Administration des IgIV en post-exposition contre la rougeole chez les personnes immunodéprimées et les femmes enceintes considérées non protégées

Avis du Comité sur l'immunisation du Québec

Question du GAV

Dans l’avis du CIQ sur la prophylaxie post-exposition contre la rougeole des personnes qui ne peuvent être vaccinées(1), le GAV avait mentionné que l’ACIP définissait les personnes avec immunodéficience grave pour qui l’administration des IgIV était recommandée : « Ces personnes sont les personnes avec greffe de moelle jusqu’à 12 mois après la fin du traitement immunosuppresseur et plus longtemps pour ceux qui ont développé une réaction greffon contre l’hôte, les patients avec leucémie lymphocytique aiguë pendant et jusqu’à 6 mois après la fin du traitement chimiothérapeutique immunosuppresseur, les patients atteints du VIH ou du SIDA qui ont moins de15 % de CD4 (tout âge) ou un décompte de CD4 de < 200 lymphocytes/ml (âgés de > 5 ans) et ceux qui n’ont pas reçu le vaccin RRO depuis qu’ils ont reçu une thérapie antirétrovirale efficace(2) ».

Toutefois, le CIQ n’avait pas retenu l’idée de définir le degré d’immunodéficience dans sa réponse.

Considérant le nombre de plus en plus élevé de personnes immunodéprimées dans la population (en raison de la disponibilité grandissante de thérapies immunodépressives), la complexité, les risques et la lourdeur entourant l’administration des IgIV, telle que décrite dans l’avis du CIQ et expérimentée dans certaines régions, le CIQ est-il d’accord pour restreindre l’administration des IgIV aux personnes immunodéprimées répondant aux critères de sévérité définis par l’ACIP, en post-exposition contre la rougeole?

Réponse

Le CIQ n’est pas d’accord pour limiter l’administration des IgIV aux personnes immunodéprimées répondant aux critères de sévérité définis par l’ACIP. Le document de l’ACIP n’explique pas les raisons scientifiques de sa sélection des groupes de patients visés et cette recommandation exclut des patients atteints de pathologies comme la leucémie myéloïde aiguë (LMA) qui cause une immunosuppression aussi sévère que celles nommées dans l’avis de l’ACIP.

Le Protocole sur l’immunisation du Québec, dans sa section « Vaccinologie pratique; immunodépression », définit les différentes pathologies et traitements médicaux qui diminuent l’immunité d’un individu(3). Ces patients peuvent être divisés en trois groupes, à l’image de ce qui a été fait par Public Health England pour l’élaboration de leurs recommandations de prophylaxie post-exposition contre la rougeole(4) :

A. Patients avec absence ou quasi-absence de système immunitaire fonctionnel. Cela inclut :

a. Patients qui ont reçu une greffe de moelle osseuse dans les derniers 12 mois;

b. Patients avec immunodéficience primaire sévère.

Recommandation

Ces patients devraient recevoir des IgIV et il n’est pas nécessaire de leur faire de sérologie recherchant les anticorps contre la rougeole

B. Patients avec immunodépression importante. Cette catégorie inclut :

a. Patients qui reçoivent ou qui ont complété une chimiothérapie immunosuppressive pour une leucémie lymphoblastique aiguë (LLA);

b. Patients avec une maladie lymphoproliférative incluant les cancers hématologiques comme un lymphome indolent, une leucémie ou un lymphome à cellules plasmatiques;

c. Patients qui ont reçu une transplantation d’organe solide;

d. Patients qui ont reçu une greffe de moelle osseuse depuis plus de 12 mois;

e. Patients qui reçoivent ou ont reçu depuis moins de 12 mois des thérapies biologiques susceptibles d’enlever l’immunité contre la rougeole (seules ou combinées avec des stéroïdes). Cette période peut être raccourcie lorsqu’une thérapie biologique a un effet de plus courte durée;

f. Patients avec un diagnostic de syndrome d’immunodéficience acquise (SIDA).

