14 décembre 2006

Environnements et santé : le point de vue des Montérégiens

Article
Auteur(s)
Isabelle Tardif
M. Sc., agente de planification, de programmation et de recherche, Direction de santé publique de la Montérégie
Carmen Bellerose
Direction de santé publique de la Montérégie

L’importance de l’environnement comme déterminant de l’état de santé n’est plus à démontrer et s'inscrit comme fondement de l’action de santé publique depuis plus de vingt ans déjà. La Direction de santé publique (DSP) de la Montérégie, à l’instar des citoyens et de plusieurs organismes du milieu, partage des préoccupations environnementales et de protection de la santé des communautés. Si la DSP s’implique activement par des actions de prévention et de protection liées aux environnements naturel et bâti, la perception et les comportements qu’ont les Montérégiens face à leurs environnements demeurent des éléments essentiels à explorer. En effet, comprendre comment les Montérégiens perçoivent ces environnements et agissent face à certains de leurs risques peut influencer le choix des stratégies d’actions auprès des citoyens.

La Montérégie en bref

Avec une population de plus de 1 365 000 habitants en 2006, la Montérégie est la deuxième région la plus populeuse du Québec. Divisée en trois principales entités géographiques (rurale, urbaine et semi-urbaine), la Montérégie occupe une superficie de 11 131 km2 où se côtoient des zones urbanisées, d’importantes zones industrielles, d’immenses étendues agricoles (85 % du territoire étant zoné agricole) et un réseau routier dense et ramifié. La densité de sa population, dans les 180 municipalités qui la composent, est très hétérogène. Des préoccupations associées à l’urbanité et la ruralité demeurent bien présentes en Montérégie.

Ce territoire du Québec méridional affiche un environnement parfois perturbé par la pression des activités humaines : un fleuve et des rivières pollués par des rejets industriels, agricoles, municipaux et résidentiels ; la région est au premier rang des terrains contaminés (n = 1 878) et en seconde place pour les sites industriels contaminés (n = 53) ; la région est influencée par des rejets de polluants atmosphériques locaux, nationaux et internationaux.

Objectifs

L’étude Des environnements physiques sains et sécuritaires: enquête auprès des Montérégiens a été réalisée dans le but d’apporter un complément d’information au Rapport de la directrice de santé publique de la Montérégie 2006 portant sur le thème des environnements physiques. D’après ce rapport, la qualité de l’eau et de l’air, la présence d’un imposant réseau routier, l’étalement urbain permettant la cohabitation entre zones industrielles (ou agricoles) et milieux résidentiels constituent quelques-uns des facteurs qui favorisent le développement de plusieurs problèmes de santé tels que l’accroissement du nombre de cas de cancers, de maladies respiratoires, de traumatismes ou encore, la diminution de la qualité de vie des citoyens par l’augmentation du niveau de bruit ou des mauvaises odeurs.

Plus spécifiquement, l’enquête visait à obtenir, auprès des Montérégiens, des données sur leur perception de la qualité et de la sécurité de leurs environnements naturel et bâti, sur la présence de certains facteurs qui influencent la qualité et la sécurité de ces environnements, et sur l’adoption, par les individus, de comportements favorables à la santé(a). Pour les besoins du présent article, nous avons retenu les thématiques de santé environnementale qui font moins souvent l'objet d'enquêtes de population.

Méthodologie

Cette enquête visait la population âgée de 18 ans et plus et vivant en Montérégie en ménages privés. La méthode retenue pour l’étude était une entrevue téléphonique d’une durée de 15 minutes auprès d’une personne du ménage, choisie de façon aléatoire, répondant pour elle-même. Le plan de sondage prévoyait une représentation de la zone rurale et de la zone urbaine de la région, définies en fonction de la taille et de la densité de population de chacune des municipalités de la région. Pour chacune de ces zones, les ménages ont été sélectionnés au hasard à partir de l'annuaire téléphonique parmi l’ensemble des ménages abonnés à un service téléphonique résidentiel. La réalisation des entrevues a été confiée à une firme de sondages. Les entrevues se sont déroulées entre le 20 mars et le 9 avril 2006 auprès de 777 répondants, soit 390 en milieu urbain et 387 en milieu rural, pour un taux de participation de 60 %. La majorité des questions utilisées pour les entrevues ont été élaborées spécifiquement pour cette enquête. Les résultats présentés sont basés sur des données pondérées et tiennent compte de l’effet du plan de sondage. À l’échelle régionale, la marge d’erreur est de 4 %, 19 fois sur 20.

