Veille analytique portant sur l'alcool, volume 3, numéro 2, septembre 2025

Cette veille est destinée en premier lieu aux acteurs du réseau de santé publique québécois. Les publications scientifiques recensées sont choisies pour leur pertinence au regard de la réduction des risques et de la prévention des méfaits liés à la consommation d’alcool.

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Politiques publiques

Contenu de codes QR sur les boissons alcoolisées : une mesure de santé publique?

Mise en contexte

L’étiquetage de l’alcool est souvent envisagé comme une mesure pouvant contribuer à ce que les consommateurs fassent des choix éclairés lors de l’achat, particulièrement lorsqu’ils contiennent des renseignements sur le produit comme sa teneur en alcool, les ingrédients, des informations nutritionnelles ou encore des mises en garde quant aux effets de la consommation d’alcool sur la santé. 

Dans la sphère politique européenne, des discussions sont en cours sur les avantages et les inconvénients d’une modalité spécifique, soit l’étiquetage digital par l’entremise de codes QR. 

Objectif

Cette étude visait à évaluer la présence de codes QR sur les étiquettes des boissons alcoolisées dans un échantillon de détaillants d’alcool situés dans 13 pays européens, en plus de se pencher sur les informations qui y figurent.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Au total, 34 magasins situés dans 25 villes de 13 pays européens ont été visités d’avril à septembre 2024 dans le but de constituer un échantillon de boissons alcoolisées. Des bières, vins et spiritueux ayant une teneur en alcool supérieure à 1,2 % ont été sélectionnés. Les résultats montrent que : 

  • Parmi les 1815 produits collectés, 31 % comportaient un code QR, les vins étant ceux où l’on en retrouve le plus fréquemment (37 %), suivis par les spiritueux (31 %) et les bières (23 %).
  • La proportion de produits contenant un code QR variait de 9 % à 44 %, selon les pays.
  • Les informations figurant généralement sur les sites Internet vers lesquels sont dirigés les consommateurs en cliquant sur le code QR concernent la boisson et la marque (46 %), les valeurs nutritives (42 %), les effets sur la santé (42 %) et les ingrédients (41 %).
  • Seulement 36 % des sites Internet exigeaient des vérifications de l’âge pour y accéder.
  • Seulement 2 % des codes QR se trouvaient à l’avant du contenant, la majorité étant placés à l’arrière. 

Conclusion et commentaire de la rédactrice 

En raison de la stratégie d’échantillonnage utilisée, les résultats de cette étude ne peuvent être généralisés.

Rendre disponibles des informations concernant les risques à la santé liés à la consommation d’alcool sur les contenants de boissons alcoolisées est vu comme une approche préventive efficace et stratégique. Elle est promue par maintes instances de santé publique. Le Bureau régional de l’OMS pour l’Europe (OMS/Europe), par exemple, recommande à ses pays membres d’en faire une mesure obligatoire. À l’instar des auteurs du présent article, l’OMS/Europe est cependant d’avis que l’apposition de codes QR constitue une stratégie de marketing adoptée par l’industrie plutôt qu’une mesure réelle de santé publique. La recommandation vise plutôt l’apposition d’étiquettes visibles en permanence sur les contenants de boissons alcoolisées1, à l’instar de ce qui est fait avec le tabac. Cette recommandation a aussi été proposée par le médecin-chef des États-Unis dans son dernier rapport. Celui-ci soulève aussi la pertinence de recourir à des messages rotatifs et accompagnés de pictogrammes2

Références citées: 
1World Health Organization. Regional Office for Europe (2025. Alcohol health warning labels: a public health perspective for Europe. 
2Surgeon General’s Advisory (2025). Alcool and Cancer Risk
Référence de l’article: 
Kokole, D., Neufeld, M., Correia, D., Rehm, J., Pettigrew, S., Paradis, C., ... & Tietz, S. (2025). Beyond the label: analyzing the presence and information behind the QR codes on alcohol containers in 13 European countriesInternational Journal of Drug Policy142, 104862. 

Communiquer les risques associés à l’usage d’alcool : quels messages rejoindraient le plus les jeunes adultes?

