Service automatisé d’alertes téléphoniques de la Cote air santé : étude de l’observance des recommandations de santé transmises chez un groupe de patients vulnérables à la qualité de l’air
Contexte
La pollution atmosphérique et la santé des personnes vulnérables
La pollution atmosphérique est associée à une diversité d’effets sur la santé, variant de symptômes respiratoires bénins à de la mortalité prématurée. Ces effets sont généralement catégorisés en deux types : les effets à court terme (aigus) et les effets à long terme (chroniques).
Les personnes vulnérables, notamment les personnes atteintes de problèmes respiratoires ou cardiovasculaires, sont plus sensibles aux variations de la qualité de l’air et peuvent ressentir certains effets associés à une exposition de courte durée aux polluants atmosphériques (Anderson et autres, 2003). Ceux-ci se traduisent généralement par l’aggravation d’une maladie chronique déjà existante et surviennent de quelques heures à quelques jours à la suite d’une élévation des concentrations ambiantes de pollution (Jacques et autres, 2005). Au Canada, il est estimé que l’exposition à court terme aux polluants atmosphériques entraînerait un excès de 1 800 décès annuellement (Judek et autres, 2004).
Considérant les effets aigus potentiels de la pollution atmosphérique sur la santé des personnes vulnérables, certains professionnels et médecins en santé environnementale suggèrent qu’elles considèrent la qualité de l’air ambiant dans la planification de leurs activités et se tiennent informées des alertes et des avis pour connaitre les moments où la qualité de l’air se détériore (Abelsohn et autres, 2002; Association pulmonaire du Canada, 2009; Shofer et autres, 2007; Watson et Sheppeard, 2005). L’idée est qu’en reconnaissant les épisodes de mauvaise qualité de l’air et les recommandations de santé associées, les personnes vulnérables puissent adopter, au moment approprié, des comportements préventifs permettant de réduire leur exposition et le risque d’apparition de symptômes.
La communication d’information sur la qualité de l’air à la population
Plusieurs localités et régions à travers le monde disposent d’indices et de programmes d’alertes qui rapportent les mesures de la qualité de l’air ambiant de manière facilement interprétable pour le public. Au moment opportun, soit lorsque la qualité de l’air se détériore, ces outils véhiculent des messages de sensibilisation à la population afin d’influencer son attitude et ses comportements à l’égard de la qualité de l’air ambiant (van den Elshout, 2007). Le but est d’encourager deux types de comportements : l’un de réduction de l’exposition pour les personnes vulnérables, l’autre de réduction de la pollution pour la population générale (Bickerstaff et Walker, 1999).
Un nouvel outil de communication, la Cote air santé (CAS), a fait son apparition sur le territoire québécois. Elle a été élaborée par Santé Canada (SC) et Environnement Canada (EC) dans le but de disposer d’un indice basé sur les risques à court terme pour la santé et uniforme à travers le pays (Stieb et autres, 2008). L’objectif commun de SC et d’EC est de faire de la CAS un outil de communication du risque afin de réduire les impacts de la pollution atmosphérique sur la santé des Canadiens et des Canadiennes au quotidien (Environnement Canada, 2008).
Le projet pilote québécois de la Cote air santé
Au Québec, la CAS a été introduite sous forme de projet pilote afin d’en évaluer la pertinence et de tester les modalités de sa mise en œuvre. Ce projet pilote se distingue du programme fédéral de différentes façons. La première orientation distinctive est de cibler spécifiquement les personnes vulnérables aux effets à court terme de la pollution atmosphérique, notamment les personnes souffrant de problèmes respiratoires ou cardiovasculaires. La seconde orientation est de communiquer le bon message, par le bon moyen et au bon moment, afin de mettre en place les conditions favorisant l’adoption de comportements préventifs par les personnes vulnérables. Ainsi, certains aspects de communication du programme fédéral de la CAS ont été revus de sorte que les recommandations de santé :
- soient claires sur les actions à poser et présentent une valeur ajoutée pour les personnes vulnérables;
- soient transmises efficacement aux personnes vulnérables afin d’être bien reçues et entendues;
- soient adressées uniquement au moment opportun (c’est-à-dire seulement lorsque la qualité de l’air représente un risque élevé pour la santé) afin qu’elles soient perçues comme pertinentes et importantes par les personnes vulnérables.
Le développement des aspects de communication de la CAS au Québec
La CAS et son échelle 1 à 10+ (Figure 1) illustrent que plus la valeur de la CAS est élevée, plus le risque pour la santé associé à la pollution atmosphérique est élevé. L’absence de valeur seuil dans l’échelle de risque pour la santé indique qu’il n’existe pas de niveau de pollution atmosphérique pour lequel aucun effet néfaste n’a été observé, c’est-à-dire que des effets peuvent survenir chez les individus à différentes concentrations de polluants, selon leur sensibilité et leur condition de santé à un moment donné.
Figure 1 Échelle Cote air santé du projet pilote québécois
Selon la valeur de la CAS, différentes recommandations de santé sont suggérées aux personnes vulnérables. Présentées au tableau 1, celles-ci ont été revues dans le cadre du projet pilote afin qu’elles soient claires sur les comportements préventifs pour se protéger et adaptées à la situation des personnes vulnérables.
