L’impact des cimetières sur la qualité microbienne des eaux souterraines
Question de se mettre dans l’ambiance des fêtes d’Halloween, une revue récemment publiée sur la contamination des eaux souterraines par les cimetières a été retenue(1). En introduction, les auteurs rapportent que, dans le procédé de décomposition, entre 0,4 et 0,6 litre de lixiviat est produit par kg de poids corporel, composé à 60 % d’eau, 30 % de sels sous forme d’ions contenant de l’azote ou du phosphore et de différents métaux ainsi qu’à 10 % de substances organiques. Le lixiviat contient également des bactéries et des virus pouvant potentiellement contaminer les eaux souterraines et infecter les populations s’approvisionnant à partir de ces eaux. Cette problématique a été évaluée dans différents pays (Brésil, Australie, Portugal, Royaume-Uni, Pologne, Afrique du Sud) et les auteurs présentent une revue sommaire des principaux résultats de ces études. Il convient de préciser que les données rapportées dans cet article proviennent essentiellement de milieux tempérés ou chauds et humides où les proliférations microbiennes sont plus élevées qu’au Québec. De plus, les pratiques d’embaumement et de gestion des cimetières peuvent différer grandement dans ces régions. Ainsi, les informations rapportées ici ne peuvent être transposées à la situation québécoise.
Les cadavres humains peuvent potentiellement rejeter dans l’environnement diverses bactéries telles que l’Escherichia coli, Enterobacter, Klebsiella, Citrobacter, Strepcoccus faecalis, Clostridium perfringens, Salmonella typhis ainsi que des virus (par exemple, des Enterovirus). La plupart du temps, la contamination de l’environnement provient des bactéries pathogènes intestinales, telles que l’E. coli, Pseudomonas aeruginosa, C. perfringens, Salmonella spp. Les micro-organismes pathogènes sont habituellement éliminés graduellement, car ils ne peuvent pas survivre longtemps en dehors de l’hôte, spécialement lorsque les conditions environnementales ne sont pas appropriées. Certaines bactéries ou virus peuvent être responsables de maladies infectieuses telles que des cirrhoses (virus de l’hépatite C), la fièvre thypoïde (S. typhi), ou autres problèmes de santé résultant de l’exposition à certains pathogènes (ex. : Clostridium tetani, C. perfringens, E. coli, Mycobacterium tuberculosis, etc.).
Dans les conditions de climat chaud et humide, la contamination microbienne des eaux souterraines est significativement plus élevée. Des concentrations élevées de bactéries peuvent également être observées à la suite notamment d’une forte pluie. Néanmoins, comme la méthodologie de recherche diffère d’une étude à l’autre pour l’évaluation de la contamination bactériologique, les auteurs de la revue de la littérature appellent à la prudence quant à la comparaison des résultats présentés, les décomptes bactériens pouvant varier selon le site échantillonné de quelques unités formatrices de colonies (UFC) par 100 ml jusqu’à plusieurs milliers d’UFC/100 ml.
Les virus étant plus mobiles dans le sol que les bactéries, les risques de contaminations de la nappe phréatique par ces microorganismes peuvent se répercuter sur de plus grandes distances. Il est cependant généralement rapporté que les dénombrements microbiens observés diminuent rapidement avec la distance du site. Néanmoins, il y a peu de précision quant aux distances séparatrices sécuritaires pour la protection des nappes d’eau souterraines.
L’influence importante des conditions climatiques sur la contamination bactériologique des eaux souterraines est soulignée. Ces influences peuvent être contrées par un aménagement adéquat du site. Des facteurs tels que les conditions géologiques du sol et des sédiments, le relief, la profondeur et la fluctuation de l’eau souterraine, la densité des corps dans le cimetière et leur temps de séjour, la présence de fissures dans les cercueils pouvant entraîner des fuites ou encore l’inhumation inadéquate des cadavres sont autant d’éléments pouvant influer sur la qualité microbienne des eaux souterraines.
L’impact réel des cimetières sur la qualité microbienne des eaux souterraines est néanmoins mis en doute; des facteurs non liés à ces sites pouvant expliquer les dénombrements de micro-organismes observés (ex. : gestion déficiente des installations, système d’eaux usées du cimetière déficient, etc.).
Des recommandations générales destinées à protéger la santé des employés des maisons funéraires ou des populations résidant à proximité des cimetières sont proposées par les auteurs :
- Obtenir les autorisations environnementales (respect des normes) lors de l’implantation de nouveaux cimetières ou de leur expansion;
- Planifier les cimetières sur des secteurs à faibles pentes et éviter les endroits localisés en zones inondables, où le substrat est très perméable et où la nappe phréatique est peu profonde;
- Pourvoir les cimetières et ses aires avoisinantes d’un système de drainage pour les eaux pluviales;
- Prévoir des zones tampons au pourtour du cimetière (zones composées d’arbres avec un système racinaire profond);
- Assurer une gestion adéquate du site.
Au Québec, il est important de rappeler qu’un certificat d’autorisation est obligatoire pour exploiter un cimetière, ce dernier étant délivré par le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC). De plus, selon le Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection, toute installation de prélèvement d’eau souterraine doit être située à une distance de 30 m ou plus des terrains où s’exerce l’exploitation d’un cimetière(2).
Références
- Zychowski J. and Bryndal T. Impact of cemeteries on groundwater contamination by bacteria and viruses – a review. J Water Health, 2015, Jun 13(2) : 285-301.
- MDDELCC, 2015. Prélèvement d’eau soumis à l’autorisation municipal – Guide technique – Mise à jour, janvier 2015. Ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques