12 juin 2019

Logements insalubres cherchent partenaires pour partage de responsabilités : compte rendu de la journée thématique des JASP 2018

Article
Auteur(s)
Simon Beaudoin
Ph. D., agent de planification, de programmation et de recherche, Direction de santé publique de la Montérégie
Monia Ghorbel
M.D., M. Sc. FRCPC, médecin-conseil, Direction de santé publique de la Montérégie
Elisabeth Masson
B. Sc. Responsable de la coordination professionnelle, Direction de santé publique de la Montérégie
Isabelle Tardif
M. Sc., agente de planification, de programmation et de recherche, Direction de santé publique de la Montérégie
Louise Lajoie
M.D., M. Sc., FRCPC, Direction de santé publique de Montréal et Direction de santé publique de la Montérégie

Résumé

D’importantes difficultés perdurent toujours au Québec quant à la prise en charge et la résolution des problèmes d’insalubrité dans les logements. Un nouveau guide réalisé par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) en 2017 proposait d’entreprendre une réflexion pour assurer une prise en charge intégrée des situations d’insalubrité. Pour ce faire, une journée thématique a été organisée aux 22e Journées annuelles de santé publique (JASP) et a permis de réunir un éventail d’acteurs. Différents enjeux ont été abordés comme la complexité des situations d’insalubrité, l’absence de réglementation municipale, la variabilité des interventions, les délais judiciaires, le manque de ressource et de financement, etc. Face à ces défis, plusieurs pistes de solution ont été proposées (ex. : ententes intersectorielles, code du logement provincial, sensibilisation, politiques globales et intégrées, etc.), mais il demeure que le partage des responsabilités et la collaboration entre partenaires dans le cadre de leurs mandats respectifs doivent être encouragés pour permettre la résolution de problématiques d’insalubrité complexes.

Mise en contexte

Une journée thématique sur la prise en charge des problématiques de logements insalubres a été organisée par la Direction de santé publique (DSPublique) de la Montérégie aux 22e Journées annuelles de santé publique (JASP) en décembre 2018. Celle-ci a permis de constater que d’importantes difficultés perdurent dans la prise en charge et la résolution des problèmes d’insalubrité dans les logements au Québec. En effet, l’absence d’une définition harmonisée de l’insalubrité, une réglementation municipale très disparate, les délais dans le traitement des plaintes à la Régie du logement, la disponibilité des ressources et des logements sociaux, les enjeux humains ou encore la diversité des acteurs concernés et leurs contraintes organisationnelles sont au nombre de ces difficultés. Alors comment les surmonter?

Un premier guide, visant à faire un portrait de l’insalubrité au Québec, voit le jour en 2001, suivi d’une refonte majeure, en 2017, réalisée par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Ce nouveau guide, intitulé Qualité de l’air et insalubrité : intervenir ensemble dans l’habitation au Québec (1), présente les rôles et responsabilités des différents intervenants en insalubrité et offre des outils pratiques pour soutenir les interventions intersectorielles. L’INSPQ proposait également dans ce guide « d’entreprendre une réflexion globale sur ces enjeux pour assurer une prise en charge intégrée des situations d’insalubrité en milieu résidentiel au Québec » (1).

C’est pour engager cette réflexion qu’une journée thématique « Logements insalubres cherchent partenaires pour partage de responsabilités » a été organisée. Celle-ci a permis de réunir un éventail d’acteurs provenant des milieux municipal, de la santé, communautaire et de l’habitation. Les faits saillants de cette journée, présentés ci-après, résument les propos exprimés par les participants durant les différentes activités de la journée (conférences, table ronde, atelier, cahier de notes).

L’insalubrité : problématique multifactorielle et intersectorielle complexe

Il faut rappeler que le logement est un déterminant de la santé (2, 3) parmi les plus significatifs. Les situations d’insalubrité impliquent des problématiques diverses et parfois concomitantes : moisissures ou conditions favorisant leur croissance, insectes ou animaux indésirables, odeurs nauséabondes, malpropreté, manque d’entretien, accumulation de déchets ou d’objets, etc.