Tableau 1 Recommandations de santé destinées aux personnes vulnérables élaborées dans le cadre du projet pilote québécois
Valeur de la CAS
|
Recommandations de santé aux personnes vulnérables |
---|---|
1 à 5 |
|
6 à 7 |
|
8 à 10 |
|
10+ |
|
Malgré l’absence de seuil de risque associé à la pollution atmosphérique, un seuil d’alerte a été fixé dans le cadre du projet pilote pour une valeur de CAS supérieure ou égale à 6, c’est-à-dire 1) que le contenu des recommandations de santé ne change pas avant d’atteindre ce seuil et 2) que les personnes vulnérables soient avisées, seulement lorsque la CAS atteint ce seuil, du niveau de risque pour la santé. Il a été assumé qu'à ce seuil, les recommandations de santé seraient suffisamment répétées pour amener un changement durable d’attitude et de comportements chez les personnes vulnérables, sans toutefois compromettre leur intérêt à l’égard du message communiqué.
Afin de transmettre efficacement et au moment opportun les recommandations de santé aux personnes vulnérables, un service entièrement automatisé d’alertes téléphoniques a été mis en opération. Lorsque le seuil d’alerte établi dans le projet pilote est atteint, le service envoie aux abonnés un message automatisé les avisant du risque élevé pour la santé et des recommandations de santé associées. Ce service constitue au Québec une toute nouvelle approche communicationnelle en santé publique.
Combiné à ce service, d’autres moyens de communication ont été mis en place afin de créer une expérience dynamique pour les personnes vulnérables, soit le site Internet www.coteairsante.qc.ca ainsi que la ligne CAS sans frais (1 866 688‑3810), permettant d’être informé en tout temps du niveau de la CAS, d’obtenir les recommandations de santé et de s’abonner ou de se désabonner du service d’alertes téléphoniques.
Objectifs de l’étude
Cette étude vise principalement à examiner l’observance, par des patients vulnérables à la mauvaise qualité de l’air, des recommandations de santé transmises à l’aide du service automatisé d’alertes téléphoniques de la CAS.
Les objectifs secondaires se rapportent aux conditions et aux facteurs qui sont susceptibles d’influencer l’adoption de comportements préventifs soit :
- la capacité du service automatisé à joindre les participants, leur transmettre les recommandations de santé au moment opportun (au seuil d’alerte défini dans le projet pilote québécois) et son utilité perçue par les participants;
- la facilité de compréhension et la perception de l’information contenue dans les recommandations de santé de la CAS par les participants;
- les autres facteurs potentiellement impliqués, notamment les caractéristiques personnelles des participants, de même que leurs croyances et perceptions à l’égard de la pollution atmosphérique.
Méthodologie
Population visée
Les participants de l’étude étaient des personnes vulnérables ayant une atteinte pulmonaire ou cardiaque et consultant les cliniques spécialisées de pneumologie et de cardiologie de l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec (Hôpital Laval). Les patients répondant aux critères d’inclusion de l’étude (ex. : avoir une atteinte pulmonaire et/ou cardiaque, être âgé de 18 ans et plus en présence d’un problème respiratoire ou âgé de 30 ans et plus en présence de problème cardiaque) ont été d’abord approchés par leur médecin traitant, puis contactés par un membre de l’équipe de recherche afin de vérifier leur intérêt. Les personnes intéressées étaient invitées à une séance d’information au cours de laquelle elles devaient lire et signer le formulaire de consentement.
Outils de collecte
Afin de répondre aux objectifs visés, une étude à mesures répétées a été réalisée. Dans ce type de devis, les variables sont mesurées sur les mêmes individus à différents moments de l’évaluation. L’étude a débuté en février 2009 et s’est terminée en mars 2011. Les données ont été recueillies auprès des participants à l’aide de différents sondages, présentés au tableau 2.
Tableau 2 Questionnaires utilisés pour la collecte de données et principales variables documentées
Principales variables documentées | Temps | Nom des questionnaires | Mode d’administration des questionnaires |
---|---|---|---|
Croyances et attitudes des participants à l’égard de la pollution atmosphérique |
Début de l’étude |
Préquestionnaire |
Sondage autoadministré avec séance d’information |
Comportements des participants suivant une CAS ≥ 6Comportements des participants suivant une CAS ≥ 6 |
Avant que le service automatisé d’alertes téléphoniques soit activé |
Questionnaire postalerte temps zéro |
Sondage téléphonique |
Après que le service automatisé d’alertes téléphoniques soit activé |
Questionnaire postalerte |
Sondage téléphonique |
|
Vérification de certaines hypothèses soulevées en cours de route et appréciation générale des participants du service automatisé d’alertes téléphoniques |
Clôture de l’étude |
Questionnaire final |
Sondage téléphonique |
Analyses des données
Dans un premier temps, des analyses descriptives ont été produites. Celles-ci portaient sur les croyances et attitudes des participants à l’égard de la pollution atmosphérique et de leur santé, sur leur facilité de compréhension et leur perception de l’information contenue dans les recommandations de santé de la CAS, sur l’adoption des comportements préventifs suggérés dans les recommandations de santé et le type de comportement adopté, ainsi que sur l’appréciation et l’utilité perçue du service automatisé d’alertes téléphoniques par les participants.
