Veille scientifique : lutte contre le tabagisme, volume 12, numéro 1, février 2022

Ce numéro spécial de la veille scientifique Lutte contre le tabagisme porte sur le renoncement aux produits de vapotage. De plus en plus d’intervenants se voient demander de l’aide pour arrêter de vapoter. Une publication de l’INSPQ datant d’avril 2021 faisait le point sur des approches prometteuses. Les chercheurs s’intéressant de plus en plus à cette problématique, nous avons cru bon de présenter le résumé d’articles pertinents publiés au cours des derniers mois. On y traite de dépendance, de barrières et de facteurs facilitant le renoncement aux produits de vapotage de même que de diverses approches en cours d’évaluation. Puisque l’état des connaissances actuelles sur le renoncement aux produits de vapotage en est à ses balbutiements, ce bulletin de veille inclut des études quantitatives, qualitatives ainsi que des études de cas.

Spécial renoncement aux produits de vapotage

Dépendance et tentatives de renoncement aux produits de vapotage chez les jeunes canadiens

Contexte

L’importance de la dépendance à la nicotine comme facteur favorisant l’usage de produits du tabac n’est plus à démontrer. Cependant, la littérature scientifique portant sur la mesure de la dépendance à la nicotine liée à l’usage de produits de vapotage n’est pas très développée à l’heure actuelle. Une revue de littérature publiée en 2018 a révélé que l’usage de la cigarette électronique pouvait générer des symptômes de dépendance à la nicotine, quoique les risques de développer une dépendance et la sévérité de celle-ci soient vraisemblablement moins élevés que ceux observés par rapport à l’usage de tabac (National Academies of Sciences Engineering and Medicine, 2018). Comme peu d’études se sont intéressées à la mesure de la dépendance à la nicotine chez les jeunes vapoteurs, et que celles-ci ont toutes été menées aux États-Unis, Hammond et ses collègues ont entrepris de recueillir des données permettant de comparer la situation canadienne à celles observées en Angleterre et aux États-Unis.

Objectif

Examiner les indicateurs de dépendance à la nicotine chez les jeunes fumeurs et vapoteurs au Canada, en Angleterre et aux États-Unis, et documenter leur évolution entre 2017 et 2019.

Les données utilisées ont été recueillies par sondage en ligne, des vagues successives ayant été conduites en 2017, 2018 et 2019 auprès d’échantillons de jeunes âgés de 16 à 19 ans au Canada (= 12 018), en Angleterre (= 11 362) et aux États-Unis (= 12 110). Les mesures considérées sont : a) l’usage autorapporté de produits du tabac et de vapotage, b) la dépendance perçue à la cigarette ou à la cigarette électronique, c) la fréquence d’expérimentation de fortes envies de fumer ou de vapoter, d) l’intention de cesser de fumer ou de vapoter, e) la tentative de renoncement aux produits du tabac ou de vapotage au cours des douze mois précédents, et f) les raisons sous-jacentes aux tentatives de renoncement. Des modèles de régression logistique ont été construits pour examiner les différences entre les pays ainsi que les changements dans le temps. Des poids échantillonnaux post stratifiés ont été calculés pour chaque pays sur la base de l’âge, du sexe, de la région géographique et de l’ethnicité (États-Unis seulement) pour permettre la généralisation des résultats à la population visée.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Usage des produits de vapotage

  • La proportion de jeunes ayant vapoté au cours des 30 jours précédents a augmenté de manière statistiquement significative entre 2018 et 2019 au Canada (de 36 % à 44 %) et en Angleterre (de 27 % à 35 %), alors qu’elle a diminué aux États-Unis (de 48 % à 43 %).
  • La proportion de jeunes ayant vapoté 20 jours ou plus au cours des 30 jours précédents a augmenté de manière statistiquement significative entre 2018 et 2019 au Canada (de 7 % à 14 %) et aux États-Unis (de 12 % à 15 %).
  • La proportion de jeunes vapoteurs présentant une fréquence élevée d’usage de produits de vapotage (20 jours ou plus par mois) a connu une hausse entre 2018 et 2019 au Canada (RC ajusté 2,11) et aux États-Unis (RC ajusté 1,42).

