17 février 2006

Le radon dans l’environnement intérieur – État de la situation au Québec

Article
Auteur(s)
Jean-Claude Dessau
M.D., médecin-conseil, Institut national de santé publique du Québec
Fabien Gagnon
M.D., M. Sc., FRCPC, médecin-conseil, Institut national de santé publique du Québec
Benoît Lévesque
M.D., M. Sc., FRCPC, médecin spécialiste, Direction de la santé environnementale et de la toxicologie
Claude Prévost
Institut national de santé publique du Québec
Jean-Marc Leclerc
M. Sc., conseiller scientifique, Institut national de santé publique du Québec
Jean-Claude Belles-Isles
Consultant indépendant

Le radon (222Rn) est un gaz radioactif d’origine naturelle incolore, inodore et insipide, qui provient de la désintégration de l’uranium présent dans la croûte terrestre et qui migre du sol vers la surface par divers interstices. Sa présence est ubiquitaire à la surface du globe bien que sa production et, par conséquent, sa concentration, ne soient pas uniformes. Les concentrations de radon sont généralement faibles dans l’air extérieur (environ 15 Bq/m3), mais peuvent atteindre des valeurs élevées dans les endroits clos, particulièrement dans les sous-sols, en raison de la densité importante de ce gaz. Ainsi, le radon peut s’infiltrer dans les bâtiments essentiellement par les fissures et autres voies d’entrée au niveau du soubassement.

Effets sur la santé

Le radon est considéré cancérigène pour l’humain et fait partie des classes « A » du système de classification du National Toxicology Program (NTP)1 et « 1 » de celui de l'International Agency for Research on Cancer (IARC)2. Le radon 222 est un gaz chimiquement inerte, subissant toutefois des désintégrations radioactives spontanées. Les produits de filiation de la désintégration du radon (polonium 218, plomb 214, bismuth 214, polonium 214) sont des radionucléides solides qui, une fois adsorbés sur les aérosols en suspension dans l’air, sont inhalés dans les poumons. En se désintégrant, ces radionucléides émettent des rayonnements alpha qui, malgré leur faible pénétrance, ont la capacité d’altérer les cellules qui tapissent les parois bronchiques engendrant ainsi les mécanismes génotoxiques susceptibles de causer le cancer. Le cancer du poumon représente le seul effet connu du radon sur la santé.

En 1995, le National Institutes of Health (NIH) publiait un rapport qui présentait une méta-analyse regroupant 11 études épidémiologiques totalisant 68 000 mineurs et plus de 2 700 décès par cancer du poumon. Les auteurs concluaient à une relation linéaire entre l’exposition cumulative au radon et le risque de cancer du poumon aux niveaux d’exposition documentés dans les mines. On estimait que le radon était la cause de 10 % de tous les décès par cancer du poumon survenus dans la population américaine3. Dans la population en général, l’exposition au radon serait donc la deuxième cause de cancer du poumon après le tabac. L’extrapolation de données obtenues chez des travailleurs fortement exposés dans les mines, à la population générale beaucoup moins exposée dans les domiciles, constituait à ce moment une importante source d’incertitude.

En 1998, les membres du comité Biological Effects of Ionizing Radiations VI (BEIR VI)4 utilisaient les études épidémiologiques effectuées chez les travailleurs pour étayer des modèles d’analyse de risque applicables aux concentrations d’exposition retrouvées dans les habitations. Le comité du BEIR VI a présumé que la relation entre le risque de cancer du poumon en fonction de l’exposition au radon devait être décrite par un modèle linéaire et qu’il était impossible de déterminer un seuil sécuritaire. En d’autres termes, toute exposition entraîne un risque.

Depuis 1998, les études épidémiologiques réalisées en milieu résidentiel ont réussi à diminuer l’incertitude associée au biais de classification sur l’exposition et tendent à placer le risque de néoplasie pulmonaire en relation avec l’exposition au radon résidentiel dans le même ordre de grandeur que celui dérivé des populations de mineurs. Elles viennent donc étayer les conclusions du BEIR VI à l’effet que l’exposition au radon dans les résidences doit être considérée, pour la population générale, comme une cause de cancer du poumon qui peut être réduite. Cependant il existe encore des incertitudes quant à l’ampleur de l’association aux doses rencontrées dans les résidences, notamment chez les non fumeurs. De même, la modification de cette association par différents facteurs, en particulier le tabagisme passif, reste à préciser.

