Veille scientifique : lutte contre le tabagisme, volume 12, numéro 3, octobre 2022
Dans ce numéro thématique portant sur la prévention du vapotage en milieu scolaire :
- Un processus d’implantation rapide d’une intervention de prévention du vapotage
- Une intervention visant à réduire l’intimidation et les comportements agressifs en milieu scolaire contribue à diminuer l’usage de la cigarette électronique chez les élèves
- Les effets d’un programme court de prévention du vapotage en milieu scolaire
- La collaboration de la santé publique dans la prévention de l’usage de substances psychoactives en milieu scolaire
- Les avantages d’identifier des pairs leaders afin de mener une intervention de prévention du vapotage en milieu scolaire
Dans cette veille, l’équipe tabagisme sélectionne et résume les publications scientifiques récentes qu’elle juge les plus pertinentes au travail des acteurs du réseau de santé publique œuvrant dans le domaine de la lutte contre le tabagisme.
Prévention du vapotage en milieu scolaire
Un processus d’implantation rapide d’une intervention de prévention du vapotage
Contexte
En 2014, le programme CATCH My Breath (CMB) a été développé afin d’enrayer l’engouement pour la cigarette électronique chez les jeunes. Le besoin urgent de prévenir la dépendance à la nicotine justifiait le recours à une stratégie de diffusion rapide de cette intervention. Une étude pilote réalisée dans 12 écoles au Texas a démontré une efficacité prometteuse de ce programme (voir le numéro de veille de mai 2020) (Kelder et collab., 2020).
Objectif
Décrire les principales étapes du développement de l’intervention CMB et la stratégie utilisée pour sa diffusion rapide.
Qu’est-ce qu’on y apprend?
CMB a été développé par des chercheurs universitaires en partenariat avec une organisation spécialisée dans le déploiement de programmes d’éducation à la santé en milieu scolaire. Étant donné l’absence de données probantes sur la prévention du vapotage à l’époque de sa conception, ce programme s’est appuyé sur les meilleures pratiques des interventions de prévention du tabagisme. Il s’adresse à des élèves de la 6e à la 8e année et peut être administré en classe, seul ou comme composante d’une intervention plus large. Il vise notamment l’amélioration des connaissances sur les risques du vapotage et le renforcement des habiletés à résister à la pression des pairs.
Cinq facettes du programme ont été mises de l’avant auprès des décideurs du milieu scolaire afin de les encourager à l’adopter :
- L’intervention répond à des besoins spécifiques du milieu non comblés par les autres programmes (avantage relatif);
- Elle est en adéquation avec les lignes directrices institutionnelles d’éducation à la prévention et elle s’intègre au cursus scolaire (compatibilité);
- Elle a été conçue, et bénéficie d’ajustements, par des intervenants du milieu scolaire (complexité);
- Elle est facilement accessible, notamment en ligne, ce qui permet de pouvoir tester le programme à coût nul ou quasi nul (possibilité d’essai);
- Son apprentissage par les élèves peut être observé (observabilité).
Les chercheurs se sont inspirés de la théorie de la diffusion des innovations pour accélérer l’implantation du programme à grande échelle (Rogers, 2003). Les neuf étapes de mise en place d’une intervention ont été compressées et adaptées pour cibler le segment de la population le plus susceptible de faire avancer le déploiement. Ces étapes ont consisté à :
- Identifier les innovateurs préoccupés par la hausse de prévalence du vapotage chez les jeunes afin de les convaincre d’essayer le programme CMB, puis de l’endosser;
- Promouvoir le programme auprès des adopteurs précoces et partager les recommandations des innovateurs à la suite du projet pilote par l’entremise de présentations dans des conférences, de kiosques, de webinaires, de sites internet et dans les médias sociaux;
- Démontrer aux membres de la majorité précoce la faisabilité et l’efficacité préliminaire du programme à l’aide de l’évaluation du projet pilote;
- Convaincre la majorité tardive d’adopter le programme en proposant des incitatifs, et en diffusant les succès du programme et ses retombées positives dans les médias locaux et par l’entremise des adopteurs précoces et de la majorité précoce;
- Se fier aux politiques publiques et aux pressions des organisations locales pour convaincre les retardataires.
