13 décembre 2002

La mise à l'abri... une véritable mesure de protection?

Article
Auteur(s)
Louis Dionne
M. Sc., Direction de la santé publique de la Mauricie et du Centre-du-Québec
Slavko Sebez
Direction de santé publique de la Capitale-Nationale

Introduction

La planification de situations d’urgence lors d’une déflagration, d’un incendie ou d’un dégagement d’un nuage toxique ou radioactif nécessite l'adoption d'une mesure de protection adaptée à la population concernée. Cette décision n’est toutefois pas toujours facile à arrêter. Lors d’une séance de travail du Comité mixte municipalité-industrie (CMMI) de Bécancour, dans la région Centre-du-Québec, le groupe chargé de la planification pratique des mesures à appliquer lors d’un accident impliquant du chlore, a relevé certaines contraintes de temps et de moyens techniques qui laissaient peu de choix quant à la mesure de protection à privilégier. Tout en constatant ces évidences et en acceptant la logique qui menait le groupe à favoriser la mise à l’abri, la majorité des membres du groupe ont indiqué qu’en situation réelle, ils auraient spontanément incité leur famille à évacuer plutôt qu’à se mettre à l’abri. C’est cette situation qui a inspiré le présent article, qui recense quelques rares recherches sur l’efficacité de la mise à l’abri et certaines expériences vécues où la mise à l’abri a déjà été utilisée.

La dose… un concept méconnu

Le concept de dose fait référence à une quantité de substance à laquelle un organisme est exposé. Dans le contexte qui nous intéresse, on pourra diminuer la dose en abaissant l’un ou l’autre des paramètres suivants ou les deux simultanément, soit : a) la concentration d’un toxique à laquelle une personne est exposée et b) le temps pendant lequel cette personne y est exposée. La dose étant la combinaison de ces deux paramètres, faire varier l’un ou l’autre paramètre, ou les deux à la fois, influence l’importance de la dose. Pour les substances toxiques, c’est l’importance de la dose qui conditionne l’effet plus ou moins grave à la santé de la personne exposée. C’est pourquoi, quelle que soit la mesure de protection favorisée, le but visé est toujours le même, soit de réduire la dose d’exposition.

Les experts en communication du risque considèrent ce concept de dose comme étant peu connu et mal compris du public en général. Cette méconnaissance pourrait être à la source du scepticisme qui entoure le niveau d’efficacité des mesures de protection autres que l’évacuation. Ceci a pour effet probable d’inciter le public et peut-être même les décideurs à considérer l’évacuation comme la seule mesure de protection valable.

L’évacuation

L’évacuation est certainement la mesure de protection adoptée le plus fréquemment par la majorité des gens. En théorie, et souvent en pratique, fuir la zone à risque assure la sécurité et une exposition minimale ou nulle. Dans bien des cas, il s’agit de la mesure de protection la plus simple, la plus sécuritaire et la plus facile à appliquer. Toutefois, dans d’autres circonstances et particulièrement dans des conditions où le panache couvre ou risque de couvrir un territoire vaste et densément peuplé, l’évacuation n’est pas nécessairement la meilleure mesure de protection à adopter1. Pour justifier l’évacuation, il faut considérer le délai disponible, c’est-à-dire le temps que mettra le nuage toxique à se diluer, en se déplaçant, jusqu’à atteindre des concentrations non dangereuses, et le mettre en relation avec le temps nécessaire pour déclencher l’alerte, mettre en branle le processus d’évacuation et se déplacer jusqu’à une zone sécuritaire. Il faut considérer les risques inhérents à l’ensemble des manœuvres qui constituent l’évacuation2 (risques d’accidents routiers, dépendance des gens peu ou non autonomes, contraintes dues à la météo et autres). Si le temps le permet et que les avantages supplantent les inconvénients, alors l’évacuation est souvent la mesure à favoriser.

