20 décembre 2018

Légionelle – Les défis de santé publique

Résumé scientifique
ATELIERS DE SANTÉ ENVIRONNEMENTALE 2018
Les Ateliers de santé environnementale (ASE) sont organisés conjointement par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), ainsi que les centres intégrés (universitaires) de santé et de services sociaux (CISSS/CIUSSS). Par l’intermédiaire de formules pédagogiques variées, les ASE offrent aux intervenants de santé environnementale l’occasion de consolider leurs connaissances sur différents thèmes au cœur de leurs pratiques professionnelles actuelles et en émergence. Les ASE représentent non seulement un rendez-vous de formation continue bisannuelle, mais aussi l’occasion de se retrouver entre collègues.
Pour cette 12e édition, le comité organisateur et scientifique était composé de : Stéphane Bessette, CISSS de l’Abitibi-Témiscamingue; Annabelle Dubreuil et Caroline Gourdes de l’INSPQ; Claudine Forest, MSSS; Patrick Levallois, Université Laval et INSPQ; Michel Savard, CISSS des Laurentides, MSSS et INSPQ, sous la gouverne de Karine Chaussé de l’INSPQ. La rencontre se déroulait les 17 et 18 octobre 2018, dans un haut lieu de la Ville de Québec, le Monastère des Augustines.
Le comité de rédaction du Bulletin d’information en santé environnementale (BISE) vous propose une synthèse des trois principales thématiques discutées lors des ateliers, soit la légionellose, l’évaluation et la gestion du risque radiologique et les changements climatiques.
Pour les professionnels du réseau de la santé et des services sociaux, toutes les présentations PowerPoint sont accessibles sur la Communauté de pratique en santé environnementale.
Auteur(s)
Denis Gauvin
M. Sc, conseiller scientifique, Institut national de santé publique du Québec
Vicky Huppé
M. Sc., conseillère scientifique, Institut national de santé publique du Québec

Les signalements de cas de légionellose, soit sporadiques ou lors d’éclosions, sont de plus en plus courants au Québec. Les directions de santé publique (DSPublique) sont donc ainsi appelées à intervenir rapidement et plus fréquemment sur cette problématique. En soutien à l’évaluation et à la gestion du risque à la santé, et face aux multiples enjeux identifiés lors de tels événements, une session thématique sur la légionellose s’est tenue afin de partager et faire le point sur les nouvelles connaissances et expériences dans le domaine. Les objectifs de l’atelier visaient principalement à 1) mieux comprendre le risque infectieux et les différents enjeux de santé publique liés à la bactérie Legionella; 2) interpréter adéquatement les analyses de laboratoire en situation d’investigation et 3) identifier les forces et les faiblesses des interventions lors d’éclosions de légionellose.

En ouverture, Mme Caroline Huot, de l’INSPQ, a mis la table en présentant une révision des notions générales sur la légionelle. Elle s’est attardée sur l’écologie de la bactérie, ses principaux réservoirs, et les divers critères afin de juger de la force de la preuve permettant d’établir le lien entre l’exposition et l’apparition de la maladie. Elle a rappelé que tout système ou équipement qui contient, entrepose ou recircule de l’eau non stérile à une température adéquate à la croissance de la bactérie peut être une source de légionellose si l’eau est aérosolisée. Elle a souligné qu’il y a une augmentation constante du taux annuel de déclarations depuis 2000 au Québec (environ 2,2 cas de légionellose/100 000 habitants).

L’interprétation en laboratoire des résultats d’analyse de prélèvements environnementaux pour Legionella est une étape cruciale à la confirmation de la présence de la bactérie et à l’identification de la source responsable lors d’une éclosion. Mme Manuela Villion, du Centre d’expertise en analyse environnementale du Québec du Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC), a présenté les diverses méthodes d’analyses de Legionella (culture, PCR en temps réel [qPCR] et autres méthodes en développement) et des enjeux existants pour chacune d’entre elles. Parmi celles-ci, la flore interférente, particulièrement présente en « eau sale », pose de nombreux défis à la détection ou au dénombrement de Legionella. Diverses procédures visant à réduire cette flore interférente, bien que comportant leurs limites, ont été abordées, telles que le traitement à la chaleur (50oC/30 min) ou le traitement à l’acide (pH = 2/5 min).

