20 avril 2001

La décontamination des victimes exposées à des agents chimiques

Article
Auteur(s)
Lucie-Andrée Roy
M.D., M.Sc., Institut national de santé publique du Québec

Les professionnels de la santé publique qui répondent aux urgences sont notamment interpellés lorsque des personnes sont accidentellement exposées à des agents chimiques. Outre l’évacuation, le confinement, la réintégration des lieux ou la protection personnelle à utiliser, la décontamination constitue un aspect devant être fréquemment considéré.

En effet, lors d’accident impliquant le déversement de matières dangereuses dans l’air, l’eau ou le sol, une des premières mesures de protection de la santé publique à considérer est la décontamination des victimes. Il s’agit d’une tâche multidisciplinaire où les intervenants, qu’ils appartiennent aux services de prévention des incendies, au corps policier ou au réseau de la santé, doivent bien comprendre les objectifs et les pratiques de chacun pour mener à bien une intervention efficace.

Les manœuvres de décontamination visent essentiellement à stopper l’absorption du contaminant par la victime, à éviter la contamination secondaire des intervenants par les victimes et à éviter la propagation de la contamination.

Zones d’intervention et protection personnelle

Les manœuvres de sauvetage et de décontamination doivent être effectuées par des intervenants détenant la formation requise, munis d’équipements de protection individuelle adéquats, et respectant les zones d’intervention. Les zones d’intervention et les niveaux de protection personnelle sont définis dans le Guide des mesures d’urgence 2000, produit conjointement par Transports Canada, le Département aux Transports des États-Unis et le Secrétariat aux Communications et aux Transports du Mexique. Ce guide sert d’outil de référence aux premiers intervenants de ces trois pays.

Le guide définit trois zones d’intervention. La zone dite chaude est la zone immédiate d’un accident mettant en cause des matières dangereuses, qui s’étend suffisamment loin pour protéger le personnel qui se trouve à l’extérieur de ses limites contre les effets nocifs des substances déversées. Elle est aussi appelée «zone d’exclusion», «zone rouge» ou «zone restreinte». Seuls les intervenants munis des vêtements de protection adéquats sont autorisés à y pénétrer. L’équipement requis sera de niveau A (appareil de protection respiratoire autonome et combinaison entièrement étanche aux agents chimiques) ou B (appareil de protection respiratoire autonome et tenue de protection contre les projections liquides), selon les caractéristiques du contaminant impliqué. Dans cette zone, toutes les personnes et le matériel présents sont considérés contaminés.

La zone tiède correspond à la zone de décontamination du personnel et du matériel. Elle comprend le point de contrôle du corridor d’accès, et aide ainsi à freiner la contamination. Elle est aussi appelée «zone de décontamination», «zone de réduction de la contamination», «zone jaune» ou «zone à accès limité». À l’intérieur de cette zone, les intervenants doivent porter une protection personnelle déterminée selon les propriétés du contaminant, nécessitant au minimum une protection de niveau C (masque complet ou demi-masque respiratoire et vêtement résistant aux produits chimiques). La zone doit être étroitement gérée pour que les déplacements se fassent toujours du secteur le plus contaminé vers celui le moins contaminé. Il est nécessaire de prévoir au moins trois corridors de décontamination : un premier pour les intervenants, et deux autres pour les citoyens qui sont séparés en deux groupes, les ambulants et les non-ambulants. Les ambulants sont définis comme les personnes pouvant marcher sans aide et comprendre les instructions. Les non-ambulants sont les victimes inconscientes ou incapables de se mobiliser sans aide.

Enfin, la zone froide, qui porte aussi les noms de «zone propre», «zone verte» ou «zone de soutien» est celle où se trouvent le poste de commande et les autres installations de soutien jugées nécessaires pour maîtriser la situation. Cette zone n’étant pas contaminée, les personnes y œuvrant ne sont pas tenues de se munir d’une protection particulière.

Les trois zones doivent être délimitées distinctement à l’aide de ruban rouge pour la zone chaude et jaune pour la zone tiède. La zone froide est délimitée par les services policiers. Les corridors d’entrée et de sortie des zones doivent aussi être clairement identifiés et contrôlés avec précaution.

Opération de décontamination

La première intervention à effectuer est de faire en sorte de cesser l’exposition de la victime au contaminant. Si l’agent nocif est sous forme gazeuse, il faudra retirer la victime de l’endroit à risque. Il s’agit alors d’une opération de sauvetage. Il est à noter qu’un contaminant gazeux très hydrosoluble (ex. ammoniac) se lie aux fluides humains tels les larmes et la sueur pour former une substance liquide qui peut être toxique. Si le contaminant est sous forme liquide ou solide, il faudra évacuer la victime de la zone contaminée, puis la laver à grande eau.

On distingue trois niveaux de décontamination : primaire, secondaire et tertiaire. Pour la décontamination primaire, le principe directeur est la rapidité d’exécution. Il s’agit de déshabiller complètement la victime, de la tête aux pieds, puis de la laver à grande eau. Le simple fait de déshabiller et de laver ainsi enlèverait de 75 à 90 % du contaminant. Le déshabillage doit s’effectuer à la limite de la zone chaude, de manière à laisser les vêtements et les effets personnels contaminés dans cette zone.

Pour certains contaminants, une décontamination secondaire avec de l’eau et du savon hypoallergène liquide est nécessaire pour enlever des substances plus adhérentes. La décontamination tertiaire est effectuée au centre hospitalier. Il s’agit de laver la victime minutieusement avec de l’eau et du savon liquide doux. Il faut porter attention à bien laver les cheveux, les aisselles, les parties génitales, les plis cutanés, les narines et les ongles. Il faut de plus utiliser des brosses souples ou des éponges en préservant les zones de peau lésées.

Conclusion

Les professionnels de la santé publique peuvent être interpellés dans des situations qui nécessitent la décontamination des victimes exposées à des agents chimiques. Le Guide des mesures d'urgence définit les pratiques qui doivent être observées afin de limiter l'absorption du contaminant par les personnes atteintes et éviter la contamination secondaire de l'entourage.

Références

  1. Roy, L-A, Laflamme, P., Viau, M., Séguin, R. Beaudoin, S., Landry, J-N. et D. Caouette. 2001. Décontamination des victimes exposées à des substances chimiques. INSPQ. US Department of Transportation, Transports Canada, Secretaria de Comunicaciones y Transportes. Guide des mesures d’urgence 2000.
  2. Lachance, A. 1995. L’intervention en présence de matières dangereuses. RRSSS de Québec.
  3. Lake, W., A., P. D. Fedele, S. M. Marshall, 2000. Guidelines for Mass Casualty Decontamination During a Terrorist Chemical Agent Incident. U.S. Army Soldier and Biological Chemical Command (SBCCOM).
  4. Macintyre A., Christopher G.W., Eitzen, E., Gum, R., Weir, S., DeAtley, C., Tonat, K. et J.A. Barbera. 2000. Weapons of mass destruction events with contaminated casualties. Effective planning for healt care facilities. JAMA, 283 (2).
  5. US Department of health and human services. 1999. Agency for Toxic substances and Disease Registry. Mana­ging hazardous materials incidents. Emergency medical services : a planning guide for the management of contaminated patients. Vol 1.