Après quatre ans, le programme était implanté dans plus de 4 000 écoles, 70 000 enseignants avaient été formés et 1 400 000 élèves avaient été rejoints, dont 1 000 000 au courant de la quatrième année, couvrant environ 25 % de cette population aux États-Unis. Les auteurs rappellent que le financement est nécessaire pour le déploiement de programmes à grande échelle, mais que de petits montants peuvent aller loin lorsqu’ils sont utilisés au bon moment. L’évaluation du programme à partir d’un essai contrôlé randomisé est en cours et les résultats devraient être disponibles en 2024.
Une intervention visant à réduire l’intimidation et les comportements agressifs en milieu scolaire contribue à diminuer l’usage de la cigarette électronique chez les élèves
Contexte
Cette étude présente les résultats d’analyses post hoc réalisées à partir des données de l’essai contrôlé randomisé INCLUSIVE en Angleterre, une étude effectuée sur trois ans qui portait sur les effets de l’intervention Learning Together en milieu scolaire. Learning Together consiste en la formation des membres du personnel scolaire sur les pratiques restauratives, la conduite de groupes d’action scolaire, ainsi que l’enseignement aux élèves d’un curriculum portant sur l’intimidation et l’agressivité. L’objectif de Learning Together est de modifier les environnements scolaires, d’instaurer des pratiques restauratives en cas d’intimidation ou d’agression et de favoriser le développement de compétences sociales et émotionnelles chez les élèves.
Les principaux résultats de l’étude, rapportés dans la prestigieuse revue The Lancet en 2018, indiquaient que l’intervention avait contribué à réduire l’intimidation, le tabagisme, l’usage d’alcool ainsi que l’usage de drogues sur une période de trois ans chez les élèves des 20 écoles ayant participé à l’intervention par rapport à ceux des 20 écoles non participantes (Bonell et collab., 2018). Afin de vérifier si l’intervention avait généré d’autres effets que ceux considérés dans le devis de recherche, une seconde analyse des données a été réalisée par les auteurs. Un des aspects considérés dans cette nouvelle étude est l’effet de l’intervention sur l’usage de la cigarette électronique chez les élèves.
Objectifs
À partir des données de l’essai contrôlé randomisé, les auteurs ont conduit des analyses supplémentaires permettant d’examiner la présence d’effets de l’intervention à 24 et 36 mois sur la cyberintimidation, l’observation de comportements agressifs à l’école, la perpétration de comportements agressifs à l’intérieur ou à l’extérieur de l’école, le sentiment de sécurité à l’école, la réception de mesures disciplinaires à l’école, l’absentéisme et, finalement, l’usage de la cigarette électronique.
Quarante écoles du sud de l’Angleterre et un total de 6 667 élèves âgés de 11 ou 12 ans lors de la collecte de données initiale ont participé à l’étude, pour un taux de participation de 94 %.
Qu’est-ce qu’on y apprend?
- Comparativement aux écoles n’ayant pas participé à l’intervention, de plus faibles taux d’usage de la cigarette électronique ont été détectés dans les écoles participantes à 24 mois (rapport de cotes (RC) = 0,60 (IC 95 % : 0,43-0,83); p = 0,002) et à 36 mois (RC = 0,59 (IC 95 % : 0,42-0,82; p = 0,002).
- De plus faible taux de victimisation par cyberintimidation (RC = 0,77 (IC 95 % : 0,61-0,98; p = 0,035) ont également été observés à 24 mois, mais non de perpétration d’actes de cyberintimidation.
- À 36 mois, des taux réduits de perpétration d’actes de cyberintimidation (RC = 0,65 (IC 95 % : 0,48-0,88); p = 0,005), d’absentéisme (RC = 0,64 (IC 95 % : 0,49-0,84); p = 0,001), de perpétration de comportements agressifs à l’intérieur ou à l’extérieur de l’école (différence de moyennes (DM) = -0,031, IC 95 % : -0,056-0,006; p = 0,016) et de réception de mesures disciplinaires (DM = -0,320, IC 95% : -0,480-0,150; p ˂ 0,001) ont été observés dans les écoles participantes comparativement aux écoles du groupe contrôle.