La mise à l’abri

La mise à l’abri, aussi appelée confinement, consiste à s’isoler à l’intérieur d’un bâtiment et d’y rester durant toute la durée du passage du panache. Il s’agit ainsi de profiter de la protection passive du bâtiment. L’avantage principal de la mise à l’abri est la rapidité avec laquelle la mesure peut être mise en place. En général, on considère quatre niveaux possibles de mise à l’abri, chacun présentant des niveaux de préparation différents:

  • La mise à l’abri simple : cette mesure consiste à s’isoler à l’intérieur de la maison en fermant portes et fenêtres et en coupant toute ventilation mécanique.
  • La mise à l’abri active : à la mise à l’abri simple, s’ajoute la réduction des infiltrations d’air par des actions simples comme sceller les contours des fenêtres et des portes ou même les recouvrir de plastique.
  • La mise à l’abri planifiée : cette mesure consiste à préparer à l’avance la pièce de la maison dans laquelle les personnes se retrancheront lors d’un éventuel besoin de mise à l’abri.
  • La mise à l’abri en pression positive : cette mesure prévoit l’utilisation d’un ventilateur équipé d’un filtre spécialement conçu pour purifier l’air extérieur qui sert à maintenir une pression positive à l’intérieur de la pièce de façon à renverser le flot de l’air dans les points d’infiltration. Cette méthode est dispendieuse et surtout indiquée pour les lieux de mise à l’abri dans les industries à risque.

La mise à l’abri en milieu de travail diffère quelque peu de celle à domicile en ce sens qu’elle demande une planification plus élaborée étant donné quelle met en cause un plus grand nombre de personnes dans un même endroit et que le bâtiment est techniquement plus complexe en ce qui concerne les systèmes de ventilation, de climatisation et d’échange d’air3. Il est recommandé de répertorier et de marquer chacun des interrupteurs de ces systèmes et de planifier les procédures d’arrêt et de remise en marche. Il faut aussi maximiser la coopération de l’ensemble des employés, considérer la présence possible de visiteurs et de clients et procéder à des exercices périodiques4. Finalement, les pièces choisies pour recevoir l’ensemble du personnel et des visiteurs doivent être suffisamment volumineuses pour permettre un minimum de confort aux occupants. Une règle suggérée par AVERT’s5 consiste à déterminer la surface de la pièce (en pieds carrés) et de la diviser par 36. Le résultat correspond au nombre de personnes pouvant être accommodées dans la pièce pour une période de quelques heures (2-3 heures). Par exemple, selon ce modèle, une pièce de 10 par 18 pieds (180 pi.2) convient à 5 personnes.

Facteurs de protection

Le facteur de protection (FP) est un indice de la capacité d’une mesure de protection à diminuer la dose subie lors d’une exposition donnée. Il s’agit du rapport de la dose qui serait cumulée sans la mesure de protection sur la dose cumulée avec la mesure de protection. Un facteur de protection de 10 signifie que la mesure de protection permet de diminuer la dose à 1/10 de sa valeur initiale.

Des études réalisées par l’Institut de recherche en construction du Conseil national de recherches du Canada6 et par l’armée américaine au Aberdeen Proving Ground au Maryland7 ont permis de constater qu’en moyenne, les habitations étudiées avaient un taux d’infiltration d’air d’environ 0,3 échange d’air à l’heure.

Dans une pièce aux caractéristiques de mise à l’abri active, le taux d’échange d’air était diminué de 34 % par rapport à une mise à l’abri simple. En transformant les taux d’échange d’air en facteur de protection, il apparaît qu’une personne utilisant une mise à l’abri active dans une pièce bien choisie recevrait une dose équivalente à seulement 1/39 à 1/101 de la dose qu’elle recevrait à l’extérieur pour une exposition de 10 minutes et 1/7 à 1/17 de la dose pour une exposition d’une heure (figure 1).

Figure 1. Facteurs de protection pour différentes pièces de la maison lors du passage d’un nuage toxique

Le National Institute for Chemical Studies8 (NICS) a de son coté étudié une cinquantaine de cas réels d’accidents impliquant des produits chimiques industriels qui se sont produits entre 1976 et 2000 aux États-Unis et au Canada. Dans ces cas, la mise à l’abri avait été utilisée comme mesure de protection pour la population. L’étude approfondie de certains des cas montre que les concentrations extérieures étaient suffisantes pour entraîner des effets importants sur la santé puisque des personnes n’ayant pas suivi les consignes de mise à l’abri ont été affectées contrairement à celles les ayant appliquées. La conclusion des auteurs supporte l’évidence de l’efficacité d’une mise à l’abri de courte durée9.

