Surveillance des maladies infectieuses chez les utilisateurs de drogues par injection - Épidémiologie du VIH 1995-2017 - Épidémiologie du VHC 2003-2017

Le réseau SurvUDI est un réseau de surveillance épidémiologique chez les personnes qui utilisent des drogues par injection (UDI) implanté au Québec et à Ottawa depuis 1995. Son objectif est la surveillance des infections par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et par le virus de l’hépatite C (VHC) parmi les personnes UDI ainsi que le suivi des facteurs de risque de ces infections. Plusieurs changements ont été observés au cours des années, et les analyses effectuées ont souvent permis d’adapter les interventions auprès des personnes UDI.

Pour être recrutés, les participants doivent avoir fait usage de drogue par injection dans les six derniers mois et être âgés de 14 ans ou plus. Un questionnaire est administré par un intervieweur et un prélèvement oral est obtenu pour la mesure des anticorps contre le VIH et le VHC1.

Le document d’accompagnement PowerPoint présente des résultats plus détaillés, ainsi que plusieurs figures et tableaux.

Plusieurs ajouts au questionnaire ont été effectués au cours des années. Les tableaux présentant les nouvelles variables débutent donc à la période correspondante, soit quatre périodes principales : 1995-2017, 2003-2017, 2009-2017 et 2011-2017. La base de données a été fermée le 31 mars 2017. Les 3 premiers mois de l’année 2017 sont donc inclus ici. Pour les analyses de tendance temporelle, les tableaux et figures se terminent à la dernière année complète disponible, soit l’année 2016, à l’exception de l’incidence du VIH et du VHC qui se terminent en 2015 car nous préférons ne pas inclure 2016.

Données récentes des habitudes de consommation

Au 31 mars 2017, les données les plus récentes du réseau SurvUDI indiquent que la cocaïne demeure la drogue injectée par la plus grande proportion des participants au cours des six derniers mois (69,2 % pour 2009-2017), suivie par les médicaments opioïdes (63,6 %), l’héroïne (33,8 %) et le crack (14,3 %). L’injection de cocaïne ou de crack a diminué au cours des dernières années.

Une hausse importante de l’injection de médicaments opioïdes a été observée dans le réseau SurvUDI depuis quelques années. Elle est maintenant fréquente, surtout chez les jeunes de 24 ans et moins, et pourrait présenter des enjeux particuliers pour le risque de VIH et de VHC. Par exemple, la proportion de participants qui se sont injecté du Dilaudid® au cours des six derniers mois est passée de 27,4 % en 2003 à 49,5 % en 2016. Une telle hausse est inquiétante car le risque de dépendance aux opioïdes est très important. De plus, la consommation par injection d’un comprimé ou d’une capsule normalement prévu pour un usage oral peut requérir une importante quantité d’eau et nécessiter jusqu’à trois ou quatre injections, ce qui augmente le nombre de manipulations et le risque de contamination du matériel. La hausse de l’injection de médicaments opioïdes doit être surveillée attentivement. Du matériel mieux adapté à l’injection de ces substances non destinées à l’injection a été rendu disponible en 2017.

Utilisation de matériel déjà utilisé par d’autres

La proportion de participants qui a déclaré s’être injecté avec des seringues déjà utilisées par d’autres dans les six derniers mois était de 43,4 % en 1995 et de 16,4 % en 2016, soit une diminution statistiquement significative de 62 % (p < 0,001). Cette diminution encourageante s’est toutefois arrêtée en 2010-2011, ce qui est préoccupant. La proportion d’usagers rapportant l’utilisation de matériel d’injection autre qu’une seringue déjà utilisé par quelqu’un d’autre est plus élevée que pour les seringues, soit autour de 25 % en 2016. Il semble nécessaire d’intensifier les interventions de prévention du partage de matériel de consommation autre que les seringues, en particulier dans notre contexte où la prévalence du VHC est très élevée.

Comportements sexuels

Les comportements sexuels à risque sont également fréquemment rapportés, notamment l’utilisation irrégulière du condom et la pratique d’activités sexuelles en contexte de prostitution. Les personnes UDI sont exposées à un risque élevé de transmission sexuelle du VIH, en plus du risque de transmission lié à l’injection.

Infection par le VIH et le VHC

Après une diminution observée entre 1995 et 2009, le taux d’incidence du VIH est maintenant relativement stable à un niveau très faible. Il était de 0,1 par 100 personnes-années en 2015. Le taux d’incidence du VHC, pour sa part, se situe à des niveaux très élevés, soit entre 11,6 et 28,3 par 100 personnes-années selon les années. Une diminution statistiquement significative a été observée entre 1998 et 2011, mais une hausse statistiquement significative est observée depuis 2011.

L’injection avec des seringues déjà utilisées par quelqu’un d’autre ainsi que la cocaïne comme drogue injectée le plus souvent sont demeurées associés significativement à l’incidence du VIH de façon constante pour toute la période 1995-2015. Une association statistiquement significative est observée entre la prostitution et l’incidence du VIH pour la période de 2003 à 2017, alors que cette association était non significative entre 1995 et 2002.

Dépistage

La proportion de participants ayant eu un test de détection autant pour le VIH que pour le VHC au cours de la dernière année a augmenté significativement entre 2003 et 2016 (de 64,1 % à 70,0 % pour le VIH et de 48,7 % à 64,1 % pour le VHC). Quant à la proportion de participants ignorant leur statut de séropositivité pour le VIH et pour le VHC, elle a diminué significativement au cours de la même période. En 2016, 4,2 % des participants infectés par le VIH l’ignoraient, de même que 14,3 % de ceux ayant des anticorps contre le VHC.

Prise en charge et traitement

Entre 2003 et 2016, la prise en charge et le traitement se sont améliorés de façon importante pour le VIH. La prise actuelle de médicaments a augmenté significativement entre 2003 et 2016.

Beaucoup moins de changements ont été observés pour le VHC. La prise de médicaments à vie chez les participants ayant des anticorps contre le VHC demeure peu fréquente. Ces résultats doivent être interprétés avec prudence compte tenu qu’il n’est pas nécessairement indiqué de traiter toutes les infections par le VHC car certaines guérissent spontanément. Dans SurvUDI, nous ne mesurons que la présence des anticorps et il est donc impossible de détecter les infections actives nécessitant un traitement.

Conclusion

En résumé, les données suggèrent une amélioration de la situation pour l’infection par le VIH chez les personnes UDI. Toutefois, la hausse de la consommation de médicaments opioïdes par injection fait craindre des impacts négatifs sur les épidémies de VIH et de VHC chez les personnes UDI du Québec. Les efforts doivent se poursuivre pour augmenter l’utilisation de matériel d’injection stérile, et adapter le matériel distribué aux changements dans les drogues consommées. La promotion du dépistage régulier du VIH et du VHC ainsi que la prise en charge doivent également demeurer des priorités.

1. Consulter le rapport complet précédent pour les détails sur la méthode : Leclerc P, Roy É, Morissette C, Alary M, Parent R, Blouin K. Surveillance des maladies infectieuses chez les utilisateurs de drogue par injection – Épidémiologie du VIH de 1995 à 2014 – Épidémiologie du VHC de 2003 à 2016. Institut national de santé publique du Québec, 2016, 123 pages.