8 mai 2012

Risque de mortalité non-accidentelle et cardiovasculaire au Canada associé à l’exposition à long terme aux particules fines

Résumé scientifique
Le texte qui suit est le résumé d’une publication scientifique (ou d’une étude) n’ayant pas été réalisée par l’Institut national de santé publique du Québec. Cette analyse critique ne peut donc pas être considérée comme la position de l’Institut. Son objectif est de porter à l’attention des lecteurs des éléments récents de la littérature scientifique, et ce, sous un éclairage critique découlant de l’expertise des auteurs du résumé.
Auteur(s)
Stéphane Buteau
M. Sc., conseiller scientifique, Institut national de santé publique du Québec

Les particules sont omniprésentes dans l’air. Elles sont constituées d’un mélange de matières solides et de gouttelettes liquides de composition et de taille variables. L’exposition à court et à long terme aux particules en suspension dans l’air cause des effets néfastes sur la santé. De nombreuses études épidémiologiques ont mis en évidence un lien entre les niveaux atmosphériques de particules et la survenue ou l’aggravation de pathologies cardio-respiratoires1. L’exposition aux particules fines de diamètre inférieur à 2,5 micromètres (PM2,5) a entre autres été associée à la mortalité cardiovasculaire et mêmes à des causes de mortalité plus spécifiques telles que la cardiopathie ischémique1. À ce jour, peu d’études ont investigué les effets de l’exposition à long terme aux PM2,5 sur la mortalité pour certaines causes spécifiques, à partir d’une cohorte. Ceci s’explique, entre autres, par les défis méthodologiques que posent ce type d’étude (complexité à rassembler une large cohorte, à suivre les sujets sur une longue période de temps et à estimer l’exposition des individus aux polluants atmosphériques)2.

Une première étude de cohorte à l’échelle canadienne

Une récente étude réalisée par Crouse et collaborateurs3, publiée en février 2012 dans la revue Environmental Health Perspectives, a évalué le risque de mortalité cardiovasculaire chez les adultes associé à l’exposition à long terme aux PM2,5 au Canada. Il s’agit de la première étude de cohorte à l’échelle canadienne à se pencher sur de tels risques.

La cohorte est composée de 2,1 millions de Canadiens non immigrants tous âgés de plus de 25 ans en 1991, avec une moyenne d’âge d’environ 45 ans. Des hommes et des femmes de toutes les provinces canadiennes, de toutes villes en importance ainsi que des régions rurales et urbaines y sont représentés. Les données de mortalité sur une période approximative de 10 ans ont été considérées, pour un total d’environ 21,7 millions de personne-années de suivi et 200 000 décès non-accidentels.

L’exposition aux PM2,5 a été estimée à partir d’images satellitaires, ce qui se veut particulièrement intéressant. À l’aide de cette méthode, les niveaux ambiants moyens de PM2,5 ont pu être estimés pour l’ensemble du pays (à l’exception des territoires nordiques) permettant ainsi d’attribuer un niveau d’exposition à l’ensemble des individus de la cohorte et ce, malgré l’ampleur de celle-ci. L’imagerie permet ici de palier aux limites liées à l’utilisation des stations de mesures, qui sont principalement localisées en zones urbaines et qui, par conséquent, ne sont représentatives que d’une faible superficie du territoire national. D’autre part, les mesures du réseau national de surveillance de la pollution atmosphérique d’Environnement Canada ont aussi été utilisées pour des analyses sur une sous-cohorte d’individus résidant dans 11 grandes villes canadiennes et pour lesquelles des concentrations de polluants étaient disponibles pour la période d’étude.

L’association avec les niveaux ambiants de PM2,5 a donc été étudiée pour les causes de mortalité suivantes : toutes causes non accidentelles, cardiovasculaire, circulatoire, cardiopathie ischémique et cérébrovasculaire. Les rapports des risques instantanés (Hazard Ratios) et leurs intervalles de confiance à 95 %, ajustés pour des covariables individuelles (ex. âge, sexe, éducation, revenu, etc.) et contextuelles (ex. : milieu de vie rural ou urbain, etc.) susceptibles d’influencer le risque, ont été calculés à partir d’un modèle de survie de Cox standard et d’un modèle Cox avec effets aléatoires de façon à prendre en compte les liaisons spatiales entre les données.

