Veille scientifique : lutte contre le tabagisme, volume 13, numéro 1, avril 2023

Dans cette veille, l’équipe tabagisme sélectionne et résume les publications scientifiques récentes qu’elle juge les plus pertinentes au travail des acteurs du réseau de santé publique œuvrant dans le domaine de la lutte contre le tabagisme.


Les trajectoires d’usage de la cigarette et des produits de vapotage chez les doubles utilisateurs : analyses impliquant cinq vagues de l’étude PATH

Contexte

Il n’existe actuellement pas de consensus quant à l’efficacité de la cigarette électronique comme aide au renoncement au tabac, mais les données de surveillance récentes indiquent que plusieurs fumeurs y ont recours dans leur démarche de renoncement. Ceci peut avoir pour conséquence que des fumeurs deviennent des doubles utilisateurs de produits de vapotage et de cigarette, ce qui entraîne des risques accrus à la santé.

Plusieurs études ont déjà examiné les transitions à court terme (1 à 2 ans) survenant entre l’usage de produits de vapotage et l’usage de la cigarette, mais l’évolution à plus long terme de ces transitions n’est pas bien déterminée à l’heure actuelle. L’identification des patrons d’usage de produits de vapotage et de cigarette de tabac peut contribuer à déterminer l’impact des produits de vapotage sur la consommation de nicotine dans la population et faciliter les efforts de lutte contre le tabagisme.

Objectif

Cette étude avait deux objectifs, soit 1) d’identifier des trajectoires d’usage de produits de vapotage et de cigarette entre la première et la cinquième vague (2013 à 2019) de l’étude longitudinale PATH (Population Assessment of Tobacco and Health) chez les adultes qui étaient des doubles utilisateurs à la première vague; et 2) de déterminer certains facteurs permettant de prédire l’usage conjoint de produits de vapotage et de cigarette.

Une approche de modélisation de trajectoires a été utilisée afin d’identifier les trajectoires d’usage de produits de vapotage et de cigarette des 545 participants fumeurs et vapoteurs. Cette approche a permis d’identifier des groupes d’individus qui suivent des trajectoires comportementales similaires.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

  • Deux trajectoires d’usage des produits de vapotage (abandon précoce = 66 %, usage stable = 34 %) et trois trajectoires d’usage de la cigarette (usage stable = 55 %, abandon graduel = 27 %, abandon précoce = 18 %) ont été identifiées.
  • L’analyse des trajectoires jointes (produits de vapotage et cigarette) indique que :
    • 42 % des participants ont cessé de manière précoce l’usage des produits de vapotage et faisaient un usage stable de la cigarette;
    • 15 % ont cessé de manière précoce l’usage des produits de vapotage et abandonnaient graduellement l’usage de la cigarette;
    • 15 % faisaient un usage stable des produits de vapotage et de la cigarette;
    • 11 % faisaient un usage stable des produits de vapotage et abandonnaient graduellement l’usage de la cigarette;
    • 10 % ont cessé de manière précoce l’usage des produits de vapotage et de la cigarette;
    • 7 % faisaient un usage stable des produits de vapotage et cessaient de manière précoce l’usage de la cigarette.
  • Comparativement aux fumeurs quotidiens, les fumeurs occasionnels présentaient de plus fortes probabilités de faire un usage stable des produits de vapotage et d’abandonner graduellement l’usage de la cigarette que de faire un usage stable de la cigarette.

Les doubles utilisateurs de la première vague qui vapotaient quotidiennement, présentaient un plus faible niveau de dépendance à la nicotine et ne faisaient pas usage de cannabis étaient plus susceptibles de faire un usage stable des produits de vapotage et de cesser de manière précoce l’usage de la cigarette que de faire un usage stable de la cigarette.

Les usagers de produits du tabac non combustibles avaient plus de chances de cesser de manière précoce l’usage des produits de vapotage et d’abandonner graduellement l’usage de la cigarette que de faire un usage stable de la cigarette.

