Veille scientifique : lutte contre le tabagisme, volume 12, numéro 4, décembre 2022

Dans cette veille, l’équipe tabagisme sélectionne et résume les publications scientifiques récentes qu’elle juge les plus pertinentes au travail des acteurs du réseau de santé publique œuvrant dans le domaine de la lutte contre le tabagisme.


La cigarette électronique est-elle sécuritaire pendant la grossesse?

Contexte

Selon plusieurs études, les femmes enceintes ont tendance à penser que la cigarette électronique est moins nocive que le tabagisme pendant la grossesse. Or, la cigarette électronique n’est pas inoffensive puisqu’elle contient très souvent de la nicotine, qui présente elle-même un risque pour le développement du fœtus. Ceci étant dit, il est important de reconnaître que de nombreuses femmes enceintes utilisent des produits du tabac. Celles-ci pourraient considérer la cigarette électronique comme une méthode acceptable de réduction des méfaits, au même titre que peut l’être la thérapie de remplacement de la nicotine.

La connaissance des risques pour la santé du bébé à naître et du potentiel de réduction des méfaits de la cigarette électronique pourrait éclairer la compréhension de la population générale, les conseils des cliniciens et la réglementation entourant la cigarette électronique. Ces informations pourraient en outre avoir un impact sur la prise de décision des femmes enceintes pendant la grossesse.

Objectif

Cette revue publiée en juillet 2021 étudie le risque d’issues périnatales indésirables suite à l’utilisation de la cigarette électronique pendant la grossesse. Les articles retenus par les auteurs devaient être issus d’enquêtes populationnelles ou d’études de cohorte, les études précliniques et celles menées chez les animaux étant exclues.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Sept études ont été retenues par les auteurs : quatre études transversales américaines issues de l’enquête populationnelle Pregnancy Risk Assessment Monitoring System et trois études de cohorte menées aux États-Unis et en Irlande. Elles se sont principalement concentrées sur les résultats immédiats de la naissance : bébé petit pour l’âge gestationnel, naissance prématurée et faible poids à la naissance. Comme trois de ces études comportent un nombre très faible de participantes, nous ne rapportons pas ici leurs résultats.

  • Parmi les trois études ayant analysé le risque d’avoir un bébé petit pour l’âge gestationnel, deux ont trouvé un risque accru chez les femmes utilisant la cigarette électronique, par rapport à l’absence d’utilisation de produits du tabac, avec des risques relatifs (RR) de 1,76 [1,04 – 2,96] (Kim & Oancea, 2020) et de 2,4 [1,0 – 5,7] (Wang, Lee & Burstyn, 2020).
  • Deux études sur deux ont montré un risque accru d’avoir un bébé petit pour l’âge gestationnel chez les femmes faisant un double usage de cigarette traditionnelle et de cigarette électronique, par rapport à l’absence d’utilisation de produits du tabac, avec des RR de 2,3 [1,3 – 4,1] (Wang, Lee & Burstyn, 2020) et d’environ 2 (Wang, Lee & Burstyn, 2021).
  • Parmi les études ayant examiné le risque de naissance prématurée, une seule sur trois a trouvé un taux accru chez les femmes utilisant la cigarette électronique, par rapport à l’absence d’utilisation de produits du tabac, avec un RR de 1,86 [1,11 – 3,12] (Kim & Oancea, 2020).
  • Aucune étude sur deux n’a montré de risque accru de naissance prématurée chez les doubles utilisatrices, par rapport à l’absence d’utilisation de produits du tabac.
  • La seule étude ayant étudié le risque de faible poids à la naissance (Kim & Oancea, 2020) a trouvé un taux accru chez les femmes utilisant la cigarette électronique, par rapport à l’absence d’utilisation de produits du tabac, avec un RR de 1,53 [1,06 – 2,22].