Trois ensembles de facteurs peuvent contribuer au développement d’une situation d’insalubrité : des facteurs individuels (ex. : santé physique et mentale, revenu), des facteurs liés au logement (ex. : vétusté, entretien, infiltration d’eau) et des facteurs sociaux et environnementaux (ex. : accès à des ressources sociales, communautaires et de santé) (1).

L’insalubrité est souvent rattachée à des enjeux d’inégalités sociales de santé. Par exemple, les logements les moins chers sont souvent les moins salubres. Les personnes à faible statut socio-économique et les personnes âgées peuvent être plus touchées. Cette problématique est d’autant plus inquiétante dans le contexte du vieillissement de la population.

De plus, les personnes affectées par l’insalubrité de leur logement vivent parfois des situations compliquant la recherche de solutions : insécurité alimentaire, violence conjugale, instabilité résidentielle, aggravation des problèmes psychosociaux, surpeuplement, transmission de maladies infectieuses, problèmes d’infestation, etc. Ainsi, il existe une diversité de cas de figure et les problèmes de santé physique et psychosociaux liés à l’insalubrité d’un domicile sont nombreux.

Les problématiques rencontrées étant souvent causées par une combinaison de facteurs, leur résolution est d’autant plus complexe et interpelleront acteurs et experts de différents horizons (municipal, santé, communautaire, entreprise d’économie sociale, ressources de l’habitation, etc.). Qui plus est, les plaintes et demandes de soutien semblent en augmentation dans différents milieux. Devant cette recrudescence des besoins et la complexité des problématiques, comment améliorer la prise en charge des personnes aux prises avec des situations d’insalubrité?

Données sur l’insalubrité et la santé : essentielles mais manquantes

L’importance d’avoir des données à jour et de qualité sur les coûts de santé, sur l’état des logements et sur les caractéristiques des populations vulnérables, par municipalité et territoire notamment, a été soulevée par les participants. Les réalités diffèrent entre les municipalités et l’obtention de données fiables demeure un défi. Le manque de ressources et de volonté politique serait en partie responsable du manque de données, alors que certaines disparités méthodologiques rendraient difficile la comparaison des données lorsqu’elles sont disponibles.

Le manque de données peut nuire à l’identification de mesures pertinentes et prioritaires. Une étude récente réalisée conjointement par la DSPublique de Montréal et la Ville de Montréal sur les conditions d’habitation (4) a permis de dégager des pistes pour améliorer les interventions et la collaboration entre ces deux organisations. Il demeure toutefois que la majorité des municipalités n’a pas accès aux informations de base sur la salubrité des logements et ne bénéficie pas des ressources nécessaires pour la conduite d’études ou pour établir des portraits de situation locaux.

Des pistes de solution pour contourner la difficulté de la production de données ou de leur accessibilité semblent prometteuses. Davantage de questions sur le logement pourraient être intégrées dans les grandes enquêtes populationnelles provinciales et fédérales afin d’orienter les programmes, la réglementation, le financement et la culture des organisations. L’utilisation des outils de type « recensement » ou d’autres approches actuellement déployées par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) sont à encourager.

En outre, la consultation des milieux communautaires, municipaux et de l’habitation ainsi que la prise en compte des connaissances des intervenants terrain pourraient permettre d’obtenir des informations pertinentes pour guider et coordonner les grandes orientations politiques et gouvernementales concernant l’insalubrité, notamment pour mieux prioriser les groupes de population plus vulnérables.