Comparativement aux fumeurs quotidiens, les fumeurs occasionnels étaient plus susceptibles de cesser de manière précoce l’usage des produits de vapotage et de la cigarette que de faire un usage stable de la cigarette.

Le principal constat ressortant des analyses est que la majorité des doubles utilisateurs ont maintenu un usage à long terme de la cigarette ou un double usage de la cigarette et des produits de vapotage. Ce constat doit être nuancé par la considération que la majorité des participants utilisaient vraisemblablement des modèles de cigarettes électroniques des premières générations, moins efficaces quant à l’administration de nicotine que les modèles plus récents. Par exemple, les produits de vapotage contenant des sels de nicotine, capables de contenir de très fortes concentrations en nicotine, n’ont connu une hausse de leur usage qu’à partir de la vague 4 de l’étude (été 2017).

Selon les auteurs, il apparaît plausible que la moindre performance des produits de vapotage des premières générations explique en partie le faible degré de stabilité de l’usage des produits de vapotage et l’usage moins fréquent des produits de vapotage chez les doubles utilisateurs lors de la première vague (33 % de vapoteurs quotidiens et 76 % de fumeurs quotidiens).

Krishnan N, Berg CJ, Elmi AF, Klemperer EM, Sherman SE, Abroms LC. Trajectories of ENDS and cigarette use among dual users: analysis of waves 1 to 5 of the PATH study. Tob Control 2022; DOI: 10.1136/tc-2022-057405.


Effets de la méthode de contact et de l’ajout d’incitatifs sur le réengagement des fumeurs à une ligne téléphonique d’aide au renoncement tabagique

Contexte

La plupart des programmes d’aide au renoncement tabagique, y compris les lignes téléphoniques, sont conçus pour aider les fumeurs à cesser de fumer à travers une seule tentative de renoncement, alors que nombre de ces fumeurs atteignent un stade de dépendance à la nicotine où ils doivent faire de nombreuses tentatives pour arrêter de fumer de façon permanente. Une étude a révélé que moins de 20 % des lignes d’aide nord-américaines recontactent de manière proactive les participants en rechute pour les réinscrire (Saul et al., 2014), ceci en dépit de nombreux travaux attestant que les fumeurs qui rechutent après avoir reçu un traitement sont bien souvent prêts à faire une nouvelle tentative d’arrêt (Ellerbeck et al., 2009; Fu et al., 2006; Joseph et al., 2004; Partin et al., 2006). Compte tenu de ces considérations, il semble important d’identifier des stratégies permettant de joindre de nouveau les fumeurs n’ayant pas réussi à cesser de fumer suite à leur utilisation d’un service d’aide au renoncement ou ayant expérimenté une rechute.

Objectifs

Le programme Medicaid est un programme d’assurance médicale publique aux États-Unis, dont les membres représentent le tiers de tous les appelants à une ligne téléphonique d’aide au renoncement tabagique. Les auteurs de cette étude ont examiné l’efficacité d’offrir des incitatifs financiers pour réengager les membres de Medicaid dans un service de ligne téléphonique d’aide au renoncement tabagique.

Parmi l’ensemble des membres de Medicaid s’étant inscrits à la ligne d’aide entre mai 2014 et avril 2015, 5 200 ont été sélectionnés de manière aléatoire pour constituer le groupe d’intervention, et 22 614 membres de Medicaid ont servi de groupe de comparaison. Les deux groupes ont été stratifiés en fonction du temps écoulé depuis leur inscription initiale à la ligne (3, 6, 9 et 12 mois). Les participants du groupe d’intervention ont été répartis aléatoirement dans un des huit groupes à l’étude, selon deux méthodes d’invitation (lettre postale et appels automatisés) et quatre niveaux d’incitatifs (aucun incitatif, 10 $, 20 $ et 40 $). Tous les participants se faisaient transmettre une invitation à recontacter la ligne téléphonique et à recevoir des services additionnels, soit du counseling téléphonique ainsi que l’envoi de timbres de nicotine par la poste. Les hypothèses de départ prévoyaient que les incitations financières augmenteraient les taux de réengagement, que les lettres et les appels constitueraient des moyens tout aussi efficaces d’inviter les participants à se réengager, et qu’inviter les participants plus tôt que tard entraînerait des taux de réengagement plus élevés.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

