Veille scientifique : santé buccodentaire, été 2022

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Programmes en milieu scolaire

Efficacité d’un programme de rince-bouche fluoré en milieu préscolaire et scolaire sur la carie dentaire

Yonezawa, D. et Yagi, M. « Effect of a school-based fluoride mouth-rinsing programme on dental caries ». International Dental Journal, 9 mars 2022 (libre accès).

Contexte

Depuis 1970, au Japon, un programme de rince-bouche fluoré quotidien, débutant à l’âge de quatre ans, a été implanté dans les établissements préscolaires, les maternelles et les écoles primaires et secondaires. Cette mesure constitue une solution alternative d’exposition populationnelle au fluorure étant donné qu’aucune ville n’y fluore son eau potable.

Objectifs et méthodologie

Évaluer l’effet préventif à long terme de ce programme de rince-bouche fluoré sur l’expérience de carie en dentition permanente. Au total, 551 étudiants universitaires, nouvellement admis et âgés de 18 à 25 ans, ont participé à cette étude transversale rétrospective. De ceux-ci, 187 ont profité des séances de rince-bouche, minimalement à l’école primaire, et 364 n’ont pas profité du programme. Chaque étudiant a reçu un examen dentaire réalisé par un dentiste. Quant aux renseignements concernant l’exposition au programme de rince-bouche fluoré, ils ont été recueillis directement auprès des établissements préscolaires et scolaires fréquentés dans le passé par les participants.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

L’expérience de carie moyenne des étudiants universitaires qui faisaient partie du programme dans l’enfance était significativement plus faible (CAOF = 2,70; IC 95 % : 2,01-3,38) comparativement à ceux qui n’en faisaient pas partie (CAOF = 4,47; IC 95 % : 3,78-5,16). Cela représente une réduction de 40 % du CAOF en faveur des étudiants inscrits au programme (p < 0,001). De plus, les analyses de régression ont révélé que les étudiants ayant bénéficié du programme sont 42 % moins susceptibles de présenter une expérience de carie (CAOF > 0) en référence à ceux qui n’y ont pas participé (OR = 0,58; IC 95 % : 0,40-0,84).

Les résultats ont montré également une réduction de l’expérience de carie plus marquée sur les faces lisses exposées (différence de 57 % entre les deux groupes; p = 0,001), suivie par les faces proximales (48 %; p = 0,006) et enfin les faces ayant des puits et fissures (29 %; p = 0,002).

Limites

Cette étude n’a tenu compte que de l’exposition au rince-bouche fluoré. Tous les autres produits contenant du fluorure, comme le dentifrice fluoré, n’ont pas été considérés dans les analyses. Cette limite peut entraîner un biais dans la mesure de l’effet préventif du programme si les étudiants exposés et non exposés n’ont pas fait une utilisation similaire des autres types de produits fluorés.


Efficacité du fluorure diamine d’argent et du traitement de restauration atraumatique

Satyarup, D., Mohanty, S., Nagarajappa, R., Mahapatra, I. et Radha Prasanna Dalai, R. P. « Comparison of the effectiveness of 38 % silver diamine fluoride and atraumatic restorative treatment for treating dental caries in a school setting: A randomized clinical trial ». Dental and Medical Problems, 29 avril 2022 (libre accès).

Contexte

Le traitement de la carie demeure préoccupant dans les pays en voie de développement notamment en raison de la rareté et de l’accessibilité de la main-d’œuvre qualifiée. C’est pourquoi l’utilisation du fluorure diamine d’argent ou du traitement restaurateur atraumatique (ART) deviennent des options intéressantes.

Objectifs et méthodologie

Comparer l’efficacité du fluorure diamine d’argent (38 %) et du traitement ART à arrêter la progression des lésions carieuses avancées localisées sur la face occlusale des molaires permanentes. L’étude clinique randomisée a été réalisée auprès de 190 élèves âgés de six à douze ans provenant de six écoles de l’Inde. Uniquement des lésions dentinaires avec présence d’une cavité (stade 5 ou 6 de ICDAS) et sans douleur pulpaire ont été retenues.
Les lésions carieuses du premier groupe ont été traitées avec une application de fluorure diamine d’argent (38 %) et celles du second, traitées selon la technique ART. Dans les deux groupes, un ciment de verre ionomère à libération de fluorure a été utilisé comme matériau d’obturation. Les élèves ont été revus à trois, six et neuf mois pour une évaluation des obturations.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Après neuf mois, la proportion de la carie encore active à la suite de la perte partielle de la restauration était statistiquement moins élevée dans le premier groupe (5,6 %) comparativement au second (16,7 %).

Limites

Dans cette étude, l’arrêt de la progression de la carie a été mesuré en fonction de la rétention ou de la perte du matériau, de la texture de la dentine et de son changement de couleur. Cette façon de mesurer l’arrêt de la progression des lésions carieuses n’est pas optimale et peut biaiser les résultats..