Variables déterminantes

Les auteurs8 du NICS proposent trois variables déterminantes de l’efficacité de la mise à l’abri. Il s’agit a) du comportement du public; b) des caractéristiques de l’environnement et des bâtiments; et c) des caractéristiques du produit chimique impliqué.

Un comportement idéal du public implique une rapidité d’action pour se mettre à l’abri et bien se protéger. Des recherches sociales ont démontré que pour que les gens réagissent rapidement, ils doivent considérer la menace réelle et la mesure de protection efficace. Ils doivent aussi considérer les décideurs comme des intervenants crédibles et compétents. Comme l’instinct naturel dicte aux gens de s’éloigner de la source du danger, une consigne de mise à l’abri doit être supportée par une éducation du public principalement en ce qui concerne les raisons qui la justifient, son efficacité, ses conditions d’application et les façons de bien la réaliser. Les caractéristiques des bâtiments et de leur environnement ont aussi une influence directe sur l’efficacité de la mise à l’abri. Les habitations saisonnières ou les roulottes ainsi que les bâtiments plus âgés ou mal entretenus sont moins efficaces du point de vue des infiltrations d’air que les habitations récentes. Le climat, les écarts de température, les soucis d’économie d’énergie et les critères de construction applicables au Québec font en sorte que les maisons québécoises sont conçues pour minimiser les infiltrations d’air, ce qui évidemment favorise l’efficacité de la mise à l’abri. Toutefois, cette efficacité variera d’un vieux quartier à un quartier plus récent. Les facteurs environnementaux affectent aussi la qualité de l’efficacité. Par exemple un vent fort aura pour effet d’augmenter le coefficient d’infiltration dans un bâtiment. Toutefois, la dispersion dans l’air du gaz toxique sera plus grande et aura pour effet de réduire la taille du panache. Des études10 ont aussi montré que l’utilisation d’une pièce du côté de la maison le plus éloigné de la source pouvait augmenter significativement la protection des occupants. Les caractéristiques des produits chimiques en cause influencent aussi le choix et l’efficacité de la mesure de protection. Les produits plus volatils ont une plus grande facilité à pénétrer les bâtiments et réduisent le facteur de sécurité. Toutefois, la caractéristique la plus importante est certainement le niveau d’inflammabilité et d’explosibilité du produit. Dans le cas de produits inflammables ou explosifs, il est souhaitable que l’évacuation soit privilégiée11 même si le produit est en même temps toxique et qu’il peut induire une dose d'exposition pendant l’évacuation. Par contre, plusieurs cas de mise à l'abri sont rapportés dans des situations où le produit en cause avait comme principal risque son inflammabilité8.

Le rapport de juin 2001 du NICS conclut que pour réaliser avec succès une opération de mise à l’abri, cinq conditions préalables s’imposent. Il s’agit de disposer : 1) de mécanismes pour alerter et informer le public; 2) de bâtiments adéquats et suffisants; 3) du personnel et de l’équipement nécessaire pour bloquer les accès à la zone touchée; 4) d’un mécanisme qui permet de déterminer le moment où l’air extérieur est redevenu sécuritaire; et 5) des moyens qui permettent d’informer les gens de ventiler les maisons et de sortir à l’extérieur.

La mise à l’abri … mais de courte durée

L’efficacité de la mise à l’abri est basée sur la dose reçue par une personne exposée pendant un temps donné. De fait, pour que la mesure soit efficace et avantageuse, il faut sans délai réduire l’échange d’air entre l’intérieur et l’extérieur du bâtiment. Il devient ainsi possible d’obtenir une efficacité optimale par des actions simples. Il s’agit de fermer les portes et les fenêtres, d’éteindre tous les systèmes mécaniques d’échange d’air, de climatisation, de chauffage, sèche-linge et autres appareils qui favorisent l’échange d’air. Pour plus de sécurité, il est possible d’augmenter l’étanchéité de la coquille du bâtiment en scellant avec du ruban le contour des fenêtres, des portes et autres ouvertures. Pour les fentes plus importantes (dessous des portes intérieures, trappes de ventilation), il est conseillé d’utiliser des serviettes mouillées.

