Les caractéristiques du risque

Comprendre les caractéristiques du risque à la santé de la population est essentiel afin d’offrir des solutions adéquates de gestion. Dans cette section du cadre, on précise ce qui constitue un risque, ce qui détermine un niveau de risque* ainsi que ce que représente une chaîne de risque*. On y distinguera également le risque et la menace à la santé. Enfin, on exposera le concept de la perception du risque.

Qu’est-ce qu’un risque à la santé de la population?

 

Il existe plusieurs définitions possibles du terme « risque ». Dans ce cadre, nous retenons la définition suivante pour un risque à la santé de la population, définition qui est harmonisée avec celle du cadre de 2003, de l’IRGC et de l’OMS (INSPQ, 2003; IRGC, 2005 et OMS, 2012) :

« Conséquences* négatives sur la santé de la population et probabilité* d’observer ces conséquences à la suite d’une exposition à un agent* dangereux ».

Ainsi, le risque peut être défini par la formule suivante :

Risque = conséquences x probabilité

Les conséquences du risque correspondent aux effets négatifs sur la santé humaine d’une population résultants de l’exposition à un agent dangereux. Elles peuvent toucher la santé directement (morbidité, incapacité et mortalité) ou indirectement, par exemple à travers des impacts sociaux ou économiques.

La probabilité du risque à la santé est associée à différents types de probabilité :

  • la probabilité d’apparition de l’agent dangereux;
  • la probabilité d’exposition à l’agent dangereux;
  • la probabilité d’observer des effets négatifs sur la santé d’une population après l’exposition à l’agent dangereux.

Cette probabilité peut être estimée quantitativement (pourcentage, nombre possible de cas, etc.) ou qualitativement (rare, probable, presque certain, etc.).

 

Soulignons qu’il y a un risque en santé publique si deux éléments sont réunis :

  • Il y a ou pourrait y avoir des conséquences négatives sur la santé humaine.
  • Le risque touche la santé d’une population.

En effet, la LSP précise que : « Les actions de santé publique doivent être faites dans le but de protéger, de maintenir ou d’améliorer l’état de santé et de bien-être de la population en général et elles ne peuvent viser des individus que dans la mesure où elles sont prises au bénéfice de la collectivité ou d’un groupe d’individus. »7

Les notions connexes de risque comme celles de danger*, d’agent*, de vecteur*, de nuisance*, de facteurs de risque*, de déterminants de la santé*, de risques potentiels* ou avérés* sont définies dans le glossaire du cadre. On y définit également les risques simples*, complexes*, incertains* ou ambigus*, de même que les urgences*, les crises* et les sinistres*.

Que signifie le niveau de risque à la santé de la population?

 

Le risque peut être qualifié par son niveau (faible, moyen ou élevé) qui traduit son importance. Ce niveau est estimé en combinant les estimés qualitatifs ou quantitatifs respectifs des deux dimensions suivantes :

  • l’importance des conséquences;
  • la probabilité d’observer ces conséquences.

L’importance d’une conséquence dépend d’une part de la gravité de son effet sur la santé et d’autre part de son ampleur (nombre d’individus affectés ou potentiellement affectés au sein de la population). Les professionnels de santé publique estiment cette importance en fonction des données scientifiques disponibles et des faits observés.

La probabilité est quant à elle définie à la section précédente.

Le niveau de risque peut être ainsi représenté sous forme de catégories distinctes qui se traduiront par un risque faible, moyen ou élevé. Pour rendre compte du continuum de niveau de risque observé dans le monde réel, davantage de catégories peuvent être utilisées, par exemple très faible, très élevé, etc. Les seuils entre les catégories sont définis en fonction du risque étudié et du contexte. Ils devraient faire l’objet d’une entente entre les parties prenantes*. Le niveau de risque peut être représenté visuellement à l’aide d’un outil graphique appelé la matrice de risque (figure 1, annexe 2).

Figure 1 - Matrice de risque

 

Source : adapté et traduit avec la permission de l’Organisation mondiale de la santé (OMS, 2012, p 20-21).

Qu'est-ce qu'une chaîne de risque?

 

La chaîne de risque illustre la séquence des étapes causales qui peuvent aboutir à des conséquences négatives pour la santé d’une population. Les différents types de probabilité, définis à la section Qu'est-ce qu'un risque à la santé de la population?, peuvent être associés à différentes étapes de la chaîne de risque. Cette chaîne permet de mieux comprendre les causes du risque et les différents niveaux d’intervention possibles pour y remédier.

La figure 2 illustre la chaîne de risque en lien avec la production d’énergie. Un tel bénéfice pour la société, découlant de son développement technologique, s’accompagne généralement de risques.

En santé publique, la chaîne de risque peut inclure un événement déclencheur précis tel que présenté à la figure 2. Il peut alors s’agir par exemple d’un accident, d’un dysfonctionnement d’un système technologique, du non-respect d’une procédure ou encore d’un phénomène naturel comme un tremblement de terre qui libère un agent dangereux pour la santé. Par contre, dans certaines situations, la présence de l’agent dans l’environnement est naturelle, c’est le cas notamment pour le radon. L’agent peut aussi résulter d’une activité humaine et n’est donc pas nécessairement issu d’un événement déclencheur précis.

