Écrans et hyperconnectivité - Veille analytique, automne 2023

Dans ce numéro

Utilisation des écrans et santé mentale à l’adolescence : une revue systématique

Contexte

L’adolescence représente une période critique pour le développement de troubles mentaux, notamment les troubles dépressifs, anxieux ou comportementaux. Ces dernières années plusieurs études se sont attardées à la relation entre l’usage excessif des écrans et la montée des problèmes de santé mentale observés chez les jeunes. Les résultats de ces études varient et des limites méthodologiques sont souvent rapportées, réduisant ainsi la capacité de dégager un constat clair.

Objectif et méthode

Cette revue systématique vise à synthétiser les connaissances sur le lien entre l’exposition aux écrans et divers indicateurs de santé mentale (p. ex. santé mentale perçue, satisfaction face à la vie) ou de troubles mentaux chez les jeunes (p. ex. symptômes anxieux ou dépressifs). Pour ce faire, les auteurs ont analysé 50 études publiées de 2011 à 2023 (38 études transversales et 12 études longitudinales) représentant un échantillon total de 1 900 447 jeunes âgés de 10 à 21 ans. Les résultats de cette revue systématique ne se prêtaient pas à une méta-analyse.

Ce que l’on y apprend

La majorité des études (38/50) analysées dans cette revue rapportent une association entre le temps passé devant un écran et différents indicateurs de santé mentale ou de troubles mentaux. Plus le temps d’écrans est élevé, moins bons sont les résultats pour les indicateurs de santé mentale ou de troubles mentaux. Toutefois, les associations observées dans la plupart des études sont de taille faible ou moyenne.

Les résultats de cette revue suggèrent que le temps d’écran n’est pas le seul facteur à prendre en compte, notamment le type d’écran, le type d’utilisation ou le contenu visionné, peuvent intervenir dans la relation entre le temps d’écran et la santé mentale des jeunes. En effet, l’association entre le temps d’écran et les symptômes dépressifs à l’adolescence serait plus forte avec l’utilisation du téléphone cellulaire et de l’ordinateur.

Des variations sont observées aussi en fonction du contenu consulté sur écran. Plus spécifiquement, les études soulignent que l’utilisation des médias sociaux est associée à plus de symptômes de troubles mentaux et à un sentiment de bien-être diminué chez les jeunes. À l’inverse, l’utilisation de l’ordinateur pour des activités non récréatives (p. ex. pour étudier) est associée à un meilleur sentiment d’efficacité chez les filles. Chez les garçons, l’utilisation de l’ordinateur pour des activités non récréatives est associée à de plus faibles scores de dépression et de comportements internalisés en comparaison aux garçons faisant usage de l’ordinateur pour jouer à des jeux vidéo.

Conclusion

Globalement, les résultats de cette revue suggèrent que l’utilisation des écrans pourrait expliquer certaines variations, observées ces dernières années, dans l’état de santé mentale des jeunes. Toutefois, davantage d’études, notamment longitudinales, sont nécessaires afin de mieux définir l’influence d’autres facteurs comme les motivations sous-tendant l’utilisation des écrans ou encore l’influence de certaines habitudes de vie telles que le sommeil ou l’activité physique.

Santos, R. M. S., Mendes, C. G., Sen Bressani, G. Y., De Alcantara Ventura, S., De Almeida Nogueira, Y. J., De Miranda, D. M. et Romano-Silva, M. A. (2023). The associations between screen time and mental health in adolescents: a systematic review. BMC Psychology, 11(1), 127.
https://doi.org/10.1186/s40359-023-01166-7

Projecteurs ou écrans de télévision en classe : seuil critique pour les yeux

Contexte

Depuis quelques années les projecteurs ont remplacé le tableau noir comme support d’enseignement dans les écoles. Dans certains pays, notamment à Taiwan, ils sont depuis peu remplacés par de grands écrans de télévision. Si on connait les risques sur la rétine de l’exposition aux diodes électroluminescentes blanches (DEL) et les effets de la lumière bleue sur les yeux et les rythmes circadiens, on sait par contre peu de chose sur les risques sur la santé oculaire des élèves de l’enseignement fait à l’aide de projecteurs et d’écrans de télévision de grande taille.

Objectif et méthode

Cette étude quantitative vise à déterminer la durée d’exposition sécuritaire (MPE1) lors de l’utilisation d’un projecteur et d’un écran de télévision de grande taille dans le contexte d’une classe. La MPE permet d’estimer la durée d’exposition maximale à un écran sans dommages permanents sur la rétine.

