Bisphénol A, phtalates, parabènes sous la loupe de l’INSERM
Pour ce qui est des interrogations de la population relativement aux risques engendrés par certaines substances chimiques largement représentées dans les produits de consommation de masse, le ministère français de la Santé a sollicité l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) afin que ce dernier procède à l’analyse des données disponibles sur les effets de ces substances sur la reproduction.
Pour ce faire, l’INSERM a réuni un groupe d’experts multidisciplinaires dans le cadre d’une expertise collective. Cette expertise, qui s’appuie sur une importante base documentaire, porte plus spécifiquement sur cinq substances ou familles de substances, soit : le bisphénol A, les phtalates, les composés polybromés ou retardateurs de flamme, les composés perfluorés et les parabènes.
Dans son rapport de plus de 700 pages, l’INSERM aborde les principales sources et voies d’exposition, les données d’imprégnation de la population, la toxicocinétique des composés ou de leurs métabolites, les études épidémiologiques, les études expérimentales réalisées chez l’animal, les effets sur la reproduction observés et enfin, les principaux axes de recherche à privilégier pour le futur.
Le tableau ci-après résume les principales données issues de l’analyse de la documentation faite par l’INSERM.
Tableau récapitulatif des principales données
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BPA |
Phtalates |
Polybromés |
Composés perfluorés (PFOS, PFOA) |
Parabènes |
Usages (quelques exemples) |
Polycarbonate emballages alimentaires, composites dentaires, etc. |
Agent plastifiant, construction, peintures, cosmétiques, emballage alimentaire, matériels médicaux, etc. |
Retardateurs de flammes (ignifugeant des matières plastiques et textiles, composants électroniques et matériels électriques, etc.) |
Antiadhésifs et antitache (textiles, matériaux de cuisson, etc.) |
Conservateurs (cosmétiques, additifs alimentaires, médicaments) |
Voie principale d’exposition |
Alimentation |
Alimentation; contact percutané (enfants) |
Alimentation (composés rémanents); |
Alimentation (composés rémanents); contact direct (enfants) |
Contact percutané; alimentation |
Périodes critiques chez l’animal |
In utero, période néonatale |
In utero, période néonatale |
In utero, période néonatale |
In utero, période néonatale |
Prépubaire et adulte |
Effets sur la fonction de reproduction chez l’homme |
Effet possible sur la fonction sexuelle, les caractéristiques spermatiques, les taux d’hormones chez l’homme adulte |
Effet possible sur la distance anogénitale, hypospadias, cryptorchidie (exposition in utero) Effet possible sur les caractéristiques et taux hormonaux (exposition adulte) |
PBDE : effet possible sur cryptorchidie et perturbation taux hormonaux (exposition in utero) |
Effet possible sur la morphologie des spermatozoïdes (exposition adulte) |
Pas d’effet mis en évidence |
Effets sur la fonction de reproduction chez la femme |
Pas d’étude de qualité suffisante |
Effet possible sur puberté précoce (exposition enfance) |
Effet possible sur augmentation du délai pour concevoir (exposition adulte) |
Effet possible sur augmentation d’infécondité involontaire |
Pas d’effet mis en évidence |
Voie hormonale perturbée |
Altération de la sensibilité aux œstrogènes |
Effet antiandrogénique, effet oestrogénique |
Altération de la sensibilité aux œstrogènes et hormones thyroïdiennes |
Altération de la sensibilité aux œstrogènes |
Altération de la sensibilité aux œstrogènes |
Adapté de l’INSERM (2011) Reproduction et environnement – Synthèse. Institut national de la santé et de la recherche médicale, 43 p.
Les études épidémiologiques ayant tenté d’établir des liens entre les substances et les familles de substances étudiées dans le cadre de cette expertise et des effets sur la reproduction sont trop peu nombreuses pour conclure sur les effets de l’exposition à ces composés. Des études chez l’animal, en particulier chez le rat et la souris (parfois le primate), réalisées dans différents contextes ont rapporté des effets sur l’appareil reproducteur mâle et femelle, sur la production et la qualité des spermatozoïdes et quelquefois sur la fertilité. Parmi les études ayant montré des effets, la période d’exposition in utero jusqu’au sevrage apparaît comme étant la plus critique. Certains effets sont d’ailleurs associés à des périodes d’exposition très précises (en matière de jours), en fin de gestation par exemple.
Le groupe d’experts souligne la nécessité d’intensifier l’effort de recherche pour lever les incertitudes concernant les effets d’expositions combinées et permanentes. Des approches multidisciplinaires devraient conduire à une vision plus intégrée des effets potentiels des substances sur la reproduction. [KC]