Dépendance à la nicotine

  • En 2019, la proportion de vapoteurs ayant expérimenté de fortes envies de vapoter la plupart des jours a augmenté dans les trois pays, par rapport à 2017 (Canada : RC ajusté 1,69; Angleterre : RC ajusté 1,55; États-Unis : RC ajusté 1,88), de même que les perceptions d’être un peu ou très dépendant de la cigarette électronique (Canada : RC ajusté 1,99; Angleterre : RC ajusté 1,44; États-Unis : RC ajusté 1,99).

Abandon du vapotage

  • Au Canada, les proportions de vapoteurs ayant l’intention de cesser de vapoter au cours du prochain mois ou dans une période d’un à six mois sont toutes deux passées de 10 % en 2017 à 15 % en 2019.
  • Une augmentation de la proportion de vapoteurs ayant tenté de cesser de vapoter au cours des douze mois précédents a été observée dans les trois pays entre 2017 et 2019 (Canada : RC ajusté 1,89; Angleterre : RC ajusté 1,56; É.-U. : RC ajusté 1,45).

Les données recueillies au Canada ainsi que dans deux pays comparables sur le plan socioculturel confirment ce que les données d’enquêtes récentes indiquaient, soit une hausse de l’usage des produits de vapotage chez les adolescents et les jeunes adultes au cours des dernières années. Il est cependant encourageant de noter que les proportions de vapoteurs rapportant avoir l’intention d’arrêter de vapoter ou avoir tenté de renoncer à la cigarette électronique au cours de l’année précédente ont augmenté en même temps que la proportion d’utilisateurs du produit.

Sur le plan de la dépendance à la nicotine, on note qu’une plus grande proportion de fumeurs que de vapoteurs ont rapporté se percevoir un peu ou très dépendant et ressentir de fortes envies de fumer ou de vapoter la plupart des jours. Il est toutefois préoccupant de constater que les écarts des niveaux de dépendance entre vapoteurs et fumeurs se sont réduits entre 2017 et 2019, particulièrement au Canada et aux États-Unis.

Hammond, D., Reid, J. L, Rynard, V. L., O’Connor, R. J., Goniewicz, M. L., Piper, M. E., Bansal-Travers, M. Indicators of dependence and efforts to quit vaping and smoking among youth in Canada, England and the USA. Tob Control 2021; doi:10.1136/tobaccocontrol-2020-056269.

Barrières et facteurs facilitant l’abandon des produits de vapotage

Contexte

Depuis sa mise en marché, la cigarette électronique est considérée comme un outil d’aide au renoncement au tabac au même titre que les thérapies de remplacement de la nicotine (TRN) telles que les timbres, les gommes ou les pastilles de nicotine. Il semble toutefois exister une différence importante entre les deux types d’aide, au sens où la majorité des fumeurs utilisant des TRN cessent de les utiliser après avoir réussi à cesser de fumer alors que plusieurs de ceux utilisant la cigarette électronique continuent de vapoter après avoir renoncé au tabac. Cette observation s’avère préoccupante du fait que l’usage de la cigarette électronique, bien que vraisemblablement moins nocif que celui de la cigarette de tabac, n’est pas sans risque pour la santé.

Chez les anciens fumeurs qui vapotent, le renoncement au vapotage est l’étape subséquente du processus de sevrage de la nicotine. Afin d’améliorer leurs chances de succès, il importe aux professionnels concernés de bien identifier les barrières à l’abandon des produits de vapotage ainsi que les facteurs facilitants, et de les distinguer, s’il y a lieu, de ceux traditionnellement associés à l’abandon du tabac.

Objectif

Identifier les barrières et les éléments facilitant le renoncement aux produits de vapotage, ainsi que le type de soutien nécessaire pour y parvenir.

Une revue systématique a été réalisée en fonction des recommandations Cochrane et est décrite selon les critères de l’énoncé PRISMA (Preferred Reporting Items for Systematic Reviews and Meta-Analyses). Dans la période couverte par la revue, soit janvier 2010 à mars 2021, dix études réalisées entre 2014 et 2021 ont été retenues : huit aux États-Unis, une au Canada et une dans trois pays européens (France, Suisse et Belgique). Au total, ce sont 16 489 participants qui ont contribué à la synthèse narrative sur les barrières et les facteurs facilitants, et 2 539 en ce qui a trait aux stratégies de soutien au renoncement.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Trois barrières au renoncement aux produits de vapotage ont été identifiées dans les études retenues, soit :

  • La peur de recommencer à fumer (1 étude);
  • La dépendance à la nicotine (2 études);
  • La réduction du stress résultant de l’usage de produits de vapotage (2 études).

