L'intimidation vécue par les personnes de la diversité sexuelle et de genre

Faits saillants

  • Les personnes de la diversité sexuelle et de genre sont plus à risque d’être victimes d’intimidation que les personnes hétérosexuelles et cisgenres en raison des préjugés qui les ciblent. Néanmoins elles ne forment pas un groupe homogène et certains sous-groupes sont davantage à risque.
  • Les personnes de la diversité sexuelle et de genre peuvent vivre de l’intimidation à différents stades de leur vie. Cette intimidation peut prendre ancrage dans différents préjugés qui peuvent découler de l’hétérocisnormativité, un système hiérarchique ancré dans la binarité des genres et des orientations sexuelles.
  • Si plusieurs décennies de recherche ont permis de documenter l’intimidation vécue par les personnes lesbiennes, gaies ou bisexuelles, ce n’est que plus récemment que des recherches permettent de documenter l’intimidation vécue par les personnes trans, non binaires ou en questionnement.

Portrait de l’intimidation et de la cyberintimidation vécues par les personnes de la diversité sexuelle et de genre

Les termes en caractère gras sont définis dans le glossaire. Pour une liste plus exhaustive de définitions, consulter le lexique sur la diversité sexuelle et de genre du Bureau de lutte contre l’homophobie et la transphobie.

L’expression « personnes de la diversité sexuelle et de genre » réfère aux personnes qui ont une apparence corporelle, des conduites sexuelles, une orientation sexuelle ou une identité de genre non conforme à certaines normes culturelles sur la sexualité et le genre, notamment les normes liées à l’hétérocisnormativité1. Ces normes véhiculent l’idée que l’hétérosexualité, l’expression du genre dans une binarité où la masculinité et la féminité sont mutuellement exclusives et la correspondance entre l’identité de genre d’une personne et son sexe assigné à la naissance sont ce qui est attendu de la part de tous·tes. Malgré l’avancée des lois et l’évolution des mentalités, les personnes de la diversité sexuelle et de genre demeurent vulnérables à la stigmatisation, à l’intimidation et à d’autres types de violence2.

Le lien entre la stigmatisation des personnes de la diversité sexuelle et de genre et l’intimidation vécue 

La stigmatisation vécue par les personnes de la diversité sexuelle et de genre fait référence à la manière dont elles sont identifiées, étiquetées et dévalorisées en fonction de la façon dont elles se conforment ou non aux normes de genre prescrites socialement3. La stigmatisation peut ainsi découler de normes et croyances selon lesquelles l’hétérosexualité est la seule orientation sexuelle valide (hétéronormativité) et l’identité de genre doit correspondre au sexe assigné à la naissance (cisnormativité). De l’adhésion à ces normes découlent souvent des comportements et des attitudes négatives (p. ex. harcèlement, rejet, violence) liés à la stigmatisation à l’endroit d’une personne ou d’un groupe de personnes en fonction de l’orientation sexuelle réelle ou perçue (homophobie, biphobie) ou encore en fonction de son identité de genre ou d’un parcours d’affirmation ou de transition de genre (transphobie). Ces normes contribuent à augmenter le risque que les personnes de la diversité sexuelle et de genre soient victimes d’intimidation.

Les personnes de la diversité sexuelle et de genre sont plus à risque d’être victimes d’intimidation que les personnes hétérosexuelles ou cisgenres en raison des préjugés qui les ciblent. Néanmoins elles ne forment pas un groupe homogène et certains sous-groupes sont davantage à risque.  

Selon l’Étude québécoise sur les rapports sociaux dans un contexte scolaire, de travail et dans la communauté (EQRS), 28 % des personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles ou d’une autre orientation qu’hétérosexuelle (LGB+) auraient vécu de l’intimidation ou de la cyberintimidation au moins trois fois par mois au cours des 12 mois précédant l’étude. Les personnes transgenres et non binaires seraient encore plus nombreuses (34 %) à rapporter avoir vécu de l’intimidation ou de la cyberintimidation4.

Les personnes de la diversité sexuelle ou de genre sont plus à risque d'être victimes d'intimidation que les personnes hétérosexuelles et cisgenres en raison des préjugés qui les ciblent.