Évidemment, quelles que soient les précautions prises pour bien s’isoler, l’air extérieur contaminé pénètre peu à peu à l’intérieur. C’est pourquoi la durée de la mise à l’abri doit être la moins longue possible. En effet, une fois que le panache toxique s’est éloigné et que l’air extérieur est redevenu sain, la concentration en air contaminé est plus élevée à l’intérieur qu’à l’extérieur. Pour minimiser la dose des occupants, il est recommandé de ventiler au maximum le bâtiment le plus rapidement possible et d'évacuer les occupants à l’extérieur. Il faut donc retenir que mieux le bâtiment est isolé, meilleure sera la protection et que, quelle que soit la qualité de l’isolation, la protection diminue avec le temps. Idéalement, la mise à l’abri ne devrait donc pas durer plus d’une heure ou deux.

Dualité entre les produits chimiques toxiques et les matières radioactives

Les principes de protection exprimés pour les produits chimiques toxiques sont aussi valables pour les substances radioactives. Toutefois, certaines nuances importantes méritent d’être discutées lorsqu’on compare un accident impliquant des produits chimiques à un autre impliquant des substances radioactives. Un accident nucléaire ou un accident sérieux impliquant des matières radioactives réfèrent à deux phases principales d’exposition : la phase panache et la phase contamination. Pendant la phase panache, le nuage contenant les matières radioactives se déplace globalement comme le ferait un nuage de gaz toxique. L’essentiel de la dose reçue par une personne exposée au panache est lié à l’inhalation de l’air contaminé (l’autre composante venant du rayonnement du panache). Au fur et à mesure que le nuage s’éloigne de la source, sa concentration en énergie radioactive diminue, principalement à cause du phénomène de dilution et de la désintégration de certains éléments radioactifs, mais aussi parce que le nuage se départit peu à peu de ses matières radioactives. De fait, les particules lourdes qui composent en partie le nuage se déposent et contaminent le sol. Cette contamination continuera d’émettre des rayonnements jusqu’à épuisement de son énergie ou jusqu’à son nettoyage. C’est la phase de contamination. Ainsi, la dose reçue par une personne à proximité de cette contamination est surtout due à l’exposition par radiation, bien qu’elle puisse être augmentée par l’ingestion d’aliments contaminés. Pour l'essentiel, l’exposition lors de la phase panache est donc semblable dans le cas de la plupart des substances toxiques y compris les matières radioactives. Toutefois, l’exposition lors de la phase de contamination est plus typique des substances radioactives.

Facteurs de protection radiologique

La Commission fédérale pour la protection AC de Suisse12 considère que durant la phase panache, la mise à l’abri est la mesure de protection la plus importante et qu’elle offre une protection suffisante contre l’irradiation due au nuage radioactif (figure 2). La Commission considère que lors d’une mise à l’abri simple (tel que défini plus haut), l’intérieur d’une maison correspond à un FP de 10 alors que la cave correspond à un FP allant de 30 à 50 selon les conditions. Une mise à l’abri planifiée dans une pièce bétonnée et spécialement aménagée située à la cave ferait grimper le FP entre 50 et 100. Durant la phase contamination, les substances radioactives n’étant pas en suspension, une ventilation des locaux n’a pas d’influence significative sur le FP. L’essentiel de la protection vient donc de la capacité des matériaux à bloquer le rayonnement ionisant.

Figure 2. Facteurs de protection estimés pour différente pièces de la maison

Source : Inspiré de Commission fédérale pour la protection AC, Suisse ,1998

Bon pour l’un, mauvais pour l’autre?

On constate que lorsqu’il s’agit d’un accident impliquant des matières radioactives, le facteur de protection est de 3 à 50 fois plus grand lorsqu’on utilise la cave comme lieu de mise à l’abri. Toutefois, dans le cas de plusieurs substances toxiques, qui sont souvent plus lourdes que l’air, elles ont tendance à s’accumuler dans les dépressions et les endroits les plus bas. Dans ces cas, il serait contre-indiqué de choisir la cave comme lieu de retranchement et de mise à l’abri. Au contraire, le bon sens nous incite à prévoir une pièce à l’étage comme retraite.