  • Dans l’ensemble, 9,3 % des participants au groupe d’intervention se sont réengagés auprès de la ligne d’arrêt dans les 90 jours suivant leur invitation à le faire, cette proportion étant supérieure (p < 0,0001) à celle du groupe de comparaison (6,3 %).
  • Parmi les personnes s’étant réengagées, 76,5 % l’ont fait dans une période de 30 jours, 14,0 % dans une période de 60 jours et 9,5 % dans une période de 90 jours. En moyenne, il a fallu 19,5 jours aux participants ayant reçu des appels automatisés pour se réengager, et 21,4 jours aux participants ayant reçu une lettre par la poste.
  • La méthode d’invitation a eu un effet statistiquement significatif dans l’ensemble, car les participants ayant reçu la lettre postale ont été proportionnellement plus nombreux à se réengager que ceux ayant reçu les appels automatisés (10,9 % contre 7,8 %; p = 0,0001).
  • Dans l’ensemble, le niveau d’incitatif (aucun, 10 $, 20 $, 40 $) n’a pas eu d’effet statistiquement significatif (p = 0,07). Cependant, dans le groupe ayant reçu une lettre par la poste, une relation dose-réponse a été observée entre le niveau d’incitatif et le réengagement (p = 0,003). Les taux de réengagement variaient d’un minimum de 8,8 % pour la lettre sans offre incitative à un maximum de 13,8 % pour la lettre offrant 40 $.
  • Dans le sous-ensemble de participants (n = 2 277, ou 43,8 %) qui ont répondu à deux ou à plusieurs appels de counseling, le fait de fumer lors du contact le plus récent était associé à une plus forte probabilité de réengagement (p < 0,0001). Cependant, une proportion substantielle (15,3 %) de participants qui ne fumaient pas lors du dernier contact se sont réengagés, ce qui suggère qu’ils avaient rechuté et avaient maintenant besoin d’une aide supplémentaire pour arrêter.
  • Il y avait une forte corrélation négative entre le temps écoulé depuis l’inscription et les taux de réengagement (p < 0,0001), au sens où la proportion de participants s’étant réengagés diminue en fonction du temps écoulé depuis leur inscription initiale à la ligne d’aide.

Cette étude nous démontre qu’une invitation transmise par voie postale ou téléphonique peut contribuer à réengager un plus grand nombre de fumeurs à une ligne téléphonique d’aide au renoncement en vue de recevoir des services supplémentaires. Parmi les deux méthodes testées ici pour inviter les participants à se réengager dans le service, la lettre envoyée par la poste était plus efficace que les appels automatisés. Offrir une incitation financière a amélioré l’efficacité de l’envoi de lettres, mais pas celle des appels.

L’étude a également démontré que le moment où les fumeurs sont contactés joue un rôle très important sur le réengagement à la ligne d’aide. Les taux de réengagement étaient les plus élevés chez les participants ayant eu un contact initial avec la ligne dans les trois derniers mois, et diminuaient par ailleurs chez les participants dont le contact initial remontait à six, neuf ou douze mois. L’étude ne permet toutefois pas de se prononcer sur les raisons expliquant ces observations, quoique les auteurs aient considéré quelques hypothèses plausibles (participants devenus moins susceptibles de fumer avec le temps, participants présentant moins d’intérêt à utiliser la ligne d’aide qu’auparavant, participants plus difficiles à rejoindre au fil du temps).

Parmi les limites de l’étude, notons que le statut tabagique actuel des participants n’était pas connu au moment de l’envoi des invitations postales ou téléphoniques, ce qui signifie qu’il est possible que certains participants ne fumant plus aient reçu une invitation à se réengager auprès de la ligne d’aide. Les taux de réengagement sont donc estimés de manière conservatrice du fait qu’ils ont possiblement été calculés en incluant des anciens fumeurs n’ayant pas recommencé à fumer. Précisons également que l’étude mesure seulement les taux de réengagement auprès de la ligne d’aide, et non le succès de la démarche de renoncement au tabac.