Dans une salle de classe sans éclairage ni lumière ambiante, cinq élèves âgés de 16 à 17 ans devaient regarder, sur chacun des supports, deux cartes oculaires dont le texte était soit noir sur fond blanc, soit orange sur un fond sombre. Pour évaluer la clarté de visualisation, chaque individu devait indiquer la taille de police minimale qu’il pouvait clairement voir sur les cartes oculaires. Un spectromètre de quantification du risque bleu était placé à côté de l’œil des sujets pour estimer la durée d’exposition sécuritaire (MPE). Cette procédure était répétée à des distances variant de deux à six mètres pour imiter la réalité d’une classe.

Ce que l’on y apprend

En comparaison aux écrans de télévision, les projecteurs apparaissaient plus sécuritaires pour les yeux à cause de l’absence de rétroéclairage. Toutefois, les résultats de l’étude indiquent que la résolution de l’image de l’appareil, plus élevée pour la télévision, est plus importante pour la santé des yeux que l’éclairage projeté par l’appareil. En effet, un niveau de résolution élevé de l’image permet une meilleure acuité visuelle.

La taille de police minimale nécessaire pour visualiser les cartes avec le projecteur était plus importante que pour la télévision à mesure que l’on s’éloigne. L’éclairage nécessaire pour voir la même police était beaucoup plus faible avec le téléviseur, probablement grâce à la résolution plus élevée de l’image.

Quant à la durée d’exposition sécuritaire (MPE), une plus grande distance de l’écran (projecteur et télévision) permet une durée d’exposition sécuritaire plus longue étant donné que l’exposition de l’œil à la lumière diminue avec la distance.

Enfin, les résultats montrent que l’utilisation d’un texte orange sur fond sombre permet d’augmenter la durée d’exposition sécuritaire du projecteur et de la télévision (passant de 0,4 h à 54 h à 2 m [police 30 pts] pour le projecteur et de 1,3 h à 83 h pour la télévision), grâce à la réduction de l’éclairage requis et à une diminution significative de la température de couleur (orange sur fond noir). Cette modalité permet aussi de réduire la taille de police nécessaire2. Elle est ainsi une modalité plus respectueuse pour la santé des yeux, que ce soit sur le téléviseur ou avec le projecteur, et permet d’offrir une meilleure clarté visuelle aux élèves des dernières rangées dans la classe sans augmenter la police.

Conclusion

Ces résultats suggèrent que l’écran de télévision est plus sécuritaire que le projecteur pour la santé oculaire des élèves, quelle que soit la distance, compte tenu de sa durée d’exposition sécuritaire plus élevée. Toutefois, le passage du mode conventionnel (texte noir sur fond blanc) vers un mode plus convivial (texte orange sur fond noir) correspond à une pratique bénéfique pour la santé oculaire des élèves en classe, car elle permet d’augmenter la durée d’exposition sécuritaire, quel que soit le support (télévision ou projecteur).

Tsai, P.-C., Cheng, M.-H., Peng, B.-H., Jou, J.-H., Cheng, Y.-H., Ku, Y.-C., Chiu, H.-Y., Chou, M.-L. et Yeh, P.-T. (2023). Permissible viewing times of educational projector and TV. Heliyon, Vol. 9, Issue 5, E5522. https://doi.org/10.1016/j.heliyon.2023.e15522

1 Maximum permissible exposure limit (MPE).

2 Par exemple, à deux mètres avec un projecteur on peut réduire de 30 à 26 points et de 94 à 62 points à six mètres. Tandis que pour le téléviseur, la taille de police peut être réduite de 30 à 26 points à deux mètres et de 94 à 66 points à six mètres.

La formation au numérique à l’école et son rôle protecteur pour le bien-être émotionnel des jeunes

Contexte

Ces dernières années, de nombreuses études se sont penchées sur le lien entre l’utilisation des technologies numériques et la santé mentale des jeunes, notamment la présence d’affects négatifs. Toutefois, leurs résultats sont disparates. Dans ce contexte, plusieurs travaux indiquent que différents facteurs individuels, tels que le niveau de formation au numérique, pourraient potentiellement expliquer les résultats variés quant à la relation entre l’utilisation des technologies et le bien-être émotionnel des jeunes.

Objectif et méthode

Cette étude a pour objectif d’explorer la présence d’affects négatifs associés aux différents usages des technologies numériques des élèves de niveau secondaire et le rôle potentiel de la formation au numérique1 dans cette relation. Pour ce faire, 6 568 élèves âgés de 11 à 21 ans ont été sondés relativement à leur utilisation des technologies (p. ex. naviguer sur Internet, consulter les médias sociaux, communiquer avec les autres, usage pédagogique, développer du contenu numérique, jouer aux jeux vidéo, créer du contenu pour les médias sociaux), leur perception quant à leur niveau de formation ainsi que leur expérience d’affects négatifs.

