22 janvier 2015

Appel à l’action du ministre de la Santé publique des États-Unis pour prévenir le cancer de la peau

Résumé scientifique
Le texte qui suit est le résumé d’une publication scientifique (ou d’une étude) n’ayant pas été réalisée par l’Institut national de santé publique du Québec. Cette analyse critique ne peut donc pas être considérée comme la position de l’Institut. Son objectif est de porter à l’attention des lecteurs des éléments récents de la littérature scientifique, et ce, sous un éclairage critique découlant de l’expertise des auteurs du résumé.
Auteur(s)
Marie-Christine Gervais
M. Sc., conseillère scientifique, Institut national de santé publique du Québec

Contexte

Le cancer de la peau constitue le cancer le plus fréquemment diagnostiqué aux États-Unis. Chaque année près de 5 millions d’Américains en sont atteints. Malgré les efforts déployés pour prévenir ce type de cancer, son taux d’incidence continue d’augmenter. C’est dans ce contexte que le ministre de la Santé publique des États-Unis (Surgeon General) a lancé un appel à l’action en juillet 2014 afin d’encourager et de susciter l’engagement de divers acteurs en vue de réduire le nombre de cancers de la peau aux États-Unis.

Les recommandations contenues dans ce rapport gouvernemental s’appuient sur une revue de la littérature exhaustive et peuvent être très inspirantes pour les pays qui souhaitent établir leurs priorités d’action en matière de prévention des cancers de la peau. Ce rapport est le fruit d’une collaboration de plusieurs représentants d’organisations scientifiques reconnues : les Centers for Disease Control and Prevention, la U.S. Food and Drug Administration, le National Institute for Occupational Safety and Health, la Federal Trade Commission, le National Cancer Institute, la U.S Environmental Protection Agency et l’Agency for Healthcare Research and Quality.

Ce résumé met l’emphase sur les orientations proposées par le ministre et les actions qui en découlent.

Les cinq grandes orientations et les 23 actions associées

Cet appel à l’action vise à réduire l’exposition de la population aux sources les plus communes de rayonnement UV soit le soleil et les appareils de bronzage. On y suggère cinq grandes orientations qui devraient guider, dans leur pratique, une diversité d’acteurs et de milieux : tous les paliers de gouvernements, les employeurs, les employés et syndicats, les institutions de santé et cliniciens, les centres de la petite enfance, les écoles primaire et secondaire, les collèges et universités, etc. Le tableau ci-dessous en présente les principales composantes.