Interventions difficiles : place aux initiatives

Les situations d’insalubrité et de litige entre un propriétaire et un locataire entraînent des interventions très variables selon la municipalité, les intervenants et les organisations touchées. Parmi les facteurs pouvant expliquer la variabilité des interventions, il faut noter l’absence de leadership ou d’imputabilité pour assurer les suivis des cas, la coordination difficile des parties prenantes et l’accès parfois limité aux services sociaux et de santé. Certains intervenants éprouveraient aussi un sentiment d’impuissance ou d’insécurité face à des situations complexes et potentiellement dangereuses pour leur santé et leur sécurité. La nécessité de respecter la confidentialité des renseignements sur les personnes restreindrait quant à elle la portée des interventions. Toutefois, pour contourner ces difficultés, des solutions innovantes et créatives sont appliquées avec succès sur le terrain.

La prise en charge de personnes aux prises avec une problématique d’insalubrité relève souvent d’une coresponsabilité entre divers partenaires : municipalité (urbanisme, sécurité publique); municipalité régionale de comté (MRC); organisme communautaire; réseau de la santé (santé publique et psychosociale); Société d’habitation du Québec (SHQ). Tant les locataires que les propriétaires peuvent être concernés et peuvent bénéficier d’une réglementation municipale et d’un rapport d’inspection pour l’élaboration de la preuve. Or, en absence de cadre réglementaire et d’importants éléments de preuve, si des individus avec des problèmes de santé mentale sont impliqués ou si la situation implique un litige entre locataire et propriétaire, il arrive parfois qu’un accompagnement soit souhaitable, notamment lorsqu’il y a comparution à la Régie du logement.

Punaises de lit mortes et vivantes retrouvées chez un résident de Québec. Crédit photo : Jérôme Godbout-Guillemette, inspecteur, Ville de Québec.

Les comités de logement, les associations de locataires et les organismes voués à la défense des droits des locataires apportent un soutien important aux locataires vivants dans des conditions d’insalubrité, contribuant ainsi à obtenir gain de cause lors d’un litige avec le propriétaire. Ces organisations jouent un rôle central et sont des facilitateurs pour divers aspects d’une intervention (médiation, planification, sensibilisation, mobilisation). Les propriétaires peuvent également faire appel à des associations et à des organismes de soutien pour être conseillés ou accompagnés pour résoudre une situation complexe ou lors d’un litige engageant des locataires.

Certaines municipalités sont bien organisées pour intervenir dans ces situations. Elles se sont dotées d’un cadre d’intervention structuré et sensible aux réalités vécues par leur population, notamment par le biais de règlements municipaux. Un exemple parmi d’autres : lors d’un signalement de punaises de lit dans un immeuble, le service d’inspection de la Ville de Québec met en œuvre une procédure efficace et adaptée qui permet de régler rapidement les cas d’infestation.

Des entreprises d’économie sociale, telles que la Fédération des OSBL d’habitation de la Montérégie (FROHME) et la Fédération des OSBL d’habitation de Montréal (FOHM), offrent un service de préparation des logements avant un traitement antiparasitaire (punaises de lit et autres insectes). Ce type d’entreprise offre un soutien crucial pour les locataires d’habitations des organismes sans but lucratif (OSBL) concernés. L’émergence de ce type de services aurait été impossible sans la mise en commun des ressources des fédérations pour assurer la rentabilité de l’offre de service.

Des facteurs de succès qui comptent

Le succès d’une intervention pour résoudre les situations complexes d’insalubrité repose sur la synergie entre les acteurs concernés. Agir isolément, sans coordination, ne peut entraîner un effet synergique. La coopération créative est une importante clé du succès. Ceci exige donc, à la base, une concertation entre les acteurs, l’établissement d’une gouvernance claire et reconnue par le groupe et une compréhension des rôles et responsabilités de chaque membre du groupe.

Pour faciliter cette synergie entre partenaires, une entente devrait être formalisée; les ententes ou protocoles intersectoriels en sont de bons exemples. Ceux-ci sont surtout utilisés en matière d’insalubrité morbide, mais d’autres problématiques d’insalubrité (ex. : punaises de lit) peuvent aussi bénéficier de l’existence de telles ententes. Celles-ci encadrent le processus de collaboration en clarifiant les rôles des partenaires et en établissant des canaux de communication, favorisant ainsi la gestion des interventions. Grâce à cet outil, lorsqu’une situation d’insalubrité morbide est signalée à l’un ou l’autre des signataires de l’entente, sa prise en charge suit alors une trajectoire établie et structurée.

