12 mars 2015

Comportements en lien avec l’exposition aux rayons ultraviolets chez les adolescents au Québec en 2012-2013

Article
Auteur(s)
Magalie Canuel
M. Sc., conseillère scientifique, Direction de la santé environnementale et de la toxicologie, Institut national de santé publique du Québec
Marie-Christine Gervais
M. Sc., conseillère scientifique, Institut national de santé publique du Québec

Analyse de données d'enquête

Les données présentées dans cet article proviennent d’un encart inséré dans l’« Enquête sur le tabagisme chez les jeunes 2012-2013 ». Cet encart porte spécifiquement sur les comportements et les croyances à l’égard des rayons ultraviolets. Les données ont été fournies par la Société canadienne du cancer - Division du Québec. Cette dernière n’est pas responsable des analyses ni de l’interprétation des résultats présentés dans cet article.

L'analyse des données d'enquête et la rédaction de cet article ont bénéficié de la contribution financière du ministère de la Santé et des Services sociaux.

Introduction

Le principal facteur associé au cancer de la peau est l’exposition au rayonnement ultraviolet (UV). Le soleil est la principale source de rayons UV à laquelle est exposée l’humain. Le rayonnement UV se subdivise en rayons UVA, UVB et UVC. Les rayons UV qui atteignent la terre sont des UVA (environ 95 %) et des UVB (environ 5 %) tandis que les rayons UVC sont entièrement bloqués par la couche d’ozone stratosphérique[1].

Les rayons UV ont des effets sur la peau qui diffèrent selon la longueur d’onde des rayons. Un des effets visibles des rayons UVA est le bronzage qui apparait de 48 à 72 heures après l’exposition. Une exposition excessive aux rayons UV peut occasionner des coups de soleil majoritairement causés par les rayons UVB[1, 2]. Les effets à long terme associés à l’exposition aux rayons UV sont le photoviellissement, la cataracte et les troubles immunologiques. Ces effets peuvent survenir chez les personnes de tous les types de peau, même chez celles à la pigmentation foncée[3]. Les rayons UVA et UVB peuvent endommager l’ADN et ainsi, contribuer au développement d’un cancer de la peau[1, 2, 4].

Il existe trois types de cancer de la peau soit le mélanome, le carcinome basocellulaire et le carcinome spinocellulaire. Le mélanome est le plus sérieux et son taux de mortalité est élevé[5]. Le nombre de cas incidents de mélanome à l’échelle mondiale a été estimé à 232 000 en 2012[6]. Selon des estimations de la Société canadienne du cancer, 5 500 Canadiens ont reçu un diagnostic de mélanome en 2010 et 1 019 Canadiens en sont décédés en 2009[7]. Les deux autres types de cancer de la peau ont des taux de mortalité plus faibles, mais sont les plus fréquemment diagnostiqués[1, 5]. Au Canada, environ 76 100 personnes auront reçu un diagnostic de cancer de la peau autre que le mélanome en 2014 et 440 Canadiens en seront décédés[7, 8].

Les cancers de la peau sont en augmentation depuis les dernières décennies, et ce, dans la majorité des pays occidentaux, incluant le Canada[5, 9]. Cette augmentation des cancers de la peau peut s’expliquer par une augmentation de l’exposition au soleil, par le faible recours aux méthodes de protection solaire ou l’utilisation inappropriée de ces méthodes et par l’utilisation d’appareils de bronzage[10, 11]. D’ailleurs, le risque de développer un mélanome est plus élevé (35 %) lorsque l’on commence à utiliser des appareils de bronzage avant l’âge de 25 ans comparativement à une utilisation débutant après 25 ans (11 %)[12]. Avoir eu un coup de soleil à un jeune âge est un autre facteur de risque de développer un mélanome[10]. Le risque de développer un cancer de la peau dépend aussi de facteurs génétiques (ex. : phototype cutané), géographiques (ex. : latitude), culturels (ex. : habitudes vestimentaires) et immunitaires de même que de l’amincissement de la couche d’ozone[5].

Les comportements d’exposition aux rayons UV dès l’enfance sont des facteurs déterminants de la prévalence des cancers de la peau d’où l’importance d’encourager l’adoption de mesures de protection solaire tôt dans la vie. Le Programme national de santé publique 2003-2012 propose de déployer des activités d’information et de sensibilisation auprès de la population afin de protéger les enfants de 0 à 18 ans contre les rayons UV, et ce, de concert avec les partenaires[13].