Recommandation

Ces patients devraient avoir une sérologie recherchant les anticorps contre la rougeole et recevoir des IgIV dans les 7 jours suivant l’exposition si le résultat est négatif ou s’ils ne peuvent avoir de sérologie en temps opportun

C. Tous les autres patients immunodéprimés.

Recommandation

Sont considérés immuns et n’ont pas besoin de sérologie ou d’IgIV, les patients qui remplissent une des conditions suivantes :

a. Né avant 1970;

b. Preuve médicale de rougeole;

c. A déjà eu sérologie + pour la rougeole;

d. A reçu deux doses de vaccin contre la rougeole.

Tous les autres patients devraient avoir une sérologie recherchant les anticorps contre la rougeole et recevoir des IgIV dans les 7 jours suivant l’exposition si le résultat est négatif ou s’ils ne peuvent avoir de sérologie en temps opportun.

Patientes enceintes

Le risque de complications et de décès dus à la rougeole est élevé chez les femmes enceintes sans immunité préalable contre la rougeole. La fiche technique sur la gestion des cas et des contacts de rougeole recommande l’administration d’immunoglobulines en post-exposition aux femmes enceintes non vaccinées ou qui n’ont eu qu’une seule dose de vaccin contre la rougeole(5). Ces femmes devraient avoir une sérologie recherchant les anticorps contre la rougeole et recevoir des IgIV dans les 7 jours suivant l’exposition si le résultat est négatif ou si elles ne peuvent avoir de sérologie en temps opportun.

Accès au test sérologique de détection des anticorps anti-rougeoleux

L’administration d’IgIV est un processus lourd, coûteux, qui requiert du personnel spécialisé et qui est peu accessible. La sérologie permet de minimiser l’utilisation inutile des IgIV. Cependant, pour qu’elle soit réalisable, il est essentiel que l’accès à un test de détection d’anticorps sériques IgG contre la rougeole soit disponible dans l’ensemble des régions du Québec et que les résultats puissent être obtenus en moins de 24 heures. Le CIQ recommande que le test de détection d’anticorps sérique IgG contre la rougeole soit accessible partout au Québec et que les laboratoires s’assurent de pouvoir fournir le résultat du test en moins de 24 heures.

Besoin de recherche

La capacité de se défendre contre la rougeole des personnes qui ont fait une rougeole dans le passé et qui prennent des thérapies biologiques est mal connue. S’il était possible de documenter que les personnes nées avant 1970 qui prennent tout type d’agent biologique sont porteuses d’anticorps contre la rougeole, ceci simplifierait beaucoup la gestion des contacts de cas de rougeole. Le CIQ encourage donc fortement la réalisation d’une étude qui évaluerait la séroprévalence des anticorps contre la rougeole chez les patients qui prennent des thérapies biologiques.

Références

  1. Comité sur l’immunisation du Québec. (CIQ). Avis no Rougeole / 2015 / 108, Québec, Institut national de santé publique du Québec, 2015, 5 p.
  2. Advisory Committee on Immunization Practices (ACIP). Prevention of Measles, Rubella, Congenital Rubella Syndrome, and Mumps, 2013: Summary Recommendations of the Advisory Committee on Immunization Practices (ACIP) MMWR June 14, 2013 / 62(RR04);1-34.
  3. Erickson LJ, De Wals P, Farand L. An analytical framework for immunization programs in Canada. Vaccine. 31 mars 2005;23(19):2470‑6.
  4. Ministère de la Santé et des Services sociaux. Protocole d’immunisation du Québec [En ligne]. https://www.msss.gouv.qc.ca/professionnels/vaccination/protocole-d-immu….
  5. Plotkin SA, Orenstein WA, Offit PA. Vaccines. Sixth Edition. Philadelphia : Saunders Elsevier; 2012. 1550 p.
Avis court du CIQ nº : Rougeole / 2020 / 162
Date de réception de la demande d'avis : 21 mai 2019
Demandeur : GAV
Date de production de l'avis : Février 2020
Avis discuté par le CIQ le : 19 septembre 2019 et 20 février 2020
Avis approuvé par le CIQ le : 10 septembre 2020

Auteur : Gaston De Serres, Nicholas Brousseau

Collection : Avis courts du CIQ

Date de publication : 22 septembre 2020