Tableau : Composantes de l’appel à l’action

ORIENTATIONS ACTIONS PRÉCISIONS
Augmenter les possibilités de protection solaire dans les milieux extérieurs Augmenter les zones ombragées dans les milieux récréatifs Assurer l’accessibilité de l’ombre notamment dans les aires de jeux pour protéger les jeunes d’une surexposition aux rayons UV. Des guides pour procéder à une évaluation de l’ombre nécessaire sont disponibles.
Promouvoir la protection solaire dans les milieux extérieurs Rappeler à la population d’utiliser une combinaison de mesures de protection solaire (chapeau, vêtements, crème solaire) pendant ses activités extérieures.
Augmenter la disponibilité des mesures de protection solaire dans les milieux éducatifs Prévoir des zones d’ombres de même que l’accès à des mesures de protection individuelles (crème solaire, chapeau, parasols)
Augmenter la disponibilité des mesures de protection solaire sur les lieux de travail Ces mesures doivent être adaptées au type de travail et aux préférences des employés (ex. : parasols pour les sauveteurs, pauses à l’ombre pour travailleurs de la construction).
Mettre à la disposition des individus l’information dont ils ont besoin afin qu’ils puissent faire des choix éclairés pour leur santé en lien avec l’exposition aux rayons UV Développer des messages efficaces et des interventions pour des clientèles spécifiques Des messages spécifiques devraient être développés pour les travailleurs extérieurs, les divers groupes ethniques, les jeunes femmes, etc.
Créer des partenariats avec les milieux de soins et les professionnels de la santé pour l’intégration de pratiques cliniques préventives axées sur la prévention du cancer de la peau et suivre l’adhésion des professionnels à ces pratiques Des outils doivent être fournis aux professionnels de la santé afin d’intégrer à leur pratique des conseils en prévention du cancer de la peau. Les jeunes à la peau claire de 10 à 24 ans devraient être particulièrement ciblés de même que ceux qui utilisent les appareils de bronzage artificiel.
Promouvoir l’éducation à la prévention du cancer de la peau dans les écoles Permet une sensibilisation des enfants en bas à âge et peut avoir un effet sur les éducateurs de même que sur les familles.
Intégrer la protection solaire dans les programmes d’éducation et de promotion de la santé des milieux de travail Les travailleurs extérieurs peuvent sensibiliser et donner l’exemple aux personnes présentes dans les milieux extérieurs (ex. : entraîneurs, sauveteurs).
Établir des partenariats entre le secteur public et le secteur privé pour diffuser des messages de prévention du cancer de la peau efficaces Mettre en place des coalitions pour coordonner les efforts de sensibilisation et les campagnes afin de transmettre à la population des messages concertés.
Accroître l’engagement des partenaires fédéraux pour faire progresser les efforts nationaux de prévention du cancer de la peau Identifier les opportunités pour accroître et promouvoir les collaborations entre les diverses agences et départements pour planifier, implanter et diffuser des messages et des activités de prévention.
Promouvoir des politiques qui font progresser la prévention du cancer à l’échelle nationale Promouvoir l’intégration de la protection solaire dans les politiques des écoles, dans la construction de ces dernières et dans le cursus scolaire Intégrer la protection solaire dans le cursus scolaire à l’échelle des états ou des régions. À cette échelle, des politiques scolaires peuvent aussi encourager l’aménagement de zones ombragées sur les terrains de l’école.
Intégrer la protection solaire aux politiques et aux séances de formation en milieu de travail Les employeurs peuvent réduire les risques de surexposition au soleil de leurs employés notamment par l’adoption de politiques visant à fournir du matériel de protection gratuitement, à modifier l’environnement ou l’horaire de travail, etc.
Promouvoir la déclaration des cancers de la peau diagnostiqués au registre des cancers et encourager les institutions de santé et les professionnels de la santé à utiliser ce service Plusieurs professionnels en pratique privée qui diagnostiquent des cancers de la peau (dermatologistes, omnipraticiens) ne sont pas au courant ou peu familiers avec la façon de déclarer les cas au registre. De la sensibilisation est nécessaire.
Encourager l’aménagement de zones ombragées lors du développement des plans d’aménagement du territoire Un réflexe à développer lors de la construction de nouveaux espaces publics extérieurs. Augmenter aussi l’offre de zones ombragées dans les communautés.
Réduire les effets néfastes associés au bronzage artificiel Continuer de documenter les attitudes, les croyances et les comportements liés au bronzage artificiel de la population et plus particulièrement chez les jeunes et leurs parents Ces connaissances peuvent guider le développement de politiques, de messages personnalisés et d’interventions de cessation de la pratique du bronzage artificiel.
Continuer à développer, à diffuser et à évaluer les messages pour réduire le bronzage artificiel chez les populations à haut risque Les messages de la santé publique qui diffèrent de l’industrie du bronzage créent une confusion à propos des risques associés à cette pratique.
Soutenir les politiques qui découragent le bronzage artificiel chez les adolescents et les jeunes adultes dans les établissements d’enseignement. Plusieurs collèges et universités ont parfois des ententes avec des salons de bronzage pour offrir des rabais aux étudiants sur leurs campus. Certains campus ont adopté des politiques pour décourager l’alcool et le tabac; des politiques similaires pourraient être développées pour le bronzage artificiel.
Faire appliquer les lois existantes sur le bronzage artificiel et considérer l’adoption de restrictions supplémentaires Continuer d’adopter des politiques restreignant l’utilisation des appareils de bronzage chez les mineurs tout en travaillant à interdire la publicité trompeuse.
Améliorer les étiquettes de mises en garde et mettre à jour la norme sur les appareils de bronzage Les étiquettes actuelles sont souvent peu visibles pour les consommateurs et ne sont pas nécessairement prises en compte par ces derniers. Elles doivent indiquer clairement le risque lié à ces appareils. La norme sur les appareils de bronzage est la suivante : FDA Performance Standard for Sunlamp Products (21 CFR 1040.20).
Renforcer la recherche, la surveillance et l’évaluation Améliorer la compréhension du fardeau du cancer de la peau et sa relation avec le rayonnement UV Davantage de données épidémiologiques, de données sur les facteurs de risque du cancer de la peau et sur les risques associés à différents niveaux d’exposition aux rayons UV sont nécessaires. Les systèmes de surveillance devraient aussi être améliorés.
Évaluer l’effet des interventions de prévention et des politiques sur les comportements et les effets à la santé Évaluer l’effet immédiat, à moyen terme et à long terme des interventions développées.
Approfondir la recherche comportementale et la surveillance sur l’exposition aux rayons UV Surveiller en continu les comportements de protection solaire, l’exposition solaire et la norme sociale par des sondages nationaux pour mesurer leur évolution dans le temps et développer les interventions en conséquence.
Quantifier la prévalence d’utilisation des appareils de bronzage artificiel dans des endroits non supervisés Documenter aussi leur emplacement et les clientèles qui y ont accès. N.B. Il est question ici d’appareils de bronzage en libre-service, mais aussi d’appareils disponibles dans des commerces qui ne sont pas des salons de bronzage proprement dit.

Conclusion

Ce rapport réitère la nécessité d’agir en prévention des cancers de la peau par des actions individuelles, environnementales et politiques et selon une approche concertée. Pour réduire les cancers de la peau, la population doit pouvoir faire des choix éclairés pour sa santé en lien avec la protection solaire, les jeunes doivent être protégés des effets néfastes associés au bronzage artificiel, des politiques doivent soutenir les efforts de prévention et des investissements adéquats doivent être faits en recherche et en surveillance. Une plus grande coordination est aussi nécessaire afin d’augmenter la portée des efforts déjà déployés.

**Pour en savoir plus sur les lacunes identifiées dans la recherche et la surveillance en prévention des cancers de la peau, il est grandement suggéré de consulter le rapport dans son intégralité.

Référence

U.S. Department of Health and Human Services. The Surgeon General’s Call to Action to Prevent Skin Cancer. Washington, DC : U.S. Dept of Health and Human Services, Office of the Surgeon General; 2014, disponible à l’adresse :

http://www.surgeongeneral.gov/library/calls/prevent-skin-cancer/index.h…, (consulté le 5 janvier 2014).