La présente étude s’inscrit dans ce contexte. Son but est d’estimer la prévalence de l’adoption de mesures de protection solaire, de la recherche de bronzage et des coups de soleil ainsi que de documenter les croyances en lien avec le bronzage chez les adolescents. Cet article s’adresse aux intervenants du réseau de la santé et des services sociaux et aux acteurs qui agissent en prévention du cancer de la peau. Ces derniers pourront adapter les programmes de prévention et les interventions ciblant les adolescents à partir des constats de la présente étude.

Les données proviennent d’un encart sur les comportements et les croyances à l’égard des rayons UV qui a été ajouté à l’Enquête canadienne sur le tabagisme chez les jeunes réalisée en 2012-2013. Au Québec, 5 880 élèves de 6e année et de la 1re à la 5e année du secondaire, ont répondu au questionnaire format papier. Cette enquête est représentative de 476 215 élèves au Québec. Les intervalles de confiance à 95 % sont présentés sur les graphiques. L'expression « n’étant pas blanc » a été utilisée pour identifier les élèves qui se décrivent comme étant soit noir, asiatique, aborigène, latino-américain, hispanique ou autre.

Résultats

Protection solaire

Chez les élèves de 6e année et du secondaire, les filles appliquent plus souvent de la crème solaire (52 %) et portent plus souvent des lunettes de soleil (47 %) que les garçons (32 % et 29 % respectivement). Les garçons portent plus souvent un couvre-chef (32 %) et des vêtements protecteurs (25 %) que les filles (14 % et 14 % respectivement) (Figure 1a).

En général, les élèves du secondaire de 15 ans et plus font moins usage des mesures de protection solaire. Chez ce groupe d’âge, l’application de crème solaire, le port d’un couvre-chef ou de vêtements protecteurs y est significativement plus faible que chez les 12 ans et moins. L’adoption des autres comportements (recherche l’ombre, lunettes de soleil) ne diffère pas significativement selon l’âge (Figure 1b).

L’origine ethnique est aussi un facteur qui influence l’utilisation de méthodes de protection solaire (données non présentées). Les élèves qui se décrivent comme étant blancs appliquent plus souvent de la crème solaire (43 %) et portent plus souvent des lunettes de soleil (39 %) comparativement aux autres élèves (36 % et 33 % respectivement). Ce sont les élèves qui se décrivent comme n’étant pas blancs qui, plus souvent, recherchent l’ombre (39 %), portent un couvre-chef (28 %) et des vêtements protecteurs (25 %) comparativement aux élèves qui se décrivent comme étant blancs (23 %, 22 % et 18 % respectivement).

Figure 1 - Proportion des élèves de 6e année et du secondaire qui utilise, toujours ou souvent, une méthode de protection solaire lors d'une exposition de 30 minutes ou plus au soleil en été, Québec, 2012-2013

a) Selon le sexe

b) Selon l’âge

La crème solaire est généralement appliquée de manière inappropriée (couche trop mince, non uniforme) comparativement aux tests effectués en laboratoire, fournissant ainsi seulement le tiers de la protection indiquée par le fabricant[3, 14].

Pour être efficaces, les lunettes de soleil doivent bloquer de 99 % à 100 % des rayons UVA et UVB[15].

Le degré de protection contre le soleil des vêtements dépend notamment du type de tissu utilisé, de sa couleur et de son épaisseur[14].

Recherche de bronzage

Chez les élèves de 6e année et du secondaire en 2012-2013, la proportion des élèves qui ont essayé au moins une fois d'obtenir ou de conserver leur bronzage est d’environ 53 %. Cette proportion est considérablement plus élevée chez les filles (68 %) que chez les garçons (37 %). Elle est aussi plus élevée chez les élèves de 3e, 4e et 5e secondaire (57 %) et chez ceux qui se décrivent comme étant blancs (55 %) que chez les autres élèves (48 % et 35 % respectivement).

La recherche de bronzage augmente avec l’âge. Cette proportion passe d’environ 54 % chez les filles de 12 ans et moins à 73 % chez celles de 15 ans et plus tandis que chez les garçons, elle passe de 29 % à 40 % respectivement.