Vagues de chaleur

Depuis quelques années, les vagues de chaleur accablante qu’ont connues plusieurs pays font la manchette. Les impacts des canicules sur la santé de la population ne sont plus à démontrer. Les effets engendrés par la chaleur (crampes, épuisement, coup de chaleur, etc.) sont plus fréquents chez certains groupes de personnes, notamment les gens de 65 ans et plus, chez qui on observe le plus haut taux de mortalité. La Montérégie n’échappe pas au phénomène des canicules et on appréhende même une augmentation de leur fréquence et de leur durée.

En Montérégie, 1 adulte sur 5 se dit être très incommodé par les vagues de chaleur intense quand il est dans son logement ou dans sa résidence. Cette proportion de personnes très incommodées est plus élevée chez les locataires (30 %) que chez les propriétaires (17 %), et plus élevée en milieu urbain (22 %) qu’en milieu rural (13 %).

Si on ajoute les Montérégiens mentionnant être plutôt incommodés, on peut considérer qu’environ 2 adultes sur 5 ne sont pas confortables dans leur logement pendant les périodes de canicule. Cette proportion a d’ailleurs tendance à être plus importante chez les 18-29 ans (51 %) que chez les 65 ans (29 %) (figure 1).

Figure 1. Population (%) incommodée par la chaleur dans leur logement pendant les périodes de canicule, selon l’âge. Avril 2006

Un peu plus de la moitié (54 %) des Montérégiens de 18 ans et plus vivent dans un domicile où on utilise un climatiseur en été, cette situation étant plus répandue en milieu urbain (57 %) qu’en milieu rural (47 %).

Les gens qui n’utilisent pas de climatiseur déclarent, dans une proportion de 45 %, être incommodés par la chaleur. Parmi ces derniers, seulement 2 personnes sur 5 disent sortir de leur résidence pendant les périodes de canicule pour fréquenter des endroits climatisés comme les centres d’achats, les cinémas, etc.

Qualité de l’air extérieur

Même si les effets sur la santé ne sont pas toujours détectables à court terme, on sait que la pollution atmosphérique a un impact non négligeable sur la santé de la population. En effet, l’ensemble de la population est exposé à des polluants provenant principalement des secteurs du transport, de l’industrie et du chauffage. Le lien entre l’augmentation de la charge de polluants dans l’air extérieur et l’augmentation de la morbidité et de la mortalité a été démontré au niveau épidémiologique.

Près de 85 % des Montérégiens de 18 ans et plus indiquent être tout à fait d’accord avec l’énoncé affirmant que la pollution atmosphérique peut affecter la santé. Environ 2 personnes sur 3 (65 %) sont aussi convaincues que les individus peuvent intervenir efficacement pour réduire la pollution atmosphérique. L’enquête a tenté d’explorer le sujet pour vérifier dans quelle mesure les citoyens posent des gestes concrets et significatifs pour diminuer la pollution atmosphérique. Deux avenues ont été examinées: le chauffage au bois et l’utilisation de l’automobile.

Sur les 39 % des ménages faisant usage d’un poêle à bois ou d’un foyer, plus de la moitié (57 %) déclarent avoir diminué l’utilisation du chauffage au bois pour réduire la pollution atmosphérique. On ignore toutefois si ce comportement est habituel ou occasionnel.

Par ailleurs, la majorité des répondants de 18 ans et plus (90 %) conduisent une automobile, ne serait-ce qu’à l’occasion. Parmi ceux-ci, 36 % utilisent le transport en commun ou le covoiturage sur une base régulière ou occasionnelle, 18 % des conducteurs précisant le faire à tous les jours (6 %) ou à l’occasion (12 %) parce qu’ils se soucient de la pollution.

De plus, 85 % et 69 % des automobilistes,déclarent qu’il leur arrive respectivement d’éviter de faire tourner inutilement le moteur de leur véhicule ou de rouler moins vite. Cependant, à peine 10 % des conducteurs déclarent avoir déjà appliqué ces trois règles, au moins à l’occasion, et ce, dans le but précis de diminuer la pollution atmosphérique. Les autres automobilistes ne seraient pas réfractaires pour autant aux mesures visant à diminuer la pollution atmosphérique. À titre d’exemple, mentionnons qu’environ 2 propriétaires d’automobile sur 5 (42 %) indiquent que la réduction de la pollution atmosphérique pourrait être un critère très important dans le choix de leur prochain véhicule.