Quatre éléments pouvant agir autant comme barrière que comme élément facilitant ont aussi été dégagés des études recensées, soit :

  • Les croyances par rapport aux risques posés par l’usage de produits de vapotage sur la santé (7 études);
  • Le degré de plaisir associé à la consommation de produits de vapotage (sensation dans la gorge, saveur) (6 études);
  • Les influences sociales (approbation ou désapprobation) (5 études);
  • Les facteurs environnementaux (coût, disponibilité des produits de vapotage, possibilité de vapoter dans un grand nombre d’endroits) (7 études).

Quant au soutien souhaité pour renoncer aux produits de vapotage, plusieurs suggestions ont été faites par les participants :

  • Diminuer graduellement le niveau de nicotine contenu dans la cigarette électronique (2 études);
  • Changer l’arôme du liquide contenu dans la cigarette électronique (1 étude);
  • Limiter l’utilisation de la cigarette électronique uniquement dans les endroits où l’usage du tabac est permis (1 étude);
  • Utiliser une TRN (1 étude);
  • Obtenir le soutien d’un professionnel de la santé (1 étude).

Cette synthèse narrative illustre que le renoncement aux produits de vapotage engendre des défis additionnels à ceux vécus par les fumeurs lorsqu’ils renoncent au tabac. Chez les anciens fumeurs ayant réussi à cesser de fumer en utilisant la cigarette électronique, une deuxième démarche de renoncement visant cette fois l’arrêt du vapotage peut s’avérer difficile du fait que la dépendance à la nicotine a été maintenue suite à l’arrêt tabagique.

Bien que les auteurs reconnaissent le potentiel de la cigarette électronique comme aide au renoncement au tabac, ils soulignent que les effets de l’usage à long terme de la cigarette électronique et du maintien de la dépendance à la nicotine ne sont pas négligeables. Ceci leur fait dire qu’il existe présentement un besoin de développement d’une intervention tout aussi efficace pour renoncer au tabac par l’entremise de la cigarette électronique que pour renoncer aux produits de vapotage par la suite.

Dyson, J., Bhatnagar, M., Skinner, J., Crooks, M. Helping the quitters quit: A systematic review and narrative synthesis of the barriers and facilitators to e-cigarette cessation and the support that is needed. Patient Educ Couns 2021; S0738-3991(21):00633-9.

Biais d’optimisme des adolescents quant à leur facilité à cesser de vapoter

Contexte

Selon des données récentes, les adolescents pensent pouvoir arrêter de vapoter à tout moment1 et croient qu’il est plus facile d’arrêter de vapoter que d’arrêter de fumer2. Il est par ailleurs possible que certains adolescents surestiment leur capacité à cesser de vapoter comparativement à la capacité d’autres adolescents du même âge, ce que les chercheurs qualifient de biais d’optimisme. Ce biais pourrait contribuer à la décision de s’initier au vapotage.

Objectifs

Examiner :

  • L’ampleur du biais d’optimisme des adolescents quant au renoncement aux produits de vapotage en comparant la difficulté perçue de cesser de vapoter pour eux-mêmes à la difficulté perçue pour a) leur meilleur ami, b) quelqu’un de leur âge de leur école, de leur milieu de travail ou de leur voisinage, c) un adolescent américain du même âge;
  • Les facteurs associés au biais d’optimisme.

Une enquête transversale en ligne a été menée en décembre 2018 auprès de 1 610 adolescents américains âgés de 14 à 18 ans qui avaient déjà entendu parler ou essayé la JUUL ou d’autres cigarettes électroniques. Le recrutement a été effectué via des panels de recherche en ligne Qualtrics. Les auteurs ont conduit des analyses de régression en contrôlant plusieurs variables dont : le statut sociodémographique (sexe, âge et ethnicité), le statut socioéconomique (programme de diner gratuit ou à prix réduit), le lieu de résidence, l’éducation des parents, la satisfaction à l’égard de l’école, les effets du vapotage sur la santé, ainsi que l’usage de produits du tabac et de vapotage au cours des 30 jours précédents.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

