques dans l’environnement en utilisant la méthode de la flanelle, entre mai et août. Les sites où les collectes de tiques ont lieu sont sélectionnés au printemps par le groupe d’experts de l’INSPQ sur les maladies transmises par les tiques et une équipe de l’Université de Montréal. Cette dernière coordonne les activités de terrain dans les sites d’échantillonnage identifiés. Comme pour la surveillance passive, les tiques sont envoyées et identifiées (espèce, stade) au LSPQ, puis les I. scapularis sont envoyées au LNM pour vérifier la présence de B. burgdorferi et d’autres pathogènes.

En 2021, la surveillance active a été effectuée dans dix RSS avec 69 sites visités, répartis dans 54 municipalités. Les sites ont été échantillonnés 1 à 2 fois au cours de l’été pour un total de 94 visites. De plus, grâce à une collaboration avec le Conseil de la Nation huronne-wendat (CNHW) et le Canadian Lyme Sentinel Network (CaLSeN) dans le cadre de projets utilisant la même méthode, 33 sites ont pu être ajoutés aux efforts de collecte du programme de surveillance, pour un total de 143 visites sur 102 sites dans onze RSS (Tableau 3).

Pour l’ensemble des sites échantillonnés (n=102), 469 tiques I. scapularis ont été collectées (154 larves, 288 nymphes et 27 adultes) dans 33 des sites échantillonnés et provenant de 7/11 RSS (Tableau 3). Près de 15 % des tiques testées (nymphes et adultes) pour la détection de pathogènes étaient positives à B. burgdorferi (47/315).

Comme pour la surveillance passive, l’année 2021 a été marquée par le nombre élevé de nymphes échantillonnées en surveillance active, représentant 61 % de la collecte, par comparaison à 21 % en 2020 et 53 % en 2019.

Tableau 3 – Nombre de sites échantillonnés et nombre total de tiques Ixodes scapularis collectées en surveillance acarologique active et dans le cadre de projets selon la RSS, Québec, 2021

RSS

Nombre de sites avec I. scapularis (Nombre de sites visités)

Nombre de Larves1

Nombre de nymphes

(positives pour B. burgdorferi)

Nombre d'adultes

(positives pour B. burgdorferi)

Saguenay-Lac-Saint-Jean

0 (5)

0

0

0

Capitale-Nationale

0 (20)

0

0

0

Mauricie et Centre-du-Québec

4 (11)

1

60 (7)

7 (2)

Estrie

13 (16)

112

126 (9)

1 (0)

Montréal

2 (7)

0

34 (7)

9 (6)

Outaouais

2 (6)

37

11 (1)

0

Chaudière-Appalaches

0 (9)

0

0

0

Laval

2 (4)

0

17 (8)

2 (1)

Lanaudière

0 (7)

0

0

0

Laurentides

5 (9)

3

18 (1)

5 (0)

Montérégie

5 (8)

1

22 (3)

3 (2)

Total

33 (102)

154

288 (36)

27 (11)

1 Les larves ne sont pas testées pour la présence d’agents pathogènes.
Source : INSPQ/Université de Montréal/LSPQ/LNM, CNHW et CaLSeN.

Autres agents pathogènes transmis par les tiques

D’autres maladies peuvent être transmises par les tiques et sont à déclaration obligatoire au Québec : la babésiose, l’encéphalite de Powassan et l’anaplasmose. En 2021, aucun cas humain de babésiose ou d’encéphalite de Powassan n’a été rapporté. Par ailleurs, 47 cas d’anaplasmose ont été signalés, dont 35 acquis en Estrie, 1 en Montérégie et le lieu d’acquisition était inconnu pour 10 autres cas. Il s’agit du plus grand nombre annuel de cas d’anaplasmose signalé à ce jour (4 cas rapportés entre 2019 et 2020 dont 1 en Capitale-Nationale, 1 en Estrie et 2 en Montérégie). Cette émergence de cas survient dans les zones géographiques où I. scapularis est bien établie depuis plusieurs années et où l’on observe les plus hauts taux d’incidence de la maladie de Lyme.

D’autres agents pathogènes sont également recherchés dans les tiques collectées par la surveillance acarologique passive et active. Parmi ces tiques, 15 étaient positives pour Anaplasma phagocytophilum (dont 8 en Estrie), 3 pour Borrelia miyamotoi, 1 pour Babesia microti et aucune pour le virus de Powassan (Tableau 4).