Cummins SE, Kirby CA, Wong S, Anderson CM, Zhu SH. Re-engagement of low-income smokers in quitline services: Effects of incentives and method of contact. Nicotine Tob Res 2023;25(4):796-802.

Références supplémentaires

Ellerbeck EF, Mahnken JD, Cupertino AP, Sanderson Cox L, Greiner KA, Mussulman LM, Nazir N, Shireman TI, Resnicow K, Ahluwalia JS. Effect of varying levels of disease management on smoking cessation: a randomized trial. Ann Intern Med 2009;150(7):437–446.

Fu SS, Partin MR, Snyder A, An LC, Nelson DB, Clothier B, Nugent S, Willenbring ML, Joseph AM. Promoting repeat tobacco dependence treatment: are relapsed smokers interested? Am J Manag Care 2006;12(4):235–243.

Joseph AM, Rice K, An LC, Mohiuddin A, Lando H. Recent quitters’ interest in recycling and harm reduction. Nicotine Tob Res 2004;6(6):1075–1077.

Partin MR, An LC, Nelson DB, Nugent S, Snyder A, Fu SS, Willenbring ML, Joseph AM. Randomized trial of an intervention to facilitate recycling for relapsed smokers. Am J Prev Med 2006;31(4):293‑299.

Saul JE, Bonito JA, Provan K, Ruppel E, Leischow SJ. Implementation of tobacco cessation quitline practices in the United States and Canada. Am J Public Health 2014;104(10):e98–105.


Les prix des cigarettes près des écoles secondaires varient-ils selon le statut socioéconomique du quartier? Résultats d’une étude de terrain en Ontario et au Québec

Contexte

La prévalence élevée de tabagisme parmi les populations de faible niveau socioéconomique est bien documentée, tant pour les indicateurs individuels (revenu du ménage, niveau de scolarité) que pour les indicateurs environnementaux (revenu moyen et niveau de scolarité des ménages du quartier de résidence, taux de chômage du quartier). Pour réduire le tabagisme, en particulier chez les jeunes et les personnes défavorisées, la hausse des prix des produits du tabac a été démontrée efficace par des données probantes canadiennes et internationales.

Toutefois, depuis une vingtaine d’années, une stratégie de mise en marché utilisée par les compagnies de tabac au Canada est d’offrir des catégories de cigarettes à moindre prix. Une revue systématique d’études réalisées aux États-Unis, en Australie et en Écosse indique par ailleurs que les prix des cigarettes seraient moins élevés dans les quartiers défavorisés (Guindon et al., 2020). Cette étude a documenté le prix des cigarettes en Ontario et au Québec, les deux provinces où ces prix sont les plus faibles au Canada.

Objectif

L’objectif de cette étude était de déterminer si les prix des cigarettes près des écoles secondaires variaient selon le statut socioéconomique du quartier en Ontario (43 écoles) et au Québec (44 écoles dans la région métropolitaine de Montréal). Les prix de deux marques premium et de deux marques à rabais de paquets de 25 cigarettes ont été recueillis lors de quatre vagues de collecte entre 2016 et 2019 dans des dépanneurs et des stations d’essence situés à 800 mètres ou moins d’écoles secondaires. Dans chaque province, les prix des cigarettes étaient recueillis sur place par un observateur, qui recueillait également les prix de certaines boissons (boisson énergisante, eau, jus d’orange, boisson gazeuse) à titre comparatif.

