L'intimidation vécue par les personnes de la diversité sexuelle ou de genre

Avec la collaboration de Martin Blais, professeur titulaire, et de Léa Seguin, étudiante au doctorat, Département de sexologie, Université du Québec à  Montréal,

Faits saillants

  • Les personnes de la diversité sexuelle ou de genre sont plus à risque d'être victimes d'intimidation que les personnes hétérosexuelles et cisgenres en raison des préjugés qui les ciblent. Néanmoins, elles ne forment pas un groupe homogène et certains sous-groupes sont davantage à risque. 
  • Les personnes de la diversité sexuelle ou de genre peuvent vivre de l'intimidation à différents stades de leur vie. Cette intimidation peut prendre ancrage dans différents préjugés dont l'hétérocisnormativité, c'est-à-dire la présomption que l'hétérosexualité est la norme valide, et que les relations hétérosexuelles sont la référence pour la détermination de ce qui est normal (valide) ou non.
  • L'information disponible concerne principalement les personnes lesbiennes, gaies ou bisexuelles. Très peu d'information concerne l'intimidation vécue par les personnes trans ou en questionnement.

Qu'est-ce qui caractérise l'intimidation vécue par les personnes de la diversité sexuelle ou de genre?

Les termes en caractère gras sont définis dans le glossaire

L'expression « personnes de la diversité sexuelle ou de genre » réfère aux personnes qui ont une apparence corporelle, des conduites sexuelles, une orientation sexuelle, une identité de genre ou une filiation non conformes aux normes culturelles sur la sexualité et le genre1. Ces normes véhiculent l'idée que l'hétérosexualité, l'expression du genre dans une binarité où la masculinité et la féminité sont mutuellement exclusives et la correspondance entre l'identité de genre d'une personne et son sexe assigné à la naissance sont ce qui est attendu de la part de tous. Malgré l'avancée des lois et l'évolution des mentalités, les personnes de la diversité sexuelle ou de genre demeurent vulnérables à la stigmatisation, à  l'intimidation et parfois même à la violence2.

Le lien entre l'intimidation vécue par les personnes de la diversité sexuelle ou de genre et la discrimination

La discrimination vécue par les personnes de la diversité sexuelle ou de genre peut découler de la présomption que l'hétérosexualité est la norme valide (hétéronormativité) et que l'identité de genre doit correspondre au sexe assigné à la naissance (cisnormativité). De ces normes découlent souvent des comportements et des attitudes négatives pouvant mener à la discrimination (ex. : harcèlement, rejet, violence) à l'endroit d'une personne ou d'un groupe de personnes en fonction de l'orientation sexuelle réelle ou perçue (homophobie, biphobie) ou encore en fonction de son identité de genre ou d'un parcours d'affirmation ou de transition de genre (transphobie). Cette discrimination contribue à augmenter le risque que les personnes des minorités sexuelles soient victimes d'intimidation.

Le fait que l'intimidation vécue par les personnes de la diversité sexuelle ou de genre puisse prendre ancrage dans une norme sociale, implique qu'il faut aller au-delà des caractéristiques personnelles des personnes auteures d'intimidation pour mieux comprendre cette problématique et pouvoir la prévenir. Il faut s'intéresser à ce qui, dans la société, valorise de telles normes qui peuvent rendre acceptables dans certains milieux des telles attitudes et des comportements négatifs3,4. Cela est d'autant plus important que la présence de ces normes dans un milieu peut constituer une barrière pour le dévoilement des situations d'intimidation et pour l'accès au soutien et aux servicesPichardo 2015 cité dans 3.

Les personnes de la diversité sexuelle ou de genre sont plus à risque d'être victimes d'intimidation que les personnes hétérosexuelles et cisgenres en raison des préjugés qui les ciblent. Néanmoins, elles ne forment pas un groupe homogène et certains sous-groupes sont davantage à risque.

Par ailleurs, les personnes aînées de la diversité sexuelle ou de genre qui ont vécu une partie de leur vie d'adulte durant une période où l'homosexualité et le statut des personnes de la diversité sexuelle ou de genre étaient punissables en vertu du Code criminel et qui ont été stigmatisées tant au niveau social que politique5 peuvent craindre quant à elles que cette attitude préjudiciable puisse affecter les attitudes et comportements du personnel soignant et des autres résidents6. Certaines personnes aînées de la diversité sexuelle ou de genre peuvent également craindre de devoir cacher leur orientation sexuelle, chose qu'elles ne veulent plus faire à ce stade de leur vie7.

Les personnes de la diversité sexuelle ou de genre sont plus à risque d'être victimes d'intimidation que les personnes hétérosexuelles et cisgenres en raison des préjugés qui les ciblent.