Tableau 4 – Nombre total de tiques Ixodes scapularis positives aux autres agents pathogènes recherchés et collectées en surveillance acarologique passive et active, Québec, 2021

Agents pathogènes recherchés Nombre d'I. Scapularis infectées Localisation (RSS)
Anaplasma phagocytophilum 15 (10 SP et 5 SA) Capitale-Nationale (n=1), Estrie (n=8), Chaudière-Appalaches (n=4), Gaspésie (n=1) et Montérégie (n=1)
Borrelia miyamotoi 3 (1 SP et 2 SA) Mauricie et Centre-du-Québec (n=2) et Chaudière-Appalaches (n=1)
Babesia microti 1 (SP) Estrie
Virus de Powassan1 0  

1 Seules les tiques collectées en surveillance active sont testées au LNM pour la détection de ce virus.
SP : surveillance passive ; SA : surveillance active
Source : Données de surveillance acarologique passive et active de maladie de Lyme, 2021.

Intégration des données de surveillance

Niveaux de risque des municipalités du Québec

Les données de surveillance humaine et acarologique recueillies chaque année permettent de déterminer le niveau de risque d’acquisition de la maladie de Lyme pour les municipalités du Québec. Des données issues de projets utilisant le même protocole de collecte de tiques sont également utilisées pour déterminer les niveaux de risque. Les critères des niveaux de risque ont été définis par le groupe d’experts sur la maladie de Lyme (INSPQ, 2019) et sont précisés sur le site web de l’INSPQ.

En 2021, 118 municipalités répondent au niveau de « risque présent », 104 au niveau de « risque significatif », tandis qu’une municipalité (ville de Montréal) est divisée en niveau de risque présent et significatif. Certaines municipalités ont vu leur niveau de risque changer par rapport à 2020 :

  • 11 sont devenues à risque présent, réparties dans les RSS Mauricie et Centre-du-Québec, Estrie et Outaouais;
  • 18 sont devenues à risque significatif, réparties dans les RSS Mauricie-et-Centre-du-Québec, Estrie, Outaouais, Laval, Laurentides et Montérégie.

À noter que les municipalités de la RSS de Montréal sont regroupées sur la base des Réseaux territoriaux de service (RTS) afin de mieux représenter le risque d’acquisition de la maladie de Lyme sur l’île de Montréal. Ainsi, 1/5 RTS de l’île de Montréal est à risque significatif. De plus, au total, 8 RSS de la province ont actuellement sur leur territoire des municipalités à risque significatif.

Pour plus de détails sur les municipalités et leurs niveaux de risque, vous pouvez consulter :

Recommandation pour la prophylaxie postexposition (PPE)

Les données de surveillance humaine et acarologique recueillies chaque année permettent également d’identifier les zones géographiques visées par l’application de la PPE selon les critères d’accès à la PPE définis par l’INSPQ (INSPQ, 2017).

En 2021, trois nouveaux territoires de Centre local de services communautaires (CLSC) (en Estrie, Montérégie et Laurentides), ainsi que la ville de Laval s’ajoutent à la liste des zones recommandées pour la PPE par rapport à 2020. La liste des municipalités visées par la PPE est disponible sur la page web du MSSS et mise à jour chaque année, ainsi que sur la cartographie interactive du risque d'acquisition de la maladie de Lyme.

Source : INSPQ/UdeM/LSPQ/LNM, CNHW et CaLSeN


AUTEUR
Comité scientifique sur les zoonoses et l’adaptation aux changements climatiques

Najwa Ouhoummane, Ph. D., INSPQ
Roxane Pelletier, D.M.V., M. Sc., INSPQ
Karine Thivierge, Ph. D., LSPQ, INSPQ
Ariane Adam-Poupart, Ph. D., INSPQ
Alejandra Irace-Cima, M.D., M. Sc., FRCPC, médecin-conseil

REMERCIEMENTS
Sincères remerciements à Ariane Dumas, Camille Guillot et Patrick Leighton (UdeM et CaLSeN), Robbin Lindsay (LNM), Philippe Berthiaume (CNHW), Matthieu Tandonnet (BIESP, INSPQ), Stéphanie Jodoin (MSSS) et le Groupe d'experts sur les maladies transmises par les tiques de l’INSPQ.

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