L’ampleur du biais d’optimisme chez les jeunes

  • On retrouve chez plus de 60 % des adolescents un biais d’optimisme quant à leur capacité à cesser de vapoter.
  • Les adolescents qui pensent qu’il est facile de cesser de vapoter affichent un biais d’optimisme plus grand que ceux qui croient qu’il est difficile de cesser de vapoter.
  • Les adolescents perçoivent qu’il est plus difficile pour les autres de cesser de vapoter que pour eux-mêmes. Et plus la distance sociale est grande, plus cet écart augmente. Ainsi, selon les données de cette étude, les adolescents pensent qu’il serait plus difficile pour un Américain du même âge de cesser de vapoter que pour leur meilleur ami.

Facteurs associés au biais d’optimisme

  • La consommation de cigarettes et l’usage de la JUUL au cours des 30 jours précédents sont associés à un plus faible biais d’optimisme, ce qui n’est pas le cas avec l’usage de cigarettes électroniques autres que la JUUL.
  • Par ailleurs, les adolescents éligibles à des diners à prix réduit démontrent un biais d’optimisme plus élevé.
  • Cette étude est l’une des premières à examiner le biais d’optimisme associé au vapotage chez les adolescents. Les auteurs ont démontré que les adolescents pensent qu’ils sont plus capables de cesser de vapoter que d’autres adolescents américains du même âge. Les auteurs suggèrent que les politiques et les programmes tentent de remédier directement à ce problème en modifiant les croyances et les perceptions des adolescents en lien avec la dépendance aux produits de vapotage.

Strombotne, K., Sindelar, J., & Buckell, J. (2021). Who, me? Optimism bias about US teenagers’ ability to quit vapingAddiction.


1 Kong, G., Bold, K. W., Cavallo, D. A., Davis, D. R., Jackson, A., & Krishnan-Sarin, S. (2020). Informing the development of adolescent e-cigarette cessation interventions: a qualitative study. Addictive Behaviors, 106 720.
2 Song A. V., Morrell H. E., Cornell J. L., Ramos M. E., Biehl M., Kropp R. Y., et al. Perceptions of smoking-related risks and benefits as predictors of adolescent smoking initiation. Am J Public Health 2009; 99 : 487–92.

Approches attrayantes de renoncement aux produits de vapotage ou de tabac chez les 18‑34 ans

Contexte

Peu de recherche sur les interventions de renoncement aux produits de vapotage ou du tabac a été menée chez les jeunes adultes. Or, depuis entre autres l’arrivée sur le marché des produits de vapotage, cette clientèle fait usage d’une plus grande variété de produits de nicotine. Les approches pour les inciter à renoncer aux produits du tabac et de vapotage seraient-elles différentes de celles traditionnellement offertes à une clientèle plus âgée? C’est la question à laquelle ces chercheurs ont tenté de répondre.

Objectif

Déterminer quelles seraient les approches de renoncement aux produits de vapotage et du tabac les plus attrayantes chez les jeunes adultes.

Pour ce faire, les chercheurs ont utilisé les données d’une étude longitudinale de deux ans (en cinq vagues), menée chez de jeunes adultes âgés de 18-34 ans de six villes américaines (Atlanta, Boston, Minneapolis, Oklahoma, San Diego et Seattle), recrutés sur Facebook et Reddit à l’automne 2018. Au printemps 2020, les participants ont été invités à prioriser les trois approches considérées comme les plus attrayantes advenant le cas où ils renonceraient aux produits de vapotage ou du tabac. De même, ils devaient indiquer les trois types de programmes technologiques qui leur semblaient les plus intéressants.

Des 1 559 participants invités à l’étude en 2020, 70 % ont répondu au questionnaire (=1 084). Les analyses ont été réalisées sur les données de 483 participants ayant rapporté avoir fait usage de produits du tabac (cigarettes et autres produits du tabac) ou de vapotage au cours des six mois précédents.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

