Tendances des taux d’incidence du glioblastome au Canada et aux États-Unis comparées à l’Angleterre de 1995 à 2015
Davis FG, Smith TR, Gittleman HR, Ostrom QT, Kruchko C, Barnholtz-Sloan JS. Glioblastoma incidence rate trends in Canada and the United States compared with England, 1995-2015. Neuro-Oncol. 2019.
Contexte
Les risques potentiels de l’exposition aux radiofréquences sont l’objet de plusieurs études scientifiques. Pour la population générale, la principale source d’exposition aux radiofréquences est l’utilisation du téléphone cellulaire. Ainsi, la tête est l’une des parties du corps les plus exposées aux radiofréquences. Toutefois, le consensus scientifique actuel est d’avis que l’exposition aux radiofréquences à des niveaux inférieurs aux limites établies1 n’entraîne pas d’effet néfaste sur la santé, bien que ces dernières soient classées dans la catégorie 2B – « peut-être cancérogène pour l’Homme » – par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). Néanmoins, si un tel effet existe, il pourrait apparaître au niveau de la tête.
Compte tenu de la hausse rapide de la prévalence de l’utilisation de téléphone cellulaire dans la population, les études sur les taux d’incidence des cancers du cerveau chez l’humain sont particulièrement intéressantes. En raison des résultats équivoques de certaines études et de la prévalence de l’exposition, l’INSPQ proposait d’ailleurs dans sa dernière analyse de la littérature de maintenir une veille scientifique à propos des effets potentiels des radiofréquences, en portant une attention particulière aux études sur les variations des taux d’incidence des cancers du cerveau chez l’humain2.
Plusieurs études sur les taux d’incidence des cancers du cerveau et du système nerveux central ont été publiées au cours des dernières années. Notamment, Philips et al. (2018) ont analysé l’incidence de plusieurs types de cancers du cerveau en Angleterre. L’étude rapportait une hausse de l’incidence des glioblastomes de 1995 à 2015, particulièrement chez les personnes âgées de 55 ans ou plus3. Les tendances observées dans ces données ont d’ailleurs fait l’objet d’une analyse indépendante détaillée par de Vocht4, dont les résultats ont été résumés dans une publication précédente du BISE5. Récemment, la publication d’une lettre aux éditeurs de la revue Neuro-Oncology permet d’avoir accès à l’évolution des taux d’incidence annuels des glioblastomes au Canada6.
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Présentation de l’étude
Les données publiées6 à propos du taux d’incidence de glioblastomes de 1995 à 2015 en Angleterre sont comparées à celles provenant du Registre canadien du cancer et du Central Brain Tumor Registry des États-Unis pour la même période. Pour ce faire, les taux d’incidence (nombre de cas par 100 000 personnes par année) ont été standardisés en utilisant une même population de référence, soit celle de l’étude3.
Principaux résultats
Les auteurs constatent une hausse des taux d’incidence dans les trois pays analysés, mais notent que celles-ci ont des ampleurs et des tendances qui diffèrent.
Davis et al. remarquent qu’au début de la période analysée (1995), le taux d’incidence annuel au Canada (3,56 cas par 100 000) est plus élevé qu’en Angleterre (2,39 cas par 100 000), mais comparable à celui aux États-Unis (3,92 cas par 100 000). De 1995 à 2015, la hausse des taux observée au Canada (26,4 %) et aux États-Unis (10,2 %) est relativement faible par rapport à celle observée en Angleterre (110 %). Les taux sont cependant relativement stables au Canada et aux États-Unis depuis 2007, avec des variations de 1,4 % et de -3,4 %, respectivement. Au final, les auteurs constatent qu’à la fin de la période analysée (2015), les taux d’incidence dans les trois pays sont similaires : 4,5 cas par 100 000 au Canada, 4,32 aux États-Unis et 5,02 en Angleterre.
Les auteurs émettent l’hypothèse que la convergence des taux d’incidence standardisés sur des populations de référence identiques pourrait être une conséquence de différents facteurs liés au diagnostic et à la surveillance des cancers.