Mesure du radon

Il existe sur le marché plusieurs appareils (dosimètres) destinés à mesurer la concentration de radon dans les habitations. La présence du radon étant mesurée à l’aide de méthodes radiométriques, sa concentration est exprimée sous forme de becquerels par mètre cube d’air (Bq/m3), soit le nombre de désintégrations par seconde par mètre cube. Les Américains utilisent plutôt le picocurie par litre ou pCi/L, qui équivaut à 37 Bq/m3. À titre indicatif, les coûts d’une mesure de radon domiciliaire sont en général inférieurs à cent dollars.

Mesures de mitigation

Des mesures de mitigation peuvent être prises pour réduire les infiltrations de radon dans les maisons. Les options les plus simples, telles que le colmatage des fissures et le scellement des ouvertures des murs et des planchers en contact avec le sol, sont moins efficaces en présence de concentrations élevées. La mise en place de la ventilation mécanique représente une solution de rechange envisageable, mais n’entraîne toutefois que de faibles diminutions des concentrations présentes. Les méthodes les plus efficaces sont celles qui préconisent, entre autres, une dépressurisation sous la dalle de béton. Ces mesures ne sont toutefois pas toujours faciles à implanter et leur efficacité à long terme a fait l’objet de peu d’études. On estime qu’il suffirait de quelques centaines de dollars pour mettre en place des mesures de mitigation préventives lors de la construction d’une maison. Par contre, les frais associés à la mise en place de mesures de dépressurisation sur des maisons déjà construites varient normalement de 2 000 à 5 000 $, et peuvent atteindre jusqu’à 8 000 $ dans certains cas. De plus, même si l’on peut s’attendre à une bonne efficacité (jusqu’à 95 %), ces mesures actives nécessitent l’expertise initiale de firmes d’ingénieurs bien au fait de la problématique et possédant l’expérience de ce type de mitigation adaptée aux conditions climatiques prévalant au Québec.

LE RADON AU QUÉBEC

Concentrations de radon mesurées au Québec

Les premières mesures québécoises de radon ont été prises au début des années 1980 par le ministère de l’Environnement. Une étude visant à définir l’exposition résidentielle au Québec a par la suite été réalisée en 1992-93 sur environ 900 maisons à l’échelle provinciale6.Les moyennes géométriques annuelles des concentrations alors mesurées étaient de 34,6 Bq/m3 (n = 781) dans les soubassements et de 18,0 Bq/m3 (n = 616) au rez-de-chaussée.

Certains secteurs, tels que ceux présentant une formation géologique propice à l'émission de radon, sont susceptibles de présenter des concentrations nettement plus élevées que la moyenne québécoise. Des interventions sur une base locale ont d’ailleurs été réalisées par les directions de santé publique, dans les secteurs de la paroisse d’Oka en 1995 et 1996 et de Saint-André d’Argenteuil en 1998, dans le secteur du Mont Saint-Hilaire en 2001 et enfin, dans le secteur de Baie Johan-Beetz, en 2004.

Mis à part ces secteurs, les teneurs mesurées au Québec demeurent relativement faibles et se comparent aux valeurs moyennes mesurées dans plusieurs pays. Il a été possible d’estimer, à partir de l’information disponible sur le parc immobilier québécois en 1991 (soit un total d’environ 1 470 000 habitations en excluant les logements) et de la distribution des concentrations mesurées au rez-de-chaussée dans l’étude de Lévesque et coll.6, à en-viron 3 231 (IC95 % : 147-18 065) le nombre de maisons dans la province ayant des concentrations en radon supérieures à 800 Bq/m3 au rez-de-chaussée. Des nombres approximatifs de 19 680 (IC95 % : 3 966-35 249) maisons pourraient présenter des teneurs supérieures à 200 Bq/m3 au rez-de-chaussée et 35 984 (IC95 % : 18 065-63 742), des concentrations supérieures à 150 Bq/m3.

Travaux des instances de santé publique

À la lumière des dernières connaissances qui font du radon un important contaminant environnemental en termes de risque sanitaire, de l’intérêt grandissant pour cette problématique et considérant l’absence d’une politique provinciale sur le sujet, la Direction générale de la santé publique du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) a mandaté l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) pour procéder à l’évaluation de ce dossier à l’échelle provinciale.

