Rapport sur la surveillance de laboratoire des souches d'entérobactéries résistantes aux carbapénèmes isolées au Québec entre octobre 2011 et décembre 2012
L'émergence récente des entérobactéries résistantes aux carbapénèmes (ERC) est un problème de santé majeur, car ces bactéries sont résistantes à plusieurs classes d'antibiotiques ce qui peut conduire à des impasses thérapeutiques. La résistance aux carbapénèmes peut être secondaire à plusieurs mécanismes, dont la production de carbapénèmases. Les 3 catégories de carbapénèmases en émergence chez les entérobactéries sont les enzymes KPC (Klebsiella pneumoniae productrice de carbapénèmases), NDM (New-Delhi metallo-beta-lactamase,) et OXA-48. La détection des ERC par les tests de laboratoire phénotypiques classiques est difficile et représente un défi pour les laboratoires de microbiologie médicale.
Le programme québécois de surveillance de laboratoire des ERC a été instauré à l'été 2010. Entre octobre 2011 et décembre 2012, 486 souches ont été reçues au LSPQ dans ce cadre et 335 répondaient aux critères d'inclusion. La production de carbapénèmases a été confirmée chez 83 (24,8 %) souches; parmi celles-ci, 70 étaient de type KPC (K. pneumoniae, n = 27). Le gène blaNDM a été retrouvé chez 2 souches de K. pneumoniae, le gène blaOXA-48 chez 2 souches de K. pneumoniae et 2 souches d'E. coli et le gène blaSME (Serratia marcescens enzyme) chez 7 souches de Serratia marcescens. Des mécanismes de résistance autres que la production de carbapénèmases ont également été identifiés chez 252 souches. La surexpression d'une β-lactamase de type AmpC chromosomique possiblement combinée à des mutations au niveau des porines conduisant à une imperméabilité membranaire était le mécanisme le plus fréquemment identifié (177 souches, 52,8 %).
Les souches produisant une enzyme de type KPC étaient généralement résistantes aux 3 carbapénèmes testées ainsi qu'à l'aztréoname et elles se sont avérées majoritairement sensibles à la tigécycline. Les taux de résistance aux aminosides, à la colistine et à la ciprofloxacine étaient variables.
À la lumière de l'analyse des résultats obtenus au cours de la période de surveillance 2010-2011, un nouvel algorithme a été introduit afin de mieux cibler les souches à soumettre au Laboratoire de santé publique du Québec pour études phénotypiques et génotypiques supplémentaires. Cette nouvelle approche s'appuyait sur les derniers critères du document du Clinical Laboratory Standards Institute (CLSI) 2012. Ces nouveaux critères ont permis d'améliorer la qualité du programme principalement en éliminant les souches d'E. cloacae avec de faibles CMIs à l'ertapénème dont le mécanisme de résistance possible était la surexpression de l'AmpC chromosomique combinée à des mutations au niveau des porines.