Aménagement du territoire

Les éléments d’aménagement du territoire explorés par l'enquête sont l'aménagement du quartier résidentiel et la pratique de la marche, les nuisances olfactives et les nuisances sonores en milieu résidentiel. On reconnaît maintenant un lieu direct entre l'aménagement du territoire, notamment des milieux résidentiels, et la santé et la sécurité des communautés. Cet aménagement peut faciliter l'adoption de comportements favorables à la santé, tels que la pratique de la marche.

Pratique de la marche et milieu résidentiel

Environ 9 Montérégiens sur 10 considèrent que leur quartier est attrayant pour la marche (89 %) ou sécuritaire du point de vue de la criminalité (91 %). Dans une proportion de 81 %, ils se sentent en sécurité pour marcher par rapport à la circulation automobile. Enfin, l’éclairage du quartier et la présence de sentiers et de trottoirs sont jugés satisfaisants pour la pratique de la marche respectivement par 73 % et 65 % des Montérégiens. Notons de plus, toutes proportions gardées, que les Montérégiens vivant en milieu urbain sont plus nombreux qu’en milieu rural à dire que :

  • leur milieu résidentiel est bien éclairé pour la marche (78 % c. 53 %);
  • les trottoirs et sentiers sont facilement accessibles pour la marche (70 % c. 45 %);
  • leur quartier est sécuritaire pour la marche quant à la circulation automobile (84 % c. 71 %).

Environ huit personnes sur dix déclarent marcher souvent (54 %) ou à l’occasion (27 %) dans leur milieu résidentiel. Les populations de milieu rural et de milieu urbain ne se distinguent pas à cet égard. Une proportion plus élevée d’hommes (23 %) que de femmes (14 %) déclarent ne jamais marcher ou le faire rarement.

Les raisons pour ne pas marcher sont certes nombreuses. Un motif personnel, tel le manque de temps, un problème de santé ou le fait de ne pas aimer marcher sont indiqués par 79 % des non-marcheurs. Cependant, une proportion tout aussi élevée identifie au moins un motif lié à l’environnement de leur quartier (mauvais éclairage, circulation automobile, manque de trottoirs, etc.).

L’enquête révèle également qu’en milieu rural, les marcheurs sont proportionnellement plus nombreux que les non-marcheurs à affirmer que leur milieu résidentiel est attrayant pour la marche (65 % c. 49 %) et à considérer leur environnement plutôt sécuritaire par rapport à la circulation automobile (76 % c. 53 %). En milieu urbain, les marcheurs sont plus nombreux que ceux du milieu rural à identifier la proximité des commerces comme un facteur favorable à la marche (49 % c. 37 %).

Nuisances olfactives

Les mauvaises odeurs sont généralement considérées comme une nuisance mais peuvent aussi représenter une source de symptômes tels que maux de tête, nausées, irritation des yeux et de la gorge pour certaines personnes.

Dans le cadre de cette enquête, les Montérégiens ont été invités à indiquer la fréquence à laquelle ils percevaient des odeurs désagréables dans leur environnement résidentiel (souvent, à l’occasion, rarement ou jamais). Les sources d’odeur prises en compte étaient celles provenant d’activités industrielles, commerciales ou agricoles. À cette question, 37 % des adultes de la Montérégie ont répondu être exposés souvent ou à l’occasion à au moins une source d’odeur désagréable. Cette proportion est plus élevée en milieu rural (53 %) qu’en milieu urbain (33 %), essentiellement à cause des activités agricoles. En ce qui concerne les sources d’odeur, 30 % des Montérégiens identifient les activités agricoles comme source d’odeur désagréable, 11 % pour les activités industrielles et 7 % pour les activités commerciales (figure 2).

Figure 2. Population (%) exposée à certaines sources d’odeurs dans l’environnement résidentiel, selon la présence perçue d’effet sur la santé ou le bien-être. Avril 2006

Parmi les adultes exposés à une de ces sources d’odeur, environ 20 % considèrent que leur santé ou leur bien-être en sont affectés. Ces proportions ne varient pas de façon significative entre les populations des milieux rural et urbain.

Au sein de l’ensemble de la population de la Montérégie, on estime donc à environ 8 % la proportion d’adultes qui se disent incommodés par au moins une source d’odeurs provenant d’activités agricoles, industrielles ou commerciales.