Fluorures et fluoration

Efficacité du fluorure diamine d’argent selon le temps d’absorption

Thakur, S., Sojan, M., Singhal, P. et Chauhan, D. « A comparative study to evaluate the effectiveness of silver diamine fluoride at different time durations of application in treating carious primary teeth: A randomized trial ». International Journal of Clinical Pediatric Dentistry 15, suppl 2 (2022) : S147 50 (libre accès).

Contexte

Les traitements dentaires restauratifs conventionnels ne sont pas toujours abordables ou disponibles pour tous. Selon l’American Academy of Pediatric Dentistry, le fluorure diamine d’argent est indiqué chez les enfants sans accès ou accédant difficilement aux soins dentaires.

Objectifs et méthodologie

Évaluer l’efficacité du fluorure diamine d’argent pour l’arrêt des lésions carieuses selon différents temps d’absorption. Cette étude clinique randomisée s’est déroulée en Inde et porte sur 176 molaires primaires provenant de 49 enfants. Les dents ont été réparties selon la durée d’absorption du fluorure diamine d’argent lors de son application en bouche :

  • Groupe 1 : 30 secondes
  • Groupe 2 : 60 secondes
  • Groupe 3 : 120 secondes.

Chaque groupe a ensuite été classé en sous-groupes selon le stade d’avancement de la carie :

  • Sous-groupe 1 : lésions cavitaires (ICDAS 5 et 6)
  • Sous-groupe 2 : lésions non cavitaires (ICDAS 3 et 4).

L’arrêt des lésions a été évalué à trois semaines, trois mois et six mois.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Aucune différence statistiquement significative concernant l’arrêt des lésions carieuses n’a été observée selon la durée d’absorption (p > 0,05) lors des évaluations à trois semaines, trois mois et six mois. Cependant, une proportion plus élevée de lésions arrêtées a été observée dans chacun des groupes à six mois comparativement à trois semaines. Notons que cette différence n’était pas statistiquement significative pour le groupe 3 (120 secondes).

La durée d’absorption n’a pas influencé la proportion de lésions arrêtées selon le stade d’avancement de la carie des sous-groupes (p > 0,05).

Limites

Tous les participants ont reçu des informations concernant les habitudes alimentaires et l’hygiène buccodentaire. Étant donné qu’il n’y avait pas de groupe non exposé au fluorure diamine d’argent, il n’est pas possible de connaître l’influence de ces informations sur les résultats de l’étude.

Effet du fluorure sur l’association entre les sucres libres et la carie

Melough, M. M., Sathyanarayana, S., Zohoori, F. V., Gustafsson, H. C., Sullivan, E. L., Chi, D. L., Levy, S. M. et McKinney, C. M. « Impact of fluoride on associations between free sugars intake and dental caries in US children ». JDR Clinical & Translational Research, 21 avril 2022, 23800844221093040.

Contexte

Le rôle des sucres libres dans le développement de la carie reste à clarifier. Aussi, peu d’études ont examiné si le potentiel cariogène des sucres libres pouvait être atténué par la consommation d’eau fluorée.

Objectifs et méthodologie

Étudier l’association entre la carie et les sucres libres (incluant leurs sources) chez les enfants américains. Évaluer dans quelle mesure l’exposition à l’eau fluorée peut atténuer le potentiel cariogène des sucres libres.
Cette étude transversale est une analyse secondaire des données du National Health and Nutrition Examination Survey 2013-2014 et 2015-2016. Les participants avaient rempli deux journaux alimentaires, subi un examen dentaire et fourni un échantillon d’eau prélevé à domicile. Au total, 4649 participants de 2 à 19 ans ont été retenus pour les analyses.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

La consommation de sucres libres, en particulier les sucres ajoutés, démontrait une association positive avec la présence de carie dentaire. Les boissons sucrées étaient la source de sucres ayant l’association la plus prononcée. Les sucres libres non ajoutés — comme ceux présents dans le jus pur — n’ont pas augmenté le risque de carie.
Une concentration plus élevée de fluorures dans l’eau réduisait la force de l’association entre les sucres libres et la carie. Chez les enfants exposés à une eau fluorée à moins de 0,7 ppm au domicile, les sucres libres ajoutés étaient associés à une augmentation du cof de 26 % (IC 95 % : 4 à 53 %) et du CAOF de 16 % (IC 95 % : 5 à 31 %). Cependant, cette association était absente chez ceux dont l’eau fluorée se situait à 0,7 ppm ou plus.

Limites

Les intervalles de confiance étant larges, les résultats devraient être interprétés avec prudence. Aussi, les chercheurs ne savaient pas si les journaux alimentaires représentaient fidèlement la période pendant laquelle la carie s’est développée.

Prévention de la carie dentaire

Méta-analyse sur l’efficacité du xylitol pour prévenir la carie

ALHumaid, J. et Bamashmous, M. « Meta-analysis on the effectiveness of xylitol in caries prevention ». Journal of International Society of Preventive and Community Dentistry 12, no 2 (3 janvier 2022) : 133 (libre accès).