En somme, bien que les résultats soient discordants, les auteurs concluent que la littérature actuellement disponible suggère que l’utilisation de la cigarette électronique pendant la grossesse, seule ou en double utilisation, pourrait être associée à certains résultats périnataux indésirables, comme le bébé petit pour l’âge gestationnel, par rapport à l’absence d’utilisation de produits du tabac. Ils considèrent aussi que les données actuelles sont encore insuffisantes pour soutenir l’utilisation de la cigarette électronique en tant qu’approche de réduction des méfaits pour les femmes enceintes qui fument. En effet, seulement deux articles ont comparé l’utilisation de la cigarette électronique ou la double utilisation à l’utilisation de la cigarette combustible seule (Kim & Oancea, 2020; McDonnell, Dicker & Regan, 2020), et les données disponibles à cet effet sont contradictoires.
Les auteurs sont conscients des nombreuses limites de leur revue de la littérature, dont la taille limitée des échantillons de trois des sept études recensées. Ils mentionnent également l’utilisation répétée des mêmes bases de données dans les différentes études, ce qui nuit à l’indépendance de leurs résultats. Ils déplorent par ailleurs le manque d’informations sur le moment de l’utilisation de la cigarette électronique (1er, 2e ou 3e trimestre), la fréquence de son utilisation, les types de produits, leur teneur en nicotine et les saveurs.

Avec son petit nombre d’études incluses, cette revue montre bien que la recherche s’intéressant à la sécurité de la cigarette électronique pendant la grossesse n’en est qu’à ses débuts. Les études à venir nous permettront de mieux nous situer quant à l’utilisation de la cigarette électronique en tant qu’approche de réduction des méfaits pour les femmes enceintes qui fument.

DeVito EE, Fagle T, Allen AM, Pang RD, Petersen N, Smith PH, Weinberger AH. Electronic nicotine delivery systems (ENDS) use and pregnancy II: perinatal outcomes following ENDS use during pregnancy. Curr Addict Rep 2021;8(3):366-379.


Le soutien téléphonique intensif et immédiat au renoncement tabagique comparé au soutien standard chez les fumeurs participant à un bilan ciblé de santé pulmonaire : cas de l’essai QuLIT2

Contexte

L’usage du tabac est la première cause mondiale de mortalité due au cancer du poumon. La détection précoce des anomalies pulmonaires liées au cancer du poumon, pouvant réduire la mortalité associée à ce cancer, a poussé plusieurs pays à mettre en place des programmes nationaux de dépistage du cancer du poumon, à l’aide d’une tomodensitométrie axiale à faible dose (TAFD). Des données probantes attestent que le dépistage du cancer du poumon est un moment propice pour l’introduction d’interventions de renoncement au tabac, sans pour autant préciser quelle est la meilleure approche et quelles sont les modalités pratiques de son implantation.

Objectifs

Cette étude, l’essai QuLIT2 (Quit Smoking Lung Health Intervention Trial 2), est un essai contrôlé randomisé en simple aveugle qui vise à comparer l’efficacité du soutien téléphonique immédiat au renoncement au tabac (entretien motivationnel, soutien comportemental, information sur le sevrage, pharmacothérapie et six séances de soutien individuel) et du soutien standard (counseling très bref suivi d’une orientation vers les services de renoncement au tabac). Le soutien a été offert dans le cadre d’un programme de dépistage du cancer du poumon par TAFD aux fumeurs actifs âgés de 55 à 75 ans de Grande-Bretagne entre le 1er avril et le 31 juin 2021.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