  • Dans cet échantillon (48 % d’hommes et âge moyen de 24,7 ans), 33 % rapportaient un usage exclusif de produits de vapotage au cours des six mois précédents, 18 % un usage exclusif de cigarettes de combustion, 40 % un double usage de produits de vapotage et de cigarettes de combustion, et 9 % un usage d’autres produits du tabac.
  • 45 % des participants ne considéraient pas renoncer.
  • L’approche la plus fréquemment endossée par les participants est la thérapie de remplacement de la nicotine (73 %), suivie des programmes technologiques (70 %) et des médications orales (53 %).
  • Parmi les interventions technologiques, les applications pour téléphones intelligents sont les plus attrayantes pour les jeunes adultes participants (86 %), alors que les programmes de messages textes ont été nommés par 62 % d’entre eux, les programmes sur Internet par 57 %, les médias sociaux par 48 %, et le counseling par vidéo par 42 %.
  • Enfin, le monitorage comportemental (c’est à dire le fait de monitorer son usage de produits de vapotage ou du tabac, son humeur, ou encore l’usage d’autres substances) et le fait de recevoir des récompenses pour les succès encourus sont les fonctions des programmes technologiques qui suscitent le plus d’intérêt, ayant été endossées par 68 % et 60 % des participants respectivement.

Cette étude comporte certaines limites qu’il est important de mentionner : échantillon de convenance recruté sur les réseaux sociaux, taille échantillonnale limitée, taux de réponse plus faible lors de cette vague que lors des vagues précédentes, données autorapportées, faible généralisation des résultats. Cependant, les auteurs croient que les résultats obtenus donnent des indications intéressantes quant aux programmes de renoncement attrayants chez les jeunes adultes.

Berg, C. J., Romm, K. F., Patterson, B., Wysota, C., & Abroms, L. C. (2021). Appeal of novel cessation intervention approaches among young-adult users of traditional and alternative tobacco products. Tobacco use insights, 14, 1179173X211041123.

Un programme américain de messagerie texte efficace chez les 18-24 ans

Contexte

La cigarette électronique, un produit créé au début des années 2000, a suscité un fort engouement chez les adolescents et les jeunes adultes, devenant même plus populaire que les produits du tabac. Cependant, avec le développement récent de modèles de cigarettes électroniques procurant davantage de nicotine, un nombre grandissant de jeunes utilisateurs souhaitent maintenant y renoncer. Devant l’absence de ressources dans ce domaine, la Truth Initiative a mis sur pied un programme de renoncement aux produits de vapotage par messagerie texte destiné aux adolescents et aux jeunes adultes américains.

Objectif

Décrire l’efficacité du programme de renoncement aux produits de vapotage This is quitting.

Entre décembre 2019 et mars 2020, 2 588 jeunes adultes américains de 18-24 ans ont été recrutés en ligne pour faire partie d’un essai contrôlé randomisé à double insu (1 304 dans le groupe expérimental, et 1 284 dans le groupe témoin). Pour être éligibles, ils devaient avoir fait usage de la cigarette électronique au cours des 30 jours précédents, souhaiter cesser de vapoter au cours des 30 jours à venir, posséder un téléphone cellulaire avec un plan de messagerie texte, et être résident des États‑Unis.

Les taux d’abstinence ont été évalués à un et sept mois pour les deux groupes, et les personnes non rejointes lors des suivis ont été considérées comme non abstinentes (intention-to treat). Des analyses ont été réalisées pour déterminer s’il existe des interactions entre diverses variables et l’abstinence : variables sociodémographiques, fréquence du vapotage, moment de la première cigarette électronique après l’éveil (indice de dépendance à la nicotine), usage de produits du tabac ou de cannabis, consommation abusive.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

  • Le taux de réponse au suivi d’un mois est de 80 %, et il est de 76 % au suivi de sept mois.
  • L’âge moyen des participants est de 20,4 ans et les trois-quarts sont des étudiants.
  • 93,1 % d’entre eux vapotaient chaque jour, et 82,3 % rapportaient vapoter au cours des 30 minutes suivant l’éveil.
  • 91,4 % avaient fait une tentative de renoncement au cours de l’année précédente, et 65,4 % avaient fait au moins trois tentatives.
  • Au suivi de sept mois, le taux d’abstinence autorapporté de 30 jours chez les participants au programme de messagerie texte est de 24 %, comparativement à 19 % chez les participants du groupe témoin (OR 1,39; IC 95 % 1,15-1,68; p ˂,001).
  • Il n’y a aucun effet modérateur statistiquement significatif des variables considérées sur l’abstinence de produits de vapotage, dont la dépendance à la nicotine.