Mise en contexte

Plusieurs des risques à la santé associés à l’usage d’alcool, dont certains cancers, demeurent largement méconnus par la population, notamment par les jeunes. Pour ce qui est du tabac, l’apposition de mises en garde sur les effets à la santé est reconnue comme efficace pour augmenter leurs connaissances sur les risques, et motiver leur désir de prévenir et de cesser l’utilisation. Des études montrent que cela pourrait aussi être le cas en matière d’alcool. 

Objectif

L’objectif de l’étude est d’évaluer l’impact possible d’une variété de messages portant sur les effets de l’alcool sur la santé dans un échantillon de jeunes adultes.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Menée en 2022, cette étude a eu recourt à une partie expérimentale, menée auprès de 322 étudiants universitaires canadiens, et à un groupe de discussion, réalisé auprès de sept d’entre eux. Ce dernier visait à approfondir le contenu abordé dans le contexte de la partie expérimentale. La partie expérimentale impliquait de présenter aux participants six messages qui pourraient figurer sur les contenants d’alcool et portaient sur : 1) la quantité d’alcool pour une consommation à faible risque; 2) le risque de mortalité en lien avec les quantités d’alcool consommées; 3) la réduction de l’espérance de vie en lien avec les quantités d’alcool consommées; 4) la réduction du nombre de minutes de vie perdue par verre d’alcool standard consommé; 5) le message « buvez moins » (s’appuyant sur les nouveaux repères canadiens); et 6) les risques de cancers associés à l’alcool. L’étiquette contrôle transmettait le message : « célébrez la vie, buvez de manière responsable ».

En ce qui a trait à l’efficacité perçue par les participants, les résultats montrent que :

  • Les messages qui présentent de l’information concrète sur les risques associés à l’usage (p. ex. : cancers, réduction de l’espérance de vie) sont considérés plus efficaces que les messages plus abstraits, tels que celui à propos de ce que constitue une quantité d’alcool à faible risque.
  • Tous les messages sont jugés comme générant le plus d’impact possible sur les habitudes de consommation, en plus d’occasionner plus d’inconfort ou de malaise que le message « célébrez la vie, buvez de manière responsable ».
  • Tous les messages, sauf celui sur la consommation à faible risque, sont évalués comme étant plus clairs/explicites que le message « célébrez la vie, buvez de manière responsable ».
  • Le message sur les risques de cancer est celui considéré comme le plus informatif.
  • Le message « buvez moins » est celui qui est, globalement, jugé comme le plus pertinent par les participants, suivi par celui sur le nombre de minutes de vie perdue par verre standard et celui sur le risque de cancer.

En ce qui a trait aux connaissances des risques associés à la consommation d’alcool, deux résultats sont d’intérêt :

  • Moins de la moitié des participants ont associé certains cancers (du sein, de la gorge) comme une conséquence possible de la consommation d’alcool. La forte majorité est au fait que la consommation peut causer la cirrhose du foie (94 %) ou une pancréatite (86 %).
  • 15 % des participants avaient entendu parler des anciennes Directives de consommation d’alcool à faible risque, et 40 % avaient déjà entendu parler de la notion de « verre d’alcool standard ».

Conclusion et commentaire de la rédactrice

Une limite majeure de l’étude est l’impossibilité de généraliser les résultats à l’ensemble de la population, l’échantillon étant composé de jeunes adultes universitaires. 

Selon les participants, les messages portant sur les risques concrets à la santé sont ceux les plus susceptibles d’entraîner des changements dans l’usage. Étant donné que ces messages sont aussi ceux qui causent le plus de malaise ou d’inconfort, le message « buvez moins » a été identifié comme le plus utile pour la communication des risques. Recourir à des messages clairs et précis, qui envoient un message direct, semble essentiel, notamment dans l’optique de sensibiliser les jeunes adultes. 

Enfin, bien que les participants soient d’avis que certains messages pourraient entraîner une modification de leur consommation, les preuves de l’efficacité des mises en garde portent sur l’amélioration des connaissances quant aux effets de l’alcool plutôt que sur des changements dans les pratiques de consommation. 

Priore, I., Stockwell, T., Zhao, J., Goulet-Stock, S. 2025. Calling time on low-risk drinking guidelines: An evaluation of alternative methods to communicate risks of alcohol use to consumers. International Journal of Drug Policy, vol 138, 104764.