Des modèles de régression à effets mixtes et de moindres carrés ont été créés séparément pour l’Ontario et le Québec, afin d’examiner la variation des prix dépendamment de la défavorisation socioéconomique du territoire. Les modèles ont été ajustés en fonction de la vague d’enquête, du type de magasin, du type de cigarette et de la région. Pour chaque province, le niveau socioéconomique a été déterminé par le revenu médian du ménage.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

  • Le prix moyen d’un paquet de 25 cigarettes entre 2016 et 2019 était de 10,54 $ en Ontario et de 9,24 $ au Québec. Lors de la quatrième vague en 2019, comparativement à la première en 2016, le prix était plus élevé de 2,97 $ en Ontario et de 1,44 $ au Québec.
  • Chaque augmentation d’un écart-type du revenu médian des ménages était associée à des prix des cigarettes plus élevés en Ontario (0,13 $) et au Québec (0,05 $). Les différences étaient encore plus marquées pour les cigarettes les moins chères (0,18 $ au Québec).
  • Les différences des prix des cigarettes entre les quartiers dont l’écart-type du revenu médian des ménages est inférieur ou supérieur à la médiane provinciale ont varié entre 0,26 $ et 0,51 $ en Ontario, et entre 0,10 $ et 0,37 $ au Québec.

Les prix plus bas des cigarettes près des écoles secondaires situées dans les quartiers défavorisés peuvent contribuer aux inégalités sociales de santé chez les jeunes en rendant les produits du tabac plus accessibles financièrement. Les auteurs suggèrent que les politiques d’encadrement du prix des produits du tabac devraient éliminer les écarts de prix entre les quartiers sans diminuer les prix, ceci afin de contribuer à la réduction des inégalités sociales de santé. Étant donné que le prix des cigarettes est un des déterminants importants du tabagisme qui peut être modifié, une surveillance systématique du prix serait justifiée. À cette fin, des systèmes ressemblant à celui de surveillance des ventes de loterie ou au système d’enregistrement des ventes dans les restaurants pourraient être envisagés.

Guindon GE, Montreuil A, Driezen P, Stahlbaum R, Giolat D, Baskerville NB. Do cigarette prices near secondary schools vary by area-level socioeconomic status? Findings from a field study in Ontario and Quebec. Health Place 2022;79:102936.

Référence supplémentaire

Guindon GE, Fatima T, Abbat B, Bhons P, Garasia S. Area-level differences in the prices of tobacco and electronic nicotine delivery systems — a systematic review. Health Place 2020;65:102395.


Le vapotage des adolescents en milieu scolaire : quelles sont les mesures disciplinaires appliquées par les membres du personnel?

Contexte

Le vapotage chez les élèves est une source de préoccupation importante dans le milieu de l’éducation. Les jeunes trouvent des moyens créatifs pour vapoter discrètement à l’école, et la diffusion de nombreuses vidéos en ligne liées au vapotage dans les écoles laisse croire que ce comportement est fréquent et normalisé. Les membres du personnel, c’est-à-dire les enseignants, les directeurs, les infirmières scolaires ou les surveillants, interagissent quotidiennement avec les élèves. Ils pourraient donc observer la consommation de substances lorsqu’elle a lieu, et intervenir auprès des élèves qui vapotent.

Objectif

Cette étude explore les expériences du personnel d’écoles secondaires californiennes en ce qui concerne le vapotage des élèves. Pour ce faire, les auteurs analysent les données du California Educator Tobacco Survey (CETS) de 2019-2020, un sondage en ligne auprès du personnel scolaire.

Bien que des membres du personnel de 321 écoles aient répondu au questionnaire, les auteurs ont uniquement retenu aux fins d’analyses les réponses des participants d’écoles pour lesquelles au moins trois membres du personnel avaient participé à l’enquête, soit 7 938 personnes provenant de 255 écoles, dont environ 80 % étaient des enseignants. Le questionnaire comprenait entre autres une question sur le vapotage à l’école, posée à tous les participants : « Au cours des 30 jours précédents, avez-vous vu des élèves vapoter à l’école ? » (Oui; non). Une question sur le vapotage en classe était aussi posée aux enseignants participants : « Au cours du dernier semestre, avez-vous surpris des élèves en train de vapoter pendant les cours ? » (Oui; non). Ceux ayant déclaré avoir observé un élève vapoter en classe ont été invités à décrire ce qu’il s’est passé par la suite.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

  • Presque toutes les écoles (95 %) avaient au moins un membre du personnel qui avait observé des élèves vapoter à l’école au cours des 30 jours précédents.
  • Près de 80 % des écoles avaient au moins un enseignant qui avait déclaré avoir surpris un élève en train de vapoter en classe au cours du dernier semestre.

