Effets potentiels sur le bilan de sécurité d'une mesure rendant obligatoire la formation et/ou le certificat de compétence pour les conducteurs de véhicules tout-terrain et de motoneiges de 18 ans et plus

Traitant de l'efficacité potentielle, en matière de sécurité, d'une mesure exigeant une formation et/ou un certificat de compétence pour tous les conducteurs de véhicules tout-terrain (VTT) et de motoneiges au Québec, cet avis répond à une demande adressée par le ministère des Transports du Québec (MTQ). S'appuyant sur une stratégie de recherche documentaire rigoureuse et bénéficiant du soutien d'un comité consultatif multidisciplinaire, cet avis a pour principal objectif de déterminer l'efficacité potentielle d'une formation et/ou d'un certificat de compétence sur les connaissances, attitudes, habiletés et comportements des conducteurs ainsi que sur le bilan de sécurité lié aux VTT et aux motoneiges. Les effets de l'exigence d'une formation et/ou d'un certificat de compétence pour les conducteurs de VTT et de motoneiges étant très peu étudiés, la recherche documentaire a été élargie aux véhicules automobiles et à d'autres véhicules circulant sur la voie publique.

Au Québec, la pratique du VTT et de la motoneige se fait surtout dans un contexte de loisirs. Malheureusement, cette pratique récréative est ternie chaque année par la survenue d'événements causant blessures et décès. Selon les données du Bureau du coroner, il y a en moyenne 27 décès attribuables annuellement à la pratique du VTT et 30 décès attribuables à celle de la motoneige pour les années 1999 à 2008. À ces décès s'ajoutent des blessures ayant nécessité ou non une hospitalisation. Les événements impliquant un VTT ou une motoneige et causant blessures ou décès sont, pour une large part, attribuables aux comportements inadéquats du conducteur. En effet, les principaux facteurs de risque associés à la pratique du VTT sont le non-port du casque, la conduite avec les facultés affaiblies, l'inexpérience du conducteur et la vitesse excessive, tandis que ceux associés à la pratique de la motoneige sont principalement la conduite avec les facultés affaiblies, la vitesse excessive et l'inexpérience du conducteur. La puissance du véhicule et le fait de circuler sur les plans d'eau ou sur la voie publique sont également des facteurs de risque associés à la conduite de VTT et de motoneiges.

Au Québec, les adeptes de VTT et de motoneige doivent être âgés d'au moins 16 ans pour pouvoir conduire de tels véhicules. La loi exige également que les conducteurs âgés de 16 et 17 ans soient détenteurs d'un certificat de compétence obtenu au terme d'une formation spécifique au type de véhicule qu'ils désirent conduire. Ces exigences sont comparables à celles de certaines provinces canadiennes et de certains États américains qui exigent une formation pour les jeunes conducteurs. La principale différence étant au niveau de l'âge minimum requis et du fait que la loi québécoise n'autorise pas les jeunes n'ayant pas l'âge minimum requis à conduire, même sous la supervision d'un adulte.

Les études répertoriées traitant des effets d'une formation à la conduite permettent de formuler un certain nombre de conclusions au regard des effets attendus. En termes d'effets sur les connaissances, attitudes et habiletés des conducteurs, les résultats des études démontrent qu'une formation comportant un volet pratique assez élaboré peut avoir certains effets sur les connaissances et les attitudes des conducteurs et qu'une formation visant l'acquisition d'habiletés très ciblées peut contribuer à améliorer la performance de ces derniers. Cependant, étant donné leur nombre restreint et le contexte très particulier de leur expérimentation, ces études ne permettent pas de conclure qu'un programme de formation universel dispensé à une clientèle diversifiée permet d'améliorer les connaissances, attitudes et habiletés des conducteurs. Le petit nombre d'études s'étant intéressées pour leur part aux effets d'une formation sur les comportements associés au fait de se conformer à la loi, à la conduite avec les facultés affaiblies, aux habitudes de conduite, au fait de vouloir impressionner ses pairs et à la conduite à une vitesse excessive n'ont pas démontré d'effet sur ces différents comportements. Par contre, les études s'étant intéressées aux comportements en termes de port de vêtements de protection chez les motocyclistes démontrent une augmentation statistiquement significative du port de vêtements de protection chez les motocyclistes ayant complété une formation. Les études portant sur les effets d'une formation en termes de diminution du nombre d'infractions concluent quant à elles à l'inefficacité de la formation, à l'exception de certaines études portant sur les conducteurs ayant un mauvais dossier de conduite. Cependant, les résultats de ces études doivent être nuancés puisque ces conducteurs doivent éviter de commettre d'autres infractions sous peine de voir leur permis suspendu. Enfin, au regard des effets sur le bilan de sécurité, la formation semble avoir un potentiel limité en termes de diminution du nombre d'accidents. Les résultats des études ayant démontré une diminution du nombre d'accidents s'appliquent uniquement à une courte période de temps suivant la formation ou à une formation ciblant un type de conducteurs ou conçue pour modifier des comportements spécifiques. Par ailleurs, concernant les effets d'une formation sur le coût moyen des dommages, la sévérité des blessures et le nombre de blessures subies, il n'y a pas suffisamment de données probantes pour conclure à l'efficacité d'une formation sur ces différents indicateurs.

Les travaux portant sur les effets d'une loi exigeant une formation et/ou un certificat de compétence sur les comportements des conducteurs ou sur le bilan de sécurité sont très rares et il est par conséquent difficile de conclure quant à l'effet attendu d'une telle mesure. Cependant, il est à noter que les résultats d'une étude démontrent que le fait de cesser d'exiger un certificat de compétence pour les conducteurs de motocyclettes de petite cylindrée a contribué à augmenter le nombre de blessures, ce qui pourrait constituer une preuve indirecte de l'efficacité d'une telle mesure. Il serait cependant difficile de conclure à l'efficacité d'une telle intervention pour améliorer le bilan de sécurité liés aux VTT et aux motoneiges sur la base de cette seule étude d'autant plus que, comme on l'a vu plus haut, les programmes de formation universels ont un effet limité sur les comportements et sur le bilan de sécurité.

Auteur(-trice)s
Dominique Gagné
conseillère scientifique, Institut national de santé publique du Québec
Type de publication
ISBN (électronique)
978-2-550-63043-2
ISBN (imprimé)
978-2-550-63042-5
Notice Santécom
Date de publication