Dans un deuxième temps, un modèle de régression logistique sur des mesures répétées a été utilisé afin d’évaluer l’association potentielle entre diverses variables indépendantes et l’adoption d’au moins un des comportements préventifs suggérés dans les recommandations de santé de la CAS. Ces variables indépendantes couvraient différents thèmes pouvant influencer l’adoption ou non de comportements préventifs par les participants : les variables temporelles (saisons), les caractéristiques personnelles (âge, sexe, condition de santé), les connaissances et les croyances à l’égard de la pollution atmosphérique et de la santé ainsi que l’utilité perçue et la facilité de compréhension de l’information contenue dans les recommandations de santé.
Résultats
Caractéristiques et croyances des participants à l’égard de la pollution atmosphérique
Parmi les participants recrutés en début d’étude en mars 2009 (N = 120), environ la moitié souffrait d’un problème cardiaque (49 %), alors que l’autre moitié souffrait d’un problème respiratoire (51 %). Le groupe suivi était constitué de près de 2 hommes pour 1 femme (62 % et 38 % respectivement), et les participants étaient en majorité âgés de 50 ans et plus (88 %). En cours d’étude, 18 participants ont été perdus de vue pour diverses raisons (14 retraits volontaires et 4 décès), résultant à 102 participants à la fin de l’étude.
Les résultats obtenus en début d’étude sur les croyances et les attitudes des participants à l’égard de la qualité de l’air et de la santé indiquent que bien que 76 % d’entre eux croyaient que la qualité de l’air extérieur devrait être prise en compte au même titre que la météo dans la planification de leurs activités, seulement 27 % allaient chercher de l’information sur la qualité de l’air extérieur de la même façon dont ils s’informent de la météo. Pour réduire leur exposition aux polluants atmosphériques, 85 % des participants ont répondu qu’ils étaient prêts à poser certains gestes et 75 % croyaient que le fait de recevoir des messages personnalisés sur la qualité de l’air les aiderait à réduire leur exposition aux polluants atmosphériques. 46 % des participants ont mentionné avoir déjà modifié par le passé certains de leurs comportements à la suite d’une période de mauvaise qualité de l’air.
Les participants ont également été interrogés sur leurs croyances par rapport à la pollution atmosphérique en fin d’étude. Ces questions visaient notamment à vérifier quelle était la perception des participants des effets de la pollution atmosphérique sur leur propre état de santé, de l’état de la qualité de l’air en périphérie du centre urbain et de la pollution atmosphérique en hiver. À la question « Croyez-vous que la pollution de l’air peut avoir un effet sur votre santé? », la grande majorité des participants ont répondu oui (88 %). Une certaine proportion toutefois ne croyait pas que la qualité de l’air peut être mauvaise en banlieue (29 %) ou en hiver (21 %).
Capacité du service automatisé d’alertes téléphoniques à rejoindre les participants et utilité perçue
Au temps zéro le 17 mars 2009, soit avant que les participants ne soient inscrits au service, seulement six participants (5 %) ont mentionné avoir eu connaissance d’une CAS ≥ 6. Une fois inscrits au service automatisé d’alertes téléphoniques, six alertes ont été émises au cours de l’étude, soit 3 alertes en période estivale et 3 en période hivernale. Entre 79 % et 94 % des répondants ont mentionné avoir été informés de l’alerte et des recommandations de santé associées.
Globalement, les participants de l’étude considéraient que le service automatisé d’alertes téléphoniques leur était profitable, compte tenu de leur condition de santé. Lors du sondage réalisé à la fin de l’étude, plus de 91 % des répondants ont mentionné que le service automatisé d’alertes téléphoniques avait répondu à leurs besoins. Les principales raisons mentionnées étaient:
- le service d’alertes m’aide à planifier ma journée;
- je surveille davantage mes symptômes lorsque je reçois une alerte;
- j’apprécie recevoir de l’information sur la qualité de l’air;
- le service m’aide à prendre des précautions.
De plus, 70 % des répondants au sondage final ont dit croire que les alertes les ont aidés à prévenir l’apparition de symptômes et 68 % ont exprimé leur désir de continuer à recevoir les alertes du service automatisé après la fin du projet pilote.
Facilité de compréhension et utilité perçue des recommandations de santé
De manière générale, les recommandations de santé délivrées par le service d’alertes étaient bien comprises par le groupe à l’étude. Lors des deux premières alertes, 81 % et 85 % des répondants respectivement ont qualifié les messages comme étant faciles à comprendre. À la troisième alerte, ainsi qu’aux alertes suivantes, la proportion de répondants qualifiant les messages faciles à comprendre s’élevait à plus de 91 %. Les résultats indiquent que la facilité de compréhension des recommandations de santé de la CAS augmentait avec le nombre d’alertes reçues, pour atteindre un certain plateau aux alertes 3 et 4.
Une grande majorité des participants trouvaient l’information contenue dans les recommandations de santé de la CAS utile, avec des proportions variant entre 80 % et 90 %, selon l’alerte. La perception de l’utilité des messages ne variait pas avec le nombre d’alertes reçues. Ces proportions sont légèrement plus élevées que les observations recueillies lors du préquestionnaire, où 73 % des participants croyaient qu’il leur serait utile de recevoir plus d’informations sur la qualité de l’air.
Observance des recommandations de santé et facteurs associés
Tel qu’illustré à la figure 2, la proportion de répondants ayant adopté au moins un des comportements préventifs conseillés dans les recommandations de santé était, en moyenne, de 67 % en été et de 56 % en hiver, avec les pourcentages les plus élevés observés lors des deux dernières alertes (72 % et 70 % respectivement).