- Les effets de l’intervention sur l’usage de cigarette électronique à 24 et 36 mois étaient plus importants chez les garçons que chez les filles, de même que les effets sur la perpétration de cyberintimidation à 24 mois et la réception de mesures disciplinaires à 24 et 36 mois.
Les résultats de l’étude suggèrent que l’intervention Learning Together, en agissant à l’échelle de l’environnement scolaire plutôt qu’individuelle, est parvenue à influencer de manière favorable plusieurs problématiques, dont l’usage de la cigarette électronique, l’absentéisme et la réception de mesures disciplinaires. Bien que l’étude ait été réalisée en Angleterre, pays où les contextes législatifs et socioculturels diffèrent de ceux du Canada en ce qui concerne la perception de la cigarette électronique et l’encadrement de son usage, il n’en demeure pas moins intéressant de noter qu’une intervention visant principalement à agir sur les actes d’intimidation ou d’agressions en milieu scolaire ait pu générer un impact bénéfique quant à la consommation de ce produit chez les élèves, et ce particulièrement chez les garçons, qui se retrouvent en plus forte proportion à vapoter que les filles dans la plupart des pays.
Parmi les limites de l’étude, notons qu’elle utilise un devis transversal à mesures répétées plutôt qu’un devis longitudinal étant donné qu’un certain nombre d’élèves ont changé d’école au cours de la période de trois ans prise en compte, ce qui empêche l’émission d’inférences causales quant à l’effet de l’intervention sur le comportement individuel. Mentionnons également que les écoles incluses dans l’étude devaient avoir obtenu la mention « amélioration requise » ou « inadéquat » à l’inspection de l’Office for Standards in Education, Children’s Services and Skills, ce qui signifie que les écoles ayant reçu une mention « exceptionnel » ou « bon » étaient exclues. Ainsi, il n’est pas possible de déterminer si l’effet de l’intervention par rapport à l’usage de la cigarette électronique serait également observé dans ces écoles.
Malgré ces limites, et en tenant compte du degré de complexité et des coûts associés à l’implantation dans une même école de multiples interventions portant chacune sur une problématique spécifique, il est important de constater que des gains de santé publique peuvent être obtenus à plusieurs niveaux à l’aide d’une seule intervention axée sur la transformation de l’environnement plutôt que le changement comportemental individuel.
Bonell C, Dodd M, Allen E, Bevilacqua L, McGowan J, Opondo C, Sturgess J, Elbourne D, Warren E, Viner RM. Broader impacts of an intervention to transform school environments on student behaviour and school functioning: post hoc analyses from the INCLUSIVE cluster randomised controlled trial. BMJ Open 2020;10:e031589.
Référence supplémentaire : Bonell C, Allen E, Warren E, McGowan J, Bevilacqua L, et collab. Effects of the Learning Together intervention on bullying and aggression in English secondary schools (INCLUSIVE): a cluster randomised controlled trial. Lancet 2018;392:2452-2464.
Les effets d’un programme court de prévention du vapotage en milieu scolaire
Contexte
Compte tenu de l’ampleur de la problématique du vapotage de nicotine chez les adolescents, des modèles d’intervention sont conçus par des organisations de manière à pouvoir être implantés et adaptés dans différents milieux scolaires. Parmi ces modèles se trouve une présentation de 30 minutes qui fait partie du Stanford Tobacco Prevention Toolkit, disponible en ligne gratuitement. L’étude dont il est question dans ce résumé porte sur cette intervention.
Objectif
En 2019, afin d’évaluer l’impact de cette intervention courte, 2 889 élèves de la 6e à la 12e année de 11 écoles en Alabama ont répondu à un questionnaire avant sa présentation et à nouveau, juste après celle-ci. Ce questionnaire évaluait les connaissances des élèves sur le vapotage, leurs perceptions et l’intention des élèves de faire usage de la cigarette électronique. La présentation, donnée par un professionnel de santé, portait sur les types de cigarette électronique, leur contenu, leurs effets sur la santé, la dépendance à la nicotine, etc. Une période de questions de 10 minutes suivait la présentation.