Le groupe de travail formé avait principalement pour tâche de faire le point sur le risque à la santé attribuable au radon résidentiel, d’évaluer le risque à la santé au regard des concentrations connues dans les habitations au Québec, de faire l’inventaire des principales mesures de santé publique existantes à travers le monde et d’analyser les différentes stratégies d’intervention pour en tirer des recommandations pour le ministère de la Santé et des Services sociaux. Le présent article fait état, entre autres, des principaux aspects traités dans l’avis réalisé par ce groupe de travaila.

Analyse et gestion du risque

Le groupe de travail de l’INSPQ a cherché à évaluer, par le biais d’une analyse de risque basée sur un modèle conçu par le comité BEIR VI, les conséquences pour la santé humaine de la présence de radon dans les domiciles au Québec et l’impact possible de différents scénarios d’intervention sur la mortalité par cancer du poumon.

Ainsi, à partir des données québécoises d’exposition au radon, de mobilité résidentielle et de tabagisme, le groupe de travail de l’INSPQ, en s’appuyant sur le modèle développé par le comité BEIR VI, estime que l’exposition résidentielle au radon expliquerait environ 10 % des décès par cancer du poumon, soit environ 430 des 4 101 décès attribuables chaque année à ce type de cancer sur la base des données du fichier des décès au Québec en 1998. Paradoxalement, la plupart de ces 430 décès surviendraient dans des situations d’expositions à des concentrations relativement faibles en radon (< 150 Bq/m3), phénomène s’expliquant par le fait que plus de 90 % des maisons au Québec présentent des concentrations en radon inférieures à cette valeur7.

Les fumeurs représentent un groupe particulièrement à risque de développer un cancer du poumon en lien avec une exposition au radon. On estime en effet qu’environ 60 % des décès par cancer du poumon associé au radon vont survenir chez des fumeurs alors que 30 % surviendront chez des ex-fumeurs et 10 % chez des non-fumeurs. L’interaction entre le tabagisme et le radon est plus qu’additive mais moins que multiplicative, si bien que l’élimination complète du tabagisme permettrait d’éviter environ 300 des 430 cancers du poumon associés au radon.

Il importe toutefois de mentionner que le développement de modèles d’analyse de risque tels que celui utilisé par ce groupe de travail est un exercice qui, malgré toute la rigueur avec laquelle il a été élaboré, demeure soumis à bien des incertitudes: incertitudes sur les valeurs dérivées à partir des données chez les mineurs, incertitudes associées à l’utilisation du modèle dans un contexte résidentiel, incertitudes associées à l’estimation de la distribution des valeurs d’exposition dans la population, etc.

Regard sur les stratégies d’intervention à travers le monde

L’ampleur des programmes mis en place varie passablement d’un pays à l’autre. L’International Commission on Radiological Protection (ICRP) recommande l’utilisation de niveau d’action pour initier l’intervention et faciliter la prise de décision8. Dans la majorité des pays, les concentrations de référence définies pour les habitations n’ont pas force légale et correspondent plutôt à des valeurs guide. Pour les futures habitations, les valeurs de référence varient suivant les pays entre 150 et 1 000 Bq/m3. En excluant ces valeurs extrêmes, les valeurs de référence pour les futures habitations se situent plutôt entre 200 et 400 Bq/m3.

Quelle que soit l’ampleur de la politique mise de l’avant, les autorités gouvernementales basent davantage leur intervention face au risque causé par le radon dans les domiciles sur l’information et le volontarisme que sur les actions à caractère réglementaire. Par contre, elles sont beaucoup plus portées à légiférer lorsqu’il s’agit d’édifices publics et de nouvelles habitations. La prévention dans le cas de nouvelles habitations est aussi un élément central de la très grande majorité des stratégies développées. En effet, plusieurs pays ont intégré à même les codes de construction des bâtiments des mesures visant à réduire l’exposition au radon dans les nouvelles maisons.

Le dépistage des zones à risque constitue partout une étape importante des programmes de gestion qui ont été développés. La disponibilité de techniques de mitigation efficaces, durables et qui peuvent facilement être mises en place est un élément essentiel à l’élaboration d’un programme d’intervention sur le radon. Les méthodes de mitigation ne sont généralement pas imposées aux propriétaires. Les autorités publiques mettent plutôt à la disposition des propriétaires des guides et des manuels décrivant les différentes techniques ainsi que leur efficacité et leur coût. De plus, la démonstration de la faisabilité des différentes techniques de mitigation est un élément important à considérer lors de l’élaboration d’une politique d’intervention sur le radon.