Figure 2 Distribution des réponses obtenues après chaque alerte à la question : « La dernière fois que vous avez reçu une alerte de la CAS, quels comportements avez-vous adoptés à ce moment? »
* La catégorie « N’a adopté aucun des comportements conseillés » comprend les répondants qui n’ont rien changé et les répondants qui ont adopté des comportements ne faisant pas partie des recommandations de santé.
À la question « La dernière fois que vous avez reçu une alerte de la CAS, quels comportements avez-vous adoptés à ce moment? », le comportement le plus fréquemment évoqué par les répondants, à la majorité des alertes, était la réduction du temps passé à l’extérieur (tableau 3). Plus d’une mention était possible à cette question et les répondants pouvaient citer jusqu’à trois comportements adoptés suivant l’appel téléphonique. En deuxième et troisième lieu venaient respectivement l’adoption d’aucun comportement (sauf pour les alertes 5 et 6) et la diminution de l’intensité des exercices à l’extérieur. La proportion de répondants ayant adopté ces deux derniers comportements variait selon la saison. L’adoption d’aucun comportement représentait 21 % des mentions en été et 35 % des mentions en hiver, alors que la diminution de l’intensité des exercices à l’extérieur représentait 21 % des mentions en été et 7 % des mentions en hiver.
Bien que les recommandations de santé suggéraient également des conseils généraux qui devraient être appliqués, peu importe la valeur de la CAS (ex. : porter une attention aux symptômes et éviter de pratiquer des exercices physiques près des routes où il y a beaucoup de circulation automobile), ceux-ci ont été très peu mentionnés par les répondants. D’autres comportements, ne faisant pas partie des recommandations de santé de la CAS, ont été appliqués par les répondants tels que se mettre un foulard devant la bouche ou cesser ses activités, mais ceux-ci ont été rarement mentionnés (entre 1 et 9 mentions, selon les alertes).
Tableau 3 Comportements adoptés par les répondants après chaque alerte
Types de comportements adoptés après chaque alerte |
Nombre de mentions* |
|||||||
Été |
Hiver |
Été |
Total Été |
Total Hiver |
||||
1 |
2 |
3 |
4 |
5 |
6 |
|||
A réduit le temps passé à l'extérieur |
51 |
45 |
44 |
51 |
49 |
47 |
140 |
147 |
N'a rien changé |
35 |
34 |
47 |
40 |
21 |
19 |
75 |
121 |
A diminué l'intensité de ses exercices à l'extérieur |
30 |
8 |
13 |
3 |
25 |
21 |
76 |
24 |
A pris des médicaments de contrôle |
5 |
8 |
14 |
11 |
9 |
10 |
24 |
33 |
A été attentif aux symptômes qu'il pouvait ressentir |
3 |
6 |
6 |
1 |
2 |
3 |
13 |
8 |
Autres comportements faisant partie des recommandations** |
0 |
1 |
1 |
2 |
4 |
14 |
18 |
4 |
Autres comportements ne faisant pas partie des recommandations |
3 |
2 |
3 |
4 |
9 |
1 |
13 |
9 |
* Question ouverte. Jusqu’à trois mentions par répondant étaient acceptées.
** Autres comportements faisant partie des recommandations : est resté calme, s’est reposé; a consulté le site Internet de la CAS; a pris des précautions, a fait attention; a évité les secteurs pollués.
Les participants ayant mentionné n’avoir adopté aucun des comportements suggérés ont été questionnés sur les raisons ayant motivé cette décision. La raison la plus fréquemment mentionnée, peu importe la saison, est que le participant ne faisait pas le lien entre l’alerte reçue et sa condition de santé. La perception que la qualité de l’air n’était pas mauvaise au moment de l’alerte était une autre raison souvent évoquée, mais davantage en hiver (29 % des mentions) qu’en été (8 % des mentions).
Le tableau 4 présente les rapports des cotes bruts (analyse univariée) pour chacune des variables testées en association avec l’adoption par les participants d’au moins un des comportements préventifs suggérés dans les recommandations de santé. Pour une catégorie donnée, un rapport des cotes inférieur à 1 (RC < 1) signifie une probabilité d’adopter un comportement conseillé inférieur à la catégorie de référence, alors qu’un rapport des cotes supérieur à 1 (RC > 1) signifie une probabilité d’adopter un comportement préventif conseillé supérieur à la catégorie de référence.
Les rapports des cotes les plus élevés étaient observés pour les variables associées aux croyances sur la pollution atmosphérique, en particulier celles documentées à la fin de l’étude. La probabilité d’adopter un des comportements préventifs suggérés dans les recommandations de santé de la CAS était beaucoup plus élevée chez les participants croyant que la pollution de l’air peut avoir un impact sur leur santé et chez les participants croyant que la qualité de l’air peut être mauvaise en hiver que ceux qui ne le croient pas.
La probabilité d’adopter un des comportements préventifs suggérés était aussi plus élevée chez les participants qui considéraient que les recommandations de santé étaient faciles à comprendre que chez ceux qui les trouvaient difficiles. Une association similaire a aussi été observée chez les participants percevant l’information contenue dans les recommandations de santé utile par rapport à ceux percevant l’information inutile.