Mise à l’abri ou évacuation?

Au moment d’appliquer une mesure de protection, le contexte immédiat et les caractéristiques de la situation en cours sont certainement des facteurs importants à considérer. Toutefois, des critères objectifs et respectueux de la préoccupation première, qui doit être la protection des personnes, pourraient être utiles pour faciliter le choix et la prise de la décision les plus appropriés. Quels sont les éléments à prendre en compte pour activer soit une évacuation, soit une mise à l’abri?

1. Les caractéristiques et la gravité des conséquences d’une exposition

La gravité des conséquences d’une exposition peut aller de négligeable à extrême (danger pour la vie). Selon les caractéristiques et la gravité d’une situation, la décision peut être plus ou moins difficile à prendre. Par exemple, devant l’imminence d’une puissante explosion, la décision d’évacuer sera relativement aisée. Par contre, lors d’un accident de transport routier en zone habitée avec dégagement immédiat d’un toxique puissant dans l’air, exposer les gens dans le processus d’évacuation peut s’avérer extrêmement dangereux, la mise à l’abri pouvant alors être plus appropriée.

2. Le temps disponible versus le temps nécessaire à l’application de la mesure de protection

Le temps disponible avant une déflagration ou encore l’apparition d'un nuage toxique peut mener à favoriser l’évacuation, si celle-ci peut se réaliser dans un court laps de temps. Toutefois, si la fenêtre du délai sécuritaire est réduite et que la distance à parcourir est longue ou si le processus d’évacuation est lent, il peut être plus approprié de se confiner à la maison, au travail ou dans des endroits sûrs, s’ils sont disponibles.

3. La durée prévue de la mesure de protection

Quelle que soit la mesure de protection favorisée, la durée de la mesure doit être la plus courte possible. La mise à l’abri ne devrait pas durer plus d’une heure ou deux. Si la fuite de toxiques est incontrôlée et sa durée imprévisible, l’évacuation devrait être favorisée. Toutefois, si le risque toxicologique lié à l’évacuation est élevé, la mise à l’abri s’avère un choix judicieux malgré ces risques.

4. Le bénéfice de la mesure de protection versus les risques liés à son application

Toutes et chacune des mesures de protection comportent aussi un certain élément de risque dans sa mise en application. Accidents de toutes sortes, stress, traumatismes, crises cardiaques et autres, peuvent affecter des gens lors d’une évacuation. Tout en étant moins risquée du coté des accidents, la mise à l’abri comporte, elle aussi, certains risques comportementaux (mauvaise application des consignes, panique) et toxicologiques (augmentation de la concentration en toxiques à l’intérieur, hypersensibilité) surtout liés à la durée du confinement.

5. L’efficacité escomptée du mécanisme d’alerte

Certaines mesures de protection doivent être appliquées très rapidement pour être efficaces. Les mécanismes d’alerte doivent donc être utilisables rapidement. Le message ou le signal doit être clair et spécifique en fonction du risque. Il faudra donc évaluer si la mesure de protection envisagée est globalement bénéfique. Dans les faits, la démarche n’est pas toujours simple, c’est pourquoi il vaut mieux la planifier à froid.

6. La qualité de la compréhension des risques et des mesures de protection de la part de la population touchée

Pour que l’application de la mesure de protection soit efficace, il est essentiel que les risques soient bien connus et compris par la population. L’alerte et la mesure de protection adéquate doivent être faciles à comprendre et à interpréter de la part de la population. Pour atteindre ces objectifs, les mécanismes d’information se doivent d’être crédibles, complets et récurrents.

Conclusion

Pour répondre à l’objectif de faciliter la prise de décision et la planification des mesures de protection, nous pouvons conclure que la mise à l’abri est une mesure de protection probablement sous utilisée qui en réalité peut s’appliquer à un grand nombre de situations d’urgence. Toutefois elle n’est pas justifiée : 1)dans la zone d’incendie ou dans la zone de surpression d’une déflagration ; 2)dans toutes circonstances où la durée de l’émission toxique sur un même territoire est imprévisible, incontrôlable ou dépassera deux heures; 3) dans toutes situations où le risque dû à l’inflammabilité ou à l’explosibilité dépasse le risque toxicologique lié à l’exposition encourue avant et pendant l’évacuation; et 4) dans les situations où l’évacuation est une action préventive (peu de contraintes de temps).