Environ 50 % des élèves de 6e année et du secondaire se seraient exposés au soleil au cours de la dernière année soit pour obtenir un bronzage ou soit pour le conserver. Environ 3 % des élèves ont utilisé les lits de bronzage et moins de 1 % ont utilisé une autre méthode (ex. : lotion autobronzante).

Il est à noter que la proportion de personnes n’ayant pas répondu aux questions sur la recherche de bronzage est élevée (9 %). Les questions pourraient avoir été mal comprises et les proportions seraient probablement biaisées.

Figure 2 - Proportion des élèves de 6e année et du secondaire qui ont essayé au moins une fois d'obtenir ou de conserver leur bronzage au cours de la dernière année, Québec, 2012-2013

a) Selon le sexe, l’âge, le niveau scolaire et l’origine ethnique

b) Selon l’âge et le sexe

c) Selon la ou les méthodes utilisées

Une peau bronzée est une peau endommagée même lorsque le bronzage s’estompe[16].

En 2009, l'Organisation mondiale de la Santé a classé les lits de bronzage dans la plus haute catégorie de risques de cancer, soit dans la même catégorie que le tabac et l’amiante[4].

Les personnes qui ont déjà utilisé un appareil de bronzage artificiel augmentent leur risque de développer un mélanome de 16 %[12].

Coup de soleil

Environ un élève sur cinq a eu le coup de soleil le plus sérieux de sa vie soit lorsqu’il participait ou assistait à des activités récréatives organisées (20 %) soit lorsqu’il jouait dehors (19 %). Pour ces deux circonstances d’exposition, les proportions diffèrent selon l’âge, le niveau scolaire et l’origine ethnique.

Un peu moins de 16 % des élèves ont eu leur coup de soleil le plus sérieux de leur vie lorsqu’ils étaient assis ou étendus au soleil. Les coups de soleil obtenus dans ce contexte surviennent plus souvent chez les filles (21 %), chez les élèves de 15 ans et plus (19 %) et chez ceux de 3e, 4e, et 5e secondaire (18 %) que chez les garçons (10 %), les élèves âgés de moins de 15 ans (13 %) et les élèves de la 6e année au 2e secondaire (13 %). Cette proportion est aussi plus élevée chez les élèves qui se décrivent comme étant blancs (17 %) comparativement aux autres élèves (8 %).

Environ 5 % des élèves ont eu leur coup de soleil le plus sérieux à vie dans le cadre d’un emploi à l’extérieur. Ces coups de soleil sont plus fréquents chez les élèves de 15 ans et plus (8 %) et chez les élèves de 3e, 4e, et 5e secondaire (8 %) comparativement aux autres élèves (2 % et 2 % respectivement).

Environ 3 % des élèves ont eu leur coup de soleil le plus sérieux de leur vie lors d’une autre activité. Par ailleurs, seulement 10 % des élèves n’ont jamais eu de coup de soleil au cours de leur vie. Environ 27 % des élèves qui se décrivent comment n’étant pas blancs n’ont jamais eu de coup de soleil comparativement aux autres élèves (7 %).

Il est à noter que la proportion d’élèves qui n’ont pas répondu à cette question sur les coups de soleil est élevée (28 %). Il est possible que cette question ait posé problème aux élèves (ex. : mémoire), ce qui a pu sous-estimer la prévalence réelle des coups de soleil d’autant plus que la question portait sur les coups de soleil reçus au cours de la vie.

Figure 3 - Proportion des élèves de 6e année et du secondaire qui ont eu leur plus sérieux coup de soleil à vie selon l’activité réalisée lorsqu’ils l’ont reçu, Québec, 2012-2013

a) En participant ou en assistant à des activités récréatives organisées

b) En jouant dehors

c) Assis ou étendus au soleil

d) Dans le cadre d’un emploi à l’extérieur

Croyances

Un peu moins de la moitié (43 %) des élèves de 6e année et du secondaire croient qu’ils sont plus attirants lorsqu’ils sont bronzés, soit 44 % chez les garçons et 43 % chez les filles (Figure 4).