Contexte

Le xylitol est une substance naturelle qui a été introduite pour la première fois en Finlande durant la Seconde Guerre mondiale comme un substitut du sucre. En 1963, il a été approuvé par le Food and Drug Administration(FDA) à titre d’additif nutritionnel. Son effet préventif contre la carie dentaire s’expliquerait par son action sur la réduction du nombre de Streptococcus mutans présents dans la plaque et la salive ainsi que sur la réduction de la production d’acide lactique produite par les bactéries.

Objectifs et méthodologie

Évaluer l’efficacité des produits contenant du xylitol à prévenir la carie dentaire. Cette méta-analyse repose sur 26 études cliniques randomisées, études cas-témoins ou études de cohorte publiées entre 1970 et 2019. Les études incluses rapportent un suivi de l’expérience de carie (caof/CAOF) qui s’échelonne entre un à cinq ans et portent sur différentes populations, dont les tout-petits, les enfants et les adultes.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Bien qu’il existe une diversité de produits contenant du xylitol sur le marché, seuls les gommes à mâcher, bonbons, losanges et suces pour bébé à libération lente de xylitol ont été étudiés dans cette méta-analyse. Les résultats montrent que les produits à base de xylitol réduisent significativement l’expérience de carie en comparaison à un groupe témoin. Selon les études, l’exposition au xylitol permettrait de prévenir entre 5 % et 75 % de l’expérience de carie, ce qui représente globalement une fraction préventive de 17 %.

Limites

Afin d’obtenir un nombre suffisant d’études à inclure dans leur méta-analyse, les auteurs ont choisi d’élargir leurs critères de sélection à l’ensemble des produits à base de xylitol et à des groupes d’âge variés. Il n’est donc pas possible de tirer des conclusions sur l’efficacité individuelle des types de produits et sur l’efficacité du xylitol en fonction des divers groupes d’âge.

Efficacité du phosphate de calcium pour prévenir et reminéraliser la carie

Singal, K., Sharda, S., Gupta, A., Malik, V. S., Singh, M., Chauhan, A., Aggrawal, A., Pradhan, P. et Singh, M. Effectiveness of calcium phosphate derivative agents on the prevention and remineralization of caries among children—A systematic review & meta-analysis of randomized controlled trials. Journal of Evidence-Based Dental Practice, 18 mai 2022, 101746

Contexte

Le traitement de la carie dans sa phase initiale permet d’éviter des approches plus invasives. L’utilisation des fluorures constitue un moyen efficace pour prévenir et favoriser la reminéralisation de caries dentaires débutantes. Mais d’autres produits sont également disponibles, dont le phosphate de calcium (PCa) et ses produits dérivés.

Objectifs et méthodologie

Évaluer l’efficacité du PCa et ses dérivés à prévenir et favoriser la reminéralisation de la carie débutante chez les enfants. Cette étude clinique repose sur 26 études cliniques randomisées réalisées auprès d’enfants âgés de 0 à 18 ans. La durée des études primaires incluses variait de 48 heures à 24 mois.

Qu’est-ce qu’on y apprend?

Après quatre semaines, une première méta-analyse réalisée à partir de trois études primaires révèle qu’il y a 20 % (RR = 0,80; IC 95 % : 0,70-0,90) moins de risque de développer de nouvelles lésions carieuses lorsqu’on utilise une combinaison de PCa et de fluorure comparativement au fluorure seul.
Sur la base de deux autres études primaires, les résultats d’une seconde méta-analyse démontrent que lors des premiers signes de décalcification de l’émail, l’utilisation topique d’une combinaison de PCa et de fluorure montre un potentiel de reminéralisation 56 % supérieure à l’utilisation topique de fluorure seul (RR = 1,56; IC 95 % : 1,27-1,91), après huit semaines de suivi.

Limites

La majorité des études (19/26) ont comparé l’efficacité du phosphopeptide de caséine-phosphate de calcium amorphe. Le peu d’études sur les autres produits dérivés du phosphate de calcium n’a pas permis de répondre aux objectifs de la recherche. Par ailleurs, d’autres facteurs de risque comme l’hygiène buccodentaire et l’alimentation n’ont pas été pris en compte, ce qui constitue une autre limite puisque ceux-ci peuvent contribuer favorablement à prévenir l’apparition de caries débutantes.

Enfin, comme le mentionnent les auteurs, les études utilisées pour la méta-analyse présentent des risques de biais élevés notamment en raison du manque d’information à l’égard des résultats et de la variabilité dans la prise de la mesure. Ainsi, les résultats doivent être interprétés avec prudence puisque la qualité des preuves scientifiques est considérée comme faible à très faible.


La veille scientifique sur les pratiques préventives contre la carie chez les jeunes est réalisée par l’équipe Santé buccodentaire, à la demande du ministère de la Santé et des Services sociaux. Publiée tous les trois mois, elle résume les publications scientifiques les plus pertinentes et récentes afin d’actualiser les connaissances des autorités et du personnel exerçant en santé dentaire publique.
Elle ne reflète pas une prise de position ni l’appui d’une méthode, d’une pratique, d’une intervention ou d’un programme particulier. Pour plus d'informations, consultez la méthodologie de la veille en santé buccodentaire.