Obligation de divulguer son statut sérologique à ses partenaires sexuels ? Le système de justice pénale évolue.

Au Canada, une personne vivant avec le VIH peut être déclarée coupable d’agression sexuelle parce qu’elle n’a pas divulgué sa séropositivité à un partenaire sexuel et ce, même en l’absence de transmission ou lorsque le risque de transmission est négligeable (voir la Vidéo Criminalisation du VIH). La criminalisation de l’exposition au VIH, en plus de contribuer à la stigmatisation des personnes vivant avec le VIH, nuit aux efforts de la santé publique pour prévenir cette infection.

Depuis plusieurs années, des démarches visent à amener le système de justice pénale à tenir compte des données scientifiques concernant la transmission du VIH. Heureusement, ces démarches ont porté fruit et le système de justice pénale en tient dorénavant davantage compte. Cette manchette présente ce qui s’applique au Québec en termes d’obligation de divulguer son statut sérologique selon différents contextes.  

En 2012, la Cour suprême du Canada a rendu deux jugements sur la question de la divulgation du statut sérologique (les affaires R. c. Mabior et R. c. D.C.). Selon ces décisions, toute personne se sachant infectée par le VIH a l’obligation légale de divulguer sa séropositivité à ses partenaires sexuels avant d’avoir des relations sexuelles qui comportent une « possibilité réaliste de transmission du VIH ».

La Cour a établi qu’il n’y a pas de « possibilité réaliste de transmission du VIH », lors d’une pénétration vaginale, lorsqu’il y a port du condom ET que la charge virale de la personne séropositive est faible ou indétectable. Une personne vivant avec le VIH n’a donc pas d’obligation de divulguer son statut sérologique dans ce premier contexte. En outre, la Cour a précisé qu’il faut tenir compte des futures avancées de la science médicale en matière de transmission du VIH pour déterminer s’il existe une « possibilité réaliste de transmission ».

Des données scientifiques récentes démontrent que le risque de transmission du VIH associé aux relations sexuelles orales, vaginales ou anales non protégées par un condom est négligeable lorsque la personne vivant avec le VIH prend un traitement antirétroviral comme prescrit et que sa charge virale, mesurée par des analyses consécutives de laboratoire tous les quatre à six mois, se maintient à moins de 200 copies par millilitre de sang (voir L’effet du traitement des personnes vivant avec le VIH sur le risque de transmission sexuelle de l’infection). Dans ces circonstances, le critère de la « possibilité réaliste de transmission du VIH » n’est pas satisfait et des poursuites criminelles ne seraient pas justifiées.

D’autres données scientifiques (voir Expert consensus statement on the science of HIV in the context of criminal law)montrent que lors des relations orales, vaginales ou anales adéquatement protégées par un condom ou lors de relations sexuelles orales non protégées par un condom, en l’absence d’éléments susceptibles d’augmenter le risque de transmission du VIH (ex. : condom périmé ou déchiré, lésions à la bouche ou aux organes génitaux), le risque de transmission est négligeable, et ce, même si la personne ne suit pas un traitement antirétroviral. Il est difficile de statuer sur l’obligation légale de divulguer son statut sérologique dans ce troisième contexte; la présence d’éléments susceptibles d’augmenter le risque de transmission sera évaluée au cas par cas par un expert afin de vérifier si le critère de « possibilité réaliste de transmission » est satisfait.

L’ensemble des acteurs de la justice du Québec touchés par ce dossier a déjà été informé de ces récentes données sur le risque de transmission du VIH. Une mise à jour de l’annexe « L’obligation légale de divulguer son statut sérologique à ses partenaires sexuels » du Guide québécois de dépistage des ITSS sera publiée sous peu. La section Que doivent faire les professionnels de la santé? demeure inchangée.

Nous profitons de l’occasion pour rappeler l’importance de :

La direction de santé publique de votre territoire peut vous aider à offrir ce soutien et à effectuer cette intervention. En plus de prévenir la transmission et de protéger la santé de la population, ce soutien et cette intervention pourraient contribuer à limiter la criminalisation de l’exposition au VIH.

Pour en savoir plus sur la criminalisation de l’exposition au VIH :

Pour en savoir plus sur les démarches en cours :

Rédigé par
Evelyne Fleury (DPITSS, MSSS)
Subjects:
Publication date: 26 juin 2019