L'intimidation hétérocisnormative

L'intimidation vécue par les personnes de la diversité sexuelle ou de genre découle pour une large part de l'hétérocisnormativité qui est un système de pensée faisant de l'hétérosexualité et de la correspondance entre l'identité de genre d'une personne et son sexe assigné à la naissance les normes à suivre. Elle s'actualise dans un ensemble de pratiques et de croyances qui justifient des violences basées sur l'identité de genre (transphobie) et l'expression de genre ou l'orientation sexuelle (homophobie)8. Le modèle de genre binaire (homme-femme) et les stéréotypes fondés sur le genre contribuent à la discrimination vécue par les personnes trans et les personnes intersexuées9.

Puisqu'elle peut viser ce qui se distingue de l'hétérocisnormativité ou être basée sur une orientation sexuelle présumée, l'intimidation hétérocisnormative peut affecter toute personne dont l'apparence ou le comportement ne se conforment pas aux stéréotypes traditionnels de genre10, c'est-à-dire à  ce qui est traditionnellement attendu de la part d'un homme ou d'une femme. Elle ne vise donc pas uniquement les jeunes de la diversité sexuelle ou de genre. À titre d'exemple, les jeunes dont l'expression de genre se distingue des stéréotypes traditionnels de la masculinité et de la féminité sont plus à risque d'être pris pour cibles par les personnes auteures d'intimidation que les jeunes dont l'expression de genre est conforme aux stéréotypes traditionnels de genre11,12, et ce, peu importe leur orientation sexuelle. Les conséquences de l'intimidation hétérocisnormative seraient sensiblement les mêmes pour les jeunes hétérosexuels qui sont victimes d'intimidation hétérocisnormative en raison de leur non-conformité de genre ou d'une orientation sexuelle présumée13.

Au Québec, la recherche sur l'impact de l'homophobie et de la violence homophobe sur la persévérance et la réussite scolaires a d'ailleurs démontré que chez les jeunes du primaire, du secondaire et du collégial, l'expression de genre est le deuxième motif en importance pour lequel ils mentionnent avoir été victimes d'intimidation, suivi du fait qu'un jeune soit gai, lesbienne ou bisexuel ou qu'on pense qu'il le soit. Ces deux motifs viennent après leur apparence, leur taille, la forme de leur corps ou leur poids14. Les menaces de dévoilement de l'orientation sexuelle, de l'identité de genre ou du parcours trans sont des exemples de manifestations de l'intimidation vécue par les jeunes de la diversité sexuelle ou de genre.

Glossaire

  • Biphobie : La biphobie se rapporte à la haine, la peur ou le dégoût de la bisexualité ou des personnes bisexuelles. Elle n'est pas réservée aux personnes hétérosexuelles : elle est aussi le fait de personnes homosexuelles, qui considèrent la bisexualité comme une incapacité à s'assumer (comme personne homosexuelle), voire comme une forme de traîtrise.
  • Cisnormativité : La cisnormativité est la présomption qu'être cisgenre est la norme valide et que le cadre de la binarité des sexes doit servir de référence pour la détermination de ce qui est normal (valide) ou non.
  • Expression de genre : L'expression de genre est l'apparence de ce que notre société qualifie de féminin ou de masculin (vêtements, coiffure, maquillage, langage corporel, etc.), sans égard au genre de la personne. L'expression de genre n'est pas nécessairement la manifestation de l'identité de genre de la personne et peut varier chez une même personne.
  • Hétéronormativité : L'hétéronormativité est la présomption que l'hétérosexualité est la norme valide, et que les relations hétérosexuelles sont la référence pour la détermination de ce qui est normal (valide) ou non.
  • Homophobie : L'homophobie regroupe toutes les attitudes négatives pouvant mener à  la discrimination (harcèlement, rejet, violence, etc.) à l'endroit d'une personne ou d'un groupe de personnes en fonction de l'orientation sexuelle réelle ou perçue. L'homophobie peut affecter toute personne dont l'apparence ou le comportement ne se conforment pas aux stéréotypes de genre.
  • Identité de genre : L'identité de genre désigne le genre auquel une personne s'identifie, sans égard à ce que la ou le médecin a coché sur son acte de naissance (sexe assigné à la naissance).
  • Personnes intersexuées : Les personnes intersexuées diffèrent des personnes trans par le fait que leur statut n'est pas lié au genre, mais est plutôt associé à leur conformation biologique (caractéristiques génétiques, hormonales et physiques) qui n'est ni exclusivement mâle ni exclusivement femelle, mais est typique des deux à la fois ou non clairement définie comme l'un ou l'autre.
  • Trans : Le terme trans est un terme parapluie qui inclut toute personne dont le genre ne correspond pas au sexe qui lui a été assigné à  la naissance. Ce terme peut inclure ou non les personnes non binaires, selon leur propre auto-identification. L'identité de genre d'une personne non binaire sort de la binarité homme-femme. Ces personnes préfèrent souvent qu'on utilise des pronoms neutres pour s'adresser à elles. C'est un terme parapluie qui inclut, entre autres, les personnes qui s'identifient à la fois comme homme et femme, ou encore à ni l'un ni l'autre.
  • Transphobie : La transphobie regroupe toutes les attitudes négatives pouvant mener à la discrimination (harcèlement, rejet, violence, etc.) à l'endroit des personnes trans ou des personnes non conformes aux stéréotypes de la masculinité ou de la féminité. Un exemple de transphobie est l'utilisation du mauvais prénom [prénom donné à la naissance] ou des mauvais pronoms [ex. : il/elle], en présence ou en l'absence de la personne en question.

