Pratiques en santé publique

L’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) et l'ouverture de l'expertise aux parties prenantes

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail est un établissement public qui a été créé le 1er juillet 2010 par la fusion de deux agences sanitaires françaises : l’Afssa – Agence française de sécurité sanitaire des aliments – et l’Afsset – Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail. En reprenant leurs missions respectives, l’Anses offre une lecture transversale des questions sanitaires et appréhende ainsi, de manière globale, les expositions auxquelles l’Homme peut être soumis, à travers ses modes de vie et de consommation ou les caractéristiques de son environnement, y compris professionnel. En santé humaine, l’Anses intervient dans trois champs : l’alimentation, l’environnement et le travail. Elle a également pour objectif d’évaluer les risques pesant sur la santé animale et végétale. Elle formule, sur la base de ses rapports scientifiques, des avis et recommandations aux pouvoirs publics.

Les punaises de lit, retour vers le futur

Dès le milieu des années 1990, tant les professionnels de la santé que les spécialistes de la gestion parasitaire (ou gestionnaires de parasites) ont noté une augmentation des plaintes liées à la présence des punaises de lit dans les grandes villes à travers le monde (Hwang et al., 2005; Ter Poorten and Prose, 2005). Des infestations de punaises ont notamment été signalées dans des maisons, des immeubles à logements, des hôtels, des motels, des établissements de soins, des refuges pour sans-abri et des résidences pour étudiants et pour personnes âgées (Ter Poorten and Prose, 2005).

Bien que nous n’ayons pas de chiffres précis pour décrire l’évolution du problème à Montréal, nous disposons de quelques indices. Par exemple, en 2006, malgré une politique très bien structurée d’éradication des punaises, 219 logements sur 20 382 que gère l’Office municipal d’habitation de Montréal étaient aux prises avec un problème de punaises, alors que de septembre 2008 à septembre 2009, 1 282 logements étaient infestés (Sansregret, 2009). Selon les chiffres provenant d’un gestionnaire de parasites, le nombre de cas d’infestations de punaises de lit à Montréal a augmenté par un facteur de 40 entre 2005 et 2009. Ces données suggèrent que l’épidémie est bien réelle et semble évoluer de manière incontrôlée à Montréal et possiblement dans d’autres municipalités du Québec.

Médecine du travail et de l’environnement : de la pratique clinique à la santé publique

Les problèmes de santé reliés au travail et à l’environnement sont fréquents dans la plupart des pratiques médicales, occupant en fait de 7 à 9 % du temps de pratique1. Pourtant, ils sont peu reconnus par les médecins et lorsqu’ils le sont, leur prise en charge est souvent incomplète. Les problèmes de santé reliés à l’environnement semblent encore plus méconnus que ceux associés au travail. Diverses hypothèses pourraient expliquer ce constat, soit le fait que leurs manifestations ne permettent généralement pas de les distinguer des problèmes de santé vus couramment, que l’environnement ne constitue qu’un facteur contributif parmi d’autres, que la formation médicale aborde très peu ces notions et que les médecins sont très peu enclins à aborder des problèmes de santé pour lesquels ils ne perçoivent pas de contrôle. Ces derniers s’intéressent davantage aux causes biomédicales et comportementales (habitudes de vie) des maladies, facteurs sur lesquels ils ont une plus grande capacité d’action.

De son côté, la pratique de la médecine du travail et de l’environnement nécessite l’évaluation de l’ensemble des facteurs à l’origine des problèmes de santé d’un patient ou d’un groupe de personnes, en particulier ceux reliés à l’environnement et d’agir sur ces facteurs au bénéfice du patient et de son entourage, voire même de la population générale. En ce sens, la pratique de la médecine du travail et de l’environnement intègre les dimensions clinique et de santé publique, l’approche thérapeutique dépassant le traitement individuel pour inclure des actions préventives et correctrices sur des facteurs externes pouvant nuire à la santé des personnes.

Dans cet article, il sera question de l’état de la pratique de la médecine du travail et de l’environnement, de l’approche développée à la Clinique interuniversitaire de santé au travail et de santé environnementale (CISTE) basée sur l’intégration de la pratique clinique à celle de la santé publique, de la formation médicale et des perspectives d’avenir dans ce domaine.