5 février 2002

Exposition au bois traité à l’arséniate de cuivre chromaté

Article
Auteur(s)
Louis St-Laurent
M. Sc., conseiller scientifique, Institut national de santé publique du Québec
Onil Samuel
B. Sc., expert et conseiller scientifique, Institut national de santé publique du Québec

Problématique

Certains organismes, dont l’Agence canadienne de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) et l’Agence américaine de protection de l’environnement (US EPA), sont conscients des inquiétudes du public en rapport avec les dangers potentiels associés à l’utilisation de bois traité sous pression avec de l’arséniate de cuivre chromaté (ACC). Plus particulièrement, l’utilisation de ces matériaux dans les aires de jeux, près des piscines ou sur les patios pourrait favoriser l’exposition des jeunes enfants à l'ACC. En effet, ceux-ci pourraient être exposés soit par un contact cutané direct avec le bois traité et/ou avec le sol adjacent à ces structures, soit par l’ingestion des résidus présents dans le bois et/ou dans le sol. Les enfants sont particulièrement ciblés en raison de leur modèle de comportement particulier. En effet, ils ont souvent tendance à porter les mains à la bouche. Or, les études rapportent que l’exposition à l’arsenic est clairement associée à l’apparition de certains types de cancers notamment de la peau, de la vessie, du poumon et du rein.

En raison des craintes exprimées, l'ARLA et le US EPA ont entrepris un processus d’évaluation de l’exposition et des risques associés à l’utilisation des pièces de bois traité à l’ACC dans les aires de jeux. Pour effectuer une telle évaluation, il était primordial de faire une revue aussi complète que possible des études scientifiques existantes. À cet effet, le US EPA vient de terminer la réévaluation toxicologique de deux des composants inorganiques de l’ACC, soit l’arsenic et le chrome.

Mise à jour des réévaluations

Un nombre limité d’études a été mené dans le but de déterminer la quantité de résidus délogeables d’arsenic, de chrome et de cuivre provenant des structures en bois traité à l’ACC retrouvés dans les aménagements résidentiels ou les terrains de jeux et dans les sols immédiatement à proximité. Celles-ci indiquent que l’on peut retrouver ces contaminants en quantité non négligeable à la surface du bois traité et dans le sol environnant.

L’Agence canadienne de réglementation de la lutte antiparasitaire et l’Agence américaine de protection de l’environnement ont entrepris un examen de la réévaluation de la toxicité des composants de l’ACC ainsi qu’une analyse des risques d’exposition, en ciblant particulièrement les enfants.

Le US EPA a précisé plusieurs paramètres devant être utilisés dans l’évaluation de l’exposition des enfants, tels que la voie, la durée et la fréquence de l’exposition, le comportement des enfants et autres. Plusieurs scénarios d’exposition devront être analysés afin d’estimer les risques relatifs pour les enfants.

Sans attendre les conclusions des analyses du risque pour la santé en cours, certains organismes ou états ont tout de même décidé d’agir en restreignant ou en interdisant l’utilisation du bois traité à l’ACC dans certains usages domestiques ou publics ou en émettant des avis de santé à la population. C’est le cas notamment de la Floride, du New Hampshire et du Connecticut.

Le 12 février 2002, le US EPA a annoncé, à la suite d’une entente avec les fabricants de bois traité, qu’après le 31 décembre 2003, l’ACC ne sera plus utilisé aux États-Unis dans la préservation du bois de construction des structures pour aires de jeux, terrasses, tables de pique-nique, aménagements paysagers, clôtures domestiques, passerelles et trottoirs en bois. Il est prévisible que l'ARLA, de concert avec les fabricants canadiens de bois traité, favorisera elle aussi une transition volontaire vers des solutions de rechange semblables à celles annoncées par son homologue américain.

L’Institut national de veille sanitaire de France a tenté de préciser le comportement de l’ACC dans les bois imprégnés soumis aux intempéries. Dans la limite des données alors disponibles, cette évaluation ne permettait pas d’évaluer l’impact réel du traitement du bois sur la santé des utilisateurs. De ce fait, il était impossible, à partir des connaissances et des informations disponibles, de certifier tant l’existence que l’absence d’un risque. Selon ces évaluations, il apparaissait indispensable d’améliorer les connaissances tant sur le plan théorique que pratique sur certains paramètres d’évaluation des risques, tels les taux d’absorptions cutanée et digestive qui sont fonction de la valence de l’élément, la biodisponibilité, et les effets ou la réponse de l’organisme lors d’exposition à faible dose.

Même si les analyses du risque ne sont pas complétées, et que le US EPA et Santé Canada n’ont pas conclu qu’il y avait un risque inacceptable pour le public à utiliser les produits à base d’ACC, ces organismes considèrent malgré tout qu’une réduction de l’exposition à l’arsenic est souhaitable.

Des mesures préventives

Même si les risques réels pour les enfants ne sont pas clairement définis, il apparaît que des mesures préventives peuvent déjà être préconisées d’autant plus que les alternatives au bois traité sont maintenant disponibles. Voici en résumé les recommandations proposées par les organismes concernés qui se sont penchés sur cette question.

  • Éviter d’utiliser du bois traité à l’ACC dans la construction de projets où les enfants pourraient être en contact direct avec le bois.
  • Pour tout projet qui implique un contact direct avec les enfants, la nourriture ou les produits du jardin, il est recommandé d’utiliser des matériaux alternatifs comme le plastique recyclé, le métal ou le bois non traité.
  • Il n’est pas recommandé d’utiliser le bois traité à l’ACC pour la construction de table de pique-nique.
  • Bien qu’il ne soit pas nécessaire de démolir les structures ayant encore une durée de vie utile, il apparaît important de les sceller avec une teinture à base d’huile à tous les 2 ans et ce, surtout dans les aires de jeux, les parcs municipaux et les installations scolaires.
  • Ne jamais brûler de bois traité à l’ACC car la combustion concentre et libère les agents chimiques de préservation dans les cendres et la fumée.
  • Éviter que le bois traité à l’ACC ne soit en contact direct avec une source d’eau potable.
  • Le bois traité à l’ACC ne doit pas être utilisé comme paillis, pour faire du compost ou comme combustible solide.

Quelques sources

  1. Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA), 2002. Mise à jour sur la réévaluation du bois traité à l’arséniate de cuivre chromaté au Canada. Note sur la réévaluation REV2002-01, 12 février 2002. www.hc-sc.gc.ca/pmra-arla/francais/pdf/rev/rev_2002-01-f.pdf
  2. Fields, S., 2001. Caution-children at play : how dangerous is CCA? Environ Health Pespect, 109(6): A262-9.
  3. Frery, n. ET jouan, m., 1995. Expertise du rapport 1994 de la FRAPNA sur les CCA. Réseau national de santé publique, Unité Santé Environnement,Saint-Maurice cedex - France, 23 pages, annexes.
  4. United States Environmental Protection agency (US EPA), 2001. Preliminary evaluation of the non-dietary hazard and exposure to children from contact with chromated copper arsenate treated wood playground structures and contaminated soil. Scientific Advisory Panel report No. 2001-12, 62 p. www.epa.gov/scipoly/sap/2001/october/ccawood.pdf.