Qu’est-ce qu’on y apprend?
En comparant les réponses au questionnaire avant et après la présentation, les auteurs observent notamment :
- Une augmentation significative des connaissances sur la cigarette électronique à la suite de la présentation, soit une augmentation de 2 à 60 points de pourcentage des participants ayant répondu correctement, selon la question. Par exemple, 82 % des participants savaient après la présentation qu’une capsule de JUUL peut contenir 59 mg/ml de nicotine, comparativement à 22 % avant la présentation (p < 0,001). À noter que la vaste majorité des participants savaient déjà avant la présentation que la cigarette électronique contient de la nicotine (96 % avant et après la présentation).
- Un changement significatif dans la perception de la nocivité de la cigarette électronique, soit une augmentation de 3 à 21 points de pourcentage selon la question. Par exemple, 94 % des participants étaient d’avis après la présentation que l’aérosol de cigarette électronique n’est pas de la vapeur d’eau inoffensive, comparativement à 91 % avant la présentation (p < 0,001).
- Une augmentation de la perception que la cigarette électronique peut entraîner une forte dépendance (89 % après la présentation comparativement à 85 % avant la présentation [p < 0,001]).
- Une diminution de la proportion des participants ayant l’intention d’essayer la cigarette électronique (15 % comparativement à 18 % avant la présentation [p < 0,001]).
- Après la présentation, la probabilité d’avoir l’intention d’essayer la cigarette électronique était 36 fois plus élevée chez les participants qui avaient déjà l’intention d’essayer les cigarettes électroniques avant la présentation, et 1,5 fois plus élevée chez les élèves de 6e à 8e année (middle school) comparativement à ceux de 9e à 12e année (high school).
Étant donné que les connaissances, les perceptions et l’intention de vapoter des élèves après la présentation étaient fortement associées aux connaissances, aux perceptions et à l’intention qu’ils avaient déjà avant la présentation, les auteurs reconnaissent la nécessité de mettre en œuvre des programmes plus intensifs ou encore, des séances de rappel. Par ailleurs, comme les effets de l’intervention ont été mesurés immédiatement après celle-ci, nous ne savons pas s’ils se maintiendront dans le temps. Finalement, il est important de noter que les animateurs étaient des médecins ou des professionnels de santé publique détenant de l’expérience dans l’animation d’activités éducatives sur le tabac. Nous ne pouvons donc pas affirmer que cette présentation pourrait avoir les mêmes effets si elle était animée par des membres du personnel ne détenant pas ce type d’expérience.
La collaboration de la santé publique dans la prévention de l’usage de substances psychoactives en milieu scolaire
Contexte
La hausse de l’usage de substances psychoactives (SPA) chez les jeunes est préoccupante. Le milieu scolaire est un lieu privilégié pour rejoindre les jeunes pendant le développement de leurs croyances à l’égard des SPA. Les organismes de santé publique peuvent soutenir les écoles dans l’implantation des programmes de prévention de l’usage de SPA.
Objectif
Déterminer, à l’aide de modèles de régression logistique multiniveaux, l’impact de la participation des intervenants de santé publique locaux dans les programmes scolaires de prévention de l’usage de substances sur la prévalence d’usage des élèves.
Les données proviennent de l’étude COMPASS (cohorte sur l’obésité, la consommation de marijuana, l’activité physique, la consommation d’alcool, le tabagisme et le comportement sédentaire) recueillies en 2018-2019. Les participants forment un échantillon de convenance comprenant 42 149 élèves de la 9e à la 12e année provenant de 84 écoles secondaires : 61 en Ontario, 15 en Colombie-Britannique et 8 en Alberta.