Concernant les variables temporelles, les résultats suggèrent que la probabilité d’adopter un des comportements préventifs recommandés était plus élevée en été qu’en hiver.
Les caractéristiques personnelles des participants affichaient les rapports des cotes les moins élevées, en particulier le sexe et la condition de santé qui n’étaient pas statistiquement significatifs.
Tableau 4 Rapports des cotes brutes de l’association entre l’adoption d’au moins un des comportements préventifs suggérés dans les recommandations de santé et différentes variables indépendantes
Thèmes |
Variables |
Rapports des cotes |
Source des variables |
Caractéristiques personnelles des participants |
Sexe (*p = 0,1980) |
|
Préquestionnaire |
Homme |
1,00 |
||
Femme |
1,45 (0,90 – 2,32) |
||
Âge (*p = 0,0042) |
|
Préquestionnaire |
|
18-49 ans |
1,00 |
||
50-64 ans |
2,60 (1,16 – 5,86) |
||
65 ans et plus |
0,97 (0,41 – 2,29) |
||
Condition de santé (*p = 0,6335) |
|
Préquestionnaire |
|
Respiratoire |
1,00 |
||
Cardiaque |
1,15 (0,71 – 1,84) |
||
Temps |
Saison (*p = 0,0001) |
|
Questionnaires postalertes (N = 6) |
Hiver |
1,00 |
||
Été |
1,62 (1,31 – 1,99) |
||
Facilité de compréhension et perception de l’utilité de l’information contenue dans les recommandations de santé |
Facilité de compréhension des recommandations de santé de la CAS (*p = 0,0001) |
|
Questionnaires postalertes (N = 6) |
Difficile |
1,00 |
||
Facile |
2,69 (1,76 – 4,11) |
||
Perception de l’utilité de l’information contenue dans les recommandations de santé de la CAS (*p < 0,0001) |
|
Questionnaires postalertes (N = 6) |
|
Inutile |
1,00 |
||
Utile |
2,68 (2,00 – 3,60) |
||
Connaissances et croyances des participants à l’égard de la pollution atmosphérique et de la santé |
Croit que la pollution de l’air peut avoir un effet sur sa santé (*p = 0,0038) |
|
Questionnaire final |
Non |
1,00 |
||
Oui |
5,33 (2,06 – 13,79) |
||
Croit que la qualité de l’air peut être mauvaise en hiver (*p = 0,0002) |
|
Questionnaire final |
|
Non |
1,00 |
||
Oui |
4,49 (2,34 – 8,62) |
* p-valeur de la statistique de Wald. La variable était retenue pour la construction du modèle multiple si p < 0,2.
Discussion
Limites de l’étude
Cette étude présente certaines limites. D’abord, les résultats sont difficilement extrapolables à l’ensemble de la population vulnérable du Québec, car les participants n’ont pas été choisis de manière aléatoire. Ceux-ci ont par ailleurs bénéficié d’un certain encadrement qu’une personne vulnérable en dehors de l’étude pourrait ne pas recevoir. En effet, ils étaient encouragés par leur médecin à s’inscrire au service et à assister à une séance d’information sur la pollution de l’air et la CAS avant de débuter l’étude. Les résultats de cette étude pourraient donc différer d’un échantillon de personnes vulnérables qui n’auraient pas été préalablement informées de cette manière.
Mentionnons aussi qu’une panne du service d’alertes a eu lieu au cours du mois de mai 2010, résultant en une donnée manquante pour un épisode important de pollution atmosphérique (épisode attribuable aux feux de forêt de la Haute-Mauricie à la fin du mois de mai 2010). Bien que la CAS ait atteint des valeurs au-dessus du seuil d’alerte lors de l’épisode à Québec, aucune alerte n’a été envoyée et aucun sondage n’a été réalisé chez les participants. Cette panne temporaire pourrait avoir joué sur la confiance des adhérents envers le service d’alertes.
Observance des recommandations de santé
La présente étude indique qu’une majorité des participants (entre 53 et 72 %, selon l’alerte) ont appliqué au moins un des comportements préventifs tels que suggérés dans les recommandations de santé délivrées avec le service automatisé d’alertes téléphoniques. De la même façon, quelques études ont mesuré la réponse comportementale des personnes vulnérables aux avis associés aux épisodes de pollution, mais diffusés avec l’aide des médias traditionnels. Selon un sondage de Wen et autres (2009), réalisé auprès de plus de 33 000 adultes dans 6 États américains, 31 % des patients souffrant d’asthme avaient changé leurs comportements après avoir été informés d’une alerte au smog dans les médias. Dans une autre étude réalisée chez un groupe de parents sondés lors de leur visite à la clinique pédiatrique, la vaste majorité (95 %) des parents d’enfants asthmatiques étaient au courant que des avis sont émis lorsque la qualité de l’air est mauvaise. Cependant, très peu d’entre eux appliquaient systématiquement les recommandations suggérées lors des avis (McDermott et autres, 2006). Ces résultats suggèrent donc que les recommandations de santé transmises avec le service automatisé d’alertes téléphoniques plutôt qu’avec les médias traditionnels amènent une proportion plus importante de personnes vulnérables à modifier leurs comportements à l’égard de la qualité de l’air et de leur santé.