L’alcool au Québec : où en sommes-nous en matière d’inégalités quant à son accessibilité géographique? 

Mise en contexte

L’accessibilité géographique à l’alcool est un déterminant de l’usage reconnu. Plusieurs études démontrent aussi que les populations défavorisées sont plus exposées à l’alcool, et qu’elles subissent davantage les conséquences négatives liées à leur consommation que les populations plus favorisées, et cela, même si leur consommation est moindre. 

Objectif 

La présente étude a pour objectif de brosser un portrait de l’accessibilité géographique à l’alcool dans 15 villes québécoises en fonction du niveau de défavorisation sociale et matérielle, ainsi que du niveau de désavantage social. 

Qu’est-ce qu’on y apprend? 

L’étude a été menée en géolocalisant l’ensemble des points de vente (PV) d’alcool pour emporter et pour consommer sur place dans des villes qui regroupent 77 % de la population québécoise totale. L’évaluation du niveau de défavorisation et du désavantage social a été faite pour chacune des aires de diffusion (unité géographique comportant généralement entre 400 et 700 habitants, selon Statistique Canada; pour plus d’informations, voir https://www12.statcan.gc.ca/census-recensement/2021/ref/dict/az/definition-fra.cfm?ID=geo021) qui composent les villes à l’étude. L’Indice de Pampalon a été utilisé pour évaluer le niveau de défavorisation sociale (p. ex. : monoparentalité) et matérielle (p. ex. : revenus). Le niveau de désavantage social a été établi en s’appuyant sur l’Indice canadien de défavorisation multiple, composé de quatre dimensions (vulnérabilité situationnelle, dépendance économique, composition ethnoculturelle et instabilité résidentielle).

Les résultats montrent que le nombre de PV d’alcool pour emporter est supérieur à celui pour consommer dans toutes les villes de l’étude. Néanmoins, l’alcool n’est pas accessible de manière uniforme sur l’ensemble du territoire québécois :

  • Le nombre de PV pour emporter est plus élevé dans les milieux défavorisés au niveau matériel que dans ceux qui ne le sont pas.
  • Inversement, le nombre de PV pour consommer sur place est supérieur dans les milieux les plus favorisés au niveau matériel, en comparaison avec ceux qui ne le sont pas.
  • L’alcool est plus accessible dans les milieux : 1) ayant une densité de population élevée ; 2) dans ceux où une proportion importante de la population est composée de jeunes adultes ; 3) dans ceux comportant une importante proportion de population immigrante ; et 4) dans ceux caractérisés par l’instabilité résidentielle.

Conclusion et commentaire de la rédactrice

Le fait de procéder à la géolocalisation des PV est utile pour visualiser les variations de l’accessibilité géographique aux échelles régionales. Mieux comprendre les spécificités d’un milieu donné au niveau sociodémographique peut permettre la mise en place de mesures qui sont adaptées à ce milieu, augmentant ainsi les effets possibles de celles-ci. Différentes mesures peuvent être mises en œuvre pour agir sur l’accessibilité géographique. Les quotas, l’imposition de distances minimales entre les PV ou entre les PV et des lieux fréquentés par les jeunes, en sont des exemples. L’importance d’ajuster les interventions — notamment en termes d’intensité — est soulevée par les auteurs.

Plus concrètement, la géolocalisation des PV peut permettre aux autorités provinciales de développer des seuils maximums d’accessibilité, ou encore, planifier des interventions de prévention mieux ciblées auprès des populations les plus vulnérables. Les autorités municipales peuvent aussi y recourir afin d’établir des règlements de zonage et des plans d’urbanisme adéquats, visant la création d’environnements favorables à la santé.

Sersli, S., Chavez, J. A. J., Longo, S., Apparicio, P., & Shareck, M. (2025). Socio-spatial inequalities in alcohol outlet availability: Evidence from register data in 15 urban areas in Québec, CanadaInternational Journal of Drug Policy137, 104732.