Ce que l’on y apprend

Les résultats de cette étude indiquent une association modérée entre la fréquence d’utilisation des technologies et la présence d’affects négatifs. Ils montrent également que les élèves qui estiment avoir un niveau élevé de formation ont moins d’affects négatifs lors de certains usages des technologies. Plus spécifiquement, la formation a un rôle modérateur pour les usages actifs des technologies (p. ex. la création de contenus pour les médias sociaux, les jeux vidéo, le développement de contenus numériques, utilisation pédagogique et, la communication avec les autres). Aucun effet modérateur n’est observé pour les usages passifs des technologies (p. ex. naviguer sur Internet et consulter des médias sociaux).

On suggère que la formation influencerait davantage les types d’usage actifs, car ceux-ci font surtout appel à des compétences claires, enseignables et faciles à apprendre pour les jeunes. Pour réduire la présence d’affects négatifs associés à un usage passif des technologies, les résultats suggèrent que les écoles concentrent leurs efforts pour accompagner les étudiants à réduire les activités passives au profit d’usages plus engageant.

Conclusion

En somme, les résultats de cette étude suggèrent une association modérée entre le temps passé à utiliser les technologies numériques et la présence d’affects négatifs, et ce, pour différents types d’usages numériques. De plus, cette étude suggère que former les élèves au numérique à l’école peut contribuer à réduire leurs affects négatifs surtout dans le contexte d’usages actifs. Ultimement, ceci suggère aussi l’importance d’investir du temps dans les écoles pour former les élèves au numérique et cibler les usages qui pourraient le plus en bénéficier.

McFarland, S., Tan, T. Y., De France, K. et Hoffmann, J. D. (2023). Taking a nuanced look at adolescent technology use and negative affect: the protective role of preparedness. Frontiers in Psychiatry, 14, 1015635. https://doi.org/10.3389/fpsyt.2023.1015635

1 Formation donnée par l’école pour améliorer les attitudes des élèves en ligne et leurs compétences informatiques (p. ex. faire des recherches en ligne, maîtriser des logiciels informatiques).

Utilisation des écrans et bien-être des jeunes : l’influence des inégalités sociales de santé

Contexte

Le lien entre le statut socio-économique des parents et le bien-être de leurs enfants à l’adolescence est bien documenté. De plus, la littérature sur ce que l’on nomme la fracture numérique ou les inégalités numériques fait un lien théorique entre le statut socio-économique, l’usage différencié des technologies numériques et le bien-être. Par contre, les études empiriques portant sur ce phénomène sont peu nombreuses et rarement longitudinales. Ces dernières s’avèrent pourtant essentielles dans la compréhension des inégalités sociales et numériques, et de leur influence sur la santé, plus particulièrement le bien-être socio-émotionnel et la performance scolaire des jeunes.

Objectif et méthode

Cette étude vise à examiner comment le temps d’écran (appareils connectés ou télévision) ainsi que le contenu consulté (médias sociaux, contenu axé sur l’apprentissage ou le jeu) sont associés au bien-être socio-émotionnel et à la performance scolaire des jeunes à différents âges. Les analyses permettent ensuite la comparaison des associations selon le statut socio-économique (SSE mesuré par le type d’emploi des parents). Les données de cette étude proviennent de Growing Up in Ireland, une enquête de cohorte longitudinale représentative chez les jeunes qui inclut trois cycles de collecte : à l’âge de 9 ans (2007/2008; N = 8 568), de 13 ans (2011/2012; N = 7 525), puis de 17-18 ans (2015/2016; N = 6 216).

Ce que l’on y apprend

Les résultats descriptifs montrent d’abord une augmentation du temps d’écran au cours de l’adolescence. Le temps d’écran moyen passe en effet de 27 minutes par jour à 9 ans, à 136 minutes à 17-18 ans. Trois constats sont émis à la suite des analyses. Premièrement, un temps d’écran élevé sur des appareils connectés est associé à plus de difficultés socio-émotionnelles (p. ex. hyperactivité et fonctionnement prosocial) chez les jeunes qui en font un usage de plus de trois heures par jour et, dans une moindre mesure de plus d’une heure par jour, en comparaison aux jeunes qui n’en font pas usage. Les résultats montrent qu’un contenu axé sur l’apprentissage est associé à un meilleur fonctionnement prosocial et une meilleure performance scolaire. Le jeu est également associé à moins de difficultés socio-émotionnelles et une meilleure performance scolaire. Deuxièmement, en ce qui a trait aux différences selon le SSE, on observe que le temps d’écran sur des appareils connectés, peu importe la durée, est associé à la présence de difficultés socio-émotionnelles pour les jeunes de faible SSE, alors que seul un temps d’écran élevé, toujours sur les appareils connectés, est associé à des difficultés socio-émotionnelles pour les jeunes de SSE élevé. Troisièmement, un contenu axé sur l’apprentissage est associé à un meilleur fonctionnement prosocial et à une meilleure performance scolaire, mais seulement pour les jeunes de SSE élevé. Pour toutes les analyses, les résultats montrent peu ou pas d’associations significatives avec le temps d’écran passé sur des médias sociaux et devant la télévision.

