L’importance de dépister aux sites extragénitaux : prévalence de la chlamydia et la gonorrhée chez les hommes gais, bisexuels et autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, y compris les hommes trans

Résultats d’une étude montréalaise

Dans le Portrait des infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) au Québec, on constate une hausse du nombre d’infections à Chlamydia trachomatis (Ct) et à Neisseria gonorrhoeae (Ng) au fil des années. On estime que cette augmentation est entre autres le reflet d’une meilleure capacité de détection des infections et d’un dépistage plus intensif dans la communauté. Il reste que malgré tout, l’épidémiologie exposée dans le Portrait des ITSS nous renseigne à l’effet que ces infections sont bien présentes au sein de la population et que la situation est préoccupante.

Un groupe de chercheurs a voulu dresser le portrait de la prévalence de ces infections chez les hommes gais, bisexuels et autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (gbHARSAH), y compris les hommes trans. Les résultats de leur étude Community-Based Prevalence Estimates of Chlamydia trachomatis and Neisseria gonorrhoeae Infections Among Gay, Bisexual, and Other Men Who Have Sex With Men in Montréal, Canada ont récemment été publiés dans la revue Sexually Transmitted Diseases.

Parmi les auteurs·res, on retrouve Annie-Claude Labbé, Claude Fortin et Gilles Lambert, impliqués·ées dans divers comités d’experts de l’INSPQ. Iels ont obtenu leurs données de recherche via la vaste étude pancanadienne Engage (1).

 

Ce que nous apprend cette étude?

Ce sont les prélèvements urogénitaux, rectaux et pharyngés de 1177 hommes gbHARSAH, y compris les hommes trans, qui ont été analysés pour estimer la prévalence des infections à Ct et à Ng au sein de cette population. Tous les participants habitent la région de Montréal.

D’abord, la prévalence de l’infection à Ct chez les hommes gbHARSAH, y compris les hommes trans est de :

  • 2,4% au site rectal,
  • 0,4% au site urogénital,
  • 0,4% au site pharyngé et
  • 2,8% au total, tous sites confondus.

Comparativement au site urogénital, l’infection à Ct est donc 12 fois plus présente au site rectal.

La prévalence de l’infection à Ng quant à elle est de :

  • 3,1% au site rectal,
  • 0,4% au site urogénital,
  • 3,5% au site pharyngé et
  • 5,6% au total, tous sites confondus.

L’infection à Ng est donc 12 fois plus présente au pharynx et 10 fois plus présente au rectum qu’au site urogénital.

Au total, la prévalence de l’infection à Ng est donc deux fois plus grande que celle de l’infection à Ct dans cette population. Les résultats nous renseignent aussi à l’effet que ces infections et particulièrement celle à Ng, se retrouvent plus souvent aux sites extragénitaux des hommes gbHARSAH, y compris les hommes trans. En effet, 80% des infections à Ct et 94% des infections à Ng seraient manquées si les cliniciens·ennes s’en tenaient qu’à dépister via des prélèvements d’urine au sein de cette population.

 

En conclusion

Ces résultats soutiennent le besoin d’effectuer un dépistage des ITSS basé non seulement sur les facteurs de risque, mais aussi en fonction des sites anatomiques exposés. Il est primordial pour les hommes gbHARSAH, y compris les hommes trans que la nécessité d’effectuer un prélèvement pharyngé et rectal soit évaluée. Les auteurs·res de l’étude vont même jusqu’à affirmer qu’en contexte de pénurie de matériel de prélèvement pour dépister ces infections (cela a été le cas à certains moments durant la pandémie de COVID-19), les sites extragénitaux pourraient être priorisés sur les prélèvements d’urine.

 

Travaux à venir à l’INSPQ

Pour favoriser le dépistage des sites extragénitaux, l’autoprélèvement pourrait être proposé aux usagers·ères. Il s’agit d’une pratique parfois utilisée, mais pour le moment non normalisée et qui mérite d’être mieux encadrée. Des travaux sont en cours à l’INSPQ afin de développer des lignes directrices et des outils pour guider la pratique des cliniciens·ennes et soutenir les usagers·ères qui y ont recours. Plus de détails seront communiqués via l’Espace ITSS lorsque ces travaux seront achevés.

 

(1) Qu’est-ce que Engage? 

Il s’agit d’une collaboration pancanadienne entre des personnes impliquées dans la recherche et des organisations communautaires, visant principalement à alimenter les connaissances scientifiques en matière de prévention du VIH et des ITSS chez les hommes gais, bisexuels et autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (gbHARSAH) qui vivent à Montréal, Toronto et Vancouver.

La participation communautaire aux projets de recherche canadiens est aussi encouragée par cette initiative. Pour plus de détails sur Engage et les projets en cours, cliquer ici.

Rédigé par
Florence Maheux Dubuc, conseillère scientifique INSPQ
Publication date: 25 février 2022