  • Des 315 personnes ayant participé au projet (âge moyen 63 ans, 48 % de femmes et 85 % de couleur blanche), 152 ont été assignées au groupe expérimental et 163 au groupe de soutien standard (groupe témoin). Au suivi de trois mois, les données ont été recueillies auprès de 112/152 participants du groupe expérimental (73 %) et de 115/163 participants du groupe témoin (70 %), les autres n’ayant pas été rejoints.
  • Au suivi de trois mois, les taux d’abstinence autodéclarée de sept jours étaient plus élevés dans le groupe d’intervention, soit 21,1 % contre 8,9 % (rapport de cotes [RC] : 2,83, IC 95 % [1,44 – 5,61], p = 0,002). Les données démographiques des participants (âge et sexe), les caractéristiques de base du tabagisme (consommation moyenne journalière de cigarettes, âge de début et nombre d’années de tabagisme) et/ou la découverte d’anomalies à la TAFD n’ont pas modifié l’effet de l’intervention.
  • Le nombre de tentatives de renoncement au tabac, comprenant tant les tentatives réussies que les tentatives infructueuses, était également plus élevé dans le groupe expérimental (57/152 [37,5 %] contre 36/163 [22,0 %]) (RC : 2,11, IC 95 % [1,29 – 3,47], p = 0,003).

Les résultats de ces travaux montrent que l’offre d’un soutien intensif au renoncement tabagique, immédiatement après la participation à un bilan de santé pulmonaire ciblé, augmente significativement l’abstinence tabagique, par rapport à des soins habituels. Cependant, compte tenu de l’absence de la confirmation biochimique de l’abstinence tabagique, de l’usage des données autorapportées par les participants, d’un échantillon de petite taille, l’impact à plus long terme sur le comportement tabagique ne peut être déduit avec certitude à partir de la période de suivi de trois mois de cette étude. D’autres études de plus grande envergure sont nécessaires.

Williams PJ, Philip KE, Gill NK, Flannery D, Buttery S, Bartlett EC, Devaraj A, Kemp SV, Addis J, Derbyshire J, Chen M, Morris K, Laverty AA, Hopkinson NS. Immediate, remote smoking cessation intervention in participants undergoing a targeted lung health check: Quit smoking lung health intervention trial, a randomized controlled trial. Chest 2022;10:e031589.


La prévalence et les facteurs associés au vapotage au Québec et en Ontario

Contexte

Plusieurs enquêtes de santé permettent de produire des estimations de l’usage des produits de vapotage au sein de la population canadienne. Il s’avère cependant complexe d’obtenir un portrait précis de l’évolution temporelle du vapotage et des facteurs associés à l’usage des produits de vapotage, ces différentes mesures ne pouvant être directement comparées du fait qu’elles proviennent de devis d’enquête et de stratégies d’échantillonnage différentes. Il doit également être considéré que les faibles tailles échantillonnales retrouvées dans les enquêtes telles que l’Enquête canadienne sur le tabac, l’alcool et les drogues (ECTAD) et l’Enquête canadienne sur le tabac et la nicotine (ECTN) restreignent de beaucoup la production d’estimations valides sur le plan statistique. L’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC), du fait qu’elle s’appuie sur un plus grand nombre de répondants, apparaît plus à même de fournir des données robustes sur le phénomène du vapotage.

Objectif

L’objectif de l’étude était d’examiner, à l’aide des données de l’ESCC de 2015 à 2019, les tendances temporelles en matière d’usage de produits de vapotage au Québec (2017-2019) et en Ontario (2015-2018) chez les personnes âgées de 15 ans et plus. Elle visait également à identifier des facteurs associés à ce comportement, dont le statut tabagique et l’usage d’alcool ou de cannabis au cours des 12 mois précédents.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

