Environnement bâti

L’insalubrité dans l’habitation : vers une approche commune au Québec?

L’amélioration des conditions d’hygiène, notamment la qualité de l’air intérieur et les conditions de vie dans les habitations québécoises, constitue un enjeu de santé publique qui préoccupe les autorités provinciales et municipales depuis la fin du XIXe siècle. À cette époque, la croissance démographique, le développement industriel et les nouvelles connaissances sur la transmission des maladies infectieuses imposaient et rendaient possible à la fois la mise en place de mesures d’hygiène publique mieux structurées1.

Au cours des dernières décennies, l’augmentation du nombre de plaintes et de demandes d’information aux Directions de santé publique (DSP) de la part de citoyens témoigne de la persistance et de l’ampleur du problème2. Le manque d’entretien du parc immobilier, l’étanchéité accrue des nouvelles habitations et le vieillissement de la population sont susceptibles de contribuer, au cours des années à venir, à une diminution de la qualité de l’environnement intérieur ainsi qu’à la réémergence de conditions pouvant mener à des situations d’insalubrité.

Au Québec, l’insalubrité résidentielle est de compétence municipale. Cependant, on observe parfois la présence de zones grises en matière de gestion des situations d’insalubrité, faisant ainsi en sorte que divers intervenants peuvent être sollicités afin de donner suite à la déclaration d’un cas problématique (p. ex. inspecteurs municipaux, professionnels de santé publique, intervenants en services sociaux, pompiers, etc.). L’établissement d’une collaboration étroite entre ces intervenants apparaît donc primordial pour gérer efficacement de telles situations. À l’heure actuelle, l’absence de définition légale relative au concept d’insalubrité, ainsi que la disparité des outils généralement utilisés dans la gestion de ces situations, nuisent à la collaboration entre les divers partenaires.

Une vision intégratrice et stratégique de l’environnement bâti

L’environnement bâti, défini comme tout élément de l’environnement physique construit par l’intervention humaine (Bergeron et Reyburn, 2010), est un déterminant de la santé reconnu. Que ce soit les conditions des logements, l’organisation spatiale des infrastructures de transport ou les caractéristiques d’aménagement des quartiers, l’environnement bâti influence les environnements physiques intérieurs et extérieurs, de même que les environnements sociaux et, de façon subséquente, la santé et la qualité de vie (Champagne, 2004). Il joue par ailleurs un rôle important dans les inégalités de santé, les individus en situation de vulnérabilité occupant plus fréquemment des logements en moins bonnes conditions et situés dans des quartiers plus dégradés, ayant potentiellement des effets néfastes sur la santé (Hutch et al., 2011; Miller et al., 2011; Rauh et al., 2008; Bernard et al., 2007).

Mon habitat : plus qu’un simple toit – Expérience du projet pilote de Baie-Saint-Paul

L’enquête « Mon habitat : plus qu’un simple toit » couvre un ensemble de problématiques associées à l’habitat (le logement et l’environnement à proximité), qui ont le potentiel de conduire à des effets sur la santé des occupants. Elle s’inspire de l’enquête paneuropéenne LARES réalisée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) dans huit municipalités distinctes à travers l’Europe en 2002-2003 (Braubach, 2007), dont le but était d’évaluer, à travers la perception des citoyens et l’observation visuelle du logement par une personne habilitée, les enjeux de santé associés aux conditions d’habitation. La particularité du projet LARES est l’utilisation d’une démarche concertée avec la ville, dont les résultats ont pour finalité : 1) d’informer et de sensibiliser les décideurs sur les priorités d’intervention en lien avec la santé à l’échelle locale et 2) de les outiller dans la prise de décision afin de favoriser la mise en place de solutions durables.

La définition d’habitat utilisée dans le cadre de l’enquête LARES et, par le fait même, celle de l’enquête « Mon habitat : plus qu’un simple toit », est celle proposée par l’OMS. Elle intègre une vision élargie de l’habitat et fait intervenir quatre grandes dimensions, soit le foyer comme lieu d’intimité et de refuge du monde extérieur, le logement et ses aspects de sécurité et d’accessibilité, la communauté et son climat social ainsi que la qualité du design urbain de l’environnement immédiat au logement.

Le Projet Habitat : documenter l’environnement bâti dans les milieux urbains défavorisés en Montérégie pour agir efficacement sur les inégalités environnementales

Tel qu’explicité dans les articles publiés conjointement dans ce numéro du BISE, l’environnement bâti et, plus largement les conditions d’habitat, exercent une forte influence sur plusieurs problématiques de santé, telles que les maladies chroniques ou respiratoires (asthme, maladies cardiovasculaires, allergies, obésité, etc.), la santé mentale ou les traumatismes (Bergeron & Reyburn, 2010; Institut canadien d'information sur la santé, 2006; Robitaille, 2009).

Il est dorénavant bien documenté qu’ensemble, les facteurs socioéconomiques et l’environnement physique ont une influence plus importante sur l’état de santé que les soins de santé (respectivement 60 % et 25 %) (Sous-comité sénatorial sur la santé des populations, 2009). Ainsi, la défavorisation, qu’elle soit matérielle ou sociale, conditionne à différents degrés l’environnement dans lequel vivent les populations (Pampalon & Raymond, 2003). Par exemple, les populations défavorisées peuvent être contraintes à vivre dans des quartiers situés près des sources de pollution ou de risque (autoroute, industries, etc.), ou encore dans lesquels les logements sont anciens et vétustes (Institut canadien d'information sur la santé, 2006).