Des municipalités ont adopté une telle entente, et l’adoption par d’autres municipalités devrait être encouragée puisque plusieurs expériences de collaboration intersectorielle ont montré des résultats tangibles et satisfaisants pour tous. Pour s’assurer de l’efficacité des interventions, il importe de conserver la trajectoire vivante entre les partenaires.

Registre de propriétaires négligents? Registre de locataires problématiques?

La location à répétition de logements insalubres pose un important problème. Il peut en effet être difficile d’empêcher un propriétaire de remettre son logement insalubre sur le marché locatif. Il y a aussi la possibilité qu’un locataire transporte des punaises de lit d’un logement à l’autre lors du déménagement. Est-ce que des formes de registres des locateurs ou des locataires problématiques pourraient permettre de résoudre ces problèmes?

De tels outils comportent des aspects positifs et négatifs. Cette solution soulève par exemple le problème de stigmatisation des personnes ou de groupes de personnes. Différentes variantes pour identifier les personnes ou les situations problématiques ont été soulevées : des registres sur les immeubles critiques, la déclaration par les exterminateurs et l’utilisation d’affiches à l’intérieur des édifices. Afin d’éviter la stigmatisation d’individus, de groupes ou de quartiers, d’autres voies de solution, comme l’exigence pour les propriétaires d’obtenir un permis pour la location de leurs logements avec des critères à respecter pour la salubrité des lieux, pourraient contrôler certaines situations d’insalubrité, à condition qu’une réglementation municipale soit appliquée.

Réglementation municipale : une absence criante

Selon la Loi sur les compétences municipales, les municipalités disposent de compétences en matière de salubrité des habitations et peuvent donc adopter des règlements en la matière (code du logement). Cependant, lorsque l’application de ces dispositifs réglementaires est déficiente ou qu’il y a absence de réglementation spécifique en matière d’insalubrité, la résolution des situations d’insalubrité peut être plus complexe. D’ailleurs, les organisations communautaires en logement décrient l’absence, dans plusieurs municipalités, d’un code du logement (5). Sans réglementation municipale ou code du logement, le processus peut s’avérer lourd et complexe pour les locataires puisqu’ils doivent alors se tourner vers la Régie du logement et les délais de traitement de ces cas peuvent être très longs.

Aussi, même si une réglementation existe ou est adoptée, son application demeure difficile, voire incertaine dans les petites villes comme les plus grandes. Des municipalités seraient réticentes à l’appliquer notamment en raison des coûts prohibitifs liés aux inspections et aux possibles poursuites judiciaires qui en découlent, ce qui prive les locataires d’un élément de preuve important dans un cas de litige (6). Au-delà de l’existence d’un règlement, la volonté municipale et des politiques internes claires, pour s’assurer de son application, seraient primordiales.

Le manque de ressources financières et humaines, notamment dans les plus petites municipalités, freine souvent le développement d’un cadre réglementaire. Par exemple, le budget municipal ne permet souvent pas l’embauche d’un inspecteur pour appliquer un éventuel règlement. Cette problématique est bien connue de tous les acteurs et certaines solutions sont à envisager, comme le partage des ressources. En effet, des municipalités ou une MRC peuvent notamment partager un service d’inspection, une approche régionalisée déjà mise en œuvre par la MRC d’Acton en Montérégie.

Il importe aussi de souligner que certaines municipalités mieux nanties peuvent aussi ne pas avoir de règlements municipaux en matière d’insalubrité, considérant que l’état des logements sur leur territoire est adéquat. Certains quartiers ou secteurs de la ville plus pauvres ou vulnérables pouvant alors être négligés, l’existence d’une réglementation municipale serait utile pour faciliter la prise en charge des cas d’insalubrité.