Cette proportion d’élèves qui se perçoivent plus attirants lorsqu’ils sont bronzés augmente avec l’âge, avec le niveau scolaire et atteint environ 49 % chez les élèves de 15 ans et plus ainsi que chez les élèves de 3e, 4e et 5e secondaire.

Les élèves qui se décrivent comme étant blancs (45 %) sont en plus grande proportion en accord avec le fait que le bronzage les rend plus attirants comparativement aux autres élèves (36 %).

Figure 4 - Proportion des élèves de 6e année et du secondaire qui sont, fortement ou assez en accord, à l’effet que le bronzage les rend plus attirants, Québec, 2012-2013

Discussion

Protection solaire

L’adoption de mesures de protection contre le soleil est recommandée par différentes organisations afin de prévenir les cancers de la peau. Le ministère de la Santé et des Services sociaux, la Société canadienne du cancer et l’Association canadienne de dermatologie recommandent à la population de porter des vêtements protecteurs, incluant un chapeau et des lunettes de soleil, de rechercher l’ombre durant les heures où le soleil est le plus intense (entre 11 h et 16 h) et d’appliquer généreusement un écran solaire à large spectre avec un FPS de 30 ou plus[17, 19].

Selon la littérature, les filles adopteraient généralement davantage de mesures de protection contre le soleil que les garçons[3]. La présente étude montre des résultats similaires. En effet, la proportion de filles qui adoptent au moins une des 5 méthodes de protection solaire à l’étude est significativement plus élevée (77 %) que chez les garçons (68 %). Toutefois, elle montre aussi que certaines méthodes sont plus fréquemment utilisées chez les garçons telles que les vêtements protecteurs et le couvre-chef, alors que le port de lunettes de soleil et l’application de crème solaire sont des méthodes privilégiées chez les filles.

L’adoption de comportements de protection contre le soleil varie aussi selon l’âge. Chez les élèves québécois, l’adoption de méthodes de protection contre le soleil diminue généralement avec l’âge, particulièrement l’application de crème solaire, le port de vêtements protecteurs et de couvre-chef. Dans une étude de cohorte menée aux États-Unis auprès d’élèves de 5e année, les auteurs ont estimé que la proportion d'élèves qui appliquent de la crème solaire lorsqu’ils sont 6 heures ou plus au soleil diminue considérablement lorsque les mêmes élèves ont été interrogés 3 ans plus tard[20]. Coogan et collab. (2001) ont observé dans leur enquête auprès de 25 000 enfants et adolescents qu’à partir de 14 ans, l’utilisation régulière de la crème solaire était 50 % plus faible que chez les jeunes de 10 ans[21]. En comparant avec les résultats d’une autre étude chez les adultes (16 ans et plus) au Québec, l’application de crème solaire est plus faible chez les jeunes adultes de 16 à 24 ans que chez les adolescents, mais le port de vêtements protecteurs et d’un couvre-chef est à son plus faible chez les adolescents[22]. Les adolescents peuvent être peu enclins à porter des vêtements longs en été comme mesure de protection, notamment pour des raisons associées à la mode et à la pression ressentie par leurs pairs[23] ce qui peut expliquer un plus grand recours à la crème solaire chez les filles de notre étude. Les célébrités, les icônes de la mode et de l’industrie du divertissement peuvent influencer le comportement des adolescents par les vêtements et les accessoires qu’ils portent[3].

Les élèves qui se décrivent comme n’étant pas blancs adoptent en moins grande proportion la crème solaire, mais recherchent l’ombre plus souvent que les élèves qui se décrivent comme étant blancs, ce qui a aussi été observé dans la population aux États-Unis[24, 25].

Une limite importante de la présente étude, et d’un bon nombre d’enquêtes sur la protection solaire, est qu’elle ne permet pas de déterminer l’efficacité des méthodes utilisées par les adolescents pour se protéger. Par exemple, les vêtements n’offrent pas tous le même degré de protection contre les rayons UV et la crème solaire doit être appliquée uniformément et abondamment afin d’obtenir la protection indiquée par le fabricant[14]. Des études ont déjà démontré que les adolescents utilisaient inadéquatement la crème solaire et les autres méthodes de protection solaire[3, 14]. Un rappel sur l’utilisation adéquate des méthodes de protection contre le soleil est présenté à la fin de ce texte.