La participation de la santé publique était déterminée par un membre de la direction de l’école et désignait toute forme de collaboration entre un organisme de santé publique local ou régional et l’école au cours des 12 mois précédents afin de promouvoir la santé physique et mentale des élèves. Les quatre types de participation étaient : 1) l’offre d’information, de ressources ou de matériel à l’école; 2) la résolution de problèmes conjointement avec l’école; 3) le développement et l’implantation de programmes ou d’activités en concertation avec l’école et 4) la responsabilité de la mise en œuvre de programmes, conjointement avec l’école ou non. L’usage actuel de substances psychoactives désignait avoir consommé au cours des 30 jours précédents. Plusieurs caractéristiques de l’environnement scolaire et sociodémographiques des élèves ont été considérées.
Qu’est-ce qu’on y apprend?
Près de sept écoles sur dix (67 %) ont rapporté recevoir du soutien de la santé publique pour la prévention du tabagisme ou du vapotage et 64 % pour la prévention de la consommation d’alcool ou de cannabis. Ce soutien prenait le plus souvent la forme d’offre d’information ou de ressources. Il n’y avait pas de différence significative entre les écoles recevant du soutien de la santé publique et celles n’en recevant pas quant à la prévalence d’usage de tabac ou de cigarette électronique des écoles.
Toutefois, lorsque les auteurs établissaient une distinction entre les écoles ayant une prévalence de tabagisme plus élevée et celles en ayant une moins élevée que la moyenne, un élève d’une école ayant une prévalence élevée où un intervenant de santé publique s’était investi avait moins de chance de fumer la cigarette qu’un élève d’une école ayant une prévalence élevée qui n’avait pas reçu de soutien (rapport de cotes ajusté = 0,79 (IC 95 % : 0,64, 0,99); p = 0,04).
En ce qui concerne les programmes de prévention visant la consommation d’alcool et de cannabis, la participation de la santé publique avait des effets non significatifs, et dans certaines circonstances, pouvait être associée à une probabilité plus élevée de faire usage d’alcool ou de cannabis.
Les auteurs suggèrent que les effets de la participation des acteurs de santé publique peuvent varier selon l’ampleur de l’usage de substances psychoactives préexistant dans une école, un constat appuyé par la littérature. Parmi les limites mentionnées par les auteurs, notons que la présente étude ne permettait pas de connaître la quantité et la qualité du soutien offert par la santé publique, et ne tenait pas compte de l’implication d’autres organisations, par exemple des intervenants en éducation ou des groupes communautaires. Mentionnons également qu’un seul cycle de l’étude longitudinale COMPASS a été considéré dans les analyses, ce qui empêche l’établissement de liens de causalité. L’INSPQ recommande la prudence avant de transposer les résultats de cette étude à la situation québécoise, notamment en raison de différences entre les provinces quant aux liens entre la santé publique et le système scolaire.
Les avantages d’identifier des pairs leaders afin de mener une intervention de prévention du vapotage en milieu scolaire
Contexte
Les données d’enquêtes montrent que l’usage de la cigarette électronique est en augmentation chez les adolescents. Plusieurs programmes d’intervention réalisés en milieu scolaire visent à prévenir et réduire l’usage chez les jeunes. Les auteurs de cette étude ont évalué la faisabilité et l’acceptabilité liées à l’implantation d’une intervention de prévention de l’usage des produits de vapotage prodiguée par des pairs leaders en milieu scolaire, ainsi que le processus d’identification de ces pairs leaders.
Objectif
Les auteurs ont élaboré, au cours de l’année scolaire 2019-2020, un essai contrôlé randomisé à partir d’un échantillon de convenance de 608 élèves de 6e année provenant de neuf écoles (dont deux se sont retirées en cours de route en raison de la pandémie) de la région de Pittsburgh aux États-Unis. L’étude avait pour but d’examiner la faisabilité, l’acceptabilité ainsi que la mise en œuvre d’un programme de prévention du vapotage administré par des pairs leaders identifiés à l’aide d’une analyse des liens sociaux. Cette méthode consiste à repérer les réseaux des élèves participants pour tenter de schématiser leurs relations sociales. Pour ce faire, les participants ont identifié à l’aide d’un questionnaire environ cinq personnes qu’ils considèrent comme leurs amis (moyenne = 3,9 amis; écart type = 1,4). Les individus les plus fréquemment nommés étaient par la suite choisis comme pairs leaders et affectés à quatre à six élèves pour leur prodiguer l’intervention. Tous les pairs leaders des écoles participantes ont été formés à l’aide du contenu de trois programmes de prévention du vapotage ou du tabagisme reconnus et basés sur des données probantes : CATCH My Breath; la trousse à outils de prévention de Stanford et les travaux en cours du programme scolaire Healthy Choices for Students School du UPMC Hillman Cancer Center.