Déterminants socio-comportementaux

L’association entre l’activité physique et la consommation excessive d’alcool dans la population générale suisse

Mise en contexte

L’activité physique est reconnue pour ses bénéfices multiples sur la santé, tant physique que mentale. Elle apparait même protectrice contre l’usage de plusieurs substances psychoactives, notamment lors de l’adolescence. Pour l’alcool, toutefois, les preuves disponibles suggèrent une relation complexe entre ces deux variables. Les recherches récentes indiquent que le contexte (p. ex. activités personnelles, travail, sport compétitif, etc.) dans lequel l’activité physique prend place joue un rôle important dans cette relation. La pertinence de prendre en compte les patrons de consommation est aussi soulevée. 

Objectif

L’étude vise à évaluer l’association entre différents contextes d’activité physique (1- sport ou exercice, 2- pratique de loisirs impliquant une activité physique de faible intensité, comme la marche ou le jardinage), et le recours à des pratiques de consommation plus risquées pour la santé, soit la consommation excessive quotidienne et la consommation excessive épisodique. La consommation excessive quotidienne fait référence à la consommation d’une quantité moyenne d’au moins 20 mg d’alcool pur par jour pour les femmes, et d’une quantité moyenne d’au moins 40 mg pour les hommes. La consommation épisodique excessive réfère à la consommation d’au moins 40 mg d’alcool pur pour les femmes, et de 50 mg pour les hommes au cours d’une même occasion, au moins une fois au cours du dernier mois.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

L’étude est basée sur les données des participants âgés de 18 ans et plus de l’Enquête suisse sur la santé de 2017 (n = 17 328). L’association est modérée par tranche d’âge et contrôlée pour un ensemble de variables liées à l’activité physique ou à la consommation d’alcool.

Les principaux résultats montrent que : 

  • La consommation excessive épisodique d’alcool est plus fréquente que la consommation excessive quotidienne (15 % c. 5 %).
  • La consommation excessive quotidienne est positivement associée au temps alloué à l’activité physique de plus faible intensité dans le cadre des loisirs.
  • La consommation excessive épisodique est associée positivement avec l’activité physique de plus forte intensité, et associée négativement avec l’activité physique dans le cadre des déplacements.
  • La direction de l’association entre la consommation excessive épisodique et les sports ou l’exercice de plus forte intensité est variable selon le groupe d’âge concerné. En effet, une association positive est observée chez les jeunes individus (18 à 35 ans) et les plus âgés (75 ans et plus), alors qu’une association négative est plutôt observée chez ceux âgés de 35 à 45 ans (neutre chez les 45 à 75 ans). 

Conclusion et commentaire de la rédactrice

La méthodologie employée ne permet pas d’établir de relations de causalité entre l’activité physique et les comportements de consommation d’alcool plus risqués. Les résultats suggèrent une relation complexe entre ces variables. 

Les différences observées entre les groupes d’âge dans la relation entre les activités de plus forte intensité et la consommation excessive épisodique d’alcool sous-tendent des motifs socio-environnementaux différents. Par exemple, le sport apparait comme protecteur seulement chez les 35 à 45 ans, ce qui pourrait être attribuable à des facteurs comme les responsabilités parentales. Dans d’autres cas, des motifs comme la gratification, la socialisation ou le besoin de décompresser pourraient être communs à la fois à la consommation d’alcool et à la pratique d’activités physiques. Plus de connaissances portant sur de tels motifs semblent être souhaitables afin de mieux orienter les interventions préventives.

Deligianni, M.L., Struder, J., Bertholet, N. 2025. Unraveling the Relationship Between Physical Activity and Unhealthy Alcohol Use in the General Population: A Cross-Sectional Study. Substance Use & Addiction Journal. Vol. 46(3), pp 654-664.


Rédaction

Jacinthe Brisson, conseillère scientifique 
Axelle Marchand, conseillère scientifique  
Audrey Kamwa Ngne, conseillère scientifique 
Unité Produits et substances psychoactives 
Direction du développement des individus et des communautés

Sous la coordination de :
Olivier Bellefleur, chef d’unité scientifique 
Unité Produits et substances psychoactives
Direction du développement des individus et des communautés

Révision linguistique : 
Sarah Mei Lapierre, agente administrative 
Direction du développement des individus et des communautés

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Cette veille est réalisée grâce à la participation financière du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec (MSSS).