Écrans et hyperconnectivité - Veille analytique, été 2024
Dans ce numéro :
- Résumés d’articles
- Usage des médias sociaux et sommeil chez les jeunes dans 40 pays
- Usage du téléphone intelligent et de la tablette numérique chez les enfants de 5 à 10 ans : association avec le sommeil et l’activité physique
- Temps d’écran et activité physique : association avec le risque de maladie cardiovasculaire chez les jeunes
- L’utilisation des médias sociaux et l’image corporelle des jeunes adultes
- Nouvelles publications INSPQ
- Autres publications d’intérêts
Résumés d’articles
Usage des médias sociaux et sommeil chez les jeunes dans 40 pays
Contexte
Même si des avantages à l’usage des médias sociaux sont relevés dans la littérature, les recherches se poursuivent quant aux risques qu’ils peuvent présenter pour la santé des jeunes. Elles se penchent notamment sur la relation entre l’usage des médias sociaux et la qualité du sommeil, ce dernier étant un facteur de risque connu de problèmes de santé physique et mentale. La relation entre l’usage des médias sociaux et le sommeil pourrait varier selon le genre, sachant que l’usage même diffère chez les filles et les garçons. Le niveau d’intensité de l’usage peut également jouer un rôle dans la relation entre l’usage des médias sociaux et la qualité du sommeil. En effet, il n’est pas clair si les usages intensif ou problématique contribuent de manière égale, chez les filles et les garçons, à l’apparition de troubles du sommeil, comme les difficultés d’endormissement. Ces variations demeurent à explorer.
Objectif et méthode
L’étude examine les associations entre l’usage intensif ou problématique des médias sociaux et les difficultés d’endormissement chez les jeunes dans 40 pays d’Europe et d’Amérique du Nord. Les données de 2017-2018 de l’enquête Health Behaviour in School‐aged Children ont été utilisées pour cette étude. Un total de 212 613 jeunes âgés de 11 à 15 ans y ont participé. Une analyse de régression a permis d’estimer les associations en fonction du genre, en contrôlant pour d’autres variables dont l’influence sur l’usage des médias sociaux est connue, comme l’activité physique. L’usage intensif est défini par des interactions presque constantes via les médias sociaux et pendant toute la journée. L’usage problématique est défini par la présence de plusieurs aspects comme une difficulté à cesser l’usage, une préoccupation envahissante ou des mensonges fréquents quant à l’usage.
Ce que l’on y apprend
Dans la plupart des pays (30/40 chez les garçons et 33/40 chez les filles), on observe une association entre l’usage problématique des médias sociaux et une plus grande difficulté d’endormissement. Ceci permet aux auteurs de souligner le caractère fortement répandu du phénomène. Les résultats montrent également que les filles avec un usage problématique des médias sociaux ont une probabilité plus élevée (probabilité augmentée de 110 %) de présenter une difficulté d’endormissement que celles chez qui l’usage n’est pas problématique. Cette probabilité est augmentée de 78 % chez les garçons avec un usage problématique, comparativement à ceux qui ne font pas un tel usage. En ce qui a trait à l’usage intensif, celui-ci est également associé à une plus grande difficulté d’endormissement, mais plus modestement et de manière semblable chez les filles (probabilité augmentée de 26 %) que chez les garçons (probabilité augmentée de 21 %). Même si les usages intensif ou problématique ont tous deux montré des associations avec une difficulté à s’endormir, l’usage problématique y est plus fortement associé.
Conclusion
L’étude présente certaines limites que les auteurs soulignent. Notamment, la mesure de l’usage des médias sociaux ne tient pas compte des contextes d’usage qui peuvent affecter différemment le sommeil, par exemple l’usage avant de dormir. Les résultats de l’étude amènent les auteurs à affirmer que les approches de recherche et d’intervention doivent davantage comprendre et considérer les différents profils d’usage selon le sexe et l’intensité d’usage des médias sociaux dans lesquels les jeunes s’engagent. Enfin, les usages problématiques des médias sociaux peuvent représenter un potentiel d’action pour améliorer la qualité du sommeil et prévenir certains troubles physiques ou psychologiques qui y sont associés, comme la dépression chez les jeunes.