En ce qui concerne les types de comportements préventifs majoritairement adoptés après la réception d’une alerte, les plus fréquemment mentionnés par les participants consistaient en une réduction du temps passé à l’extérieur et une modification de l’intensité des activités physiques. Très peu de participants ont mentionné avoir adopté des comportements préventifs plus généraux, à adopter en tout temps, tel qu’éviter les lieux plus pollués ou emporter son médicament d’appoint avec soi dans ses déplacements. En comparaison, les résultats des sondages visant à évaluer l’efficacité du programme de prévision de la qualité de l’air (PPQA) du Service météorologique du Canada ont démontré que les comportements adoptés par les personnes qui étaient au courant des avis de smog consistaient surtout à demeurer à l’intérieur ou à garder les fenêtres fermées (Environics Research Group, 2009).
Capacité du service automatisé d’alertes téléphoniques à joindre les personnes vulnérables au moment opportun
Les sondages postalertes démontrent l’efficacité du service automatisé d’alertes téléphoniques pour joindre les personnes vulnérables au moment opportun. En effet, après l’activation du service, plus des trois quarts des répondants ont mentionné avoir reçu le message les avisant d’un risque élevé pour la santé. En revanche, seulement 5 % ont dit avoir eu connaissance de l’élévation du niveau de risque avant que le service soit activé (les participants pouvaient s’informer de la CAS avec l’aide de la ligne téléphonique ou du site Internet). Plusieurs études ont illustré que les avis associés aux épisodes de pollution atmosphérique diffusés par l’intermédiaire des médias traditionnels (panneaux électroniques, courriels, sites Internet, etc.) ont une capacité limitée à joindre, au moment opportun, la population générale (Semenza et autres, 2008; Bickerstaff et Walker, 1999; Johnson 2012, Environics Research Group, 2009). Les personnes souffrant de problèmes respiratoires et leurs proches semblent cependant être plus au courant des avis et ont plus tendance à rechercher régulièrement de l’information sur la qualité de l’air, par rapport à ceux ne présentant pas de limitation des fonctions respiratoires (McDermott et autres, 2006 Environics Resarch Group, 2010). Nos résultats montrent néanmoins que la proportion de participants joints par le service automatisé d’alertes téléphoniques est nettement supérieure aux autres mécanismes de diffusion disponibles (ligne téléphonique et site Internet), soutenant l’utilité du service d’alertes pour joindre au moment opportun les personnes vulnérables.
Capacité du service automatisé d’alertes téléphoniques à transmettre les recommandations de santé aux personnes vulnérables
En plus de joindre la majorité des participants au moment opportun, les résultats démontrent l’efficacité du service automatisé d’alertes pour transmettre les recommandations de santé. En effet, la proportion de répondants ayant adopté les comportements préventifs conseillés dans les recommandations de santé était, en moyenne, de 67 % en été et de 56 % en hiver, indiquant que ceux-ci, et potentiellement d’autres participants n’ayant pas modifié leurs comportements par choix, se souvenaient d’au moins un élément spécifique du message transmis suivant les alertes.
Certaines études ont évalué la capacité des avis diffusés dans les médias traditionnels pour informer et pour transmettre efficacement des messages spécifiques en lien avec la qualité de l’air à la population. Evans et autres (1988) concluaient, dans leur étude, qu’une des raisons expliquant l’inaction du public lors d’épisodes de pollution vient du fait que celui-ci ignore quels comportements adopter. Au Nouveau-Brunswick, une étude réalisée par Stieb et autres (1996) a démontré que la proportion de la population se souvenant d’un avis immédiatement après sa diffusion durant la période estivale était élevée (environ 70 %), mais que seulement 51 % de celle-ci était en mesure de rapporter au moins un élément spécifique du message transmis. Ces données suggèrent ainsi que le service automatisé d’alertes téléphoniques permet de transmettre plus efficacement que les médias traditionnels les recommandations de santé aux personnes vulnérables.
D’autres études ont évalué le bien-fondé d’interventions réalisées par l’envoi automatisé de recommandations de santé (par messages textes ou vocaux) chez des clientèles ciblées, notamment pour le contrôle du tabagisme et la gestion de la condition de santé de personnes souffrant de diabète, d’asthme et d’obésité (Fjeldsoe et autres, 2009; Graziano et Gross, 2009; Joo et Kim, 2007; Krishna et autres, 2009; Krishna et Boren, 2008; Vollmer et autres, 2006). Les résultats ont démontré plusieurs bénéfices de ce type d’intervention. Dans l’ensemble, les patients étaient mieux informés, modifiaient positivement leur attitude à l’égard de leur condition de santé, démontraient une meilleure adhésion à de bons comportements d’autogestion de leur condition et modifiaient certains comportements à risque. Dans certains cas cependant, tout comme pour cette étude, l’amélioration significative de l’état de santé résultant de la modification des attitudes et des comportements restait à démontrer. Hanauer et autres (2009) ont par ailleurs pointé la difficulté à maintenir l’intérêt des patients pour le service ainsi que la pérennité des bons comportements adoptés.