L’information du public est souvent jugée comme un maillon essentiel à la mise en place d’une politique sur la gestion des risques liés au radon. Il ressort cependant clairement que malgré les efforts importants déployés dans plusieurs pays, dans la très grande majorité des cas, le nombre de résidences dans lesquelles des mesures ont été prises pour réduire l’exposition au radon demeure, même après plusieurs années, relativement faible (entre 3 et 6 % seulement des propriétaires aux États-Unis avaient mesuré les concentrations de radon dans les maisons en 1992). Les raisons invoquées pour justifier la non-intervention sont les coûts élevés des mesures (50 % des répondants), l’incrédulité face au risque que présente le radon et la difficulté à obtenir de l’information appropriée sur les mesures à mettre en place.

Stratégies d’intervention pour le Québec

Plusieurs scénarios ont été initialement étudiés par le groupe de travail : le statu quo, l’éducation sanitaire, la promotion du dépistage dans les zones à risque, le dépistage dans les zones à risque avec offre de support financier et technique pour la mitigation, le dépistage obligatoire et universel dans les résidences, le dépistage obligatoire dans les édifices publics, le dépistage obligatoire dans les zones à risque et enfin, l’adoption de mesures préventives dans le Code de construction du Québec.

Les différents scénarios ont été notamment élaborés sur la base des données recueillies dans la littérature concernant les pourcentages réalistes de personnes effectuant le dépistage du radon et sa mitigation le cas échéant, dans le cadre de programmes de prévention. L’information disponible à cet effet démontre qu’il est généralement très difficile de persuader la population d’effectuer des tests de dépistage et que par conséquent, seule une minorité de propriétaires prennent des mesures dans leur maison, même dans les pays où ils ont été activement invités à le faire. En outre, en l’absence de programmes d’aide financière, peu de personnes cherchent à réduire les concentrations et ce, même si ces dernières sont élevéesb.

Bien que l’intervention (ou la mitigation) soit le principal moyen envisageable pour diminuer l’impact du radon sur la santé, il est également possible, tel que précisé précédemment, de prévenir les expositions élevées en agissant sur le bâtiment lors de sa construction. Cette approche, si elle ne concerne que la population habitant ces nouvelles constructions, a comme bénéfice de diminuer l’exposition de toute cette population, puisqu’elle permet même d’abaisser les faibles niveaux de radon. Comme la plupart des cancers associés au radon surviendraient chez des individus exposés à de faibles concentrations, cela permet d’avoir un impact plus important que la seule mitigation. Ainsi, l’incidence du cancer du poumon en lien avec le radon pourrait être diminuée dans la population qui habite des bâtiments construits pour prévenir les infiltrations de radon.

Après évaluation de l’efficacité des différentes options d’intervention à réduire la mortalité annuelle attribuable au radon domiciliaire, et discussion sur les différentes stratégies envisageables, le groupe de travail de l'INSPQ a émis une série de recommandations.

Recommandations

L’avis scientifique produit par l’INSPQ présente une démarche permettant la mise en place graduelle de différentes interventions. Le groupe de travail estime que les risques à la santé associés au radon justifient des actions plus énergiques et un investissement de ressources supérieur à ce qui est actuellement consenti. Des activités d’information et de communication, dirigées vers la population et vers les différentes organisations susceptibles d’être associées à la démarche, ainsi que l’élaboration et la production d’un guide destiné à la prise en charge des demandes concernant des cas particuliers devraient être minimalement entreprises.

Le groupe de travail recommande que soient considérées par les autorités responsables les deux options de gestion de risque jugées les plus prometteuses, à brève échéance, en termes d’efficacité et de faisabilité, soit l’adoption de mesures préventives dans le Code de construction du Québec et le dépistage du radon dans les bâtiments publics (établissements scolaires, garderies, etc.).

Le groupe n’est pas en mesure de recommander, dans l’état actuel des choses, la mise en place à court terme d’un programme destiné à promouvoir un dépistage à grande échelle dans l’ensemble des habitations, en raison des incertitudes et du succès limité de ces approches. Il recommande donc une approche prudente permettant la mise en place graduelle des conditions nécessaires au succès des interventions et des programmes proposés. Cette approche présente comme avantage de permettre un investissement graduel, suivi d’une évaluation du succès possible des étapes subséquentes.

