4 juin 2018

Connaissances et attitudes des jeunes au regard du plomb

Résumé scientifique
Le texte qui suit est le résumé d’une publication scientifique (ou d’une étude) n’ayant pas été réalisée par l’Institut national de santé publique du Québec. Cette analyse critique ne peut donc pas être considérée comme la position de l’Institut. Son objectif est de porter à l’attention des lecteurs des éléments récents de la littérature scientifique, et ce, sous un éclairage critique découlant de l’expertise des auteurs du résumé.
Auteur(s)
Claire Laliberté
M. A., M. Sc., conseillère scientifique, Institut national de santé publique du Québec

Bogar A., Szabo A., Woodruff S, Johnson S. Urban youth knowledge and attitudes regarding lead poisoning. J Community Health. 2017; 42(6) :1255-66.

Mise en contexte

L’étude qui fait l’objet de ce résumé revêt un intérêt à plusieurs égards. Bien que la tenue d’enquêtes concernant la perception du risque en lien avec des contaminants environnementaux soit relativement courante chez des populations d’adultes (1-2), peu d’entre elles portent sur les jeunes. L’article Urban youth knowledge and attitudes regarding lead poisoning  aborde cette question pour ce groupe d’âge. De plus, l’approche adoptée s’inscrit dans un courant relativement récent désigné sous le vocable de « littératie en santé environnementale » (ou environmental health literacy), une orientation de recherche multidisciplinaire qui incorpore la santé environnementale, les communications, la gestion du risque, les biostatistiques et les sciences sociales. La littératie en santé environnementale s’intéresse particulièrement à la manière dont les individus comprennent et utilisent l’information en lien avec les expositions environnementales (3). Cette recherche illustre les apports d’une approche participative, qui, ancrée dans un contexte local, montre que les priorités de santé telles que définies par les populations elles-mêmes diffèrent de celles établies par les spécialistes de santé publique. 

Objectifs

Les objectifs de cette étude sont :

  • Explorer le niveau et le type de connaissance sur le plomb présent dans l’environnement et ses effets sur la santé auprès de jeunes vivant en milieu urbain défavorisé;
  • Déterminer les caractéristiques démographiques, les sources d’information et les attitudes associées à leurs connaissances sur le plomb;
  • Décrire les priorités de santé environnementale des participants;
  • Discuter des implications des résultats sur les stratégies d’éducation à la prévention des intoxications au plomb en accord avec les principes de la littératie en santé environnementale. 

Méthodologie 

Un partenariat a été mis en place en début de projet, réunissant le chercheur principal de l’Institute for Health & Equity of Medical college of Wisconsin ainsi que le Running Rebels Community Organization (RR), une organisation communautaire du milieu créée à l’intention des jeunes noirs de la ville de Milwaukee. Un comité-conseil, composé de 8 jeunes de la RR, a participé à chacune des étapes de l’étude, allant du choix du design jusqu’à l’interprétation des résultats, en passant par la collecte des données. Ce comité a contribué notamment à enrichir les outils de collecte des données, en particulier en ce qui a trait à la définition du concept de santé environnementale, en proposant l’ajout de dimensions non prévues par les chercheurs et ancrées dans le contexte local.

Un questionnaire validé chez les adultes, pour mesurer les connaissances et les attitudes à l’égard du plomb dans l’environnement, a été adapté pour les jeunes par l’équipe d’investigateurs. Le Chicago Lead Knowledge Test (CLKT) a été administré à 105 jeunes, âgés de 10 à 18 ans, lors d’une entrevue en face à face. Les questions portaient sur : 1) les connaissances, les attitudes et les croyances à propos du plomb; et 2) la justesse de leurs connaissances, vérifiées par une série d’énoncés, vrais ou faux, parmi lesquels ils devaient se prononcer. Des comparaisons de fréquence des réponses ont été effectuées, et les degrés de préoccupations ont été mesurés par une échelle de Likert de 1 à 5 (de « moins » à « très préoccupé »).

La tenue de 12 groupes de discussion a permis de réunir 64 jeunes âgés de 13 à 18 ans afin d’aborder plus en profondeur les connaissances rattachées aux intoxications au plomb, les sources d’exposition et ses effets sur la santé. Des analyses qualitatives ont permis d’identifier différentes catégories de réponses en fonction des thèmes abordés.

