15 juin 2011

Nouvelles données sur l’impact environnemental de l’exploitation du gaz de schiste

Publication

En mai dernier, des chercheurs de l'Université Duke, en Caroline du Nord, ont publié dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences les résultats de leurs travaux portant sur l’impact de l’exploitation des gaz de schiste sur les réserves d’eau potable souterraines. Dans leur étude intitulée « Methane contamination of drinking water accompanying gas-well drilling and hydraulic fracturing », Osborn et coll. (2011) ont démontré que le risque de contamination des aquifères par le gaz naturel est accru dans les milieux situés à proximité des puits d’extraction en exploitation.

Pour parvenir à cette conclusion, les membres de l’équipe de recherche ont procédé à l’évaluation des concentrations de méthane (principal constituant du gaz naturel) dans l’eau de 60 puits d’eau potable localisés dans les États de Pennsylvanie et de New York, aux États-Unis. Il est à noter que ces deux États américains sont situés sur une formation géologique riche en hydrocarbures légers (Shale de Marcellus) exploitée par l’industrie gazifière. Les chercheurs ont scindé le pool de 60 puits d’approvisionnement en eau potable en deux groupes distincts, soit un premier groupe de 26 puits situés à moins d’un kilomètre d’une plateforme d’extraction de gaz de schiste active et un second groupe de 34 puits situé dans un rayon supérieur à un kilomètre de tout site d’extraction. Les résultats de leur étude ont montré que 85 % des puits étaient contaminés par le méthane et que la concentration moyenne de ce gaz dans ceux localisés près des secteurs de forage était 17 fois plus élevée que celle mesurée dans les puits au-delà d’un kilomètre (19,2 versus 1,1 mg CH4/L). Des concentrations en méthane dissous atteignant le seuil d’intervention du département américain de l’intérieur (soit 10 mg/L) ont par ailleurs été mesurées dans 13 des 60 puits investigués.

Outre ces mesures, les membres de l’équipe de recherche ont également défini la signature géochimique (ratio méthane – hydrocarbures complexes) et isotopique du gaz dissous recueilli afin d’identifier la nature et la source de ce dernier. Cette procédure permet de distinguer une source biogénique (production récente par les bactéries méthanogènes du sol) d’une source thermogénique (dégradation thermique de la matière organique mature enfouie dans les couches géologiques profondes) du gaz échantillonné. Les analyses ont montré que les hydrocarbures légers présents dans l’eau du groupe de puits situé à moins d’un kilomètre des sites d’exploitation de gaz étaient de source thermogénique et que leurs caractéristiques chimiques correspondaient à celles du gaz naturel extrait par certaines entreprises actives dans la région à l’étude.

En plus de ces travaux, l’équipe de chercheurs a également procédé à certaines analyses chimiques des échantillons d’eau prélevés afin d’y déceler la présence de divers contaminants. Les résultats n’indiquaient aucune contamination de la nappe phréatique par les eaux de fracturation ainsi que par les eaux saumâtres naturellement présentes dans les interstices des formations géologiques profondes de la région étudiée.

Face à ce constat, l’équipe de recherche a fait état de trois hypothèses susceptibles d’expliquer la présence de gaz naturel de nature thermogénique dans l’eau de certains puits échantillonnés :

  • Le gaz naturel aurait migré verticalement et de manière naturelle, empruntant les anfractuosités du substrat rocheux existantes, pour atteindre la nappe phréatique;
  • La fracturation hydraulique aurait engendré la formation de nouveaux réseaux de fissures dans le socle rocheux menant au transport vertical du gaz naturel vers la nappe phréatique;
  • Le gaz naturel se serait échappé par les coffrages de ciment isolant les puits de gaz de schiste de la nappe phréatique; ces derniers n’étant pas entièrement étanches.

Selon les auteurs, la première hypothèse n’est pas plausible. Quant à la deuxième hypothèse, les chercheurs mentionnent que celle-ci demeure peu probable dans le contexte où les formations rocheuses recouvrant les horizons riches en hydrocarbures possèdent une épaisseur variant entre 1 000 et 2 000 mètres d’épaisseur. En ce qui concerne la troisième hypothèse, ils concluent que de nouvelles études portant sur les processus impliqués dans la contamination de la nappe phréatique sont nécessaires afin de mieux comprendre les effets environnementaux et sanitaires en lien avec cette industrie. De façon complémentaire, ces derniers sont d’avis qu’un cadre réglementaire est nécessaire afin d’assurer la pérennité de ce type d’exploitation. [PP]

Source : www.pnas.org/content/early/2011/05/02/1100682108.full.pdf+html