Certes, un travail de sensibilisation auprès des municipalités favoriserait l’adoption d’une réglementation municipale en matière d’insalubrité. Or, l’adoption d’un code du logement provincial, obligeant la mise en place, par l’ensemble des municipalités, d’un cadre réglementaire, serait aussi une avenue intéressante. Une telle mesure a été mentionnée à maintes reprises durant la journée. Elle est d’ailleurs réclamée depuis longtemps par le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ) et le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) (5). Un tel code contribuerait à garantir le droit à un logement sain pour tous en définissant des normes de salubrité, de sécurité et d’entretien. Toutefois, la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ) affirmait que l’adoption d’un tel code du logement n’était pas nécessaire, invoquant notamment que des dispositions réglementaires existantes, telles que celles prévues à la Loi sur les compétences municipales, suffisent aux municipalités pour intervenir dans les logements (7).

Régie du logement : de longs délais

En absence de réglementation, l’interprétation des notions relatives à la salubrité relève du tribunal administratif qu’est la Régie du logement. Celle-ci applique les dispositions de location définies dans le Code civil du Québec et la Loi sur la Régie du logement. Elle a donc compétence pour entendre les demandes liées aux baux des logements. Elle est chargée de trancher les cas de litige visant le respect des obligations des locateurs, dont celui de « délivrer au locataire le bien loué en bon état de réparation de toute espèce et de lui en procurer la jouissance paisible pendant toute la durée du bail » (8, art. 1854). Les locataires doivent quant à eux « maintenir le logement en bon état de propreté (8, art. 1911).

Les longs délais de traitement des dossiers, qui ont d’ailleurs fait l’objet d’études (9) et de traitements médiatiques récents (6, 10), sont le principal problème soulevé avec la Régie du logement. Ces délais peuvent contribuer à miner la santé des occupants et entraîner d’autres impacts psychosociaux et financiers. Le développement de tribunaux municipaux spéciaux dotés de certains pouvoirs non détenus par la Régie du logement a été proposé comme solution. À titre d’exemple, la ville de Washington (D.C.) a créé un tel tribunal en 2010, le Housing Conditions Calendar. Celui-ci permettrait d’accélérer le règlement des dossiers puisqu’il confère aux juges certains pouvoirs d’inspection, de suivi et de sanction auprès des propriétaires.

Au moment d’écrire ces lignes, le projet de loi no 16, visant entre autres à réduire le temps judiciaire à la Régie du logement, était déposé à l’Assemblée nationale le 3 avril 2019 (12). Celui-ci aurait pour objectif, en 3 ans, de faire passer les délais d’attente de 16 à 2 mois. Le gouvernement du Québec prévoit investir 24 millions de dollars dans la Régie du logement et embaucher 9 régisseurs supplémentaires, qui pourraient se déplacer dans les régions (12). Certaines autres dispositions pourraient également réduire les délais.

Bien qu’il soit encore tôt pour juger de l’efficacité des changements envisagés, pour le moment, la CORPIQ doute de l’efficacité des modifications réglementaires prévues (12). Le RCLALQ pense quant à lui que les mesures proposées ne s’attardent pas assez aux problèmes fondamentaux, arguant notamment que les modifications concernent surtout le fonctionnement interne du tribunal, alors qu’elles auraient davantage dû favoriser l’accès à la justice (12).

Politiques municipales : vers une approche globale et intégrée

Si l’action municipale est malheureusement souvent déclenchée par des problématiques majeures, il y aurait plutôt lieu de mettre en place des politiques municipales claires intégrant de manière transversale la question de l’insalubrité. Alors que la revitalisation des quartiers de plusieurs municipalités est en cours, l’occasion est donnée de développer ce type de politiques globales et intégrées. Par exemple, des politiques sociales adoptées par des MRC peuvent prévoir des actions sur un ensemble de déterminants liés aux situations d’insalubrité. Ces politiques devraient notamment être orientées pour favoriser l’accès à des logements abordables et sains à tous les groupes sociaux. En outre, un regroupement et une intégration au sein des politiques des problèmes de santé publique, comme les environnements sains et les environnements sécuritaires, faciliteraient aussi la prise en compte des enjeux d’insalubrité par les municipalités.

