6 février 2013

Résistance aux antibiotiques

Publication

Le Centre d’analyse stratégique, une institution d’expertise et d’aide à la décision du gouvernement français a publié, en novembre dernier (2012), une note d’analyse concernant l’état de situation quant à la résistance aux antibiotiques; « Les bactéries résistantes aux antibiotiques ». Plusieurs constats, la plupart déjà connus, expliquent le développement de la résistance. La mauvaise utilisation des antibiotiques (en présence d’une infection virale, par exemple), leur surconsommation et la surutilisation en production animale sont des exemples rapportés. Un facteur souvent ignoré est la vente libre, dans plusieurs pays, tant pour les humains que pour les animaux; une utilisation improvisée et non supervisée par une autorité médicale peut se révéler dangereuse et engendrer l’antibiorésistance. Le document rapporte aussi quelques données impressionnantes. Ainsi, dans l’Union européenne, quelque 25 000 personnes meurent annuellement à la suite d’une infection causée par une bactérie multirésistante (BMR); à l’échelle mondiale, on compte environ 440 000 nouveaux cas annuels de tuberculose due à une BMR, entraînant 150 000 décès. L’émergence de souches multirésistantes fait craindre un retour à l’ère préantibiotique.

Dans ce document, il est aussi question de l’usage des antibiotiques chez les animaux. En Europe, les antibiotiques comme promoteurs de croissance sont interdits depuis 2006, mais on estime de plus que ces médicaments sont encore mal utilisés à titre prophylactique ou curatif chez les animaux d’élevage. À l’échelle mondiale, il est estimé que 50 % des antibiotiques mis en marché sont destinés aux animaux.

La note d’analyse propose plusieurs pistes d’action pour contrer l’antibiorésistance puisque celles réalisées jusqu’à maintenant n’ont pas empêché ce phénomène de s’accentuer. Il est notamment question de créer un réseau mondial de surveillance et d’alerte de la présence de bactéries multirésistantes. L’une des actions importantes proposées est la sensibilisation des médecins et des patients pour réduire l’usage des antibiotiques aux maladies lorsque nécessaire ainsi qu’un respect de la posologie de ces médicaments. Il est aussi question de favoriser le développement de nouveaux médicaments antibactériens, notamment par des mesures fiscales ou incitatives visant les pharmaceutiques.

Concrètement, quelques mesures particulières sont évoquées :

  • aux Pays-Bas, le taux de résistance au SARM (staphylocoque doré résistant à la méthicilinne) est le plus bas d’Europe (1,2 %), suite à une mesure particulière, soit le dépistage systématique de la présence de cette bactérie chez toutes les personnes arrivant dans un centre de santé;
  • dans quelques pays européens nordiques, la vente de médicaments vétérinaires par les médecins vétérinaires (une pratique courante, notamment en Amérique du Nord) leur a été partiellement retirée pour être confiée aux pharmaciens;
  • pour contrer la surutilisation d’antibiotiques en production porcine, au Danemark, des seuils de doses journalières sont fixés annuellement à chaque producteur. En cas de dépassement, le producteur doit s’astreindre à un suivi serré sous peine de sanctions;
  • toujours au Danemark, l’usage d’antibiotiques de la famille des céphalosporines (comprenant des molécules de première importance chez les humains) a été abandonné en production porcine; restreindre l’usage vétérinaire des antibiotiques les plus critiques pour les humains apparaît de plus comme une priorité;
  • des campagnes de promotion de l’hygiène des mains, menées dans plusieurs pays, apparaissent comme une mesure simple de limiter la contamination;
  • élargir l’arsenal thérapeutique, notamment par le développement du potentiel de la phagothérapie, un traitement antibactérien avec des virus bactériophages inoffensifs pour les humains.

Les problèmes découlant de la résistance aux antibiotiques sont souvent ignorés de la part des décideurs et des politiques et plusieurs intervenants du secteur de la santé n’en mesurent pas l’ampleur. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) est préoccupée par ce problème depuis plusieurs décennies et des actions efficaces, parfois strictes, devront être mises de l’avant par les gouvernements ou les organisations supranationales afin d’éviter l’émergence éventuelle de bactéries virulentes contre lesquelles aucun médicament ne sera effectif. [PC]

Source : Note d’analyse 299, Centre d’analyse stratégique, 15 novembre 2012, disponible à : www.strategie.gouv.fr/content/bacteries-resistantes-antibiotiques-na299.