8 octobre 2013

Cartographie du potentiel d’émission de radon sur le territoire de la province du Québec; présentation d’une approche basée sur l’utilisation d’indicateurs radiogéochimiques

Résumé scientifique
Le texte qui suit est le résumé d’une publication scientifique (ou d’une étude) n’ayant pas été réalisée par l’Institut national de santé publique du Québec. Cette analyse critique ne peut donc pas être considérée comme la position de l’Institut. Son objectif est de porter à l’attention des lecteurs des éléments récents de la littérature scientifique, et ce, sous un éclairage critique découlant de l’expertise des auteurs du résumé.
Auteur(s)
Patrick Poulin
Ph. D., conseiller scientifique spécialisé, Direction de la santé environnementale et de la toxicologie, Institut national de santé publique du Québec

Mise en contexte

Le radon est un gaz radioactif d’origine naturelle provenant de la désintégration de l’uranium présent en faible concentration dans la majorité des substrats géologiques. Ce gaz peut s’infiltrer et s’accumuler aux étages inférieurs des bâtiments érigés sur des horizons géologiques susceptibles d’émettre du radon. Il existe un large consensus dans la communauté scientifique à l’effet que l’exposition au radon dans les bâtiments est une cause potentielle de cancer du poumon qui peut être contrôlée. C’est dans cette conjoncture que le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), en collaboration avec l’Institut national de santé publique (INSPQ) et l’Institut national de recherche scientifique (INRS) ont convenu de dresser un portrait des zones à fort potentiel d’émission de radon afin d’y prioriser les interventions. Ce résumé d’article décrit la première étape d’une nouvelle approche cartographique de type SIG (système d’information géographique) développée par ces partenaires.

Méthodologie

Dans les années 90, certaines études avaient permis de confirmer l’utilité des données géologiques pour déterminer des zones d’intervention prioritaire au Québec (i.e. secteurs présentant un potentiel d’exposition plus élevé pour le radon qu’ailleurs en province). Bien que très peu de mesures de radon en milieu intérieur étaient disponibles à l’époque, des corrélations ont pu être établies entre certaines variables de nature géologique et la concentration en radon domiciliaire. Dans la poursuite de ces travaux, les auteurs de l’article « An approach to define potential radon emission level maps using indoor radon concentration measurements and radiogeochemical data positive proportion relationships » ont cherché à démontrer que certains relevés géologiques récents pouvaient constituer de bons indicateurs de la concentration de radon en milieux intérieurs. Ainsi, les auteurs ont tenté d’établir une mesure d’association (relations de proportionnalité positives ou RPP) entre :

  1. les relevés d’émission gamma aéroportés (exprimé en équivalent uranium : eU);
  2. les mesures de concentration en uranium des sédiments de lacs et de ruisseaux;
  3. la composition du sous-sol (présence de formations géologiques propices et de barrières constituées de dépôts meubles argilo-silteux) pour chacune des 1 417 mesures de radon en milieux intérieurs disponibles.

Les valeurs (discrètes et continues) des 3 indicateurs retenus ont été discrétisées (ou séparées) en classes significativement distinctes les une des autres. Pour chacune des classes de valeurs définies, l'hétérogénéité statistique a été validée sur la base d’analyses de variance.

Résultats

Les auteurs rapportent que 18 % des bâtiments situés dans des zones où l’intensité du rayonnement gamma issu du sol est équivalent à 0,75 ppm (équivalente uranium; eU) ont des concentrations en radon supérieures à 150 Becquerel par mètre cube d’air (Bq/m3). Cette proportion augmente à 33 % dans les zones où l’intensité du rayonnement gamma se situe entre 0,75 parties par millions (ppm) et 1,25 ppm et dépasse 40 % lorsque l’intensité atteint 1,25 ppm. De plus, les auteurs indiquent que lorsque la concentration en uranium des sédiments de lacs et de ruisseaux atteint 20 ppm, la moyenne géométrique de la concentration en radon dans l’air intérieur des bâtiments atteint 215 Bq/m3. Dans ces zones, plus de 50 % de bâtiments considérés dépassaient la ligne directrice fédérale sur le radon de 200 Bq/m3. Les auteurs ont également démontré que les potentialités d’émission de radon sont significativement plus élevées sur les territoires où l’on retrouve des unités géologiques riches en uranium (shales noirs, roches ignées acides/intermédiaires, carbonatites) non recouverte par des dépôts superficielle de faible perméabilité (silts et argiles quaternaires).

Conclusion

Ces travaux ont permis aux auteurs de démontrer la fiabilité des indicateurs géologiques présentés pour définir les zones de forte potentialité d’émission de radon sur le territoire du Québec. À la suite de cette première étape, les auteurs proposent de développer un modèle géostatistique visant à combiner ces indicateurs afin de produire une carte des potentialités d’émission du radon. L’approche indirecte envisagée permettra de définir les potentialités d’émission de radon de secteurs pour lesquels très peu de mesures de radon dans l’air intérieur sont actuellement disponibles. Les relations RPP observées se préciseront avec l’ajout de nouvelles données. Selon les auteurs, ces travaux contribueront à mieux évaluer l’exposition au radon par la population établie dans les différentes régions du Québec et à définir les interventions les plus appropriés afin de limiter celle-ci.

Source :

Drolet, J.-P., Martel, R., Poulin, P., Dessau, J.-C., Lavoie, D., Parent, M., Lévesque, B. (2013) An approach to define potential radon emission level maps using indoor radon concentration measurements and radiogeochemical data positive proportion relationships. J. Environ Radioact. doi: 10.1016/j.jenvrad.2013.04.006. Epub 2013 May 6. www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/23660346