Parmi les enseignants ayant décrit ce qu’il s’était passé lorsqu’ils avaient surpris un élève en train de vapoter en classe :

  • 96 participants n’avaient rapporté aucune conséquence concrète, étant donné que les étudiants n’avaient pas de dispositif sur eux ou que l’odeur de la vapeur ne pouvait pas être attribuée à un élève en particulier, ou encore que le signalement de l’incident à l’administration n’avait pas entraîné de répercussion;
  • 134 participants avaient rapporté des conséquences selon une approche punitive douce, comme confisquer le dispositif ou contacter les parents, ou plus sévère, comme la rétention, la suspension ou l’expulsion de l’élève;
  • 46 participants avaient rapporté des conséquences selon une approche réparatrice, dans l’optique d’éduquer les élèves sur les effets nocifs de la cigarette électronique afin d’en dissuader l’usage. Cette approche pouvait impliquer des conseils fournis par l’enseignant, l’obligation de participer à un programme alternatif à la suspension comme les programmes Pathways to Success ou 7Challenges;
  • 20 participants avaient rapporté des conséquences selon une approche mixte (punitive et réparatrice), ce qui pouvait impliquer une sanction, comme la suspension de l’élève, et l’obligation de suivre un programme d’éducation.

Le sondage indique une grande variabilité des mesures disciplinaires employées par les écoles. La description assez vague de celles-ci suggère, selon les auteurs de l’étude, que les enseignants ne sont pas certains des sanctions qu’ils doivent appliquer et du protocole en place. Une communication claire avec les élèves et le personnel de l’école au sujet de la politique scolaire concernant le vapotage, incluant les mesures disciplinaires prévues, pourrait faciliter l’application de cette politique.

Les auteurs notent également la prédominance des mesures punitives. Selon eux, un équilibre entre l’application de règles strictes incluant des conséquences et du soutien pour aider les élèves à respecter ces règles pourrait favoriser le non-usage de la cigarette électronique à l’école. À ce sujet, les auteurs remarquent que les infirmières scolaires seraient bien placées pour œuvrer avec les autres membres du personnel aux programmes de prévention et de renoncement au vapotage en milieu scolaire, et équilibrer les mesures disciplinaires avec une approche réparatrice, par exemple en donnant aux jeunes des trucs pour faire face au stress plutôt que de vapoter.

Cole AG, Lienemann BA, Sun J, Chang J, Zhu S-H. California school staff reports of seeing students vaping at school and disciplinary actions. J Sch Nurs 2022;0(0). DOI: 10.1177/10598405221127694.


Symptômes respiratoires associés à l’usage unique ou combiné de cigarette électronique et de tabac

Contexte

Au Canada, l’augmentation de l’usage de la cigarette électronique est particulièrement marquée chez les adolescents et les jeunes adultes. Bien que les connaissances sur les effets de la cigarette électronique sur la santé soient encore en développement, la recherche a permis d’identifier des effets néfastes à court et à long terme sur le système respiratoire. Les utilisateurs de cigarette électronique qui fument aussi la cigarette de tabac pourraient être particulièrement à risque. Cette étude a documenté l’association entre des symptômes respiratoires rapportés et l’usage de la cigarette électronique seul ou combiné à celui des cigarettes de tabac chez des jeunes.