Davis et al. notent que les changements majeurs dans la classification internationale des maladies pour l'oncologie (CIM-O-3) ont probablement mené à une amélioration de la classification. Également, ils font remarquer que certaines tumeurs, autrefois difficiles à différencier, peuvent maintenant être classifiées correctement au moyen de marqueurs moléculaires. Les auteurs signalent qu’une amélioration des outils de surveillance est attendue en raison des efforts mis sur l’utilisation de diagnostics normalisés et sur le signalement de l’ensemble des tumeurs du cerveau depuis de nombreuses années. Par exemple, les auteurs mentionnent aussi que l’adoption de législation exigeant le signalement de l’ensemble des tumeurs primaires au Canada (2007) et aux États-Unis (2003) a souligné l’importance de la déclaration de tous les cas. De même, les auteurs considèrent que l’amélioration de la formation sur le codage des cas et une normalisation accrue des lignes directrices de codage auraient pu contribuer à une amélioration de l’identification et de la classification adéquate des tumeurs au fil du temps.
Intérêt pour la santé publique
L’étude de Davis et al. permet d’avoir accès aux taux d’incidence des glioblastomes au Canada, malgré qu’ils soient standardisés sur une autre population. Les données présentées dans cette étude sont globalement en accord avec celles d’autres études sur l’incidence des cancers du cerveau. Plusieurs études similaires ont été publiées au cours des dernières années, dont certaines études ayant analysé les taux d’incidence de l’ensemble des cancers du cerveau et du système nerveux central dans plusieurs pays7.
L’étude de Davis et al. démontre la nécessité d’être prudent dans l’interprétation des variations des taux d’incidence des glioblastomes et d’autres cancers. Par exemple, ces variations ne représentent pas toujours un changement réel de l’incidence populationnelle et encore moins une preuve du lien de cause à effet entre l’exposition aux radiofréquences et le glioblastome, et ce, malgré l’utilisation accrue des équipements émettant des radiofréquences. En effet, ces augmentations peuvent aussi être liées à l’amélioration des mécanismes de diagnostic ou de surveillance mis en place et ne sont pas nécessairement associées à des sources d’exposition environnementales.
Références
- Gauthier M, Gauvin D. Évaluation des effets sur la santé des champs électromagnétiques dans le domaine des radiofréquences [En ligne]. Québec : Institut national de santé publique du Québec; 2016. Disponible: https://www.inspq.qc.ca/publications/2119
- Santé Canada. Code de sécurité 6 - Limites d’exposition humaine à l’énergie électromagnétique radioélectrique dans la gamme de fréquences de 3 kHz à 300 GHz [En ligne]. Ottawa; 2015. Disponible : https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/publications/securite-et-risque-pour-sante/limites-exposition-humaine-energie-electromagnetique-radioelectrique-gamme-3-300.html
- Philips A, Henshaw DL, Lamburn G, O’Carroll MJ. Brain Tumours: Rise in Glioblastoma Multiforme Incidence in England 1995-2015 Suggests an Adverse Environmental or Lifestyle Factor. J Environ Public Health. 2018;2018:7910754
- de Vocht F. Analyses of temporal and spatial patterns of glioblastoma multiforme and other brain cancer subtypes in relation to mobile phones using synthetic counterfactuals. Environmental Research.2019;168
- Gauthier M, Gauvin D. Analyse de l’incidence et de la localisation anatomique de certains types de cancer du cerveau en lien avec l’utilisation du téléphone cellulaire [En ligne]. Bulletin d'information en santé environnementale. 2019. Disponible : https://www.inspq.qc.ca/bise/analyse-de-l-incidence-et-de-la-localisation-anatomique-de-certains-types-de-cancer-du-cerveau-en-lien-avec-l-utilisation-du-telephone-cellulaire
- Davis FG, Smith TR, Gittleman HR, Ostrom QT, Kruchko C, Barnholtz-Sloan JS. Glioblastoma incidence rate trends in Canada and the United States compared with England, 1995-2015. Neuro-Oncol. 2019
- Miranda-Filho A, Piñeros M, Soerjomataram I, Deltour I, Bray F. Cancers of the brain and CNS: global patterns and trends in incidence. Neuro-Oncology. 2017;19(2), 270–280
Liens d'intérêt
- OMS – Les champs électromagnétiques
- Québec.ca – Démystifier les radiofréquences