Les résultats de cette étude sont fort encourageants, car ils démontrent que le programme de messagerie texte automatisé This is quitting est efficace pour aider les jeunes adultes à cesser de vapoter. Ceci est particulièrement important quand on sait qu’en date d’avril 2021 plus de 300 000 jeunes Américains s’étaient déjà inscrits au programme.

Graham, A. L., Amato, M. S., Cha, S., Jacobs, M. A., Bottcher, M. M., & Papandonatos, G. D. (2021). Effectiveness of a Vaping Cessation Text Message Program Among Young Adult e‑Cigarette Users: A Randomized Clinical Trial. JAMA internal medicine.

Efficacité de la thérapie de remplacement de la nicotine

Contexte

De plus en plus de professionnels de la santé s’interrogent sur la pertinence de recommander une aide pharmacologique aux utilisateurs de produits de vapotage qui souhaitent arrêter de vapoter. Dans un état de situation publié en 2021 sur les interventions prometteuses de renoncement aux produits de vapotage, nous faisions état de trois études de cas portant sur un participant chacune (Tremblay et Khalladi 2021)3. Les trois interventions décrites étaient : a) une réduction graduelle des produits de vapotage, b) l’utilisation d’une thérapie de remplacement de la nicotine (TRN) et c) l’utilisation de la varénicline. Nous rapportons ici les résultats de deux nouvelles études portant sur la TRN, ces études comportant respectivement six et 24 participants.

Objectif

Présenter les résultats : a) d’une série de six cas de personnes dépendantes des produits de vapotage en processus de renoncement à l’aide de TRN (Sikka et coll., 2021) et b) d’une étude pilote évaluant deux méthodes d’aide au renoncement aux produits de vapotage (TRN et réduction progressive de l’usage de produits de vapotage) (Sahr et coll., 2021).

Étude de Sikka et collaborateurs

Entre 2018 et 2020, Sikka et ses collègues recrutèrent des personnes suivies à la clinique de traitement du tabagisme de John Hopkins qui faisaient un usage quotidien de produits de vapotage, et ce, depuis au moins un an. Ils devaient utiliser un minimum d’une cartouche par mois et ne pas avoir fait usage de produits du tabac combustibles ni d’aides pharmacologiques à l’arrêt tabagique.

Les participants, suivis sur une période minimale de douze mois, se voyaient offrir une consultation en clinique aux trois mois et des sessions téléphoniques de counseling aux deux semaines d’une durée de 30 minutes. Lors des échanges téléphoniques, il était question des raisons pour lesquelles la personne vapotait (plaisir, stress, pression sociale) et des barrières rencontrées lors de la tentative de renoncement. L’entretien motivationnel se concentrait sur les stratégies utilisées pour se sevrer des cigarettes électroniques. Enfin, les participants sélectionnaient l’aide pharmacologique qui leur semblait la plus appropriée (TRN à courte et longue durée d’action, bupropion ou varénicline). Le dosage de 21 mg était proposé à tous les participants souhaitant utiliser un timbre de nicotine, et ce, pour une période d’un mois; puis il était réduit à 14 mg lors du second mois et à 7 mg jusqu’à ce que le participant soit complètement abstinent de la cigarette électronique.

Six patients dont l’âge variait entre 17 et 31 ans ont été recrutés par les chercheurs. Ils vapotaient chaque jour depuis un à six ans et utilisaient d’une à cinq cartouches par mois. Tous les participants ont reçu du counseling sous forme de messages électroniques deux fois par mois et d’appels téléphoniques une fois par mois.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

  • Les moments associés à de fortes envies de vapoter chez tous les participants étaient : au début de la journée, après le déjeuner, lorsqu’anxieux ou stressé et lors d’usage avec les pairs. Certains ont fait référence à la prise de café, d’alcool, lors de la conduite ou au travail.
  • L’aide pharmacologique sélectionnée par tous les participants fut la TRN.
  • À six mois, trois des six participants étaient abstinents des produits de vapotage (abstinence continue de sept jours) et un quatrième était abstinent à huit mois. Bien que deux des participants continuaient de faire usage de cigarettes électroniques, ils avaient considérablement diminué la quantité (de cinq cartouches mensuelles à une et de quatre cartouches à deux).
  • Le stress et l’usage par les pairs ont été les principales barrières rencontrées par les participants.