Objectif

À partir d’un sondage réalisé de novembre 2020 à mars 2021 auprès d’un panel d’adolescents et de jeunes adultes (16-25 ans) en Ontario, cette étude avait comme objectif de comparer les symptômes respiratoires rapportés par des utilisateurs réguliers de la cigarette électronique et de cigarettes de tabac (= 42), des fumeurs réguliers de cigarettes de tabac ne vapotant pas régulièrement (= 92), des utilisateurs réguliers de cigarette électronique ne fumant pas régulièrement (= 820), des utilisateurs non réguliers de cigarette électronique ou de cigarettes de tabac (= 1 303), et des non-utilisateurs des deux produits (= 825).

Les auteurs ont développé une mesure pour quantifier la consommation de vapotage similaire à la mesure de « paquets-années ». Les symptômes respiratoires ont été mesurés par le Canadian Lung Health Test, qui mesure le nombre de symptômes respiratoires différents ressentis au cours des quatre mois précédents (0 = aucun symptôme, 5 = cinq symptômes).

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Parmi les 3 082 participants, la moyenne d’âge était de 19 ans, et 81 % étaient des femmes. La moitié des participants ne vapotaient pas au moment de l’étude (50,4 %), 10 % vapotaient moins d’une fois par mois, 5 % à chaque mois, 6 % à chaque semaine, et 28 % tous les jours. La moitié des participants ne rapportait aucun symptôme respiratoire, tandis que 23 % des fumeurs quotidiens rapportaient au moins un symptôme respiratoire, et 25 % des fumeurs-vapoteurs rapportaient deux symptômes.

Les utilisateurs quotidiens de cigarettes, de cigarettes électroniques ou des deux produits étaient plus enclins à rapporter au moins un des cinq symptômes comparativement aux utilisateurs occasionnels et aux non-utilisateurs. Les fumeurs quotidiens étaient plus susceptibles de rapporter des symptômes que les vapoteurs quotidiens. Les utilisateurs des deux produits ne rapportaient pas plus de symptômes que les fumeurs. Chaque équivalent paquet-année additionnelle de vapotage augmentait le risque de rapporter des symptômes respiratoires chez les participants non-fumeurs (RR = 2,79; IC 95 % 1,69-4,61), mais pas chez les fumeurs quotidiens (RR = 0,83; IC 95 % 0,23-3,11).

Les auteurs rappellent que cette étude s’appuie sur un échantillon non probabiliste, et que les symptômes peuvent être sujets à un biais de rappel.

Chaiton M, Pienkowski M, Musani I, Bondy S, Cohen J, Dubray J, Eissenberg T, Kaufman P, Stanbrook M, Schwartz R. Smoking, e-cigarettes and the effect on respiratory symptoms among a population sample of youth: Retrospective cohort study. Tob Induc Dis 2023;21:08.


Rédaction

Benoit Lasnier, conseiller scientifique
Patrick Luyindula, conseiller scientifique spécialisé
Alfreda Krupoves, conseillère scientifique spécialisée
Léa Gamache, conseillère scientifique
Annie Montreuil, conseillère scientifique
Équipe tabagisme
Direction du développement des individus et des communautés

Coordonnateur
Benoit Lasnier
Direction du développement des individus et des communautés

Réviseur
Thomas Paccalet, chef d’unité Produits et substances psychoactives
Direction du développement des individus et des communautés

Révision linguistique
Sophie Michel, agente administrative
Direction du développement des individus et des communautés

Ce document est disponible intégralement en format électronique (PDF) sur le site Web de l’Institut national de santé publique du Québec au : http://www.inspq.qc.ca.

Les reproductions à des fins d’étude privée ou de recherche sont autorisées en vertu de l’article 29 de la Loi sur le droit d’auteur. Toute autre utilisation doit faire l’objet d’une autorisation du gouvernement du Québec qui détient les droits exclusifs de propriété intellectuelle sur ce document. Cette autorisation peut être obtenue en formulant une demande au guichet central du Service de la gestion des droits d’auteur des Publications du Québec à l’aide d’un formulaire en ligne accessible à l’adresse suivante : http://www.droitauteur.gouv.qc.ca/autorisation.php ou en écrivant un courriel à : [email protected].

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