Recherche de bronzage

Chez les élèves de 6e année et du secondaire, ce sont principalement les filles qui recherchent le bronzage et cette proportion augmente avec l’âge. Elle passe d’environ 54 % chez les filles de 12 ans et moins1, à 73 % chez les filles de 15 ans et plus2 ce qui représente la plus forte proportion dans la population québécoise. En effet, le National Sun Survey de 2006 estimait à 51 % la proportion de femmes québécoises âgées entre 16 à 24 ans recherchant le bronzage. Cette proportion diminuait ensuite à moins de 40 % chez les 25 ans et plus[22]. Il est à noter qu’il s’est écoulé 6 ans entre la présente enquête et celle réalisée en 2006 chez les adultes. Par conséquent, les comparaisons entre ces deux études doivent être faites avec prudence.

La proportion d’élèves ayant utilisé les appareils de bronzage artificiel a été estimée à 3 % en 2012-2013 au Québec. Ce sont principalement les filles qui utilisent cette méthode (5 %) et les élèves de 15 ans et plus (4 %) (données non présentées). Une méta-analyse internationale a permis d’estimer la prévalence moyenne de l’utilisation d’appareils de bronzage au cours des 12 derniers mois chez les adolescents américains à environ 10 %, variant entre 4 % et 16 % selon l’étude. Cette même étude estimait une prévalence moyenne plus élevée en Australie et en Europe (18 % et 36 % respectivement)[26]. Au Québec, une loi est entrée en vigueur en février 2013 interdisant l’utilisation d’appareils de bronzage par les mineurs[27], soit en même temps que la collecte des données de cette enquête. La proportion d’élèves utilisant des appareils de bronzage estimée en 2012-2013 (3 %) au Québec est considérablement inférieure à celle estimée avant l’entrée en vigueur de cette loi. À titre de comparaison, en 2012-2013, elle était estimée à environ 4 % chez les élèves du secondaire de 15 ans et plus3 (données non présentées) tandis qu’en 2011, elle était estimée à 10 % chez les Québécois âgés entre 15 et 17 ans[28]. Les résultats de l’étude de 2011 sont d’ailleurs similaires à ceux de la méta-analyse chez les adolescents américains (10 %)[26]. Puisque la Loi sur le bronzage a été adoptée en juin 2012 et est entrée en vigueur en février 2013[27], il se peut que les prévalences plus faibles obtenues dans la présente enquête en 2012-2013 résultent en partie de la sensibilisation entourant l’adoption de cette loi.

Coup de soleil

Les coups de soleil causent des dommages à la peau. Avoir eu un coup de soleil pendant l’enfance ou à l’adolescence est un facteur de risque de carcinome basocellulaire et de mélanome. Une méta-analyse de 51 études a estimé que le risque de développer un mélanome cutané est presque doublé chez les personnes qui ont déclaré avoir eu un coup de soleil durant l’enfance[14, 29].

Dans la présente enquête, la question sur les coups de soleil permet uniquement d’estimer la prévalence au cours de la vie plutôt que la prévalence au cours des 12 derniers mois. Environ 62 % des élèves de 6e année et du secondaire au Québec ont eu au moins un coup de soleil au cours de leur vie. Cette prévalence est probablement sous-estimée. D’ailleurs, la proportion de personnes qui n’ont pas répondu à cette question est élevée (28 %).

Des données plus précises sur la prévalence des coups de soleil chez les adolescents au Québec sur une période de 12 mois permettraient de mieux estimer leur risque de mélanome.

Selon la littérature, l’exposition au soleil chez les adolescents surviendrait principalement dans le cadre d’un emploi rémunéré à l’extérieur chez les garçons et lors d’activités récréatives chez les filles[3], ce qui les rend plus susceptibles aux coups de soleil lors de ces activités. D’ailleurs, nos résultats démontrent que les adolescents québécois ont eu leur coup de soleil le plus important en majorité lors d’activités récréatives, aussi bien chez les garçons que chez les filles. Chez les garçons, un coup de soleil lors d’activités professionnelles était plus fréquent que chez les filles.

