12 mars 2015

À propos du virus Chikungunya

Brèves d'actualité

Le virus Chikungunya est un arbovirus qui se transmet par piqure de moustiques. La proportion de personnes qui deviennent symptomatiques après avoir été infectées par un moustique porteur du virus est relativement élevée, soit de l’ordre de 75 %. Les symptômes se manifestent entre trois et douze jours et comprennent de la fièvre, mais plus particulièrement des arthralgies sévères et invalidantes, surtout aux extrémités des membres : poignets, doigts, chevilles et pied. De la fatigue, des douleurs musculaires importantes, des nausées et des céphalées peuvent aussi compléter le portrait clinique des effets aigus. Une atteinte articulaire subaigüe ou chronique est notée chez certaines personnes dix-huit mois après les symptômes initiaux, alors que de 40 à 60 % des personnes infectées rapportent des douleurs arthritiques chroniques. L’humain est le principal réservoir en période épidémique, divers animaux et oiseaux constituant un réservoir naturel permanent.

La maladie est endémique depuis des décennies dans plusieurs régions tropicales, notamment en Asie ainsi qu’en Afrique où plusieurs éclosions de faible ampleur se sont produites. En 2004, à la suite d’une éclosion au Kenya, le virus s’est propagé aux îles de l’océan Indien, causant plusieurs épidémies importantes. Des voyageurs infectés et virémiques, ainsi que le transport accidentel des insectes vecteurs, sont responsables de l’apparition de cas à transmission locale en Italie (2007) ainsi qu’en France (2010). Onze cas de transmission ont été rapportés en 2014 dans la région de Montpellier (France).

En Amérique, le premier cas de transmission locale a été noté en octobre 2013 dans l’île Saint-Martin. Durant l’année 2014, près d’un million de personnes auraient été infectées dans cette région du monde. Plusieurs pays ont d’ailleurs déclaré un état d’épidémie ou d’urgence sanitaire en lien avec cette maladie. Le virus s’est aussi propagé en Amérique du Sud et Centrale. Aux États-Unis, des cas de transmission locale ont été documentés en Floride en 2014. Au Québec, 62 cas d’infection acquise hors Canada ont été rapportés en date de novembre 2014. Compte tenu de l’important nombre de Québécois voyageant dans les Caraïbes et les Bermudes (environ 800 000 personnes/an), on peut toutefois s’attendre à ce que le nombre de cas d’infection importés augmente au cours des prochaines années, compte tenu de la situation maintenant endémique existant dans ces îles.

Les vecteurs du virus sont des moustiques du genre Aedes, plus particulièrement les espèces A. albopictus et A. aegypti, lesquels sont aussi impliqués dans la transmission de la dengue, de la fièvre jaune ainsi que du virus du Nil Occidental. Ces espèces ne transmettent pas les virus en question au Québec puisque, en Amérique du Nord, leur aire de distribution est actuellement limitée aux États-Unis, jusque dans des états jouxtant les Grands Lacs, au sud du Canada. On ne peut pas exclure qu’une mutation du virus puisse favoriser sa transmission par d’autres espèces de moustiques présents au Canada. A. albopictus est par ailleurs une espèce pouvant s’adapter à des conditions plus froides, mais les spécialistes considèrent actuellement que les conditions climatiques canadiennes sont non propices à son établissement; conséquemment, le risque que la maladie se propage au Canada s’avère présentement faible pour la prochaine décennie.

Il n’y a pas de médicaments spécifiques permettant de traiter la maladie. Le traitement vise à soulager les symptômes (traitement de support), par des interventions de nature antalgique et antipyrétique. Puisque les symptômes initiaux sont similaires à ceux de la fièvre dengue (transmise par les mêmes vecteurs), il peut y avoir confusion de diagnostic par le personnel médical. Aucun vaccin n’est actuellement disponible pour prévenir l’infection toutefois, des essais visent actuellement à en préparer un.

Santé Canada et l’Institut national de santé publique du Québec considèrent qu’il faut prendre sérieusement l’état de situation à l’égard de cette maladie dans les régions endémiques; jusqu’à maintenant peu d’agences de voyages informent les voyageurs de ce risque. Aux voyageurs se dirigeant vers les destinations « soleil » des Caraïbes, de l’Amérique Centrale et du Sud, des actions préventives doivent être considérées. La prévention contre les piqures de moustiques est donc fortement recommandée en tenant compte que les espèces de moustiques visées sont diurnes, donc susceptibles de piquer durant la journée. Dans ce contexte, les recommandations usuelles sont applicables : porter des vêtements longs et de couleur pâle, des chaussures fermées avec des bas remontant jusqu’au pantalon, utiliser un insectifuge reconnu, préférablement à base de DEET, s’assurer que les bâtiments sont pourvus de moustiquaires adéquats (dans certaines régions ou pays, il est aussi souhaitable que le lit possède son propre moustiquaire). Il faut aussi préciser que le moustique est « urbain », ce qui implique la possibilité d’être infecté dans les villes. Pour conclure, il faut préciser que le virus est transmissible par transfusion sanguine; en conséquence, toute personne ayant reçu un diagnostic pour cette maladie doit s’abstenir de participer à une clinique de collecte de sang. [PC]

Avec la collaboration de Mirna Panic (INSPQ)

 

Liens d’intérêt :

Recommandations aux voyageurs du Gouvernement du Canada :

http://voyage.gc.ca/voyager/sante-securite/maladies/chikungunya

Agence de la santé publique du Canada :

http://www.phac-aspc.gc.ca/tmp-pmv/notices-avis/notices-avis-fra.php?id=120

 

Références :

Centers for Disease Control: http://www.cdc.gov/chikungunya/geo/americas.html

Emerging Infectious Diseases (2014): http://wwwnc.cdc.gov/eid/article/20/8/pdfs/14-0333.pdf

InVs (2014) : http://www.invs.sante.fr/Dossiers-thematiques/Maladies-infectieuses/Maladies-a-transmission-vectorielle/Chikungunya/Donnees-epidemiologiques/France-metropolitaine/Chikungunya-et-dengue-Donnees-de-la-surveillance-renforcee-en-France-metropolitaine-en-2014

Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (2014) : http://www.inpes.sante.fr/CFESBases/catalogue/pdf/1462.pdf

Institut national de santé publique du Québec. Évaluation de l’émergence possible du virus Chikungunya et du risque de transmission vectorielle au Québec, 38p. (Morgan et al.). À paraître.

Institut Pasteur : http://www.pasteur.fr/fr/institut-pasteur/presse/fiches-info/chikungunya

Powers (2014) Risks to the Americas associated with the continued expansion of chikungunya virus: http://vir.sgmjournals.org/content/early/2014/09/19/vir.0.070136-0.full.pdf

Relevé des maladies transmissibles au Canada (janvier 2015) : http://www.phac-aspc.gc.ca/publicat/ccdr-rmtc/15vol41/dr-rm41-01/comment-fra.php

Tsetsarkin et al (2007) A single mutation in Chikungunya virus affects vector specificity and epidemic potential: http://journals.plos.org/plospathogens/article?id=10.1371/journal.ppat.0030201