Manifestations de l’intimidation subie par les personnes de la diversité sexuelle et de genre

L’intimidation hétérocisnormative envers des personnes de la diversité sexuelle et de genre peut se manifester de différentes manières. Il peut s’agir de gestes tels que :

  • Mégenrer une personne de manière intentionnelle.
  • Ne pas utiliser son ou ses pronoms d’usage.
  • Menacer de dévoiler son orientation sexuelle, son identité de genre ou son parcours trans.

L’intimidation peut également se manifester par des pressions faites sur une personne pour qu’elle change son orientation sexuelle, son identité de genre ou son expression de genre.


L’intimidation hétérocisnormative

L’intimidation vécue par les personnes de la diversité sexuelle et de genre découle pour une large part de l’hétérocisnormativité qui est un système de pensée faisant de l’hétérosexualité et de la correspondance entre l’identité de genre d’une personne et son sexe assigné à la naissance les normes à suivre. Elle s’actualise dans un ensemble de pratiques et de croyances qui justifient des violences basées sur l’identité de genre et l’expression de genre (transphobie) ou l’orientation sexuelle (homophobie, biphobie)5. Le modèle binaire du genre (homme-femme) et les stéréotypes de genre contribuent à la discrimination vécue par les personnes trans, les personnes non binaires et les personnes intersexes6.

Puisqu’elle peut viser ce qui se distingue de l’hétérocisnormativité ou être basée sur une orientation sexuelle ou une identité de genre présumée, l’intimidation hétérocisnormative peut affecter toute personne dont l’apparence ou le comportement ne se conforment pas aux stéréotypes de genre7. Elle ne vise donc pas uniquement les jeunes de la diversité sexuelle et de genre. À titre d’exemple, les jeunes dont l’expression de genre se distingue des stéréotypes de la masculinité et de la féminité sont plus à risque d’être pris·es pour cibles par les personnes auteures d’intimidation que les jeunes dont l’expression de genre est conforme aux stéréotypes de genre8,9, et ce, peu importe leur orientation sexuelle et leur identité de genre. Les conséquences de l’intimidation hétérocisnormative seraient sensiblement les mêmes pour les jeunes hétérosexuel·les qui sont victimes d’intimidation hétérocisnormative en raison de leur non-conformité de genre ou d’une orientation sexuelle présumée10.

Le fait que l’intimidation vécue par les personnes de la diversité sexuelle et de genre puisse prendre ancrage dans une norme sociale , implique qu’il faut aller au-delà des caractéristiques individuelles des personnes auteures d’intimidation pour mieux comprendre cette problématique et pouvoir la prévenir. Il faut s’intéresser à ce qui, dans la société, valorise de telles normes qui peuvent rendre acceptables dans certains milieux de telles attitudes et comportements négatifs11,12. Cela est d’autant plus important que la présence de ces normes dans un milieu peut constituer une barrière pour le dévoilement des situations d’intimidation et pour l’accès au soutien et aux servicesPichardo 2015 cité dans 11.

Pour connaître des ressources d’aide et des outils, consultez la page Aide et banque d’outils pour prévenir et contrer l’intimidation du site web du gouvernement du Québec.

Glossaire

Ces définitions sont tirées et adaptées de différentes sources13–18.

Biphobie : attitudes négatives pouvant mener à la discrimination, directe ou indirecte, des personnes bisexuelles ou à l’égard des personnes perçues comme telles.

Bisexuel·le : personne qui ressent de l’attirance romantique et/ou sexuelle pour les personnes du même genre qu’elle et d’un genre différent du sien (p. ex. attirance pour les hommes et les femmes). La notion de pansexualité (attirance pour une personne, peu importe le genre) est parfois associée à la bisexualité. Les attirances ou orientations sexuelles envers plusieurs genres sont aussi parfois regroupées sous l’expression plurisexualité. Les personnes plurisexuelles sont aussi parfois regroupées sous l’acronyme Bi+.

Cisgenre (cis) : personne dont l’identité de genre correspond au sexe qui lui a été assigné à la naissance.

Cisnormativité : système de normes et croyances qui renforce l’imposition de la modalité cisgenre comme seul mode de vie ou seule modalité de genre légitime. La cisnormativité se manifeste soit par l’effacement des personnes trans, soit par un préjugé favorable envers les personnes cisgenres, ou encore par ces deux prémisses.

Discrimination : fait de traiter une personne différemment (p. ex. la distinguer, l’exclure ou la préférer) en raison de ses caractéristiques personnelles et l’empêcher d’exercer ses droits.