Appréciation et utilité perçue du service automatisé d’alertes téléphoniques par les personnes vulnérables
Plus des deux tiers des participants ont conservé leur abonnement au service après l’étude et près de 85 % ont mentionné qu’ils en feraient la recommandation à leurs proches, démontrant ainsi la valeur ajoutée perçue de ce service pour les participants. De la même façon, d’autres études ont démontré une bonne réceptivité de la part de patients diabétiques et asthmatiques à l’égard de l’envoi automatisé de conseils sur l’autogestion de leur condition de santé (Piette, 1999; Vollmer et autres, 2006). Dans l’étude de Goldman et autres (2008) toutefois, certains patients étaient plus réfractaires à recevoir des messages téléphoniques automatisés, mais considéraient néanmoins qu’un tel système automatisé serait bénéfique pour la gestion de leur condition de santé.
Une étude visant à évaluer un service d’alertes similaire en lien avec la CAS a été mise sur pied dans la province de l’Ontario. L’étude comparait deux groupes de patients vulnérables : un groupe recevant, par un service d’alertes, les recommandations de santé associées aux prévisions de la CAS modérée ou élevée avec l’aide du service d’alertes et un groupe contrôle pouvant s’informer d’un autre indice, soit l’Indice de la qualité de l’air (IQA), avec l’aide des médias traditionnels (site Internet, courriels, etc.). Comme dans la présente étude, leurs résultats démontrent que les patients inscrits au service étaient satisfaits du programme, se souvenaient davantage des recommandations de santé, et réduisaient leurs activités à l’extérieur suivant les alertes (Licskai et autres, 2010).
Facilité de compréhension et utilité perçue des recommandations de santé
La facilité de compréhension et l’utilité perçue des recommandations de santé étaient des facteurs déterminants dans l’adoption de comportements préventifs par les participants. Par ailleurs, la plupart considéraient les recommandations de santé utiles et cette perception était maintenue tout au long de l’étude. La majorité des répondants ont aussi affirmé, au fil des alertes, que les messages étaient faciles à comprendre et la répétition du message semble avoir eu un certain effet sur la facilité de compréhension. De plus, la majorité des participants ayant adopté un ou des comportements préventifs suivant les alertes les ont appliqués tels que proposés dans les recommandations de santé, suggérant que les messages étaient généralement bien compris et interprétés. En comparaison, certaines études récentes ont démontré, à l’inverse, des lacunes de compréhension à l’égard des messages accompagnant les indices de la qualité de l’air et les avis associés aux épisodes de pollution (Kelly et autres, 2011; Commitee on the Medical Effects of Air Pollutants, 2011).
Autres facteurs potentiellement impliqués dans l’adoption de comportements préventifs
Parmi les autres facteurs, les résultats démontrent que les croyances sur la pollution atmosphérique étaient parmi les facteurs les plus déterminants à l’adoption de comportements préventifs. En effet, la probabilité d’adopter un des comportements préventifs suggérés était beaucoup plus élevée chez les participants qui ont dit croire en fin d’étude que la pollution de l’air peut avoir des effets sur leur santé et que la qualité de l’air peut être mauvaise en hiver que chez ceux qui ne le croyaient pas. De la même façon, une étude réalisée au Nouveau-Brunswick illustre que les croyances à l’égard de la pollution atmosphérique à l’échelle locale influencent l’attention portée aux avis associés à la mauvaise qualité de l’air. Parmi les personnes interrogées dans l’étude, celles qui considéraient le smog comme une problématique locale sérieuse se rappelaient dans une proportion deux fois plus élevée des avis de mauvaise qualité de l’air (Stieb et autres, 1996).
La présente étude illustre également que les perceptions de l’état de la qualité de l’air influencent l’adoption de comportements préventifs chez les participants. De fait, chez les participants n’ayant pas adopté de comportements préventifs tels que suggérés dans les recommandations de santé suivant les alertes, la principale raison mentionnée était que l’information transmise ne reflétait pas leur expérience personnelle de la pollution atmosphérique (c.-à-d. ils ne faisaient pas le lien entre l’alerte reçue et leur condition de santé, ou la qualité de l’air ne leur semblait pas mauvaise au moment de l’alerte).
Plusieurs autres études ont aussi démontré que la perception de l’état de la qualité de l’air, que ce soit par des indices sensoriels (ex. : odeurs, brouillard) ou encore par l’apparition de symptômes, est déterminante dans l’attention portée aux avis associés à la mauvaise qualité de l’air ainsi que dans la décision d’adopter certains comportements préventifs. Notamment, Bickerstaff et Walker (2001) stipulent que pour influencer l’attitude et les comportements, les messages doivent faire appel à l’expérience personnelle à l’égard de la pollution atmosphérique sans quoi, ceux-ci ne seront pas jugés pertinents et seront ignorés par le public. Au Canada, un sondage visant à évaluer le PPQA a démontré que la population canadienne est consciente que la qualité de l’air peut poser un risque pour la santé, mais qu’elle ne remarque pas les épisodes de pollution puisqu’elle se fie davantage à des indices sensoriels pour évaluer la qualité de l’air (Environics Research Groups, 2009).
Une étude de Semenza et collaborateurs, chez des résidants de Portland et de Houston, a aussi démontré que les changements de comportements étaient principalement basés sur la perception de la mauvaise qualité de l’air, qui n’était par ailleurs pas corrélée aux mesures d’ozone et de particules fines retrouvés dans l’air ambiant (Semenza et autres, 2008). Johnson (2012) a aussi observé dans son étude une faible corrélation entre la perception des individus de l’état de la qualité de l’air et les concentrations mesurées. Comme dans les autres études, la perception de l’état de la qualité de l’air, soit par des indices sensoriels (ex. : odeurs, brouillard) ou par l’apparition de symptômes, était beaucoup plus utilisée par les répondants pour reconnaître les épisodes de pollution que les sources d’information officielles.