Enfin, il apparaît nécessaire, vu les risques individuels qui peuvent être rencontrés en présence d’une concentration élevée de radon domiciliaire, de rendre plus accessible l’information sur les risques liés au radon par l’éducation et l’information.

Le groupe de travail a recommandé la création, dans un premier temps, d’un comité de suivi sur la prévention des risques associés au radon dans les habitations. Sous l’égide du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), ce comité, qui regroupe en plus du MSSS, des représentants des directions de santé publique et de l’Institut national de santé publique du Québec, a été mis en place en 2005.

Comité de suivi sur la prévention des risques associés au radon dans les habitations

L’objectif visé par la mise en place du comité de suivi est d’assurer l’application des recommandations prioritaires de l’avis scientifique produit par le groupe de travail de l’INSPQ.

Parmi l’ensemble des recommandations formulées, le comité de suivi a plus spécifiquement pour tâche de réaliser diverses activités de communication, d’assurer une veille scientifique, de participer aux travaux sur la révision de la ligne directrice fédérale sur le niveau limite d’exposition au radon, d’examiner les modifications proposées par le Québec au Code national du bâtiment concernant les mesures de protection contre les gaz souterrains et de préparer des outils d’information et de formation destinés au public, aux professionnels du milieu de l’habitation et de la construction-rénovation ainsi qu’aux équipes de santé environnementale des directions de santé publique.

Le comité a débuté ses rencontres en 2005 et a déjà formulé un premier avis à la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) concernant les mesures de protection contre les gaz souterrains applicables aux nouveaux bâtiments. Ainsi, étant donné qu’il n’est pas possible de connaître à l’avance si le terrain où l’on propose de construire un bâtiment est propice ou non à l’infiltration de quantités excessives de radon, le comité de suivi considère que les modifications proposées par le Québec, qui permettent de n’exiger des mesures de protection contre l’infiltration de gaz souterrains que lorsqu’il est démontré qu’une telle infiltration constitue un danger pour la salubrité et la sécurité du bâtiment, devraient être retirées. Le comité a également émis d’autres suggestions. Parmi celles-ci, il a manifesté le souhait que l’on inclue dans les exigences contre l’infiltration de gaz souterrains tous les bâtiments d’habitation et donc notamment ceux qui ne contiennent qu’un seul logement. Les suggestions proposées par le comité de suivi ont été retenues par la RBQ, la décision finale à cet égard devant être prise à la lumière des résultats d’une étude d’impact économique entreprise à cette fin.

TRAVAUX SUR LA LIGNE DIRECTRICE CANADIENNE

Depuis 1988, le Canada, avec sa valeur de référence de 800 Bq/m3, faisait cavalier seul avec une ligne directrice des plus permissives parmi les pays industrialisés. Cette valeur définit la frontière au-delà de laquelle le risque est considéré comme inacceptable et à partir duquel des actions doivent être entreprises rapidement. Dans la pratique toutefois, la directive canadienne est souvent considérée comme une valeur plancher au-dessous de laquelle il n’est pas nécessaire d’agir. Cette interprétation erronée de la valeur canadienne peut avoir pour effet d’occasionner une certaine inertie dans la population face à la mitigation lorsque les teneurs sont inférieures à cette valeur. Face à cette situation, le Bureau de la radioprotection de Santé Canada a mis sur pied en 2004 un sous-comité afin de réviser la ligne directrice canadienne.

Ce groupe de travail a fait rapport au Comité de radioprotection fédéral-provincial-territorial. Dans ce rapport, le groupe de travail recommande, entre autres, de prendre des mesures correctives lorsque la concentration annuelle moyenne de radon dans un immeuble dépasse 200 Bq/m3 dans une zone d’occupation normale. Par ailleurs, plus la concentration de radon est élevée, plus il faudra entreprendre des mesures correctives rapidement. À un niveau supérieur à 800 Bq/m3, ces mesures devraient être terminées en moins d’une année. De plus, lorsque des mesures correctives sont prises, il faudrait ramener le niveau de radon à une valeur aussi basse que possible, de façon raisonnable. Enfin, lors de la construction de nouveaux immeubles, il faudrait utiliser des techniques qui permettent de minimiser l’infiltration du radon et de faciliter le retrait du radon après la construction, si cela s’avérait nécessaire.

