10 juillet 2009

Manifestations allergiques associées à l’herbe à poux chez les enfants de l’île de Montréal

Article
Auteur(s)
Louis Jacques
M.D., M.P.H., FRCPC, Direction de santé publique de Montréal, Université de Montréal et Hôpital thoracique de Montréal
Sophie Goudreau
Direction de santé publique de Montréal
Céline Plante
Direction de santé publique de Montréal
Michel Fournier
Direction de santé publique de Montréal
Robert L. Thivierge
Direction de santé publique de Montréal

Le pollen de l’herbe à poux (Ambrosia sp) est responsable d’allergies chez une proportion importante de la population du Québec, en particulier celle vivant dans la région de Montréal. La rhinite, la conjonctivite et l’aggravation de l’asthme en sont les principales manifestations allergiques. La Direction de santé publique de Montréal a publié en 2008 une étude intitulée Prévalence des manifestations allergiques associées à l’herbe à poux chez les enfants de l’île de Montréal qui avait pour objectifs: de déterminer la distribution territoriale de l’herbe à poux et des manifestations allergiques qui y sont associées chez les enfants de 6 mois à 12 ans habitant l’île de Montréal; de déterminer la relation entre le degré d’infestation locale et la prévalence de ces maladies, aux niveaux individuel et populationnel; d’évaluer le rôle de la prédisposition génétique aux allergies (atopie) sur cette relation. Dans le cadre de ce projet, une cartographie de l’infestation par l’herbe à poux ainsi qu’une étude de prévalence des manifestations allergiques ont été réalisées.

Pour réaliser la cartographie, le territoire de l’île de Montréal (environ 500 km2) a été divisé en cadrans de 300 m sur 300 m (environ 6 000 cadrans) au sein desquels un site de 200 m2 a été choisi aléatoirement pour l’inspection sur le terrain. Cinquante-deux pour cent (52 %) des cadrans ont pu être échantillonnés à l’été 2006, en priorisant les secteurs habités, notamment par les sujets de l’étude de prévalence. Des enquêteurs ont parcouru le territoire afin d’identifier les colonies d’herbe à poux et les données concernant la densité et la surface de chaque colonie ont été géocodées. Un indice du degré d’infestation a été obtenu et a permis la production de cartes illustrant la distribution territoriale de la plante. Les résultats démontrent entre autres que les secteurs ouest et est de l’île sont davantage infestés par la plante (figure 1).

Figure 1. Indice d'infestation par l'herbe à poux sur l'île de Montréal dans les secteurs visités en 2006

L’étude de prévalence a été réalisée par sondage mixte (Internet et téléphone). Près de 8 000 parents ou tuteurs d’enfants âgés entre 6 mois et 12 ans ont été questionnés sur les symptômes d’allergies de leur enfant, la prise de médicaments, le diagnostic d’allergies, les antécédents familiaux d’allergies et d’autres variables. Selon la définition plus inclusive de manifestations allergiques associées à l’herbe à poux(a), 16,1 % des enfants en seraient affectés. Les résultats font notamment ressortir que les enfants habitant l’ouest et l’est de l’île sont les plus affectés, ce qui concorde avec la distribution de la plante et des concentrations de pollen. La prévalence par territoire de CLSC est significativement corrélée avec l’indice moyen d’herbe à poux du territoire, mais pas avec la fréquence de l’atopie parentale.

Les cas (enfants avec manifestations allergiques à l’herbe à poux) et les témoins (enfants non allergiques) ont été comparés au niveau de leur exposition locale (lieu de résidence et école). Les résultats montrent une relation statistiquement significative entre le risque de manifestations allergiques et le niveau d’exposition locale à l’herbe à poux, mesuré par l’indice d’infestation moyen, dans un rayon de 300 m à 1 000 m. Chez le groupe des enfants de 6 à 12 ans, où la prévalence de la maladie est plus élevée, l’excès de risque est de 16 % pour un rayon de 1000 m, lorsqu’on compare forte et faible exposition. Le risque est 1,9 fois plus grand pour un enfant avec atopie parentale versus sans atopie pour une même exposition (tableau 1).

Tableau 1. Relation entre les manifestations allergiques et l’exposition locale à l’herbe à poux, selon diverses zones d’influence et divers groupes d’âge

Bien que l’atopie parentale semble être un facteur important expliquant pourquoi, au sein d’un même quartier, un enfant présente les manifestations allergiques associées à l’herbe à poux et pas son voisin, elle ne semble pas expliquer les différences de prévalence au niveau d’une plus grande population comme le territoire de CLSC où la distribution des facteurs génétiques est plus homogène. Le degré d’infestation devient le principal facteur déterminant de la prévalence de la maladie au niveau populationnel alors que l’atopie est un important déterminant au niveau individuel.

En somme, la distribution de la plante d’herbe à poux, la distribution des concentrations de pollen provenant de cette plante et la distribution de la prévalence des allergies qui y sont associées chez les enfants de 6 mois à 12 ans, suivent la même tendance sur le territoire de l’île de Montréal. Le degré d’infestation locale dans le quartier immédiat de l’enfant influence significativement la prévalence des manifestations allergiques et l’atopie parentale module l’expression de ce risque. La limite d’influence d’une source locale se situe à l’intérieur d’un rayon d’environ 1 000 m. Cette étude montre la pertinence d’une action locale de contrôle de l’herbe à poux, en plus de celle qui doit se faire aux niveaux sous-régional et régional pour réduire la fréquence de ces maladies dans la population.

(a) Définition basée sur la présence de symptômes caractéristiques en août et septembre, la prise de certains médicaments, les antécédents d'allergie au pollen ou le diagnostic de rhinite par un médecin.