Un lien entre l’exposition long terme aux PM2,5 et la mortalité

Les résultats de l’étude montrent une association positive et statistiquement significative entre les concentrations ambiantes de PM2,5 et la mortalité chez les adultes canadiens de la cohorte. Plus précisément, une hausse de la concentration de particules fines de 10 µg/m3 a été associée à une augmentation de 10 à 15 % du risque de mortalité non accidentelle, de 15 % pour les maladies cardiovasculaires et circulatoires, et de 30 % pour la cardiopathie ischémique. Aucune association significative n’a par ailleurs été obtenue pour la mortalité cérébrovasculaire.

Les résultats pour la sous-cohorte montrent un risque de mortalité non accidentelle quasi-identiques selon que le niveaux d’exposition aux PM2,5 aient été estimées d’après les mesures aux stations d’échantillonnage ou à l’aide de l’imagerie satellitaire. L’association obtenue à partir d’images satellitaire pour la sous-cohorte est également similaires à celle observée pour l’ensemble de la cohorte.

Les résultats obtenus chez la cohorte canadienne sont cohérents avec ceux rapportés à partir de la cohorte américaine de l’American Cancer Society Prevention Study II, soit un risque de mortalité cardiovasculaire d’environ 1,10 à 1,15, une association plus importante observée pour la mortalité par cardiopathie ischémique, et peu ou pas d’association pour la mortalité cérébrovasculaire4. Il faut souligner le fait que les risques de mortalité, quoique similaires, ont été obtenus chez la cohorte canadienne pour un niveau moyen d’exposition aux PM2,5 (8,7 ug/m3) considérablement plus faible que celui auquel la cohorte américaine était exposée (14,4 ug/m3)5.

Conclusion

L’étude de Crouse et collaborateurs se veut une première étude de cohorte à l’échelle canadienne permettant d’étudier le risque de mortalité associé à l’exposition à long terme aux PM2,5. L’utilisation de l’imagerie satellitaire a rendu possible l’estimation des niveaux d’exposition des individus de cette grande cohorte. Des associations ont été observées entre la mortalité et l’exposition à long terme aux PM2,5 et ce, pour une exposition majoritairement plus faible que celle rapportée dans les études antérieures.

Références

  1. U.S. EPA. Integrated Science Assessment for Particulate Matter (Final Report). U.S. Environmental Protection Agency, Washington, DC, EPA/600/R-08/139F, 2009. cfpub.epa.gov/ncea/cfm/recordisplay.cfm?deid=216546
  2. Chen H. and Goldberg M.S. 2009.The effects of outdoor air pollution on chronic illness. McGill Journal of Medicine 12(1):58-64.
  3. Crouse DL, Peters PA, van Donkelaar A, Goldberg MS, Villeneuve PJ, Brion O, et al. 2012. Risk of Non-accidental and Cardiovascular Mortality in Relation to Long-term Exposure to Low Concentrations of Fine Particulate Matter: A Canadian National-level Cohort Study. Environ Health Perspect :-. dx.doi.org/10.1289/ehp.1104049
  4. Pope CA, 3rd, Burnett RT, Thurston GD, Thun MJ, Calle EE, Krewski D, et al. 2004. Cardiovascular mortality and long-term exposure to particulate air pollution: epidemiological evidence of general pathophysiological pathways of disease. Circulation 109(1):71-77
  5. Krewski D, Jerrett M, Burnett RT, Ma R, Hughes E, Shi Y et al. 2009. Extended follow-up and spatial analysis of the American Cancer Society study linking particulate air pollution and mortality. Res. Rep. Health Eff. Inst. (140):5-114; discussion 115-136.