Croyances

Au Québec, environ 43 % des élèves de 6e année et du secondaire croient qu’ils sont plus attirants lorsqu’ils sont bronzés. Cette proportion augmente avec le niveau de scolarité et avec l’âge à environ 50 % chez les élèves de 3e, 4e et 5e secondaire et chez les élèves de 15 ans et plus. Similairement, dans une étude de cohorte chez les élèves de 5e année d’une ville au Massachusetts, 53 % des élèves ont rapporté aimer avoir un bronzage. Cette proportion augmentait à 66 % chez les mêmes élèves, 3 années plus tard[20]. Certaines études montrent que des campagnes publicitaires peuvent renforcer l’idée que les personnes sont plus attirantes lorsqu’elles sont bronzées[30]. L’influence externe comme celles des pairs et des médias est le facteur le plus prédictif de la recherche de bronzage chez les adolescents[31].

Des études chez les adolescents ont montré que, malgré leur bonne connaissance de l’association entre l’exposition aux rayons UV et le cancer de la peau, ces derniers ne modifiaient pas pour autant leurs comportements de bronzage (au soleil ou artificiel) et n’avaient pas non plus l’intention de les changer[32, 33]. En fait, pour les adolescents la possibilité de développer un cancer de la peau ne pèse pas nécessairement lourd dans la décision de se protéger davantage des rayons UV ou de moins s’y exposer, en comparaison avec les effets bénéfiques perçus du bronzage sur leur apparence. Mettre plutôt l’accent dans les interventions sur le vieillissement prématuré de la peau semble une avenue à privilégier[34, 35]. Une revue systématique récente a montré que les interventions utilisant la photographie UV4 avaient un effet significatif sur l’augmentation de l’intention de se protéger du soleil et sur l’augmentation de la susceptibilité perçue en lien avec le photovieillissement[36]. À noter que la majorité des élèves rejoints par ces études sur la photographie UV et le photovieillissement étaient âgés entre 18 et 21 ans.

Pistes d’intervention destinées aux adolescents

L’incidence des cancers de la peau peut être diminuée en limitant l’exposition aux rayons UV[5]. Puisque le mélanome est une forme de cancer qui prend plusieurs années à se développer, l’impact des stratégies visant une diminution de l’incidence ou de la mortalité pour un cancer de la peau peut parfois être mesuré seulement 20 ans après l’implantation de ces stratégies[3]. De plus, la modification d’un comportement est complexe et graduelle, et ce, à tout âge[3]. Ainsi, des efforts de santé publique constants sont nécessaires pour sensibiliser les jeunes sur les risques liés à l’exposition aux rayons UV naturel et artificiel et pour faire la promotion de l’utilisation des bonnes méthodes de protection solaire.

De plus en plus, des interventions en prévention des cancers de la peau ciblent les adolescents alors que de 1990 à 2005, les interventions dans la littérature internationale et au Québec étaient majoritairement destinées à la prévention chez les jeunes d’âge primaire[37]. L’article de Johnson et collab. (2009), propose 15 recommandations issues d’un consensus d’experts quant au développement d’une stratégie de marketing social en protection solaire qui s’adresserait aux adolescents[38]. Certaines de ces recommandations sont particulièrement justifiées par les résultats obtenus dans le cadre de cette analyse :

  • Promouvoir l’efficacité personnelle à la protection solaire des adolescents en leur montrant comment la protection solaire peut faire partie intégrante de leur mode de vie et de leurs choix vestimentaires en offrant des stratégies pour intégrer cette habitude à la routine;
  • Comprendre ce qui entre en compétition avec les comportements de protection solaire, notamment la norme sociale et les attitudes positives en faveur du bronzage. Développer des stratégies pour contrecarrer ces « compétiteurs »;
  • Adapter le message et les stratégies d’intervention selon l’âge, le sexe et l’origine ethnique et mettre l’emphase sur les bénéfices perçus à la protection solaire tout en diminuant les barrières rencontrées;
  • Implanter des programmes de protection à plusieurs stades de l’adolescence, surtout dans les périodes de transition, par exemple entre la 6e année du primaire et l’entrée au secondaire;
  • Utiliser une variété de canaux pour rejoindre les jeunes afin de renforcer la diffusion du message. Bien que la télévision ait encore un impact, ne pas oublier que les jeunes sont de grands utilisateurs des médias sociaux.