Principaux résultats 

L’échantillon était composé à 95 % de Noirs ou de jeunes métissés, dont 74 % d’hommes, de 2 secteurs défavorisés de Milwaukee. Soixante-sept pour cent (67 %) des jeunes ont indiqué connaître le plomb et, parmi eux, 25 % croyaient en l’existence de ce problème de la présence de ce métal lourd dans leur milieu et 43 % mentionnaient avoir été traités pour un problème de santé en lien avec le plomb. Plus du quart des jeunes interrogés rapportait connaître quelqu’un de leur entourage qui avait été intoxiqué. Les principales sources d’information à propos du plomb provenaient de l’école, de la famille, de la communauté, des médias et d’un médecin ou d’une infirmière. Seulement 13 % des jeunes sentaient qu’ils étaient eux-mêmes à risque d’être intoxiqués par le plomb.

Au CLKT, le score moyen calculé à partir des différents items du questionnaire était de 12, le plus haut score possible étant de 24. Les connaissances de base concernaient les sources telles que la peinture au plomb, les poussières et le fait que les adultes puissent rapporter de leur milieu de travail des particules de plomb. Par contre, les connaissances étaient faibles quant à plusieurs énoncés en lien avec d’autres sources d’exposition, à propos de la prévention de l’exposition ainsi que des aspects liés à l’alimentation.

L’analyse des données issues des groupes de discussion a permis de mettre en évidence d’autres connaissances erronées ou confuses parmi les participants. À titre d’exemple, les jeunes croyaient que l’encre de leurs crayons et marqueurs pouvait contribuer à les exposer au plomb ou encore que le plomb était un virus. D’autres suggéraient que l’exposition au plomb pouvait être associée aux relations sexuelles, au fait de se ronger les ongles ou à la présence de moisissures. Les jeunes étaient incapables de décrire précisément les conséquences associées à l’exposition au plomb. Ils faisaient référence à ses impacts sur le cerveau, mais de manière fautive. Les participants les plus en mesure d’énoncer des connaissances exactes quant aux effets étaient ceux dont un membre de la famille avait été intoxiqué au plomb. Enfin, parmi la liste des préoccupations de santé environnementale, les intoxications au plomb se sont classées au dernier rang (67 %), loin derrière les attaques à main armée (97 %), les lieux illicites pour la consommation de drogue (drug houses) (97 %), les opportunités d’emploi (96 %), l’absence de contrôle des animaux (92 %) et la brutalité policière (80 %).

Discussion et conclusion

Les résultats de cette étude ont montré que les connaissances des jeunes à propos du plomb sont limitées, et parfois erronées. L’étude a permis de mettre en perspective les enjeux prioritaires de l’environnement de vie tels que perçus par les participants.

L’étude montre les besoins d’améliorer l’éducation des jeunes au regard du plomb. Le rôle de la communauté et de l’école pour fournir des connaissances de base aux jeunes et renforcer les messages s’avère essentiel selon les auteurs, les médias et les soins de santé primaire afin d’améliorer la littératie en santé environnementale des jeunes.

Par ailleurs, cette recherche participative rappelle les différences dans la conception des priorités de santé environnementale entre les chercheurs et la communauté, cette dernière étant particulièrement éprouvée depuis de nombreuses années (4). Ce contexte rappelle, selon les auteurs, l’importance d’intégrer les déterminants sociaux de la santé dans les modèles de promotion de la santé, en établissant un pont entre le contexte social des communautés et la santé environnementale.

En conclusion, les auteurs recommandent que l’éducation à propos des intoxications au plomb traite des liens entre l’exposition au plomb dans leur milieu et les disparités économiques et sociales associées à l’environnement local. Ils souhaitent également un rapprochement entre les chercheurs et les communautés pour définir les priorités, contribuer à leur co-construction afin de guider la recherche et l’action dans le domaine de la littératie en santé environnementale.

Références

  1. Ménard C, Girard D, Léon C, Beck F. (dir.). Baromètre santé environnement 2007 [En ligne]. France : Institut national de prévention et d’éducation pour la santé; 2017. Disponible : http://inpes.santepubliquefrance.fr/CFESBases/catalogue/pdf/1114.pdf

  2. Statistique Canada. Enquête sur les ménages et l'environnement (EME) 2015 [En ligne]. Statistique Canada; 2017. Disponible : http://www23.statcan.gc.ca/imdb/p2SV_f.pl?Function=getSurvey&SDDS=3881

  3. Gray KM. From content knowledge to community change : A review of representation of environmental health literacy. Int J Environ Res. Public Health [En ligne]. 2018; 15(3) : 466. Disponible : http://www.mdpi.com/1660-4601/15/3/466

  4. Eligon J, Gebeloff R. Affluent and Black, and still trapped by segregation. The New YorkTimes [En ligne]. 2016. Disponible : https://www.nytimes.com/2016/08/21/us/milwaukee-segregation-wealthy-black-families.html