1 décembre 2017

Verdissement, santé et économie : quand les chiffres parlent!

Résumé scientifique
Le texte qui suit est le résumé d’une publication scientifique (ou d’une étude) n’ayant pas été réalisée par l’Institut national de santé publique du Québec. Cette analyse critique ne peut donc pas être considérée comme la position de l’Institut. Son objectif est de porter à l’attention des lecteurs des éléments récents de la littérature scientifique, et ce, sous un éclairage critique découlant de l’expertise des auteurs du résumé.
Auteur(s)
Mélanie Beaudoin
LL. B., M. Env., conseillère scientifique, Direction de la santé environnementale et de la toxicologie

Les villes les plus populeuses du monde pourraient voir leurs températures moyennes augmenter de plus de 8oC d’ici 21001. L’une des recommandations de santé publique pour favoriser la résilience des villes en matière de changements climatiques passe par le verdissement. Aperçu des bienfaits que procurent les végétaux sur la santé des populations et de la valeur économique des services écosystémiques, à partir de deux publications récentes de l’Institut national de santé publique du Québec2,3

Services écosystémiques

Il est démontré que les arbres et la végétation urbains, en général, peuvent rendre de nombreux services à la population, ce qu’on nomme services écosystémiques2. Concrètement, les végétaux contribuent à la filtration de l’air pour capter les polluants, diminuent les îlots de chaleur urbains et aident à la réduction du bruit. De plus, le verdissement des villes favorise la rétention des eaux pluviales. Finalement, les espaces verts permettent une participation à des activités récréatives, comme la marche ou l’agriculture urbaine. Ces services écosystémiques influent sur la santé des gens, améliorant leurs conditions de vie. Les opportunités de faire de l’activité physique, la réduction du stress, la diminution de la criminalité et de l’isolement social sont quelques-uns des bienfaits démontrés3. Autant les parcs, les forêts urbaines, les friches urbaines, les jardins ou les arbres de rues participent à ces services écosystémiques.

Actuellement, bien peu d’études ont été en mesure de chiffrer la valeur monétaire de ces services rendus à l’humain par la végétation. S’il en coûte quelques centaines de dollars pour planter et entretenir un arbre, la valeur des dépenses évitées, notamment en soins de santé, pourrait représenter un avantage fort intéressant. Bien que parcellaires, les résultats de quelques études effectuées à l’étranger permettent une évaluation comparative pour le Québec et permettent d’illustrer le propos.

Ainsi, une étude réalisée dans neuf villes chinoises et une ville des États-Unis a rapporté qu’un hectare d’espace vert a une valeur moyenne annuelle de 5 882 $4 en ce qui concerne son aspect récréatif, alors que les effets positifs sur la santé ont été quantifiés à 17 548 $. Dans une autre étude, la valeur des bénéfices liés aux écosystèmes a été évaluée à 31 696 $ par hectare d’espace vert, par année.

Dans cette étude réalisée dans 25 villes (Chine, Canada et États-Unis), les auteurs précisent entre autres la valeur économique de la régulation de la pollution de l’air, la séquestration de carbone, la réduction des eaux de ruissellement, la régulation de la température, les loisirs et les effets positifs sur la santé. Dans cette dernière catégorie, la somme annuelle de 18 870 $ est avancée, bien que cette donnée n’ait été évaluée que pour une seule ville.

Une arme contre le vieillissement

À Sacramento, aux États-Unis, l’apport des parcs urbains sur la santé a été évalué en termes monétaires. On a estimé que près de 78 000 personnes étaient actives dans les parcs (activité modérée à intense pendant 1 h 30, 3 fois par semaine). Les dépenses médicales évitées par ces personnes se chiffreraient à 20 millions de dollars par année, représentant des économies de 250 $ par personne de moins de 65 ans et de 500 $ pour les gens de plus de 65 ans. Dans un contexte de vieillissement de la population au Québec, ces données sont d’autant plus importantes. On démontre ici que de maintenir des populations adultes en forme, grâce aux espaces verts, engendrera des économies budgétaires en matière de soins de santé.