Expression de genre : manière dont une personne exprime ouvertement son genre. Cela peut inclure ses comportements et son apparence, comme ses choix vestimentaires, sa coiffure, le port de maquillage, son langage corporel et sa voix.

Hétérocisnormativité : système hiérarchique, ancré dans la binarité des genres et des orientations sexuelles, dans lequel les personnes hétérosexuelles et cisgenres possèdent des privilèges et sont vues comme la norme. 

Hétéronormativité : affirmation de l’hétérosexualité comme un modèle normatif perpétué par l’ensemble des relations, actions, institutions et savoirs qui place l’hétérosexualité comme la norme à suivre en matière d’orientation sexuelle. L’hétéronormativité postule un système de genre binaire dans lequel les sexes masculin et féminin seraient complémentaires. Elle présuppose une concordance nécessaire entre le sexe assigné à la naissance, l’identité de genre et l’orientation sexuelle.

Homophobie : attitudes ou manifestations de mépris, de rejet, de haine ou de violence à l’endroit d’une personne ou d’un groupe de personnes en fonction de l’orientation sexuelle réelle ou perçue. On peut notamment décliner l’homophobie en lesbophobie, en gaiphobie ou en biphobie.  

Identité de genre : expérience intime et personnelle de son genre, qu’elle corresponde ou non au sexe assigné à la naissance. Une personne peut ainsi s’identifier au genre masculin, au genre féminin ou encore se situer entre ou à l’extérieur de ces deux pôles, et ce, indépendamment de son sexe assigné à la naissance.

Intersexe : personnes qui naissent avec des caractéristiques sexuelles (chromosomiques, gonadiques, hormonales ou génitales) qui ne correspondent pas aux critères médicaux binaires des corps masculins ou féminins.

Mégenrer : désigne l’utilisation de mots (noms, adjectifs et pronoms) qui ne correspondent pas au genre auquel une personne s’identifie.

Modalité de genre : expérience de genre d’une personne en relation (congruence ou incongruence) avec le sexe qui lui a été assigné à la naissance. Par exemple, une femme cis et une femme trans ont la même identité de genre (femme), mais elles n’ont pas la même modalité de genre (femme cisgenre et femme transgenre).

Orientation sexuelle : attirance romantique et/ou sexuelle pour différents genres (le même que le sien, différent du sien, plusieurs genres, aucun genre).

Non binaire : personnes dont l’identité de genre n’est pas entièrement féminine ou masculine et/ou qui ne se perçoivent pas comme homme ou femme. Ces personnes s’identifient peut-être avec l’un ou plusieurs des termes suivants : genderqueer, genderfluid, genre neutre, agenre, androgyne ou neutrois. Il se peut également qu’elles aient recours à d’autres d’expressions. Certaines personnes non binaires s’identifient comme étant trans, mais ce n’est pas toujours le cas.

Pronom d’usage : pronom qu’une personne souhaite qu’on utilise pour la désigner. Il permet également de communiquer son identité de genre aux autres. Une personne peut avoir un ou plusieurs pronoms d’usage, par exemple elle, il, iel et ul.

Stéréotypes de genre : caractéristiques arbitraires (fondées sur des idées préconçues) que l’on attribue à un groupe de personnes en fonction de leur sexe biologique.

Trans : terme parapluie qui englobe une diversité d’identités revendiquées par des personnes dont l’identité de genre ne correspond pas au genre assigné à la naissance. Il peut s’agir notamment de personnes transsexuelles, de personnes transgenres, de personnes queers, d’hommes ou de femmes avec un parcours trans, de personnes non binaires dans le genre. Selon le contexte, l’usage de ce terme est préféré à celui de personne transgenre ou transsexuelle, étant plus inclusif ou moins catégorisant.

Transgenre : personne dont le genre déclaré diffère du sexe assigné à la naissance (terme employé dans l’Étude québécoise sur les rapports sociaux dans un contexte scolaire, de travail et dans la communauté)

Transphobie : attitudes ou manifestations de mépris, de rejet, de haine ou de violence à l’endroit des personnes trans ou des personnes non conformes aux stéréotypes de la masculinité ou de la féminité, en présence ou en l’absence de celles-ci.