  • L’usage de produits de vapotage au cours des 30 jours précédents a augmenté au Québec entre 2017 et 2019, passant de 3,4 % à 4,7 %. Ceci représente une augmentation d’environ 100 000 vapoteurs en deux ans, soit d’environ 233 000 à 333 000.
  • En Ontario, le vapotage a connu une augmentation entre 2017 et 2018 (de 2,7 % à 3,4 %) après avoir connu une période de stabilité entre 2015 et 2017.
  • L’augmentation de l’usage de produits de vapotage dans les deux provinces est majoritairement imputable aux adolescents et jeunes adultes, une association statistiquement significative étant observée entre le vapotage et le fait d’être âgé de moins de 45 ans. Au Québec en 2019, la plus forte prévalence de vapotage est retrouvée chez les 15 à 19 ans, soit 18,9 % comparativement à 9,6 % chez les 20-24 ans, 5,6 % chez les 25‑44 ans et 2,2 % chez les 45 ans et plus.
  • L’usage de produits de vapotage dans les 30 jours précédents est fortement associé à l’usage de la cigarette dans les deux provinces et à l’usage de cannabis dans les 12 derniers mois chez les Québécois.
  • Bien que le vapotage soit plus prévalent chez les fumeurs et les anciens fumeurs que chez les non-fumeurs, le phénomène n’est pas négligeable chez ces derniers. En effet, ce sont respectivement 18 % et 27 % des vapoteurs québécois qui étaient non fumeurs en 2017 et 2019 (14 % et 20 % chez les vapoteurs ontariens en 2015 et 2018 respectivement).
  • L’usage de produits de vapotage dans les 30 jours précédents est significativement associé à l’usage expérimental de la cigarette, ce qui signifie que même un bref historique de tabagisme augmente la probabilité de vapoter (Rapport de cotes ajusté = 2,62; p = 0,007).

Par l’emploi de l’ESCC, une source de données contenant des tailles échantillonnales plus importantes que les autres enquêtes mesurant l’usage des produits de vapotage au sein de la population générale canadienne, cette étude contribue à fournir des estimations récentes et robustes de la prévalence du vapotage au Québec. Elle illustre également de manière claire la présence de liens entre le vapotage et l’usage d’autres substances psychoactives, soit le tabac et le cannabis, chez les Québécois de 15 ans et plus. Ceci souligne l’intérêt pour les professionnels de santé publique de s’intéresser davantage au phénomène de polyconsommation de substances psychoactives au Québec, et ce, plus particulièrement chez les adolescents et les jeunes adultes.

Czoli CD, Luongo G, Mischki T. Prevalence trends and factors associated with vaping in Ontario (2015 to 2018) and Quebec (2017 to 2019), Canada. Health Rep 2022;33(7):82-003-X.


Une revue systématique des facteurs associés à l’usage de la cigarette électronique chez les adolescents et les jeunes adultes

Contexte

L’usage de la cigarette électronique a considérablement augmenté chez les jeunes au cours des dernières années, d’où l’importance d’élaborer des interventions efficaces pour prévenir l’initiation à ce comportement et son maintien chez les adolescents et les jeunes adultes. Bien que plusieurs études aient documenté un certain nombre de facteurs individuels ou environnementaux associés au vapotage, aucune n’a jusqu’à présent tenté d’intégrer l’ensemble de ces facteurs et de rendre compte des interactions susceptibles d’exister entre eux.

Objectif

Cette revue systématique vise à identifier les facteurs individuels et environnementaux qui contribuent à influencer le risque que les adolescents et les jeunes adultes fassent usage de la cigarette électronique. L’étude est basée sur le modèle écologique de McLeroy et collab. (1988), qui propose cinq niveaux de facteurs (individuels, interpersonnels, organisationnels, communautaires, et sociétaux/politiques), afin de tenter d’exposer les interactions pouvant exister entre ces différents facteurs.

Une recherche documentaire mise à jour le 15 mars 2022 a été réalisée à partir de cinq bases de données (PubMed, CINAHL, EMBASE, Cochrane et PsycInfo). Un total de 85 études publiées en anglais entre 2014 et 2021 ont été sélectionnées sur 7 592 articles identifiés. Les études sélectionnées étaient principalement des études transversales (81,2 %), les autres étant de nature longitudinale (14,1 %), transversale à mesures répétées (2,4 %) ou transversale longitudinale (2,4 %). Les principaux pays de provenance des études étaient les États-Unis (57,6 %), la Corée du Sud (7,1 %), le Canada (5,9 %) et la Chine (3,5 %). La taille des échantillons variait de 130 à 155 117 participants, et 74 études (87,1 %) avaient une taille d’échantillon supérieure à 1 000. La qualité méthodologique des études incluses a été considérée comme « adéquate » ou « bonne » sur la base de l’outil d’évaluation de la qualité du National Institute of Health (NIH).