De telles politiques transversales devraient considérer les enjeux de l’insalubrité au début du processus d’élaboration, puis être graduellement développées et implantées. La réussite des actions municipales serait aussi déterminée par des structures de gouvernance établies, par le partage des ressources et la connaissance du milieu. Saisir les opportunités, considérer les agendas municipaux et pérenniser les actions entre les administrations municipales qui se succèdent sont aussi des éléments à considérer dans le développement de politiques sociales.

Certaines activités de sensibilisation devraient aussi être encouragées auprès des intervenants suivants :

  • les inspecteurs, pour les informer des problèmes socio-économiques et des causes de l’insalubrité et prévenir la stigmatisation et le racisme;
  • les intervenants et la population en général, quant aux enjeux et aux avantages de la cohabitation et de la mixité;
  • les locataires, pour leur faire connaître les enjeux de l’insalubrité;
  • les élus et les partenaires, pour les sensibiliser à l’importance d’une réglementation municipale sur les nuisances et sur l’insalubrité.

Financement : plusieurs besoins

D’importants financements sont dédiés à l’amélioration de la qualité des logements et au développement de logements sociaux. La SHQ finance entre autres, à hauteur de 343 millions par année (inclut la contribution de la SCHL), des travaux de remplacement, d’amélioration et de modernisation des logements. En dépit des investissements effectués, l’accès à des logements sains et abordables demeure problématique.

Des propositions quant aux investissements à prioriser ont été effectuées durant la journée. Le financement devrait viser :

  • le soutien communautaire et les intervenants de proximité;
  • la rénovation des habitations les plus vétustes et la conversion en logements sociaux;
  • la construction et l’amélioration de logements sociaux, sains, abordables et adaptés aux familles et aux personnes âgées;
  • la préparation des logements avant une extermination;
  • l’offre de logement temporaire;
  • les fonds d’urgence pour ménages à faible revenu.

Conclusion

Le partage de connaissances et d’expérience durant cette journée thématique a permis d’aborder et d’approfondir plusieurs des difficultés identifiées par l’INSPQ en 2017. Différents aspects ont été discutés : la complexité des situations comportant souvent des enjeux d’inégalités sociales de santé, les lacunes en termes de réglementation municipale, la variabilité des interventions, les besoins de données, les délais judiciaires, le manque de ressources et de financement, la gestion des individus problématiques, etc.

Cette journée a aussi permis d’explorer certaines pistes de solution pour faire face aux difficultés. Certes, l’existence d’une réglementation municipale apparaît comme un élément déterminant pour gérer efficacement les situations d’insalubrité. Or, le partage des responsabilités et la collaboration des partenaires dans le cadre de leurs mandats respectifs doivent être encouragés pour permettre une gestion et un suivi à long terme des situations d’insalubrité complexes.

Plusieurs autres éléments ont aussi été proposés pour améliorer les problématiques d’insalubrité comme la mise en commun des ressources, l’adoption d’ententes intersectorielles, la considération des connaissances des intervenants du milieu dans les grandes enquêtes, des tribunaux municipaux spéciaux, des activités de sensibilisation et du financement pour favoriser l’accès à des habitations de qualité.

