17 février 2000

La gestion de l'eau : un enjeu majeur pour la santé et le bien-être des Québécois

Article
Auteur(s)
Louis-Marie Poissant
Direction de la santé publique de l’Abitibi-Témiscamingue
Claudine Christin
Direction de la santé publique de Montréal
Marie Chagnon
Direction de la santé publique de la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine
Pierre Lainesse
Direction de la santé publique de Chaudière-Appalaches
Jean-Marc Leclerc
M. Sc., conseiller scientifique, Institut national de santé publique du Québec

Le Comité de santé environnementale du Québec (CSE) et le Conseil des directeurs de santé publique du Québec ont déposé le 22 novembre dernier à Laval un mémoire à la Commission sur la gestion de l’eau au Québec. Le Conseil profitait ainsi de la consultation publique menée par le Bureau d’audience publique sur l’environnement (BAPE) pour faire valoir les éléments essentiels que le gouvernement devrait considérer dans sa future politique sur l’eau afin que la gestion de l’eau atteigne véritablement l’objectif de protection de la santé publique spécifié dans le document de consultation du gouvernement du Québec.

La manière de gérer l’eau et les choix que cela suppose sont intimement liés à la santé et au bien-être de la population québécoise. De la contamination de l’eau potable à la résolution des conflits d’usage dus à l’eau, en passant par la réduction des inégalités, l’éventail des interactions entre la santé des populations et les choix de gestion de l’eau est très large et fait de cette dernière un enjeu majeur pour maintenir et améliorer la santé et le bien-être des Québécois. Le mémoire du CSE intègre ainsi non seulement des thèmes plus classiques en santé publique comme la qualité de l’eau potable et de baignade, mais propose aussi des approches plus novatrices comme la gestion des conflits de l’eau par la concertation et le soutien aux communautés, la lutte aux inégalités et l’ouverture à un contrat mondial sur l’eau.

Prévenir plutôt que guérir est une maxime qui a toujours sa valeur en matière de santé publique. Ainsi, les directeurs de santé publique sont d’avis qu’il faut traiter les problèmes de santé reliés à l’eau en abordant l’amont avant l’aval. C’est pourquoi, par exemple, il importe de mettre l’emphase sur la qualité de l’eau rejetée en amont plutôt que d’investir des sommes importantes en traitement de l’eau dans les communautés en aval. Pour permettre aux différents acteurs d’un secteur donné de débattre de leurs positions et de résoudre les conflits entre les communautés, le CSE demande à la Commission de recommander la mise sur pied d’un processus de concertation et de soutien aux communautés et d’explorer ainsi plus à fond l’approche par bassin versant.

Par ailleurs, la plupart des règlements et des programmes gouvernementaux touchant l’eau doivent être modernisés puisqu’ils ne tiennent pas compte des données épidémiologiques les plus récentes. C’est le cas du Règlement sur l’eau potable qui a d’ailleurs une incidence majeure sur la santé de la population québécoise. D’autres règlements sont peu appliqués ou le sont de façon inégale, tandis que certains programmes ne répondent pas, dans leur conception même, à un objectif de protection de la santé publique alors que cela devrait être le cas. Le CSE et le Conseil des directeurs de santé publique réclament donc une modernisation immédiate de la réglementation et des programmes contrôlant la qualité de l’eau. Ils ne croient pas qu’il faille attendre une absence d’incertitudes scientifiques sur les risques pour la santé avant d’agir. Les directions de la santé publique du Québec sont plutôt d’avis que, dans de telles circonstances, la prévention et la protection de la santé des personnes exigent à la fois une amélioration des connaissances scientifiques mais aussi une action immédiate du gouvernement en prenant les mesures nécessaires pour réduire l’exposition de la population aux contaminants.

Le CSE réclame également dans son mémoire un accès de base pour tous les Québécois à une eau de qualité et en quantité suffisante. Il est primordial que cette mesure d’équité soit considérée dans la future politique gouvernementale sur l’eau afin que les groupes les plus démunis de la société ne soient pas encore une fois laissés pour compte lors des débats qui auront lieu sur la tarification de l’eau, la privatisation ou la gestion déléguée des réseaux d’aqueducs. Il s’agit d’un principe essentiel pour assurer la santé de la population du Québec, celle d’aujourd’hui et de demain.

Finalement, la prise en compte de l’ensemble des impacts de la gestion de l’eau sur la population et le territoire québécois amène le CSE et les directeurs de santé publique à élargir leur cadre d’analyse à toute la planète. En effet, l’eau constituera un enjeu majeur du 21e siècle. Or, avec 0,1 % de la population mondiale, le Québec détient environ 3 % des réserves mondiales renouvelables en eau douce. Oublier cette donnée, c’est courir le risque de laisser à nos enfants une situation conflictuelle inacceptable. C’est pourquoi le Conseil des directeurs de santé publique recommande la participation du Québec à l’élaboration d’un contrat mondial d’accès de base à l’eau potable. À ce titre, l’exportation d’un savoir-faire dans la gestion de l’eau et de produits à valeur ajoutée nécessitant de l’eau apparaît contribuer à un avenir plus réaliste que la simple exportation d’eau brute en vrac.

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