Techniquement, l’application de la mise à l’abri est justifiable tant dans les cas d’accidents technologiques impliquant des produits toxiques que pour des substances radioactives, qu’il s’agisse de sites fixes ou d’accidents de transport. Toutefois, le passage de la théorie à la pratique, ne doit pas se faire sans s’interroger sur les conditions essentielles à la réussite de la mesure. Pour tous les types d’accidents à cinétique rapide, où chaque minute compte, les deux conditions critiques pour l’applicabilité de la mise à l’abri (et c’est aussi vrai pour l’évacuation) sont reliées à l’efficacité des mécanismes d’alerte et à l’interprétation, par la population, des signaux d’alerte en accord avec les fondements de la mesure de protection. Les mesures que ces types d’accidents impliquent passent indéniablement par l’instauration d’automatismes. Ces automatismes touchent autant le déclenchement de l’alerte que la réaction de la population à cette alerte. À titre d’exemple, les conclusions des groupes de travail chargés de l’étude des scénarios plausibles d’accidents nucléaires à la centrale Gentilly-2 et ceux impliquant des produits chimiques associés au Parc industriel et portuaire de Bécancour sont claires. Pour certains scénarios, le temps disponible pour mettre en place la mesure de protection est tellement réduit qu’aucune mesure de protection efficace n’est applicable sans des automatismes de déclenchement de l’alerte et la disponibilité d’un système d’alerte rapide et spécifique (puisqu’on est en zone multirisques) où la population doit identifier et comprendre à quel risque elle fait face. Ces conditions impliquent donc de la part des planificateurs, des choix technique et financier éclairés pour la sélection du meilleur moyen d’alerte, une délégation des pouvoirs décisionnels de déclenchement de l’alerte et une philosophie d’information et de communication transparente pour s’assurer de la réaction adéquate de la population touchée. L’expérience vécue dans plusieurs CMMI au Québec et chez des tenants du Programme de gestion responsable, démontre que ce sont là les éléments les plus sensibles de la planification des mesures d’urgence.

Références

  1. US Army, 2002. Building protection : Basic information on building protection : Operational measures for protecting building occupants. SBCCOM ONLINE.
  2. USEPA, 1991. Manuel of protective action guides and protective actions for nuclear incidents. Office of radiation programs, Washington, DC, 20460.
  3. US Army Corps of Engineers, 2001. Protecting buildings and their occupants from airborne hazards, Washington, DC20314-1000.
  4. National Institute for Chemical Studies, 1999. Sheltering in place at your office : A general guide for preparing a shelter in place plan in the workplace. Charleston, WV 25304. (www.nicsinfo.org).
  5. AVERT’s, Public Information Articles, Sheltering in place, (www.avertdisasters.org/html/shelterinplace.html)
  6. Haysom, J.C. et J.T. Reardon, 1998. Pourquoi les maisons ont besoin de ventilation mécanique, Institut de recherche en construction, Conseil national de recherches du Canada, Ottawa.
  7. Blewett, W.K., Reeves, D.W., Arca, V.J., Fatkin, D.P. et B.D. Cannon, 1996. Expedient Sheltering in place : An evaluation for the chemical stockpile emergency preparedness program, U.S Army ERDEC, Aberdeen Proving Ground, MD.
  8. National Institute for Chemical Studies, 2001. Sheltering in place as public protective action. Charleston, WV 25304.
  9. Fargo fire Department, 2002. Sheltering in place, City of Fargo.
  10. National Institute for Chemical Studies, 1999. Protecting the public 1999 : Conference proceedings, NICS-19-99-01, Charleston, WV.
  11. National Institute for Chemical Studies, 1999. Sheltering in place at your office : A general guide for preparing a shelter in place plan in the workplace. Charleston, WV 25304 (www.nicsinfo.org).
  12. Commission fédérale pour la protection AC, 1998. Protection en cas d’urgence au voisinage des centrales nucléaires, Conception générale, Suisse.