Conclusion

La présente étude révèle que les associations entre le temps d’écran sur les appareils connectés et leur contenu sont liés à des difficultés socio-émotionnelles et à la performance scolaire différemment selon le SSE des jeunes. Si l’étude confirme que les écrans et leur contenu jouent un rôle dans les variations du bien-être des jeunes et de leur performance scolaire, le SSE semble représenter un déterminant lui aussi important pour en comprendre les effets sur la santé. Alors qu’un usage axé sur l’apprentissage semble bénéficier au bien-être et à la performance scolaire des jeunes plus favorisés, ce n’est pas le cas pour les jeunes qui le sont moins. Ultimement, ces résultats soulignent l’importance de prendre en considération les inégalités sociales dans la compréhension des relations entre l’usage des écrans et le bien-être des jeunes.

Bohnert, M. et Gracia, P. (2023) Digital use and socioeconomic inequalities in adolescent well‐being: Longitudinal evidence on socioemotional and educational outcomes. Journal of adolescence. Vol. 95, Issue 6, p. 1179-1194. https://doi.org/10.1002/jad.12193

Nouvelles publications INSPQ

Pratique du jeu vidéo de compétition et santé des adolescents et jeunes adultes | Caron, M. | Août 2023.

Jeunes Autochtones, santé, mieux-être et médias sociaux : une étude de portée | Fournier, C. | Juin 2023.

Usage des écrans par les parents en présence de leur enfant de 0 à 6 ans : les effets sur les pratiques parentales | Melançon, A. et M-È. Bergeron-Gaudin | Avril 2023.

Autres publications d’intérêts

Nouvelles données québécoises

Publications d’intérêts à l’international

26e JASP 2023 – L’utilisation des écrans et la santé des jeunes.

Cette année dans le cadre des 26es Journées annuelles de santé publique (JASP) qui se tiendront les 27 et 28 novembre à Québec et le 29 novembre en ligne, deux demi-journées porteront sur l’utilisation des écrans et la santé des jeunes.

Les deux demi-journées ont lieu le 28 novembre 2023 à Québec.

  • 10 h à 12 h - La première activité s’intitule « Jeunes et écrans : état des lieux et pratiques prometteuses pour réduire les risques sur la santé des jeunes » et est organisée par Guy Desrosiers, président-directeur général de CAPSANA. Son objectif principal est d’approfondir les connaissances sur l’usage des écrans, les risques et répercussions sur la santé des jeunes, de même que les pratiques prometteuses de prévention des risques en milieu familial.
  • 13 h 45 à 17 h05 – La deuxième activité s’intitule « Écrans à l’école : faire équipe pour protéger la santé des jeunes » et est organisée par Fanny Lemétayer et Andréane Melançon, toutes les deux conseillères scientifiques à l’INSPQ. Son objectif principal est de situer la contribution de la santé publique, dans une collaboration avec le milieu scolaire, pour prévenir la surexposition aux écrans et réduire les risques sur la santé et le développement des jeunes.

À noter, que vous pouvez vous inscrire aux deux demi-journées pour le prix d’une journée, que ces demi-journées sont autonomes, mais complémentaires, et que prises séparément elles comprennent chacune le repas du midi.

Nous espérons que leur contenu saura vous intéresser. Pour consulter le programme détaillé ou pour vous inscrire, visitez le site Web des JASP au www.inspq.qc.ca/jasp.

Rédaction

Caroline Braën-Boucher, conseillère scientifique
Yan Ferguson, conseiller scientifique
Fanny Lemétayer, conseillère scientifique
Équipe Écrans et hyperconnectivité | Santé mentale, suicide
Unité Santé et bien-être des populations
Direction du développement des individus et des communautés

Avec la collaboration de

Marie-Claude Roberge, conseillère scientifique
Coordonnatrice de l’équipe Écrans/Santé mentale/Suicide

Révision

Julie Laforest, cheffe d’unité scientifique
Unité Santé et bien-être des populations
Direction du développement des individus et des communautés

Révision linguistique

Marie-Cloé Lépine, agente administrative
Direction du développement des individus et des communautés

Pour toute question, vous pouvez contacter notre équipe à l’adresse courriel suivante : [email protected]

L’inclusion des articles présentés dans ce bulletin de veille ne signifie pas leur endossement par l’Institut. Le jugement professionnel demeure essentiel pour évaluer la valeur de ces articles pour votre pratique. Vous pouvez également consulter la méthodologie de cette veille scientifique.

 

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