Bulletin d'information toxicologique : novembre 2015

Eau de Javel, polychloroisocyanurates et leurs produits de dégradation

Les expositions domestiques à l’eau de Javel, aux polychloroisocyanurates présents dans les produits ménagers ainsi qu’à leurs produits de dégradation en milieu acide ou ammoniaqué sont fréquentes, mais elles sont peu évaluées. Une étude rétrospective concernant les cas d’exposition à ces produits enregistrés par les Centres Antipoison et de Toxicovigilance (France) sur une période d’un an a été réalisée. En 2011, 5 452 cas d’exposition ont été répertoriés (57 % de ces cas étaient symptomatiques), et l’âge médian des personnes exposées était de 25 ans. L’exposition était accidentelle dans 93 % des cas, dont 70 % concernaient une ingestion. Dans 33 % des cas, l’exposition concernait des enfants de moins de 5 ans; les symptômes les plus fréquents notés pour ces enfants étaient : des vomissements (59 %), de la toux (10 %) et de l’irritation oropharyngée (8 %), toutefois aucune séquelle n’a été rapportée. Chez les personnes exposées âgées de plus de 5 ans, les symptômes les plus souvent notés étaient : des douleurs et de l’irritation oropharyngées (41 %), de la toux (26 %) et des vomissements (13 %). En tout, 74 cas graves (1,3 %) ont été identifiés (70 % d’origine accidentelle et 30 % attribuables à une conduite suicidaire), néanmoins aucun décès n’a été rapporté.

Utilisation de la physostigmine dans le traitement des intoxications par les anticholinergiques

L’utilisation de la physostigmine à titre d’antidote est controversée depuis plusieurs années. Watkins et collab. ont entrepris une analyse rétrospective d’une base de données afin d’évaluer l’utilisation de la physostigmine lors d’intoxications par des substances ayant des effets anticholinergiques. Le recours à la physostigmine en thérapie unique diminue la fréquence d’intubation. Cependant, il y aurait augmentation de la rhabdomyolyse lorsque la physostigmine est utilisée seule ou en combinaison avec des benzodiazépines ou d’autres traitements. Antérieurement, la physostigmine était surtout employée lors d’intoxications par des agents à effets mixtes comportant une composante anticholinergique. Son utilisation devrait demeurer restreinte à un groupe de patients bien déterminé.

Vers l’émergence d’intoxications aiguës par la colchicine?

Deux récents cas de décès répertoriés par le Centre antipoison du Québec suivant l’ingestion volontaire de colchicine soulèvent des questions quant aux dangers reliés à la plus grande disponibilité de cette molécule. En effet, la quantité de comprimés remis au patient est souvent suffisante pour causer la mort lorsqu’elle est ingérée en une seule fois. La publication cette année d’une méta-analyse soulignant l’efficacité de la colchicine dans le traitement de la péricardite fait craindre une augmentation de l’incidence des cas d’intoxication aiguë par cet alcaloïde. Le but de cet article est de résumer les éléments importants reliés à la toxicité de la colchicine tout en sensibilisant les médecins et les pharmaciens à la possibilité de limiter la disponibilité de cette molécule à domicile.

Résumé des recommandations d’EXTRIP 2014-2015

Le rôle des thérapies d’épuration extracorporelle (ECTR) demeure incertain pour les cliniciens dans le traitement des intoxications en raison de l’absence d’évidences solides dans la littérature. Ce constat a conduit le groupe de travail EXtracorporeal TReatments In Poisoning (EXTRIP) à se donner pour mandats notamment la réalisation de revues systématiques sur l’utilisation des ECTR dans le traitement des intoxications et, toujours en ce qui concerne les cas d’intoxication, la formulation de recommandations quant aux indications et au choix d’une ECTR, et à l’établissement de critères visant l’arrêt de ce type de thérapie. De janvier 2014 à juillet 2015, des lignes directrices ont été publiées par ce groupe qui recommande notamment le recours à une ECTR sous certaines conditions lors d’intoxications graves par l’acétaminophène, les barbituriques, la carbamazépine, le lithium, la metformine, le méthanol, la phénytoïne, les salicylates, la théophylline et l’acide valproïque. Toutefois, il recommande de ne pas entreprendre d’ECTR lors d’intoxications par les antidépresseurs tricycliques. Ces différentes lignes directrices d’EXTRIP peuvent orienter les cliniciens dans la prise en charge de leurs patients intoxiqués.