Nuisances sonores

Même si les impacts du bruit communautaire sur la santé sont peu documentés, ce « contaminant » de l’environnement peut rapidement devenir source de stress ou engendrer des troubles du sommeil. Un aménagement adéquat du milieu résidentiel devrait viser l’établissement d’un climat sonore approprié et ainsi limiter les conflits d’usage associés au bruit.

Ainsi, environ 8 adultes sur 10 déclarent être exposés à au moins une source de bruit dans leur environnement résidentiel. La source de bruit la plus fréquemment reconnue est celle du trafic routier: environ une personne sur 3 déclare y être souvent exposée et plus d’une personne sur 5 entend parfois un tel bruit. Les bruits provenant d’activités aériennes, ferroviaires ou de camionnage sont tous les trois rapportés par 3 résidants sur 10. Les véhicules récréatifs (motoneige, motomarine, véhicule tout-terrain, etc.) contribent à l’environnement sonore de plus de 20 % de la population. Quant aux activités industrielles et commerciales, une personne sur 10 les identifie comme sources de bruit dans leur environnement résidentiel (figure 3).

Figure 3. Population (%) exposée à certaines sources de bruit dans le milieu résidentiel, selon la présence d’effets sur le mode de vie. Avril 2006

Le milieu rural se distingue par une plus forte proportion de résidants qui déclarent entendre souvent des bruits provenant du trafic routier (43 % c. 32 %), d’entreprises d’entreposage ou de transport (25 % c. 14 %) ou de véhicules récréatifs (18 % c. 6 %). Le milieu urbain se démarque quant à lui par une proportion plus élevée de résidants exposés au bruit de trafic aérien (34 % c.17 %). Selon les données du sondage, plus du tiers des personnes exposées à une source de bruit en seraient incommodées, que ce soit en milieu rural (37 %) ou en milieu urbain (35 %). Aux fins de cette enquête, une personne est considérée incommodée si un bruit qu’elle déclare entendre souvent ou parfois a comme effet, souvent ou à l’occasion, de nuire à son sommeil ou de limiter ses activités extérieures.

Selon cette définition, environ 275 000 adultes sont ainsi incommodés par au moins une source de bruit, soit 28 % de tous les Montérégiens de 18 ans et plus. Les sources de bruit jugées les plus incommodantes sont les mêmes en milieu rural qu'en milieu urbain. Le trafic routier gêne 15 % des Montérégiens, tandis que les entreprises de transport et d’entreposage incommodent 9 % de la population de 18 ans et plus. Cette dernière proportion semble plus élevée en milieu rural qu’en milieu urbain (14 % c. 8 %). Il en est de même pour les véhicules récréatifs, qui perturbent le sommeil et les activités de 10 % des résidants ruraux contre 5 % des citadins.

Conclusion

Les environnements physiques portent la marque des activités humaines. Qu’ils soient naturels ou bâtis, les environnements physiques nous exposent à des risques très diversifiés. Même si le fait de rendre nos environnements physiques sains et sécuritaires peut représenter un défi, cela ne requiert parfois que de simples adaptations pour prévenir une atteinte à la santé et à l’intégrité des personnes. De nombreux problèmes de santé peuvent et doivent ainsi être évités.

L’enquête a permis de recueillir des données inédites sur certaines perceptions des Montérégiens à l’égard de leurs environnements naturel et bâti. Elle met en lumière différents facteurs qui influencent la qualité et la sécurité de ces environnements, et vérifie l’adoption de comportements favorables à la santé liés aux environnements. Elle tend aussi à montrer un certain niveau de préoccupation quant aux impacts de la qualité de l’air extérieur sur la santé.

L’adoption parfois limitée des citoyens de comportements favorables à la santé laisse penser qu’il sera nécessaire de revoir ou d’accentuer les stratégies d’action auprès de la population.

Somme toute, les données obtenues par cette enquête permettent d’alimenter la réflexion des intervenants concernés de la Montérégie quant à leurs pratiques et à leurs modes d’intervention en vue du maintien et de l’amélioration de la qualité et de la sécurité des environnements physiques dans les communautés.

(a) Le présent article a été élaboré à partir d'éléments contenus dans le document  Des environnements physiques sains et sécuritaires: enquête auprès des Montérégiens. Faits saillants - Santé publique. Disponible sur le web (www.rrsss16.gouv.qc.ca/sante publique/index.htm).