Les boissons énergisantes contenant de la caféine

La consommation de boissons énergisantes contenant de la caféine (BEC) soulève des questions de santé publique depuis plusieurs années, non seulement en raison de leur composition, mais aussi en raison de leur promotion, de leur disponibilité et du contexte de leur consommation.

Bien que certains cas d’intoxication et de décès potentiellement reliés à la consommation de ces produits soient rapportés dans les médias, il existe encore plusieurs zones grises concernant l’innocuité des BEC dans la littérature scientifique1. Ces boissons, considérées comme des aliments, sont encadrées par la Loi sur les aliments et drogues, alors que les concentrés énergisants contenant de la caféine (format de 90 ml ou moins) sont plutôt régis par le Règlement sur les produits de santé naturels. Les concentrés devraient avoir un numéro de produit naturel (NPN) indiquant qu’ils peuvent être vendus librement au Canada. Le présent article se concentre toutefois sur les BEC et n’inclut pas les produits concentrés.

De 2012 à 2018, les centres antipoison canadiens ont reçu 852 appels à propos d’expositions multiples incluant une exposition aux substances contenues dans les BEC, et 281 appels à propos d’expositions aux substances contenues dans une BEC uniquement2. Le nombre moyen d’appels à ce sujet par année est resté stable entre 2012 et 2016, puis s’est accru en 2017 et en 2018. Parmi les personnes exposées aux substances contenues dans une BEC uniquement, 77 % ont rapporté des effets cliniques minimaux, 14 % des effets mineurs, 8 % des effets modérés et 1 % des effets graves. Il faut noter qu’aucun décès n’a été rapporté en ce qui concerne les expositions aux substances contenues dans une BEC uniquement. Depuis 2020, le Centre antipoison du Québec (CAPQ) a répertorié 236 cas d’exposition aux substances contenues dans une BEC uniquement. Plus de 80 % de ces expositions étaient accidentelles, et 1 % des personnes exposées ont ressenti des effets modérés ou graves.

Produits en cause

Quoiqu’il n’y ait pas de définition précise des boissons énergisantes au Canada, Santé Canada définit ce type de produits comme des boissons ou des mélanges dans lesquels de la caféine a été ajoutée, souvent avec d’autres ingrédients comme des vitamines et des minéraux, de la taurine, du sucre ou des édulcorants2. Elles peuvent également contenir du guarana ou du yerba maté, des sources naturelles de caféine. Ces produits sont généralement vendus dans des formats de 250 ou 473 ml.

Les BEC sont habituellement consommées en vue d’améliorer la performance et l’endurance (notamment dans le domaine sportif), ou d’augmenter le niveau d’énergie et la vigilance. Elles peuvent aussi être prises dans un contexte festif en combinaison avec de l’alcool ou des drogues6.

L’apport quotidien en caféine recommandé par Santé Canada diffère selon l’âge et en présence d’une grossesse (tableau 1). La teneur en caféine de plusieurs boissons et aliments se trouve sur le site Internet de Santé Canada. Cette information peut faciliter l’estimation de l’apport quotidien d’une personne. Il faut noter que les cannettes de BEC non refermables contiennent souvent l’équivalent en caféine de plusieurs cafés.

Tableau 1 - Apport quotidien en caféine recommandé

PopulationApport quotidien recommandé
Adulte (18 ans et plus)400 mg (3-4 tasses de café filtre)
Personne enceinte, qui allaite ou qui envisage une grossesse300 mg
Enfants et adolescents(-es)2,5 mg/kg de poids corporel

Signes et symptômes cliniques

Les effets indésirables des BEC sont proportionnels à la dose ingérée, mais ils peuvent aussi dépendre de la sensibilité d’une personne aux substances contenues dans la BEC consommée, des physiques ou bien des comorbidités psychologiques3. Les effets négatifs généralement associés aux BEC sont souvent attribuables à leur teneur en caféine, mais d’autres ingrédients peuvent également être en cause. Par ailleurs, il peut être difficile d’isoler l’effet de la caféine de celui des autres ingrédients. Fait à souligner : le métabolisme, et donc l’action de la caféine, est très variable et dépend de plusieurs facteurs dont l’âge, le sexe, la fréquence de consommation, les possibles interactions médicamenteuses, la vitesse de consommation et l’activité physique4.

Tableau 2 - Signes et symptômes associés à une intoxication aiguë aux BEC rapportés dans la littérature scientifique

Types de signes et symptômesExemples
Système cardiovasculaire
  • Hypotension
  • Tachycardie (généralement lorsque la consommation dépasse 400-450 mg de caféine)
  • Troubles du rythme cardiaque
  • Ischémie
Système nerveux central
  • Insomnie
  • Agitation
  • Nervosité
  • Tremblements
  • Maux de tête
  • Convulsions
Système digestif
  • Douleurs abdominales
  • Nausées
  • Vomissements
  • Hépatite
Autres
  • Envie d’aller uriner plus fréquente
  • Anomalies des électrolytes sanguins (baisse du potassium)
  • Acidose métabolique
  • Augmentation de la glycémie
  • Insuffisance rénale aiguë

Une consommation chronique de caféine de plus de 250 mg par jour peut entraîner la survenue de divers symptômes, notamment des maux de tête, de la nervosité, de l’irritabilité, des tremblements, des spasmes musculaires, des palpitations, des bouffées de chaleur, de l’hyperventilation, des arythmies, de l’insuffisance cardiaque, une respiration rapide et superficielles, de la tachycardie, des urines plus fréquentes et des troubles gastro-intestinaux3. L’intensité de ces effets peut dépendre à la fois de la vulnérabilité individuelle et de la dose consommée. Comme les BEC sont souvent des boissons sucrées, leur consommation régulière peut également causer des effets métaboliques à long terme.