Bénéfiques pour les enfants

Les concentrations de dioxyde d’azote (NO2) ont été mesurées à Portland, en Oregon, notamment en contrôlant la proximité des routes et des voies ferrées. Cette étude a mis en évidence que la canopée était reliée à une diminution des concentrations de NO2 pouvant impliquer une diminution annuelle des jours d’école manqués chez les enfants de 4 à 12 ans en raison de l’exacerbation de l’asthme, représentant une économie de 850 000 $. Par ailleurs, l’exacerbation réduite des symptômes de l’asthme a été chiffrée à 4,55 millions de dollars par année.

En vrac

Quelques études supplémentaires ont identifié d’autres retombées :

  • La fréquentation des espaces verts réduirait de 5 % les risques de maladie cardiovasculaire, ce qui serait associé à une économie de 348 millions de dollars au Royaume-Uni.
  • Dans une étude aux États-Unis, les patients atteints de la maladie d’Alzheimer ayant accès à un espace de promenade verdi ont vu leur consommation de médicaments diminuer de 10 %. L’un des effets de ces médicaments étant l’augmentation des risques de chutes, l’étude a aussi associé une réduction de 30 % des chutes pour ces patients. Sur la base des coûts de médicaments et du nombre de patients atteints (5,2 millions), une économie de 725 millions à 1,5 milliard pourrait être observée, aux États-Unis (entre 139 $ et 288 $ par année, par patient).
  • La réduction des coûts de santé liés à la criminalité est évaluée de 340 à près de 900 millions de dollars, en présence d’espaces verts, sur la base d’une revue de la littérature ayant associé les diminutions notées de la criminalité en augmentant le couvert forestier dans différentes villes et les données du Federal Bureau of Investigation américain relatives au coût des crimes.
  • Une diminution des dépenses postopératoires serait notée pour un patient ayant une vue sur un espace vert par la fenêtre de sa chambre d’hôpital : les complications postchirurgicales seraient moins importantes, la consommation d’antidouleurs serait diminuée et le patient sortirait de l’hôpital une journée plus tôt, ce qui se traduit en bénéfice économique, bien que l’auteur de l’étude n’ait pas chiffré ces bénéfices.
  • Les effets économiques liés à d’autres maladies, comme le diabète ou l’hypertension, n’ont pas été considérés dans ces études, pas plus que ceux en lien avec la santé mentale, alors que les bénéfices des espaces verts sur ces conditions sont bien documentés.

Arbres sur les rues

Non seulement les espaces verdis comme les parcs sont bénéfiques à la santé humaine, mais les arbres de rue, ceux plantés en bordure de terrains et dans les emprises municipales, ont également des retombées sanitaires intéressantes. En effet, en créant des corridors verts, ces arbres incitent à l’activité physique, notamment la marche, et permettent à toutes les populations de se déplacer à l’ombre. Ces arbres ont aussi des impacts financiers importants. En Californie, on a évalué les retombées de près de 9 millions d’arbres dans 50 villes. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : des économies annuelles de 101 millions en frais de climatisation, 18 millions pour la captation des polluants atmosphériques et 41,5 millions reliés à l’interception des eaux pluviales.

L’importance de s’adapter

En l’absence de stratégies d’adaptation efficaces pour diminuer l’ampleur des impacts des changements climatiques, on envisage qu’il en coûtera des milliards de dollars au gouvernement québécois d’ici 2065, selon une étude d’Ouranos qui tient compte de quelques coûts de santé. Les arbres plantés aujourd’hui seront très importants dans 25 ans lorsque les impacts des changements climatiques frapperont de plein fouet.

Notes

  1. Estrada, F., W. J. Wouter Botzen et Ri. J. Tol. A global economic assessment of city policies to reduce climate change impacts, Nature Climate Change 7, 403–406 (2017)
  2. Revéret, J.-P. (2017). Valeur économique des effets sur la santé de la nature en ville. Institut national de santé publique du Québec.
  3. Beaudoin, M. et Levasseur, M.-E. (2017). Verdir les villes pour la santé de la population. Institut national de santé publique du Québec.
  4. Toutes les valeurs exprimées sont en dollars américains.