Les écoles ont été aléatoirement assignées à l’une de ces trois conditions : 1) expert; 2) pair aléatoire (pairs leaders intervenant auprès d’élèves choisis au hasard); et 3) pair assigné (pairs leaders intervenant auprès des élèves qui les ont préalablement identifiés). Les élèves participants ont rempli un questionnaire sur l’intention d’utiliser la cigarette électronique et sur leur opinion en lien avec les pratiques de marketing des compagnies de produits de vapotage, avant et après l’intervention (pré- et post-test), ainsi qu’un questionnaire visant à évaluer leur appréciation de l’intervention. Les enseignants des classes participantes ont également été invités à répondre à une enquête anonyme en ligne sur l’acceptabilité et la faisabilité de l’intervention au sein de leur classe.
Qu’est-ce qu’on y apprend?
Faisabilité
- Les auteurs ont rapporté un taux de rétention de 97 % dans les écoles ayant complété l’étude avant la fermeture causée par la Covid-19, seulement 17 élèves sur 608 ayant choisi de ne pas participer à l’étude.
Acceptabilité
- Les élèves dirigés par des pairs – à la fois aléatoires et assignés – ont déclaré en plus grande proportion avoir eu du plaisir durant l’intervention comparativement à ceux dirigés par des experts (90 % et 88 % c. 80 %, p < 0,01). Ils ont également mentionné être davantage disposés à dire à leurs amis d’essayer le programme (88 % et 90 % c. 81 %, p < 0,05).
- Les résultats indiquent une satisfaction élevée chez les enseignants, qui ont indiqué que le programme était approprié pour le niveau scolaire (5/5 sur l’échelle de Likert), qu’ils seraient disposés à reconduire l’intervention dans leur classe (4,8/5 sur l’échelle de Likert), et que les pairs leaders travaillaient bien au sein de leur groupe (5/5 sur l’échelle de Likert).
Processus de mise en œuvre
- Les auteurs ont mentionné plusieurs obstacles lors du déploiement de l’intervention au sein des écoles participantes, tels que la fermeture des écoles en raison de la COVID-19, l’adaptabilité de l’intervention aux différents horaires scolaires, les problèmes technologiques, ou encore les problèmes liés à la capacité des élèves à lire et comprendre l’intervention. Cependant, chaque problème a été identifié pour ensuite être résolu grâce à un processus d’évaluation continu mis en place au début de l’intervention.
Les auteurs démontrent, malgré un contexte de pandémie, que les interventions dirigées par les pairs leaders identifiés grâce au processus d’analyse des liens sociaux semblent réalisables et appréciées autant par les élèves que le corps enseignant. Cette étude présente néanmoins certaines limites importantes qui rendent ses résultats peu généralisables, notamment la petite taille échantillonnale, l’hétérogénéité des écoles (certaines incluent la 6e année au niveau primaire et d’autres au niveau secondaire), ainsi que toutes les barrières liées à l’implantation de l’intervention (absence des pairs leaders, erreurs liées à la logistique, etc.).
Rédaction
Benoit Lasnier
Annie Montreuil
Léa Gamache
Alfreda Krupoves
Zineb Khalladi
Équipe tabagisme
Direction du développement des individus et des communautés
Coordonnateur
Benoit Lasnier
Collaboratrice
Michèle Tremblay
Réviseur
Thomas Paccalet
Mise en page et révision
Marie-Cloé Lépine
Direction du développement des individus et des communautés
L’inclusion des articles présentés dans ce bulletin de veille ne signifie pas leur endossement par l’Institut. Le jugement professionnel demeure essentiel pour évaluer la valeur de ces articles pour votre pratique. Cette veille a été réalisée grâce à la participation financière du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec (MSSS).