Les milieux de soin sont des endroits propices à la croissance de la légionelle dans les réseaux d’eau et la population particulièrement vulnérable dans ces établissements justifie la mise en place de mesures spécifiques. M. Jasmin Villeneuve, de l’INSPQ, a fait état des travaux menés par l’INSPQ sur la légionellose dans les milieux de soin (repéré à https://www.inspq.qc.ca/publications/2159) ainsi que ceux du Comité sur les infections nosocomiales du Québec (CINQ) (document en rédaction : Prévention de la légionellose nosocomiale : Recommandations pour les établissements de santé). Il a rappelé les outils rendus disponibles pour soutenir les intervenants de santé publique dans la gestion des risques associés aux réseaux d’eau de ces milieux, particulièrement pour les centres hospitaliers. Diverses recommandations pour les milieux de soin ont été présentées, telles que disposer, pour chaque établissement, d’un plan d’évaluation et de gestion du risque infectieux en lien avec l’eau potable, encourager une surveillance active dans les unités ayant des patients à risque ou encore, établir un protocole d’intervention en cas de présence d’un cas sporadique ou lors d’éclosion.

Quoi de plus profitable aux intervenants de santé publique qu’un cas pratique pour bien comprendre les différents défis associés à une éclosion de légionellose. Mme Ann St-Jacques, de la DSPublique de la Mauricie–Centre-du-Québec, a souligné les enjeux associés à chacune des étapes de l’investigation d’une éclosion liée à une installation de tour de refroidissement (ITRE). Parmi ceux-ci, notons les critères pour retenir des sources potentielles, la présence de flore interférente et des suivis requis associés à leur présence ainsi que la mobilisation et l’arrimage des équipes de maladies infectieuses et de santé environnementale. En soutien à l’intervention, elle a souligné l’existence des fiches techniques sur la légionelle, disponibles sur le site de la Communauté de pratique en santé environnementale, et de la pertinence de les bonifier.

La présence de la légionelle dans les chauffe-eau est bien connue et les risques associés ont été bien documentés. Des évaluations estiment qu’environ 80 cas de légionellose par année au Québec sont liés à ces installations. M. Benoît Lévesque, de l’INSPQ, a rappelé les conditions favorables à la croissance de la légionelle dans les chauffe-eau, les incertitudes liées au potentiel de recroissance de la bactérie Legionella lors de programmes de débranchement de ceux-ci en période de forte consommation énergétique (opération qui consiste, dans un objectif d’économie d’énergie, à effectuer un débranchement automatique des chauffe-eau sur une période de quelques heures en période de grands froids et de grandes demandes énergétiques auprès des clients participant au programme) et, enfin, la nécessité d’action et de recherche afin de contrer la présence de la légionelle dans ces réservoirs.

Enfin, M. Jeff Moffat, de Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC), a rapporté les travaux de leur organisation dans la gestion de la légionelle, notamment par la réalisation d’un guide présentant la norme IM 15 161 –2013 « Lutte contre la Legionella dans les systèmes mécaniques » (repéré à https://www.tpsgc-pwgsc.gc.ca/biens-property/legionalla/index-fra.html). Il a précisé les exigences en matière d’analyses (par culture et par qPCR) et de seuils d’intervention pour différents systèmes, soit les tours de refroidissement, les systèmes à eau libre, les humidificateurs et les réseaux d’eau chaude domestique. M. Moffat a souligné diverses conditions pouvant justifier les DSPublique à requérir les actions du SPAC, telles que la présence de cas de légionellose à proximité des bâtiments gérés par SPAC (dans un rayon de 10 km) ou la récurrence de la bactérie Legionella au-dessus de seuils recommandés lors d’analyse par culture. Cette présentation a été profitable aux échanges entre les organisations de santé du Québec et le SPAC.

En finale, Mme Marion Schnebelen, du MSSS, a souligné l’importance de ce dossier au sein du ministère et des divers travaux associés à ce dernier, notamment le mandat donné au groupe d’expertise en santé environnementale sur le Règlement d’entretien des tours de refroidissement à l’eau.