8 mars 2016

L’évaluation de l’ European Food Safety Autority (EFSA) concernant la cancérogénicité du glyphosate contredit les conclusions de l’AIRC

Résumé scientifique
Le texte qui suit est le résumé d’une publication scientifique (ou d’une étude) n’ayant pas été réalisée par l’Institut national de santé publique du Québec. Cette analyse critique ne peut donc pas être considérée comme la position de l’Institut. Son objectif est de porter à l’attention des lecteurs des éléments récents de la littérature scientifique, et ce, sous un éclairage critique découlant de l’expertise des auteurs du résumé.
Auteur(s)
Onil Samuel
B. Sc., expert et conseiller scientifique, Institut national de santé publique du Québec

En 2015, l’Agence internationale de recherche sur le cancer (AIRC) rendait public un rapport d’évaluation qui indiquait que le glyphosate, l’herbicide le plus utilisé à travers le monde, et les produits commerciaux qui contiennent cette matière active étaient génotoxiques et qu’ils pourraient être une cause probable de cancer pour l’humain, notamment des lymphomes non Hodgkinien. À la suite de la publication de ce rapport, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a reçu le mandat de l’Union européenne (UE) pour revoir sa propre évaluation des risques de la matière active afin d’orienter la position européenne quant au maintien du glyphosate sur la liste des matières actives approuvées. Contrairement à l’AIRC, l’EFSA et un Comité d’examen par les pairs représentant les États membres de l’UE ont conclu presqu’unanimement qu’il était improbable que le glyphosate puisse induire le cancer chez l’humain. Selon cette conclusion, ni les données épidémiologiques ni les données expérimentales chez l’animal ne permettaient de modifier la classification actuelle (cancérigène improbable) de la matière active.

Le rapport de l’EFSA identifie plusieurs raisons qui expliquent les positions divergentes des deux groupes d’experts. La première relève du fait que l’évaluation de l’AIRC a considéré les formulations commerciales en plus de la matière active alors que la revue par les pairs de l’UE n’a évalué que cette dernière. Ceux-ci ont toutefois reconnu que l’évaluation de la toxicité des formulations commerciales devrait être considérée dans le futur par les États membres. Ainsi, l’EFSA note que la toxicité à long terme, la cancérogénicité, les effets sur la reproduction et le développement et le potentiel de perturbation endocrinienne des formulations contenant du glyphosate devaient être clarifiés. L’EFSA indique aussi que certaines études considérées dans son évaluation n’ont pas été considérées par l’AIRC. Par ailleurs, elle note des différences quant à l’interprétation des analyses statistiques réalisées afin d’évaluer les effets cancérigènes observées lors des études expérimentales ainsi qu’avec l’utilisation de données témoins historiques. 

Ces différences dans l’appréciation du potentiel cancérigène du glyphosate mettent en lumière l’importance de considérer les formulations commerciales dans l’évaluation des risques toxicologiques des pesticides. L’EFSA note qu’il est probable que les effets observés dans les formulations soient en partie attribuables à la présence d’autres constituants que la matière active, notamment le surfactant toujours présent dans les produits commerciaux. À ce titre, comme les coformulant contenus dans les préparations à base de glyphosate soulèvent des préoccupations, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a déjà annoncé la mise sur pied d’un Groupe d’experts pour évaluer les risques liés aux coformulant présents dans l’ensemble des préparations commerciales de pesticides, avec une priorité donnée à celles à base de glyphosate.

Source
EFSA (European Food Safety Autority) (2015). Conclusion on the peer review of the pesticides risk assessment of the active substance glyphosate. EFSA Journal 2015; 13(11): 4302, 107 pages.

Articles associés
International Agency for Research on cancer (IARC), 2015. Monographs, volume 112 : Some organophosphateinsecticides and herbicides: tetrachlorvinphos, parathion, malathion, diazinon and glyphosate. 

Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) (2016). Avis de l’ANSES relatif à la saisine glyphosate n° 2015-SA-0093. Accessible au : https://www.anses.fr/fr/system/files/SUBCHIM2015sa0093.pdf