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Facteurs individuels

  • Parmi les 33 études ayant considéré le facteur sexe, 20 ont déterminé que les hommes sont plus à risque que les femmes de faire usage de la cigarette électronique.
  • En ce qui concerne l’effet de l’âge, les résultats divergent puisque parmi les 27 études ayant étudié cette association, 12 ont montré que l’usage de la cigarette électronique augmente en fonction de l’âge et 13 n’ont révélé aucune association.
  • Consommer des produits du tabac ou de l’alcool augmente le risque de vapoter chez les adolescents et les jeunes adultes selon 30 études sur 33 et 15 études sur 20 respectivement.
  • En lien avec la santé mentale, trois études sur quatre ont déterminé que le fait de présenter des idées suicidaires représente un facteur de risque pour le vapotage. Paradoxalement, le stress ne semble pas significativement associé au vapotage selon trois études sur quatre.
  • Percevoir que la cigarette électronique est moins nocive pour la santé que la cigarette de tabac représente un facteur de risque d’usage de produits de vapotage dans six études, alors que la percevoir comme néfaste pour la santé constitue un facteur de protection dans sept études.

Facteurs interpersonnels

  • Neuf études sur treize rapportent qu’avoir des amis qui vapotent est associé au vapotage chez les adolescents. Une association similaire a été identifiée pour les produits du tabac dans huit études sur onze.
  • L’usage de la cigarette électronique chez les jeunes est associé à l’attitude positive des amis selon deux études sur trois et à la tolérance des parents dans trois études sur trois.

Facteurs organisationnels et communautaires

  • Trois études ont rapporté que vivre avec des vapoteurs augmente le risque de vapotage chez les jeunes. Par ailleurs, selon sept études sur douze, le statut socioéconomique de la famille n’a pas d’effet statistiquement significatif sur le vapotage.
  • En ce qui a trait à l’environnement scolaire, cinq études ont révélé que l’absence d’interdiction de fumer à l’école était associée au vapotage, et deux études ont détecté une association entre le fait d’être exposé au vapotage à l’école et l’usage de la cigarette électronique.
  • Sept études ont examiné l’effet des activités parascolaires à l’école, et cinq d’entre elles ont indiqué qu’il s’agit d’un facteur de risque pour le vapotage chez les jeunes.

Facteurs sociétaux et politiques

  • Parmi les 14 études ayant examiné l’effet de l’exposition au marketing de la cigarette électronique, 13 l’ont identifié comme un facteur de risque pour le vapotage.
  • Quatre études se sont intéressées à l’effet du prix des cigarettes électroniques sur le vapotage, mais aucune n’a révélé d’association statistiquement significative. Une étude a par contre identifié l’augmentation du prix des capsules de liquide à vapoter comme un facteur de protection contre l’usage de la cigarette électronique.

Les résultats de cette revue de la littérature indiquent que des facteurs multidimensionnels influencent l’usage de la cigarette électronique chez les adolescents et les jeunes adultes. Bien que les auteurs aient souhaité pouvoir démontrer l’interaction entre les différents facteurs agissant sur l’usage de la cigarette électronique, la littérature existante ne permet pas un tel exercice puisque la majorité des résultats proviennent d’études transversales qui corroborent uniquement l’association entre l’usage de la cigarette électronique et les facteurs examinés. Ainsi, aucune étude n’a exploré l’effet médiateur de variables telles que le statut socioéconomique. Par conséquent, des études longitudinales ou des études explorant les effets médiateurs et modérateurs sont nécessaires pour confirmer les interactions entre les différents niveaux de facteurs du modèle écologique.

Han G, Son H. A systematic review of socio-ecological factors influencing current e-cigarette use among adolescents and young adults. Addict Behav 2022;135:107425.


