Évaluer le risque à la santé

 

 

Le processus n’est pas nécessairement séquentiel. Par exemple, la première étape d’identification du danger et d’évaluation des hypothèses de causalité et la deuxième étape d’estimation de l’exposition sont généralement réalisées en parallèle.

Identifier les effets sur la santé

L’identification des effets (adapté de l’EPA, 2014) consiste à :

  • identifier le danger;
  • évaluer les hypothèses de causalité.

Identifier le danger

Il s’agit d’identifier l’agent ou la combinaison d’agents à la source de la problématique de risque étudiée et de déterminer les effets négatifs sur la santé humaine qui y sont associés. Ces derniers correspondent aux conséquences du risque à la santé en termes de morbidité, d’incapacité et de mortalité.

Une revue de la littérature permet généralement d’identifier, d’évaluer et de synthétiser les données scientifiques disponibles pour faire un portrait sommaire de cet agent et établir un lien entre l’agent et des effets négatifs sur la santé d’une population exposée. Différents types d’études peuvent être utilisés, notamment des études cliniques, épidémiologiques, toxicologiques. La qualité de la preuve et les limites des données scientifiques disponibles sont aussi décrites à cette étape du processus.

Évaluer les hypothèses de causalité   

Évaluer les hypothèses de causalité consiste à documenter la relation entre la dose d’exposition à un agent ou à une combinaison d’agents et la survenue d’un effet particulier sur la santé (réponse). Différentes réponses peuvent être étudiées. Il peut s’agir par exemple de l’incidence de différentes maladies, du nombre d’hospitalisations associées à une certaine maladie ou du nombre de décès. L’ampleur d’une réponse peut aussi être considérée, par exemple l’ampleur d’une perte d’audition. La relation établie entre la dose et une réponse particulière est unique et spécifique à la réponse et à l’agent ou à la combinaison d’agents étudiés.

 

Rappelons qu’une corrélation statistiquement significative entre un danger et un effet n’implique pas nécessairement un lien de causalité. De plus, dans le cas de systèmes complexes, il convient de choisir des relations dose-réponses et des méthodes d’analyse qui permettent de tenir compte des interactions entre les différents agents. Si c’est impossible, l’incertitude qui en découle et son impact potentiel sur l’évaluation du risque devraient être signalés.

Enfin, cette étape consiste aussi à établir la vitesse d’apparition de ces effets ainsi que le mode de transmission et le mécanisme d’action de l’agent.

 

Estimer l'exposition

Il s’agit d’estimer quantitativement ou qualitativement :

  • la concentration ou la dose réelle ou prévisible de l’agent dangereux auquel est ou pourrait être exposée la population;
  • la durée de l’exposition réelle ou prévisible à l’agent dangereux;
  • le nombre de personnes ou de groupes qui ont été, sont ou pourraient être exposés à une certaine concentration ou dose de l’agent dangereux;
  • le nombre de personnes ou de groupes exposés plus vulnérables compte tenu d’une plus forte exposition ou encore de conditions particulières (sociodémographiques, physiologiques, économiques, etc.).

Plusieurs scénarios d’exposition peuvent être envisagés en considérant notamment différents lieux, doses d’exposition et groupes de la population. Les informations permettant d’estimer l’exposition incluent notamment les relations dose-réponse et les modes de transmission.

 

Exemples

En maladies infectieuses, dans le cas des zoonoses ou des maladies transmissibles par vecteurs (par exemple le virus du Nil occidental (VNO) ou la maladie de Lyme), l’évaluation de l’exposition requiert de l’information sur la distribution géographique de la maladie chez l’animal (par exemple la rage) ou du vecteur dans l’environnement (par exemple les moustiques pour le VNO ou les tiques responsables de la maladie de Lyme) et de tout autre facteur, par exemple climatique, qui peut favoriser leur apparition. Elle permettra ainsi d’estimer la vulnérabilité d’une région.

En santé au travail, des prélèvements sont effectués à différents postes de travail pour des contaminants préalablement identifiés afin d’établir le niveau d’exposition des travailleurs qui y sont affectés. Ces prélèvements sont réalisés en s’appuyant sur des protocoles reconnus visant à assurer la validité des résultats qui en découlent. Enfin, un jugement professionnel est porté sur la représentativité des résultats concernant l’ampleur de cette exposition.

En santé environnementale, dans le cas d’une contamination de l’eau par un agent chimique, l’évaluation de l’exposition requiert de l’information notamment sur les concentrations observées du polluant, l’historique de la contamination, l’ampleur de la zone concernée, la connaissance des voies possibles d’exposition de la population (par ingestion, inhalation ou contact cutané) ainsi que la population touchée (résidentielle, institutionnelle, milieu communautaire, villégiature, etc.).

 

Analyser le contexte

À l’étape d’évaluation, il peut être utile de poursuivre l’analyse du contexte, amorcée à la phase de cadrage.