Les auteurs reconnaissent les limites de leur étude de cas : faible échantillon, âge des participants recrutés (17-31 ans), données autorapportées, utilisation d’une seule aide pharmacologique (TRN).

Étude de Sahr et collaborateurs

De mai 2019 à janvier 2020, les chercheurs ont recruté des adultes américains faisant usage de produits de vapotage à raison d’au moins quatre fois par semaine et motivés à cesser de vapoter au cours des deux semaines suivantes. Le recrutement s’est fait par l’entremise de dépliants et de courriels envoyés aux étudiants et employés universitaires, l’objectif de recrutement étant de 30 participants répartis en trois groupes :

  • Un groupe recevant de la TRN (timbres et/ou gommes ou pastilles, basé sur la préférence des participants) et du soutien comportemental de la part d’un pharmacien;
  • Un groupe réduisant progressivement le dosage de nicotine de leur produit de vapotage de même que le nombre et la durée des sessions de vapotage et recevant également un soutien comportemental du pharmacien;
  • Un groupe témoin ne recevant aucun soutien, mais qui était invité à discuter de leur plan de renoncement lors des appels ou des rendez-vous en personne.

Des données de base furent recueillies au début de l’étude, puis lors d’appels téléphoniques à 3‑7 jours, à deux, six et dix semaines et à six mois et lors de visites en personne à quatre, huit et douze semaines.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

  • Des 30 participants souhaités au départ, 24 ont été effectivement recrutés et assignés à un des trois groupes. Plus de 70 % des participants sont des hommes et l’âge moyen est de 19,8 ans.
  • À douze semaines, les taux d’abstinence sont de 78 % dans le groupe témoin, de 75 % chez les participants ayant réduit progressivement l’usage de produits de vapotage, et de 43 % chez ceux utilisant une TRN.
  • À six mois, le taux d’abstinence dans le groupe témoin est passé à 44 %, alors que les taux n’ont pas changé dans le groupe de réduction progressive (75 %) ni chez les participants recevant une TRN (43 %).
  • Aucun des participants n’a utilisé la ligne téléphonique ni fait appel à d’autres services de renoncement.

Les auteurs sont très conscients des limites de leur étude, qu’ils définissent par ailleurs comme une étude pilote : très faible échantillon, biais dus à des groupes non homogènes, groupe témoin questionné sur les tentatives de renoncement lors des échanges en personne ou au téléphone, non-représentativité de l’échantillon. Ils encouragent les chercheurs à intensifier la recherche dans ce domaine et à se concentrer sur la dépendance aux produits de vapotage et l’estimation de la nicotine inhalée en vue de recommandations appropriées de dosages de TRN.

Commentaires de l’INSPQ

L’intérêt pour les interventions de renoncement aux produits de vapotage est relativement récent, ce qui explique le faible nombre d’études sur leur efficacité, études qui pour le moment sont principalement des études de cas ou des études pilotes. La TRN est l’aide pharmacologique la plus étudiée et elle semble prometteuse. Des études rigoureuses, avec des échantillons aléatoires suffisants, sont toutefois nécessaires pour confirmer de tels résultats très préliminaires.

Sikka, G., Oluyinka, M., Schreiber, R., & Galiatsatos, P. (2021). Electronic Cigarette Cessation in Youth and Young Adults: A Case SeriesTobacco Use Insights, 14, 1179173X211026676.

Sahr, M., Kelsh, S., Blower, N., & Sohn, M. (2021). Pilot study of electronic nicotine delivery systems (ENDS) cessation methodsPharmacy, 9(1), 21.


3 Tremblay, M., Khalladi, Z. Interventions efficaces ou prometteuses de renoncement aux produits de vapotage. 2021. Montréal, Québec. Institut national de santé publique du Québec.


Rédacteurs

Michèle Tremblay
Benoit Lasnier
Zineb Khalladi

Équipe tabagisme
Direction du développement des individus et des communautés

Coordonnatrice
Michèle Tremblay

Réviseur
Thomas Paccalet

Mise en page et révision
Marie-Cloé Lépine
Direction du développement des individus et des communautés

L’inclusion des articles présentés dans ce bulletin de veille ne signifie pas leur endossement par l’Institut. Le jugement professionnel demeure essentiel pour évaluer la valeur de ces articles pour votre pratique. Cette veille a été réalisée grâce à la participation financière du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec (MSSS).