L’ajout de tabac dans un joint de cannabis : quels effets sur la dépendance?

Contexte

Plusieurs consommateurs de cannabis ajoutent du tabac aux joints pour adoucir la sensation, diminuer les coûts et améliorer la combustion. Ces consommateurs s’exposent à la nicotine et à d’autres substances nocives libérées par la combustion de tabac. Peu d’études permettent de documenter les effets sur la dépendance à la nicotine d’ajouter du tabac à un joint de cannabis. Cette étude a porté sur une cohorte de jeunes adultes interrogés au cours de la période entourant la légalisation du cannabis au Canada.

Objectif

Les chercheurs ont identifié les caractéristiques sociodémographiques, psychosociales et celles associées aux habitudes de vie des jeunes adultes utilisateurs de cannabis qui ajoutent du tabac dans leurs joints. Ils ont également vérifié si la fréquence de l’ajout du tabac est associée à la dépendance à la nicotine, mesurée par certains critères de Classification internationale des maladies (CIM-10). Les participants (n = 788) étaient de jeunes adultes âgés en moyenne de 31 ans, interrogés entre 2017 et 2020 dans le cadre d’un cycle d’une étude longitudinale montréalaise sur le développement de la dépendance à la nicotine (NDIT). Les chercheurs ont réalisé des analyses de régression logistique et de régression linéaire multivariées.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Les auteurs rapportent les résultats suivants :

  • Parmi les participants, 40 % (= 313) ont rapporté avoir utilisé du cannabis au cours des 12 derniers mois; 48 % de ceux-ci (= 150) ont ajouté du tabac dans leur joint de cannabis au cours de la même période.
  • Les participants plus enclins à ajouter du tabac dans leur cannabis étaient plus jeunes, moins éduqués, avaient un revenu plus faible, avaient consommé du tabac et des drogues illicites, possédaient des compétences moins développées pour faire face aux adversités et s’étaient adonnés à des jeux de hasard et d’argent.
  • L’ajout de tabac au cannabis était associé à la dépendance à la nicotine, mais le rôle de la fréquence de consommation n’est pas concluant.

Selon les auteurs, la pratique consistant à mélanger du tabac à du cannabis devrait être mieux documentée dans les études de surveillance, et celles portant sur la dépendance à la nicotine chez les jeunes. Comme le démontre cette étude, les usagers plus jeunes, les moins nantis et ceux qui ont un mode de vie à risque sont plus enclins à mélanger le tabac et le cannabis. Enfin, il serait important d’expliquer les méfaits du tabagisme et de la dépendance à la nicotine aux usagers du cannabis, dont plusieurs ne s’identifient pas en tant que fumeurs.

Dugas, EN, Wellman RJ, Sylvestre M-P, Bélanger RE, O’Loughlin J. Who mixes tobacco with cannabis and does mixing relate to nicotine dependence? Addict Behav 2022;128:107254.


Rédaction

Benoit Lasnier, conseiller scientifique
Patrick Luyindula, conseiller scientifique spécialisé
Alfreda Krupoves, conseillère scientifique spécialisée
Zineb Khalladi, conseillère scientifique
Équipe tabagisme
Direction du développement des individus et des communautés

Marianne Boisvert-Moreau, médecin résidente en santé publique et médecine préventive
Université Laval

Coordonnateur
Benoit Lasnier

Collaboratrices
Michèle Tremblay, médecin-conseil
Annie Montreuil, conseillère scientifique spécialisée

Réviseur
Thomas Paccalet, chef d’unité Produits et substances psychoactives

Révision
Sophie Michel, agente administrative
Direction du développement des individus et des communautés

L’inclusion des articles présentés dans ce bulletin de veille ne signifie pas leur endossement par l’Institut. Le jugement professionnel demeure essentiel pour évaluer la valeur de ces articles pour votre pratique. Cette veille a été réalisée grâce à la participation financière du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec (MSSS).