Khan A, Thomas G, Karatela S, Morawska A, Werner‐Seidler A. Intense and problematic social media use and sleep difficulties of adolescents in 40 countries. Journal of Adolescence. 2024; jad.12321
Usage du téléphone intelligent et de la tablette numérique chez les enfants de 5 à 10 ans : association avec le sommeil et l’activité physique
Contexte
Les appareils numériques, tels que les téléphones intelligents et les tablettes numériques, sont omniprésents dans les différentes sphères de la vie des enfants. Bien que ces outils puissent être utiles pour accomplir différentes tâches, des études récentes ont associé leur utilisation avec une réduction de la qualité et de la durée du sommeil, ainsi qu’une réduction de la pratique d’activité physique chez les enfants, deux habitudes de vie essentielles à leur sain développement.
Objectif et méthode
Cette étude vise à analyser de façon systématique les associations entre l’utilisation du téléphone intelligent ou la tablette numérique et le sommeil, ainsi que l’activité physique chez les enfants de 5 à 10 ans. Pour ce faire, les auteurs ont procédé à l’analyse de 17 articles scientifiques portant sur l’association entre l’utilisation, excessive ou non, du téléphone intelligent ou de la tablette numérique et différentes mesures associées au sommeil (p. ex. : durée du sommeil, qualité du sommeil) et à l’activité physique (p. ex. : durée et fréquence de l’activité physique) chez les enfants de 5 à 10 ans. Les résultats de ces différents articles ont été combinés et analysés par méta analyse pour chacun des indicateurs à l’étude.
Ce que l’on y apprend
Les résultats des articles analysés indiquent que les enfants qui utilisent plus fréquemment le téléphone intelligent ou la tablette numérique sont plus susceptibles d’avoir une moins bonne qualité de sommeil, une plus faible durée de sommeil, une plus faible efficacité du sommeil (pourcentage du temps passé au lit la nuit qui est réellement passé à dormir), plus de réveils nocturnes, plus de parasomnies (p. ex. : cauchemars, somnambulisme, terreurs nocturnes), de plus longs délais d’endormissement, et plus de pertes de sommeil.
Les résultats de la méta-analyse concernant la durée de sommeil indiquent que les enfants qui utilisent le téléphone intelligent et la tablette numérique sont près de deux fois plus susceptibles d’avoir une plus faible durée de sommeil et environ 50 % plus susceptibles d’avoir une faible qualité de sommeil. Plus spécifiquement, chez les enfants qui font un usage excessif du téléphone intelligent ou de la tablette numérique, pour chaque heure supplémentaire passée à utiliser l’un de ces appareils, la durée de sommeil diminuerait de 11 minutes.
Les résultats relatifs à la pratique d’activité physique indiquent que les enfants qui utilisent plus régulièrement le téléphone intelligent ou une tablette numérique sont significativement moins susceptibles de participer à des activités récréatives ou à pratiquer un sport (p. ex. : soccer ou baseball). À l’inverse, les enfants qui passent moins de temps à utiliser l’un ou l’autre de ces appareils font significativement plus d’activité physique que les enfants qui passent davantage de temps à utiliser l’un de ces appareils.
Conclusion
Bien que les articles analysés dans cette revue comportent certaines limites, entre autres en ce qui a trait à l’utilisation d’outils de mesure validés, les résultats mettent de l’avant les effets délétères de l’utilisation du téléphone intelligent et de la tablette numérique sur la qualité et la quantité de sommeil, ainsi que sur la pratique d’activité physique chez les enfants de 5 à 10 ans. Ces résultats appuient l’importance de limiter le temps d’utilisation chez les enfants et de faire la promotion d’un encadrement parental adéquat afin d’en limiter les effets délétères sur le sommeil ainsi que l’activité physique.
Bacil, E. D. A., da Silva, M. P., Martins, R. V., da Costa, C. G. et de Campos, W. (2024). Exposure to Smartphones and Tablets, Physical Activity and Sleep in Children From 5 to 10 Years Old: A Systematic Review and Meta-Analysis. American Journal of Health Promotion, 08901171241242556
Temps d’écran et activité physique : association avec le risque de maladie cardiovasculaire chez les jeunes
Contexte
Chez les enfants et les adolescents, un temps d’écran élevé et un faible niveau d’activité physique ont été associés à un risque accru de maladie cardiovasculaire, notamment une tension artérielle augmentée, une détérioration du profil lipidique (augmentation du cholestérol non-HDL et diminution du cholestérol HDL) et une résistance à l’insuline. Or, dans cette population, peu d’études ont mesuré les associations entre différentes catégories de temps d’écran, d’activité physique, ainsi que les marqueurs de la santé cardiovasculaire.
