22 mai 2014

Changements globaux et sécurité alimentaire

Résumé scientifique
Le texte qui suit est le résumé d’une publication scientifique (ou d’une étude) n’ayant pas été réalisée par l’Institut national de santé publique du Québec. Cette analyse critique ne peut donc pas être considérée comme la position de l’Institut. Son objectif est de porter à l’attention des lecteurs des éléments récents de la littérature scientifique, et ce, sous un éclairage critique découlant de l’expertise des auteurs du résumé.
Auteur(s)
Claire Laliberté
M. A., M. Sc., conseillère scientifique, Institut national de santé publique du Québec

La sécurité alimentaire est un concept qui comprend quatre dimensions, soit l’accès, la disponibilité, la stabilité et la qualité de la nourriture. Cette dernière suppose des aliments et des régimes alimentaires de qualité du point de vue nutritionnel, sanitaire et socioculturel. À l’heure actuelle, on estime que 2 milliards de personnes souffrent de déficiences en zinc et en fer, occasionnant du coup une perte annuelle de 3 millions d’années de vie. Pour la plupart d’entre eux, les principales sources de ces oligo-éléments essentiels proviennent des grains et de légumineuses utilisant la photosynthèse par fixation métabolique en C3 (soit l’une des trois voies métaboliques de la photosynthèse).

Dans un contexte de changements globaux, des chercheurs s’intéressent de près à l’impact de la hausse anticipée du CO2, l’un des principaux gaz à effet de serre, sur les concentrations de zinc et de fer provenant de ces sources alimentaires. L’article Increasing CO2 threatens human nutrition (Myers, S.S. et al. Nature, 7 May 2014) fait état des plus récentes analyses sur le sujet.

Les chercheurs émettent l’hypothèse que les concentrations de zinc et de fer des cultures végétales se développant dans une atmosphère élevée en CO2 seraient plus faibles que celles mesurées dans les conditions actuelles. Pour vérifier leur hypothèse, une méta-analyse des résultats de sept recherches réalisées au Japon, en Australie et aux États-Unis a permis de comparer les teneurs en nutriments de récoltes soumises lors de leur croissance à des concentrations de CO2 ambiantes et élevées. Les tests étaient effectués à l’aide d’une technique expérimentale (FACE ou free air CO2 enrichment) permettant d’évaluer la réponse des végétaux à des concentrations élevées de CO2. Les cultures étudiées comprenaient du riz, du blé, du maïs, du soya, des pois cultivés et du sorgo.

Les résultats obtenus démontrent une diminution significative des concentrations de zinc et de fer dans toutes les graminées et les légumineuses. À titre d’exemple, des diminutions de 9,3 % et de 5,1 % ont été observées respectivement pour le zinc et pour le fer dans le blé. Des analyses supplémentaires, réalisées à partir de l’incorporation d’autres données publiées, n’ont pas affecté leurs conclusions.

D’ici 40 à 60 ans, les estimations indiquent que les concentrations de CO2 dans l’atmosphère pourraient atteindre 500 ppm. Selon les auteurs, à ces concentrations, on peut s’attendre à une diminution des qualités nutritionnelles de plusieurs aliments par rapport aux concentrations observées actuellement. Dans un tel contexte, alors que près de 2,3 milliards de personnes obtiennent 60 % de leur apport en zinc et en fer de ces aliments (données de la FAO rapportées dans l’article), des déficiences nutritionnelles importantes sont appréhendées.

Les implications pour la santé publique associées aux changements climatiques sont difficiles à prédire, concluent les auteurs. Toutefois, la mise en évidence des enjeux nutritionnels exposés dans leurs analyses ouvre la voie à une meilleure préparation pour y faire face. Myers et al. citent, par exemple, le développement de programme de reproduction dont l’objectif sera de diminuer la vulnérabilité des récoltes à ces changements.