Références

  1. Laforest, J., P. Maurice et L. M. Bouchard (dir.) (2018). « Glossaire », dans Rapport québécois sur la violence et la santé, Québec, Institut national de santé publique du Québec.
  2. Institut national de santé publique du Québec (2017). Cahier du participant - Sexes, genres et orientations sexuelles. Comprendre la diversité, Québec, Institut national de santé publique du Québec.
  3. Martin-Storey, A., G. Paquette et M.-L. Bolduc (2021). « Comprendre la stigmatisation fondée sur le genre lors de la transition vers l’âge adulte », Quintessence, vol. 12, n° 9, p. 1‑2.
  4. Aranibar Zeballos, D. et J. Paquette (2024). L’intimidation et la cyberintimidation au Québec - Portrait à partir de l’Étude québécoise sur les rapports sociaux dans un contexte scolaire, de travail et dans la communauté 2022, Institut de la statistique du Québec.
  5. Galantino, G., M. Blais, M. Hébert et F. Lavoie (2017). Un portrait de l’environnement social et de l’adaptation psychosociale des jeunes québécois.e.s trans ou en  questionnement de leur identité de genre. Rapport de recherche du projet Parcours amoureux des jeunes LGBTQ du Québec, Montréal, Université du Québec à Montréal.
  6. Réseau européen des experts juridiques en matière de non-discrimination (2012). Les personnes trans et intersexuées. La discrimination fondée sur le sexe, l’identité de genre et l’expression de genre, Réseau européen des experts juridiques en matière de non-discrimination.
  7. Dubuc, D. (2017). LGBTQI2SNBA+. Les mots de la diversité liée au sexe,  au genre et à l’orientation sexuelle, Comité d’orientations et identités sexuelles, Fédération des enseignantes et des enseignants du Québec.
  8. Collier, K. L., H. M. Bos et T. G. Sandfort (2013). « Homophobic name-calling among secondary school students and its implications for mental health », Journal of Youth and Adolescence, vol. 42, n° 3, p. 363‑375.
  9. D’Augelli, A. R., A. H. Grossman et M. T. Starks (2006). « Childhood gender atypicality, victimization, and PTSD among lesbian, gay, and bisexual youth », Journal of Interpersonal Violence, vol. 21, n° 11, p. 1462‑1482.
  10. Poteat, V. P. et D. L. Espelage (2007). « Predicting psychosocial consequences of homophobic victimization in middle school students », The Journal of Early Adolescence, vol. 27, n° 2, p. 175‑191.
  11. Elipe, P., M. de la Oliva Muñoz et R. Del Rey (2018). « Homophobic bullying and cyberbullying: study of a silenced problem », Journal of Homosexuality, vol. 65, n° 5, p. 672‑686.
  12. Monk, D. (2011). « Challenging homophobic bullying in schools: the politics of progress », International Journal of Law in Context, vol. 7, n° 2, p. 181‑207.
  13. Bureau de lutte contre l’homophobie et la transphobie (2023). Lexique sur la diversité sexuelle et de genre, Québec, Secrétariat à la condition féminine.
  14. Fondation Émergence (s.d.). Lexique, Montréal, Fondation Émergence.
  15. Després, L., M. Bergeron, M. St-Hilaire, C. Brazeau, M. Carignan-Allard et M.-F. Goyer (2023). Prévenir les violences sexuelles subies par les communautés 2SLGBTQIA+ – Guide de recommandations à l’attention des établissements d’enseignement postsecondaire, Montréal (QC), Canada, Chaire de recherche sur les violences sexistes et sexuelles en milieu d’enseignement supérieur, Université du Québec à Montréal.
  16. Ministère de la Santé et des Services sociaux (2023). Lignes directrices sur la santé et le bien-être des personnes de la diversité sexuelle et des genres, Québec, Ministère de la Santé et des Services sociaux.
  17. Alliance de la Fonction publique du Canada (2023). Guide sur le langage inclusif de l’AFPC, Ottawa, Alliance de la Fonction publique du Canada.
  18. Gouvernement du Québec (2023). « Thérapies de conversion », dans Gouvernement du Québec.

Rédigé en 2018 avec la collaboration de Martin Blais, professeur titulaire, Département de sexologie, Université du Québec à Montréal, et de Léa Seguin, alors étudiante au doctorat, Département de Sexologie, Université du Québec à Montréal. Il a été mis à jour en 2024 avec la collaboration de Martin Blais ainsi que d’Elizabeth Parenteau et Stéphanie Gingras Dubé, conseillères scientifiques, Institut national de santé publique du Québec.

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