Objectif et méthode
Cette étude vise à examiner les associations combinées de différentes intensités de temps d’écran (faible : 0-4 heures/jour; moyen : >4-8 heures/jour; élevé : > 8 heures/jour) et d’activité physique (nombre de pas faible : 1000-6000 pas/jour; moyen : >6000-12 000 pas/jour; élevé >12 000 pas/jour) avec des facteurs de risque de maladie cardiovasculaire. Les auteurs ont analysé les données de l’étude Adolescent Brain cognitive Development (ABCD), composée de 4718 jeunes Américains (2244 filles et 2474 garçons) âgés de 10 à 15 ans.
Le temps d’écran journalier (télévision, films, vidéos, chat vidéo, jeux vidéo, médias sociaux, textos) était compilé à l’aide d’un questionnaire. Le nombre de pas était mesuré à l’aide d’une montre podomètre, portée pendant 21 jours. Les variables de santé cardiovasculaire mesurées étaient la tension artérielle systolique et diastolique (une tension artérielle élevée est un facteur de risque de maladie cardiovasculaire), le niveau d’hémoglobine A1c (qui reflète la glycémie sanguine moyenne des trois derniers mois), le cholestérol total (un taux élevé augmente le risque de maladie cardiovasculaire), et le cholestérol HDL (un taux normal est un facteur de protection, tandis qu’un faible taux est un facteur de risque de maladie cardiovasculaire). Des analyses de régression ont permis d’estimer les associations entre les variables, en contrôlant pour l’âge, le sexe, l’ethnie, le revenu du ménage, le niveau d’éducation et la situation matrimoniale des parents, ainsi que la période de collecte des données.
Ce que l’on y apprend
Les résultats montrent qu’un temps d’écran élevé est associé à de plus hauts percentiles de tension artérielle diastolique et à un plus faible taux de cholestérol HDL, peu importe la catégorie d’activité physique. Chaque heure de temps d’écran quotidien est associée à une augmentation de 0,27 percentile de tension artérielle diastolique et à une diminution de 0,18 mg/dL de cholestérol HDL. Un nombre de pas faible ou moyen est associé à un percentile de tension artérielle diastolique plus élevé, indifféremment de la catégorie de temps d’écran. Chez les jeunes dont le temps d’écran est faible, un nombre de pas faible ou moyen est associé à un taux de cholestérol HDL inférieur, comparativement à un nombre de pas élevé. De plus, chaque tranche de 1000 pas est associée à une diminution de 0,66 percentile de tension artérielle diastolique et à une diminution de 0,58 mg/dL de cholestérol total. Enfin, le temps d’écran et le nombre de pas quotidien (en continu ou par catégories) ne sont pas associés à la tension artérielle systolique. À cet effet, les auteurs mentionnent que des études antérieures démontrent que la tension artérielle diastolique, en comparaison à la tension systolique, est un meilleur prédicteur de risque de maladie cardiovasculaire chez les adolescents. De même, aucune association n’est présente pour l’hémoglobine A1c.
Conclusion
Chez des jeunes Américains, plus de 8 heures de temps d’écran et moins de 12 000 pas par jour sont associés à une moins bonne santé cardiovasculaire. Les auteurs mentionnent quelques limites à leur étude, dont sa nature transversale, la mesure autorapportée du temps d’écran et l’absence de correction pour l’adiposité. Malgré ces limites, les résultats offrent un éclairage supplémentaire pour l’élaboration de directives relatives au temps d’écran et à l’activité physique chez les jeunes.
Nagata JM, Weinstein S, Alsamman S, Lee CM, Dooley EE, Ganson KT, et al (2024). Association of physical activity and screen time with cardiovascular disease risk in the Adolescent Brain Cognitive Development Study. BMC Public Health,18; 24 (1), 1346.
L’utilisation des médias sociaux et l’image corporelle des jeunes adultes
Contexte
Des études récentes suggèrent que les nouvelles plateformes de médias sociaux, telles que TikTok, Snapchat et Instagram, pourraient être associées à des préoccupations sur l’image corporelle. De même, le nombre de plateformes utilisées et le type d’utilisation (axée sur l’apparence ou axée sur la communication) pourraient jouer un rôle sur la satisfaction à l’égard de l’image corporelle. Le rôle de l’âge et du genre dans la relation entre médias sociaux et image corporelle demeure à explorer.