Figure 2 - La chaîne causale du risque : exemple de l'énergie nucléaire et des risques à la santé

 

Source : adapté de l’International Risk Governance Council (RGC, 2005, p. 21) traduction libre.

Qu'est-ce qu'une menace à la santé de la population?

Les définitions d’un risque et d’une menace à la santé revêtent une importance fondamentale au sens de la LSP, car elles déterminent les responsabilités et les pouvoirs des autorités. Ces responsabilités et pouvoirs, prévus par la LSP, sont expliqués à la section La gouvernance : des rôles et des responsabilités clairs qui porte sur la gouvernance.

 

Une menace à la santé de la population est définie dans la LSP par « la présence au sein de celle-ci d’un agent biologique, chimique ou physique susceptible de causer une épidémie si la présence de cet agent n’est pas contrôlée »8.

 

Il convient de retenir qu’en santé publique une menace est une sous-catégorie de risques. Ainsi une menace est un risque, mais tout risque ne constitue pas nécessairement une menace.

Bref, on désigne en santé publique sous le terme de « menace », un risque qui comporte les trois caractéristiques suivantes :

  • l’agent en cause est biologique, chimique ou physique;
  • il est susceptible de causer une épidémie;
  • il n’est pas contrôlé.

L’agent est biologique (virus, bactéries, etc.), chimique (plomb, mercure, organochlorés, monoxyde de carbone, etc.) ou physique (radiations, ondes électromagnétiques, etc.).

« Cependant, les agents physiques mécaniques (par exemple dans le cas des traumatismes dus aux accidents de la route) et les épidémies de phénomènes sociaux (par exemple le suicide) ne représentent pas des menaces » (MSSS, 2002, p. 3).

Le terme « épidémie » doit être compris au sens large :

« […] il y a épidémie lorsque le nombre de cas observés dépasse le nombre de cas normalement attendus. Le nombre absolu n’est donc pas forcément élevé, un seul cas pouvant être suffisant pour constituer une menace. La notion d’épidémie est associée à la démonstration d’un risque de transmission ou d’extension de la menace. La transmission peut se faire de personne à personne, comme dans le cas des maladies infectieuses, mais elle peut aussi dépendre de l’exposition à une source commune de contamination. Par ailleurs, la notion d’épidémie inclut la notion d’éclosion. » (MSSS, 2002, p. 4).

L’agent est considéré comme non contrôlé, lorsqu’il n’y a pas de mesures mises en place pour briser la chaîne de risque ou lorsque les mesures déjà appliquées n’y parviennent pas. 

 

Exemple - Différencier un risque non contrôlé d’un risque contrôlé

Sur un site industriel, un réservoir contenant une quantité importante d'un produit chimique dangereux constitue un risque contrôlé s'il répond aux normes de sécurité adaptées à la nature de l’agent chimique. Il ne représente alors pas une menace à la santé de la population. Par contre, une détérioration de ce même réservoir, par une fissure notamment, constitue une menace appréhendée*. Enfin, un déversement de l’agent chimique dans l’environnement peut représenter une menace réelle* ou appréhendée* selon les circonstances.

C’est le jugement professionnel qui permet d’identifier et d’évaluer une menace en considérant les trois composantes caractéristiques de la menace citées plus haut. Il s’agira également de considérer l’importance que ce risque représente pour la santé de la population.

Le processus de gestion des risques proposé dans le cadre s’applique à la gestion de tous les risques à la santé de la population, peu importe que ceux-ci représentent ou non une menace au sens de la LSP9.

Qu'est-ce que la perception du risque?

Par ailleurs, un risque représente également un construit social (IRGC, 2005). Le lien entre la représentation mentale subjective de chaque individu et la réalité objective se forge au travers des expériences de dangers réels et de leurs conséquences ainsi que sur la base de savoirs, concepts, valeurs, besoins et intérêts. 

 

La perception du risque désigne toutes les représentations mentales et les façons dont les humains appréhendent, comprennent et évaluent un risque, et ce, à partir de leur propre perspective et de leurs propres expériences. Les facteurs qui modulent les perceptions sont très variés. Ils peuvent être (INSPQ, 2013) :

  • liés à l’individu : expérience personnelle et connaissance du risque, âge, niveau de scolarité, caractéristiques ou bénéfices personnels, etc.;
  • socioculturels : valeurs collectives, lois et normes sociales, communication par les médias, par les groupes en présence, mobilisation sociale, etc.;
  • externes : nature et importance du risque, lieu, écosystèmes, impacts économiques, etc.

 

Ainsi, la perception d’un même risque peut grandement varier d’un individu à un autre ou entre les groupes d’individus. De plus, les perceptions évolueront dans le temps. Or, celles-ci influencent significativement le comportement des individus (IRGC, 2005). Il est donc important de les comprendre et de les prendre en compte pour favoriser l’implication des parties prenantes. 

  1. Loi sur la santé publique, 2001, RLRQ, c. S-2.2, art.5.
  2. Loi sur la santé publique, 2001, RLRQ, c. S-2.2, art.2.
  3. Loi sur la santé publique, 2001, RLRQ, c. S-2.2, art.2.