Pour ce faire il convient :

  • d’examiner les perceptions, les préoccupations, les attentes et les intérêts en présence;
  • de documenter les facteurs du contexte significatifs qui peuvent influencer le risque.

Examiner les perceptions, les préoccupations, les attentes et les intérêts en présence

Un tel examen peut notamment faciliter la communication, l’implication des parties prenantes et une réponse adaptée au risque en déterminant les facteurs facilitant ou limitant la démarche d’évaluation et de gestion des risques. Il s’agit de répondre, le plus objectivement possible, aux questions suivantes (adapté d’IRGC, 2012) :

  • Quelles sont les perceptions, les préoccupations (section La dimension sociale), les attentes et les intérêts des parties prenantes?
  • Une mobilisation politique ou des conflits sont-ils possibles?
  • Comment les perceptions, les attentes, les intérêts, les comportements humains et les risques sont-ils reliés?
  • Quel rôle jouent les institutions et les médias en ce qui a trait aux perceptions, préoccupations et intérêts des parties prenantes?
  • Des différences de perspectives entre les parties prenantes concernant les objectifs, l’interprétation de résultats scientifiques, les valeurs ou une répartition inéquitable des bénéfices relatifs au risque peuvent-elles induire de la controverse?
  • Y a-t-il apparence d’iniquité sociale dans la distribution du risque?

Facteurs significatifs du contexte qui influencent le risque

Certains facteurs environnementaux, organisationnels, politiques, économiques ou sociaux peuvent influencer directement ou indirectement la santé de la population ou encore le processus d’évaluation et de gestion du risque. L’évaluation de ces facteurs se poursuit ici. Elle permet d’approfondir la compréhension des éléments qui influencent la vulnérabilité ou l’exposition de la population à l’agent dangereux. De plus, elle facilite la compréhension des attentes et des intérêts des parties prenantes.

En effet, les facteurs du contexte peuvent jouer un rôle modulant l’exposition de certains groupes de la population. Au-delà des susceptibilités individuelles, les contraintes environnementales, le niveau d’éducation, le profil socio-économique ou le contexte politique sont autant de facteurs qui influencent les milieux de vie, les comportements à risque et l’adoption de mesures de prévention ou de protection susceptibles de diminuer ou d’augmenter l’exposition de groupes à un agent dangereux (par exemple proximité de la source, habitudes de vie, etc.).

 

Exemple

Facteurs du contexte qui pourraient influencer le risque d’exposition aux bioaérosols en milieu de soins

Chez les travailleurs de la santé, les causes des maladies respiratoires contractées en milieu de soins se situent à différents niveaux :

Pourquoi ces travailleurs prodiguent-ils des soins à des patients qui émettent des bioaérosols infectieux sans toujours mettre d’appareil de protection respiratoire? Pourquoi les environnements et l’organisation des soins provoquant l’aérosolisation d’agents infectieux ne sont-ils pas toujours conçus pour réduire l’exposition? Ces questions ouvrent la réflexion pour identifier les causes probables de l’exposition et les pistes d’intervention possibles.

De plus, les facteurs du contexte peuvent aussi influencer la perception du risque. En effet, des enjeux sociaux, politiques ou économiques ou encore des caractéristiques propres à l’agent dangereux peuvent influencer la reconnaissance du risque. Différents facteurs peuvent faire en sorte qu’on minimise ou on nie le risque tandis que la controverse peut mener à exagérer le risque.

Enfin, il convient de déterminer s’il est pertinent pour éclairer la décision d’évaluer les conséquences sur la santé de certains facteurs significatifs (impacts sociaux, économiques, etc.).

 

Estimer le risque

En combinant les données issues de l’estimation des effets et de l’exposition ainsi que de l’analyse du contexte, il s’agit à présent d’estimer scientifiquement, pour différents scénarios d’exposition au danger :

  • les conséquences sur la santé en termes de morbidité, d’incapacité ou de mortalité, soit par exemple le nombre de malades, de décès, etc.;
  • la probabilité d’observer ces conséquences.

Il convient de préciser les hypothèses considérées, les incertitudes éventuelles, la signification statistique des résultats (par exemple les intervalles de confiance, les valeurs-p, la qualité des modèles mathématiques prédictifs utilisés, etc.) et leurs impacts potentiels sur les estimés du risque.

Si l’analyse du contexte démontre la pertinence de compléter la démarche scientifique de santé publique en considérant d’autres dimensions, il convient alors d’estimer :

  • les conséquences sur la santé liées à ces autres dimensions;
  • la probabilité d’observer ces conséquences.

Cette estimation du risque est quantitative ou qualitative selon le contexte. Notamment, dans l’urgence ou lorsque les données ne sont pas suffisantes, une évaluation statistique est difficilement réalisable. Une évaluation qualitative s’avère alors suffisante.