Références

  1. LAFOREST J., MAURICE P., BOUCHARD L. M., ÉD. « Glossaire ». In : Rapport québécois sur la violence et la santé. Québec : Institut national de santé publique du Québec, 2018.
  2. INSTITUT NATIONAL DE SANTÉ PUBLIQUE DU QUÉBEC. Cahier du participant - Sexes, genres et orientations sexuelles. Comprendre la diversité [En ligne]. Québec : Institut national de santé publique du Québec, 2017. Disponible sur : < https://www.inspq.qc.ca/formation/institut/sexes-genres-et-orientations… >
  3. ELIPE P., DE LA OLIVA MUà‘OZ M., DEL REY R. « Homophobic bullying and cyberbullying: study of a silenced problem ». Journal of Homosexuality [En ligne]. 2018. Vol. 65, n°5, p. 672‑686. Disponible sur : < https://doi.org/10.1080/00918369.2017.1333809 >
  4. MONK D. « Challenging homophobic bullying in schools: the politics of progress ». International Journal of Law in Context [En ligne]. 2011. Vol. 7, n°2, p. 181‑207. Disponible sur : < https://doi.org/10.1017/S1744552311000061 >
  5. BONIFAS R. P. « The Prevalence of Elder Bullying and Impact on LGBT Elders ». In : HARLEY DA, TEASTER PB, ÉD. Handbook of LGBT Elders: An Interdisciplinary Approach to Principles, Practices, and Policies. [s.l.] : Springer, 2015. ISBN : 978-3-319-03622-9.
  6. STEIN G. L., BECKERMAN N. L., SHERMAN P. A. « Lesbian and gay elders and long-term care: identifying the unique psychosocial perspectives and challenges ». Journal of Gerontological Social Work [En ligne]. 2010. Vol. 53, n°5, p. 421‑435. Disponible sur : < https://doi.org/10.1080/01634372.2010.496478 >
  7. SULLIVAN K. M. « Acceptance in the domestic environment: the experience of senior housing for lesbian, gay, bisexual, and transgender seniors ». Journal of Gerontological Social Work [En ligne]. 2014. Vol. 57, n°2‑4, p. 235‑250. Disponible sur : < https://doi.org/10.1080/01634372.2013.867002 >
  8. GALANTINO G., BLAIS M., HÉBERT M., LAVOIE F. Un portrait de l'environnement social et de l'adaptation psychosociale des jeunes québécois.e.s trans ou en  questionnement de leur identité de genre. Rapport de recherche du projet Parcours amoureux des jeunes LGBTQ du Québec. Montréal : Université du Québec à  Montréal, 2017.
  9. RÉSEAU EUROPÉEN DES EXPERTS JURIDIQUES EN MATIÈRE DE NON-DISCRIMINATION. Les personnes trans et intersexuées. La discrimination fondée sur le sexe, l'identité de genre et l'expression de genre. [s.l.] : Réseau européen des experts juridiques en matière de non-discrimination, 2012.
  10. DUBUC D. LGBTQI2SNBA+. Les mots de la diversité liée au sexe,  au genre et à l'orientation sexuelle [En ligne]. [s.l.] : Comité d'orientations et identités sexuelles, Fédération des enseignantes et des enseignants du Québec, 2017. Disponible sur : < http://fneeq.qc.ca/wp-content/uploads/Glossaire-2017-08-14-corr.pdf >
  11. COLLIER K. L., BOS H. M., SANDFORT T. G. « Homophobic name-calling among secondary school students and its implications for mental health ». Journal of Youth and Adolescence. 2013. Vol. 42, n°3, p. 363–375.
  12. D'AUGELLI A. R., GROSSMAN A. H., STARKS M. T. « Childhood gender atypicality, victimization, and PTSD among lesbian, gay, and bisexual youth ». Journal of Interpersonal Violence. 2006. Vol. 21, n°11, p. 1462–1482.
  13. POTEAT V. P., ESPELAGE D. L. « Predicting psychosocial consequences of homophobic victimization in middle school students ». The Journal of Early Adolescence. 2007. Vol. 27, n°2, p. 175–191.
  14. CHAMBERLAND L., ÉMOND G., JULIEN D., OTIS J., RYAN W. L'impact de l'homophobie et de la violence homophobe sur la persévérance et la réussite scolaires [En ligne]. Montréal : [s.n.], 2011. Disponible sur : < http://familleslgbt.org/documents/pdf/G_Chamberland.pdf >
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