À la rencontre annuelle du Comité de radioprotection fédéral-provincial-territorial, qui a eu lieu du 26 au 28 octobre 2005 à Ottawa, les participants se sont entendus pour abaisser la ligne directrice actuelle de façon significative. Afin de préciser les stratégies à privilégier, ils ont décidé de former un groupe de travail, le Radon Implementation Working Group pour examiner les étapes nécessaires à la mise en œuvre d’une ligne directrice révisée sur le radon. Ce groupe de travail, qui débute ses travaux en février 2006, est mené par Santé Canada et comprend des membres issus du département de la Défense nationale et des provinces de la Nouvelle-Écosse, de l’Ontario, de la Colombie-Britannique, de la Saskatchewan et du Québec.

Le groupe de travail de l’INSPQ et le MSSS se sont montrés très réceptifs à l’annonce de Santé Canada de proposer une révision de la ligne directrice canadienne sur le radon. La valeur de 200 Bq/m3 (valeur nouvellement proposée par le groupe de travail) est comparable aux valeurs de référence adoptées ces dernières années dans la plupart des pays occidentaux qui ont mis en place des stratégies de gestion du risque relié au radon.

Conclusion

Le radon est un gaz radioactif, présent de façon naturelle dans la croûte terrestre, qui peut s’infiltrer dans les bâtiments et atteindre des concentrations élevées dans les endroits clos et peu ventilés, tels que les sous-sols des habitations. L’exposition au radon dans les résidences doit être considérée, pour la population en général, comme une cause de cancer du poumon qui peut être réduite. Il existe en effet des mesures de mitigation pour réduire l’infiltration de radon dans les sous-sols. Par ailleurs, diverses stratégies d’intervention ont été analysées par l’INSPQ afin de réduire l’exposition de la population à l’échelle provinciale. Un comité de suivi sur la prévention des risques associés au radon dans les habitations a d’ailleurs été mis sur pied afin de donner suite aux scénarios jugés les plus prometteurs.

On peut prévoir une augmentation des activités de santé publique concernant le radon au Canada parallèlement à ce qui se prépare au Québec. Les jalons sont posés pour établir dans notre province une intervention de santé publique dont les stratégies de gestion du risque devraient s’harmoniser avec le reste du Canada et la plupart des pays qui se sont dotés de ce type de programme.

Références

  1. National Toxicology Program (NTP), 1994. Seventh Annual Report on Carcino­gens: 1994. Volume 1: 357-62. US Department of Health and Human Services.
  2. International Agency for Research on Cancer (IARC), 1988. Monographs on the Evaluation of Carcinogenic Risks to Humans, Volume 43 : Man-made Mineral Fibres and Radon.300 p.
  3. Lubin JH, Boice JD Jr., Edling C, Hornung RW, Howe GR, Kunz E, Kusiak RA, Morrison HI, Radford EP, Samet JM, Tirmarche M, Woodward A, Yao SX, Pierce DA. 1995. Lung cancer in radon-exposed miners and estimation of risk from indoor exposure. Journal of the Natio­nal Cancer Institute, 87 : 817-27.
  4. National Research Council (NRC), 1998. Health effects of exposure to radon. BEIR VI. National Academy Press, Washington.
  5. Dessau JC, Gagnon F, Lévesque B, Prévost C, Leclerc JM, Belles-Isles JC. 2005. Le radon au Québec - Évaluation du risque à la santé et analyse critique des stratégies d’intervention. INSPQ, 118 p. + annexes.
  6. Lévesque B, Gauvin D, McGregor RG, Martel R, Gingras S, Dontigny A, Walker WB, Lajoie P. 1995. Étude d’exposition au radon222 dans les résidences de la province de Québec. 46 p. + annexes.
  7. Gagnon F, Deshaies P, Lepage-Saucier M. 2005. Travail, environnement et cancer. Le Médecin du Québec, 40(10):81-9.
  8. International Commission of Radio­logical Protection (ICRP). 1993. Protec­tion Against Radon-222 at Home and at Work. Publication 65, Annals of the ICRP, 23(2).

a Le lecteur intéressé à obtenir de plus amples détails sur une section en particulier ou à prendre connaissance de l’ensemble des références bibliographiques est invité à consulter l’avis scientifique réalisé par le groupe de travail de l’INSPQ5, disponible sur le site Web suivant : www.inspq.qc.ca

b Le lecteur désirant prendre connaissance des résultats détaillés de l’analyse des scénarios étudiés par le groupe de travail de l’INSPQ est invité à consulter l’avis scientifique produit par ce dernier5.