La médétomidine, un nouvel additif dans les drogues illicites
Contexte
La médétomidine est une substance dont l’usage par les vétérinaires est approuvé en tant que sédatif et analgésique. Toutefois, elle est aussi utilisée comme additif dans les drogues depuis quelques années. La médétomidine est fréquemment détectée dans des échantillons de drogues saisis et analysés aux États-Unis et au Canada. Le risque associé à sa consommation est surtout attribuable à son puissant effet sédatif, effet amplifié lorsqu’elle est consommée avec d’autres substances ayant des effets dépresseurs sur le système nerveux central. Cette situation est particulièrement préoccupante étant donné que les gens peuvent consommer cette substance à leur insu1,2.
La médétomidine a été identifiée pour la première fois dans des drogues dans l’État du Maryland aux États-Unis vers la fin de 20222. En avril 2024, la substance a fait son apparition à Philadelphie où elle a été mise en cause dans plusieurs cas de surdoses. Le mois suivant, elle était détectée à Pittsburgh et à Chicago2.
Au Canada, ce produit a été trouvé, sous forme de poudre, pour la première fois au cours de la saisie d’un échantillon en mai 2022 à Brantford en Ontario3. Par la suite, de la médétomidine aurait été détectée plus fréquemment à partir du début de 2024. Selon les données du Service d’analyse des drogues (SAD) de Santé Canada, 925 échantillons analysés entre janvier et septembre 2024 contenaient de la médétomidinea. La plupart de ces détections proviennent de saisies réalisées en Ontario (85 % des détections canadiennes), mais certaines des saisies provenaient d’autres provinces, incluant le Québec1,4.
La substance a été détectée au Québec pour la première fois en avril 2023. Depuis, il y a eu 21 détections au Québec, ce qui représente moins de 2 % de toutes les détections de cette substance au Canada4.
Substance en cause
La médétomidine est un médicament à usage vétérinaire dont l’utilisation n’est pas approuvée chez l’humain. C’est un tranquillisant employé à titre de sédatif et d’analgésique. La médétomidine est une substance qui stimule sélectivement les récepteurs alpha-2-adrénergiques du système nerveux sympathique, tout comme la xylazine et la clonidine. Elle agit en diminuant la libération de noradrénaline dans le système nerveux central. Cette substance peut également causer un rétrécissement des vaisseaux sanguins du cœur et des extrémités du corps5,6.
Sur le marché illicite, la médétomidine est souvent mélangée à d’autres substances, principalement à du fentanyl ou à d’autres opioïdes, ainsi qu’à d’autres substances aux effets sédatifs comme la xylazine ou les benzodiazépines de synthèse, ce qui conduit à un effet additif dépresseur du système nerveux central1.
Comme la médétomidine présente un mécanisme d’action semblable à celui de la xylazine, ces deux produits ont donc plusieurs effets en commun. L’effet sédatif de la médétomidine serait cependant plus puissant et sa durée d’action serait généralement plus longue7. Contrairement à la xylazine, la médétomidine n’entraîne pas de nécrose des tissus.
Effets nocifs
Les principaux effets nocifs associés à la prise de la médétomidine sont les suivants : étourdissements, sédation, ralentissement du rythme cardiaque, baisse de la tension artérielle et ralentissement de la fréquence respiratoire, soit potentiellement jusqu’à la dépression respiratoire. D’autres effets sont aussi rapportés lors de la consommation de médétomidine, entre autres, de l’hypothermie, un rythme cardiaque lent et irrégulier et de l’hyperglycémie. Lorsque la médétomidine est combinée à une ou à plusieurs autres substances ayant des propriétés sédatives, les effets indésirables tels que la somnolence ainsi que la diminution de la tension artérielle, du rythme cardiaque ou de la respiration peuvent être amplifiés, ce qui représente un risque supplémentaire pour la personne qui consomme1,2,6.
Utilisation d’un antidote
L’atipamézole (AtajectMD), un antagoniste sélectif compétitif des récepteurs alpha-2-adrénergiques, est un antidote employé chez l’animal pour renverser la sédation induite par la médétomidine ou la xylazine8. Bien qu’il y ait quelques études faisant état de son usage chez l’humain, celles-ci sont insuffisantes pour permettre de se positionner sur l’efficacité et l’innocuité de ce produit de même que sur le bon dosage à employer9-12. L’atipamézole n’est donc pas approuvé à l’heure actuelle par Santé Canada ni par la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis pour un usage chez l’humain.
En théorie, la naloxone ne serait pas efficace pour inverser une surdose de médétomidine, puisque cette dernière n’agit pas sur les récepteurs opioïdes. Néanmoins, une étude rétrospective chez 52 patients et patientes pédiatriques exposés à la clonidine a démontré que l’administration de hautes doses de naloxone pourrait être efficace pour renverser l’effet sédatif13. En cas de doute, il demeure approprié d’administrer de la naloxone à une personne inconsciente ayant consommé présumément de la médétomidine, puisqu’une polyintoxication mettant également en cause un opioïde est probable1.
À retenir
- Commercialisée comme médicament destiné au domaine de la médecine vétérinaire, la médétomidine est fréquemment identifiée dans des drogues saisies aux États-Unis et au Canada.
- La médétomidine cause des effets nocifs considérables : étourdissements, sédation, baisse du rythme cardiaque et de la tension artérielle pouvant mener à une baisse du rythme respiratoire. Ces effets sont amplifiés lorsque la substance est combinée avec d’autres substances sédatives.
- En théorie, les surdoses à la médétomidine ne peuvent pas être inversées à l’aide de la naloxone, il est toutefois recommandé d’administrer cet antidote lorsqu’une polyintoxication impliquant un opioïde est suspectée1.
a Les résultats présentés ici pourraient différer des données publiées par le Service d'analyse des drogues de Santé Canada, car ces données sont présentées et analysées d'une manière différente. Pour des informations supplémentaires sur le travail du Service d’analyse des drogues de Santé Canada, voir le site suivant : https://sante-infobase.canada.ca/service-analyse-drogues/rapport-drogues-analyses.html
Références
- Réseau communautaire canadien d’épidémiologie des toxicomanies, Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances. Médétomidine. Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances; 2024. Disponible.
- Krotulski AJ, Shinefeld J, Moraff C, Wood T; Walton SE, DeBord JS; et al. (2024) medetomidine rapidly proliferating across USA — Implicated in recreational opioid drug supply and causing overdose outbreaks. États-Unis : United States Center for Forensic Science Research and Education; 2024.
- Gilbert ML, Boileau-Falardeau M, Maurice-Gelinas C, Chiasson JF, Pitre J, Archambault B, et al. Gouvernement du Canada; 2022. At-a-glance: new psychoactive substances in Canada. Disponible.
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Auteurs
Isabelle Bilodeau, pharmacienne
Pierre-Yves Tremblay, Conseiller scientifique
Institut national de santé publique du Québec
Révision
Ann-Sophie Breault, pharmacienne, Institut universitaire en santé mentale de Québec
Julie Poulin, pharmacienne, Institut universitaire en santé mentale de Québec
Pierre-Duranleau Gagnon, pharmacien, Institut universitaire en santé mentale de Québec, et professeur de clinique, Université Laval
Anne-Ericka Vermette, médecin urgentologue
Cédric Lacombe, médecin résident en psychiatrie, Université de Montréal
Éric Langlois, conseiller scientifique, INSPQ
Karine Martel, conseillère scientifique, INSPQ