Pour toute correspondance

Simon Beaudoin
Direction de santé publique de la Montérégie
Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Centre
1255, rue Beauregard
Longueuil (Québec)  J4K 2M3
Courriel : [email protected]

Références

  1. Levasseur ME, Leclerc JM. Qualité de l'air et salubrité : Intervenir ensemble dans l'habitation au Québec [En ligne]. Québec : Institut national de santé publique du Québec; 2017. Disponible : https://www.inspq.qc.ca/expertises/sante-environnementale-et-toxicologie/qualite-de-l-air/qualite-de-l-air-interieur/qualite-de-l-air-et-salubrite-intervenir-ensemble-dans-l-habitation-au-quebec
  2. Commission des déterminants sociaux de la santé. Comblé le fossé en une génération : instaurer l'équité en santé en agissant sur les déterminants sociaux de la santé [En ligne]. Genève : Organisation mondiale de la santé; 2009. Disponible : https://www.who.int/social_determinants/thecommission/finalreport/fr/
  3. Mikkonen J, Raphael D. Déterminants sociaux de la santé : les réalités canadiennes [En ligne]. Toronto : École de gestion et de politique de la santé de l’Université York; 2011. Disponible : http://thecanadianfacts.org/fre.html
  4. Kaiser D et Plante C. Les conditions d'habitation à Montréal selon l'enquête Habitation 2017 [En ligne]. Québec : CIUSSS du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal; 2018. Disponible : https://santemontreal.qc.ca/professionnels/drsp/publications/publication-description/publication/les-conditions-dhabitation-a-montreal-selon-lenquete-habitation-2017/
  5. Front d’action populaire en réaménagement urbain. Logement et pauvreté au Québec : Dossier noir. 7e édition [En ligne]. Montréal : Front d’action populaire en réaménagement urbain; 2018. Disponible : http://www.frapru.qc.ca/wp-content/uploads/2018/06/Dossier-Noir-2018.pdf
  6. Gagnon K. Plaintes à la Régie pour des logements moisis : des années d'attente. La Presse [En ligne]. 12 mars 2019. Disponible : https://www.lapresse.ca/actualites/sante/201903/12/01-5217878-plaintes-a-la-regie-pour-des-logements-moisis-des-annees-dattente.php
  7. Corporation des propriétaires immobiliers du Québec. 2009. Un « code du logement » n’est pas la solution à l’insalubrité de certains logements ni au vieillissement du patrimoine bâti. Communiqué de presse [En ligne]. 9 octobre 2009. Disponible : https://www.corpiq.com/fr/nouvelles/765-un-code-du-logement-nest-pas-la-solution-a-linsalubrite-de-certains-logements-ni-au-vieillissement-du-patrimoine-bati.html
  8. Gouvernement du Québec. Code civil du Québec [En ligne]. Québec : Publications Québec; 2017. Disponible : http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/showdoc/cs/CCQ-1991
  9. Gallié M, Bahary A, Bélanger D, Besner LS, Vaillancourt G. Délais judiciaires, santé des justiciables et accès à la justice : Le contentieux de la moisissure devant la Régie du logement [En ligne]. Montréal : Université du Québec à Montréal; 2017. Disponible : https://archipel.uqam.ca/10720/
  10. Régie du logement [En ligne]. Québec : Gouvernement du Québec; 13 mars 2019. Insalubrité et délais à la Régie du logement. Disponible : https://www.rdl.gouv.qc.ca/fr/actualites/insalubrite-et-delais-a-la-regie-du-logement
  11. Laforest A. Projet de loi no 16 : Loi visant principalement l’encadrement des inspections en bâtiment et de la copropriété divise, le remplacement de la dénomination de la Régie du logement et l’amélioration de ses règles de fonctionnement et modifiant la Loi sur la Société d’habitation du Québec et diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal [En ligne]. Québec : Assemblée nationale du Québec; 2019. Disponible : http://m.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-16-42-1.html
  12. Pilon-Larose H. Québec réforme la Régie du logement pour réduire les délais. La Presse [En ligne]. 3 avril 2019. Disponible : https://www.lapresse.ca/actualites/politique/201904/03/01-5220742-quebec-reforme-la-regie-du-logement-pour-reduire-les-delais.php