Le développement d’une dépendance physique et psychologique est aussi possible de même que l’apparition de symptômes de sevrage lors d’un arrêt de consommation (apparition de symptômes de 12 à 24 heures suivant l’arrêt de la consommation et pouvant durer de 2 à 9 jours). Les symptômes peuvent inclure : mal de tête, fatigue, difficultés de concentration, humeur dépressive et irritabilité. Les symptômes de sevrage à la caféine surviennent généralement chez les personnes consommant des doses élevées (300-600 mg/jour), mais, dans certains cas, ils peuvent également se manifester chez des personnes ne consommant que 100 mg/jour.

De plus, certaines populations peuvent davantage ressentir des effets indésirables lors de la consommation de BEC :

  • Enfance et adolescence : La consommation de BEC semble répandue dans cette population, mais il y a très peu de données quant à leur innocuité. Le peu de littérature scientifique disponible décrit plusieurs effets indésirables de la caféine chez cette population qui y est d’ailleurs plus sensible. Les enfants, adolescents et adolescentes, étant généralement de plus faible poids, sont par le fait même exposés à une plus grande quantité d’ingrédients stimulants par kilogramme de masse corporelle5.
  • Comorbidités ou maladies chroniques : Plusieurs comorbidités, physiques ou mentales, peuvent augmenter les risques associés à la consommation de BEC.
  • Grossesse : Aucune étude scientifique n’a apparemment été réalisée sur les effets néfastes possibles de la consommation de BEC durant la grossesse. Ce contexte implique donc de devoir étudier l’effet isolé de chacun des ingrédients sur le développement du fœtus. Néanmoins, il n’y a pas de données disponibles pour certains de ces ingrédients. Quant à la quantité maximale de caféine recommandée pendant la grossesse, elle est plus faible que celle conseillée pour la population générale (tableau 1).
  • Consommation des BEC dans un contexte sportif : Plusieurs produits utilisés pour augmenter la performance sportive contiennent de la caféine, et l’usage de ces produits, souvent banalisé, peut néanmoins engendrer des effets néfastes importants.

Mesures de prévention

  • S’abstenir de consommer des BEC en même temps que des substances comme des médicaments, de l’alcool ou des drogues, puisque cela peut exacerber le risque de développer certains effets indésirables parfois graves6.
  • Éviter de dépasser la quantité quotidienne de caféine recommandée selon le groupe d’âge.
  • Surveiller la consommation d’autres sources de caféine durant la journée (chocolat, certaines boissons gazeuses, thé, etc.).
  • Éviter l’utilisation abusive de BEC dans un contexte sportif.
  • Tenir les BEC hors de la portée des enfants. Les contenants colorés dont le graphisme est attirant, associés souvent à un goût sucré, peuvent augmenter le risque d’exposition accidentelle des jeunes enfants.
  • Contacter le Centre antipoison du Québec (1 800 463-5060) en cas de doute quant à une potentielle intoxication engendrée par une BEC.
  • Consulter préférablement un professionnel ou une professionnelle de la santé s’il y a un doute concernant le risque de consommation de BEC en présence de certaines conditions cliniques particulières.

Références

  1. Kaur A, Yousuf H, Ramgobin-Marshall D, Jain R, Jain R. Energy drink consumption: a rising public health issue. Reviews in Cardiovascular Medicine. 2022;23(3):83.
  2. Vieille SL, Gillespie Z, Bonvalot Y, Benkhedda K, Grinberg N, Rotstein J, etal. Caffeinated energy drinks in the Canadian context: health risk assessment with a focus on cardiovascular effects. Applied Physiology, Nutrition, and Metabolism [En ligne]. 2021;46(9) :1019-1028. Disponible : https://cdnsciencepub.com/doi/10.1139/apnm-2021-0245
  3. Bwenge A, Côté M, de Macar A, Poirier P. Les boissons énergisantes et le sport – Mise à jour 2019. Longueuil (Québec) : Association québécoise des médecins du sport et de l’exercice; 2019.
  4. Ali F, Rehman H, Babayan Z, Stapleton D, Joshi DD. Energy drinks and their adverse health effects: a systematic review of the current evidence. Postgraduate Medicine. 2015;127(3):308‑22.
  5. Pound CM, Blair B. Les boissons pour sportifs et les boissons énergisantes chez les enfants et les adolescents. Société canadienne de pédiatrie [En ligne]. 7 déc 2023. Disponible : https://cps.ca/fr/documents/position/les-boissons-pour-sportifs-et-les-boissons-energisantes
  6. Li P, Haas NA, Dalla-Pozza R, Jakob A, Oberhoffer FS, Mandilaras G. Energy drinks and adverse health events in children and adolescents: a literature review. Nutrients. 2023;15(11):2537.

Auteure
Isabelle Bilodeau, pharmacienne
Direction de la santé environnementale, du travail et toxicologie

Révision
Comité éditorial
Ann-Sophie Breault, pharmacienne, Institut universitaire en santé mentale de Québec
Julie Poulin, pharmacienne, Institut universitaire en santé mentale de Québec
Anne-Ericka Vermette, médecin, Hôpital Anna-Laberge et Centre antipoison du Québec
Comité de révision interne
Gabrielle Durette, conseillère scientifique
Marie-Claude Paquette, conseillère scientifique spécialisée
Direction du développement des individus et des communautés
Pierre-Yves Tremblay, conseiller scientifique
Direction de la santé environnementale, du travail et toxicologie