Les perceptions semblent par ailleurs influencer les personnes vulnérables de façon similaire. Selon une étude réalisée par Wen et autres (2009), la perception de l’état de la qualité de l’air, par les personnes asthmatiques ou non, était un facteur déterminant à l’adoption de comportements préventifs.
Nos résultats et la littérature montrent ainsi que certaines croyances et perceptions à l’égard de la pollution atmosphérique doivent être démythifiées pour qu’une attention soit portée aux avis associés à la mauvaise qualité de l’air et que des comportements préventifs soient adoptés lors de ceux-ci. À cet égard, les professionnels de la santé (ex. : médecins, pharmaciens) peuvent jouer un rôle clé dans la sensibilisation faite aux personnes vulnérables, notamment à cause du climat de confiance établi avec leurs patients. Une étude a démontré que de recevoir des conseils de son professionnel de la santé augmente l’impact des alertes médias sur les comportements adoptés tels que modifier l’horaire de ses activités ou les éviter lorsque la qualité de l’air peut poser un risque pour la santé (Wen et autres, 2009).
La saison où l’alerte était envoyée avait également une influence sur l’adoption de comportements préventifs par les participants. Ceux-ci avaient significativement plus tendance à adopter des comportements préventifs l’été, ce qui peut s’expliquer par différents facteurs. D’abord, les activités à l’extérieur sont beaucoup plus fréquentes l’été, alors que l’hiver les gens ont plus tendance à demeurer à l’intérieur. Également, la température ressentie lors des 3 occurrences d’alertes estivales était plutôt élevée (indice humidex entre 39 et 43 degrés). Il est donc possible que l’inconfort associé à la température ressentie lors de ces journées ait contribué à un besoin plus grand d’adopter des comportements préventifs chez les participants (ex. : diminuer l’intensité des activités physiques).
En ce qui concerne les caractéristiques personnelles, elles avaient un impact limité sur l’adoption de comportements par les participants. Le sexe et la condition de santé (condition respiratoire comparée à condition cardiaque) ne constituaient pas dans cette étude des facteurs importants à l’adoption de comportements préventifs. Pour ce qui est de l’âge, les participants âgés de 50 à 64 ans avaient significativement plus tendance à changer de comportements lorsque comparés aux plus jeunes. Il est possible que la condition de santé des individus âgés de 50 à 64 ans était plus sévère que celle des individus âgés de 18 à 49 ans, ce qui pourrait expliquer ce résultat. Dans une étude réalisée à Copenhague, la proportion des personnes présentant une maladie pulmonaire qui avait évité de faire des activités à l’extérieur lors d’avis de smog était plus élevée chez celles présentant un problème respiratoire sévère (82 %) par rapport à celles présentant un problème respiratoire léger (54 %) (Skov et autres, 1991).
CONCLUSIONS
Dans notre étude, la majorité des personnes vulnérables ont adopté les comportements suggérés dans les recommandations de santé transmises par le service automatisé d’alertes téléphoniques.
Le service automatisé d’alertes téléphoniques a permis de joindre directement la plupart des personnes vulnérables et de leur transmettre de manière efficace les recommandations de santé associées à la pollution atmosphérique, et ce, au moment voulu. Par ailleurs, les participants ont généralement apprécié leur expérience avec le service et en ont perçu une valeur ajoutée en les aidant à prendre des précautions lorsque la qualité de l’air se détériore.
De surcroît, soulignons que pour les intervenants de santé publique, le système présente l’avantage d’effectuer automatiquement une veille 24 h/24 de la qualité de l’air, selon des critères prédéfinis, leur évitant ainsi d’effectuer une vigie en dehors des heures ouvrables (soirs et fins de semaine). Pour les personnes vulnérables, le principal avantage est que les avis se rendent directement à eux au moment approprié, alors que les moyens habituels les obligent à rechercher par eux-mêmes et sur une base régulière l’information sur l’état de la qualité de l’air.
Concernant les recommandations de santé, elles étaient bien comprises et perçues utiles par la majorité des participants. La facilité de compréhension et l’utilité perçue des recommandations de santé étaient par ailleurs des facteurs importants à l’adoption de comportements préventifs chez ceux-ci. La répétition des recommandations de santé lors de chaque alerte semble de plus avoir contribué à améliorer la facilité de compréhension du message chez les participants au fil du temps.
Parmi les autres facteurs ayant contribué à l’adoption de comportements préventifs chez les participants, nos résultats illustrent que les croyances et les perceptions à l’égard de la pollution atmosphérique étaient particulièrement importantes.
En somme, l’étude suggère qu’engendrer des changements de comportements à l’égard de la pollution atmosphérique chez les personnes vulnérables relève de divers facteurs, notamment de la capacité à les joindre au moment opportun et à leur transmettre efficacement des recommandations de santé faciles à comprendre et adaptées à leur situation. Ajoutée à cela, une bonne compréhension des motivations des personnes vulnérables ainsi que de leurs croyances et perceptions à l’égard de la pollution atmosphérique est essentielle afin de jouer sur les éléments qui influenceront leur décision d’adopter ou non des comportements préventifs.
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