D’autres enquêtes, reconduites fréquemment, seront nécessaires pour documenter l’adoption de comportements de protection solaire et le niveau de connaissance des effets à la santé associés à l’exposition au rayonnement UV chez les adolescents. Dans le cadre de ces enquêtes, il faut privilégier les questions qui mesurent un comportement sur une période de 12 mois ou au cours d’un été plutôt que le comportement à vie. Il faut aussi s’assurer que les questions soient bien comprises, ce qui ne semblait pas toujours être le cas dans la présente étude. Il faudrait aussi ajouter des questions sur le nombre moyen d’heures passées au soleil pour obtenir un portrait encore plus complet des comportements chez les adolescents ainsi que des questions visant à déterminer l’efficacité des mesures de protection adoptées par les adolescents.

Conclusion

L’adolescence est une période au cours de laquelle les comportements changent considérablement et rapidement. Cette étude a justement permis d’observer des changements de comportements avec l’âge, dont une diminution de l’adoption des comportements de protection contre le soleil et une augmentation de la recherche de bronzage. Ainsi, des interventions qui ciblent les adolescents au Québec sont nécessaires. Celles-ci devraient se dérouler sur plusieurs années scolaires en vue de renforcer le message. En plus de sensibiliser les élèves sur les comportements de protection à adopter, il est primordial de travailler à changer certaines croyances erronées en lien avec le bronzage notamment celle qui veut qu’une peau bronzée soit synonyme de beauté.

Rappel sur les méthodes de protection solaire

Il existe différentes méthodes pour réduire l’exposition aux rayons UV et elles devraient être utilisées par tous, peu importe la couleur de la peau, et ce, même lors d’une journée nuageuse de même qu’en hiver. L’utilisation de plusieurs de ces mesures en même temps est à privilégier[1, 14, 29] :

  • Rechercher l’ombre et éviter une exposition directe au soleil entre 11 h et 16 h;
  • Porter des vêtements protecteurs :
    Le degré de protection contre le soleil des vêtements dépend du type, de la structure, de la couleur et de l’épaisseur du tissu. Les tissus à maille serrée offrent une plus grande protection tandis que les vêtements mouillés perdent de leur efficacité. Certaines substances peuvent être ajoutées à des détergents ou assouplisseurs afin d’augmenter l’effet protecteur des vêtements. De plus, certains vêtements sont dotés d’un facteur de protection solaire. Privilégier les chapeaux à larges rebords plutôt que les casquettes qui couvrent moins le visage, la nuque et les oreilles. Pour être efficaces, les lunettes de soleil doivent bloquer au moins 99 % des rayons UVA et UVB.
  • Éviter les lits de bronzage;
  • Appliquer de la crème solaire :
    La crème solaire doit avoir un indice FPS d’au moins 30 et être à large spectre (bloque les UVA et UVB). Elle doit être appliquée sur toutes les parties du corps qui ne sont pas protégées par des vêtements, 30 minutes avant l’exposition au soleil et elle doit être appliquée de nouveau toutes les deux heures ou après une forte transpiration ou des activités aquatiques. Il faut porter une attention particulière aux oreilles, à la nuque et aux pieds. Pour obtenir la protection indiquée sur l’emballage, il faut appliquer la crème solaire uniformément et abondamment sur le corps, soit au moins 2 mg/cm2 de crème. Son efficacité peut-être diminuée lorsqu’elle est appliquée en combinaison avec un produit antimoustique.

Certains groupes doivent être encore plus vigilants lorsqu’ils s’exposent au soleil, soit les personnes qui prennent une médication ayant un effet photosensibilisant, celles à la peau claire, aux yeux bleus ou aux cheveux blond ou roux, celles qui ont des naevi atypiques ou en grand nombre et les personnes qui ont un historique familial de cancer de la peau.

  1. À noter que l’étude a été réalisée chez les élèves de 6e année et du secondaire. Ainsi, la catégorie « 12 ans et moins » est majoritairement constituée d’élèves âgés entre 11 et 12 ans.
  2. Une faible proportion (2 %) des élèves du groupe de « 15 ans et plus » ont plus de 18 ans.
  3. En moyenne, les élèves terminent leur secondaire à 17 ans, donc le groupe d’âge « 15 ans et plus » serait majoritairement constitué d’élèves âgés entre 15 et 17 ans.
  4. Une technologie qui montre les zones endommagées par les rayons UV, parfois invisibles à l’œil nu.

Références

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