Objectif et méthode
Cette étude vise à examiner la relation entre l’utilisation des médias sociaux TikTok, Snapchat et Instagram chez les jeunes adultes et les aspects positifs et négatifs de l’image corporelle, en fonction de l’âge et du genre. Pour ce faire, 201 femmes et 71 hommes âgés en moyenne de 20,7 ans, recrutés dans une université américaine ou par le biais de courriels et d’annonces dans les médias sociaux, ont répondu à une enquête en ligne. Chaque personne participante a rapporté le nombre de plateformes utilisées et son type d’utilisation (axée sur l’apparence ou axée sur la communication). Des échelles ont été complétées pour mesurer trois composantes de l’image corporelle : l’appréciation corporelle (image corporelle positive), l’auto-objectification (tendance à se percevoir comme un objet que les autres regardent et évaluent) et l’estime corporelle. Des analyses statistiques ont été réalisées afin de vérifier les associations entre les différentes variables, en contrôlant pour l’âge et le genre.
Ce que l’on y apprend
Les résultats montrent que la majorité des personnes participantes utilisent TikTok (76 %), Instagram (88 %) et Snapchat (76 %). Les femmes utilisent un plus grand nombre de plateformes que les hommes et sont plus engagées dans les deux types d’utilisation (axées sur la communication et sur l’apparence). Les femmes rapportent aussi une estime corporelle plus faible, de même qu’une auto-objectification plus élevée que les hommes. L’utilisation axée sur l’apparence est associée à une auto-objectification plus élevée et à une appréciation et estime corporelle plus faibles, même après contrôle de l’âge, du genre, de l’utilisation axée sur la communication et du nombre de plateformes utilisées. Enfin, chez les moins de 23 ans, une plus grande utilisation des médias sociaux axée sur l’apparence est liée à une moins grande appréciation corporelle.
Conclusion
Les résultats de cette étude indiquent que la majorité des jeunes adultes utilisent les médias sociaux, mais que les associations avec l’image corporelle varient en fonction du type d’utilisation. L’évitement des médias sociaux axés sur l’apparence pourrait être bénéfique pour l’image corporelle des jeunes adultes. Les auteurs relèvent trois limites : l’échantillon majoritairement féminin et l’étendue restreinte de l’âge, l’obsolescence des résultats associée à l’évolution rapide des médias sociaux, et l’absence de considération pour le temps passé sur ces plateformes.
Markey, C. H., August, K. J., Gillen, M. M. et Rosenbaum, D. L. (2024). An examination of youth’s social media use and body image. Journal of Media Psychology.
Nouvelles publications INSPQ
- Jeunes, santé et écrans : soutien à l’action en contextes autochtones | 2024 | Catherine Fournier
- La version anglaise de la publication « Jeunes Autochtones, santé, mieux-être et médias sociaux : une étude de portée » est maintenant disponible sur le site de l’Institut national de santé publique du Québec.
Vous la retrouverez ici: Indigenous youth, health, wellness, and social media: a scoping review
Autres publications d’intérêts
Nouvelles données québécoises
- (Rapport) L’utilisation des écrans et le bien-être des adolescents - Un an après la pandémie de COVID-19 | Biron et coll., Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal-Santé publique de Montréal | 2024.
- (Conférence virtuelle) Les écrans et les jeunes montréalais : que disent les nouvelles données? | Biron | 1er mai 2024.
- L’intimidation et la cyberintimidation au Québec| Institut de la statistique du Québec | 2024 | Données de l’Étude québécoise sur les rapports sociaux dans un contexte scolaire, de travail et dans la communauté 2022.
À l’international
- Recommendations for the use of digital technologies: schools, kura and early childhood education | 2024 | Sensible screen use (Nouvelle-Zélande)
- Enfants et écrans à la recherche du temps perdu | 2024 | Rapport de la commission d’experts sur l’impact de l’exposition des jeunes aux écrans. (France)
Rédaction
Hélène Arguin, conseillère scientifique
Caroline Braën-Boucher, conseillère scientifique
Yan Ferguson, conseiller scientifique
Fanny Lemétayer, conseillère scientifique
Équipe Écrans et hyperconnectivité | Santé mentale, suicide
Unité Santé et bien-être des populations
Direction du développement des individus et des communautés
Avec la collaboration de
Marie-Claude Roberge, conseillère scientifique
Coordonnatrice de l’équipe Écrans/Santé mentale/Suicide
Révision
Julie Laforest, cheffe d’unité scientifique
Unité Santé et bien-être des populations
Direction du développement des individus et des communautés
Révision linguistique
Sarah Mei Lapierre, agente administrative
Direction du développement des individus et des communautés
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