Mise à jour des connaissances sur l'utilisation de l'amiante dans les produits en ciment
La Politique d'utilisation accrue et sécuritaire de l'amiante chrysotile au Québec préconise l'utilisation accrue de l'amiante dans divers secteurs d'activité économique, notamment celui de la fabrication de produits en amiante ciment. Dans ce contexte, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) a demandé à l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) de préparer un avis sanitaire sur ces produits.
Pour ce faire, l'INSPQ a effectué une revue de la littérature sur la fabrication et l'utilisation actuelle de produits en amiante ciment au Québec. L'INSPQ a également passé en revue les données disponibles sur l'exposition à l'amiante engendrée par ces produits ainsi que les conditions nécessaires à leur fabrication, leur utilisation et leur élimination d'une manière sécuritaire.
Depuis quelques années, la consommation locale d'amiante provenant des mines québécoises est demeurée stable à près de 5 000 tonnes de chrysotile par année. Cependant, ces quantités ne seraient pas destinées en totalité au secteur industriel. En effet, peu d'entreprises québécoises utiliseraient encore de l'amiante dans leur procédé de fabrication. Par ailleurs, il n'existerait pas d'industries de fabrication de produits en amiante ciment, toutefois, l'importation de tuyaux en amiante ciment en provenance du Pakistan et du Mexique serait en croissance.
Dans la littérature, l'exposition professionnelle à l'amiante est bien documentée à l'étape de la confection de produits en amiante ciment, comme à celle de l'utilisation (mise en place, entretien et retrait) de ces produits. Cependant, à cause du bannissement graduel de l'amiante depuis quelques années dans plusieurs pays, les données sur l'exposition à l'amiante lors de la fabrication sont antérieures à celles en lien avec l'utilisation et remontent à la fin des années 80.
Globalement, l'exploitation des données recueillies dans la littérature scientifique démontre une exposition professionnelle évidente à l'amiante, en lien avec la confection et l'utilisation des produits en amiante ciment, égale ou supérieure au dixième de fibre/ml (= 0,1) et pouvant dépasser 1 f/ml et atteindre des dizaines, voire des centaines de fibres/ml lors de certaines opérations spécifiques (sciage, coupage) en l'absence de moyens de contrôle adéquats.
Les données indiquent également qu'en utilisation adéquate, l'aspiration locale et le mouillage des matériaux pourraient contribuer à réduire les niveaux d'exposition, notamment lors de travaux sur des produits en amiante ciment. Toutefois, plusieurs experts internationaux remettent en question le principe d'usage « sécuritaire » et « contrôlé » de matériaux contenant de l'amiante (MCA), arguant que la protection totale des travailleurs est pratiquement impossible dans le cas de l'amiante.
Par comparaison, les niveaux retrouvés dans l'environnement général sont inférieurs à ceux des milieux de travail. Ainsi, en milieu rural, les concentrations ambiantes ne dépasseraient pas le dix millième (0,0001) de fibre/ml, alors qu'en milieu urbain l'ordre de grandeur des concentrations varie du dix millième (0,0001) au millième (0,001) de fibre/ml.
Également dans l'environnement général, mais en présence d'une source d'émission – comme dans une ville minière ou à proximité d'une usine de fabrication de produits en amiante ciment – les concentrations peuvent atteindre le centième (0,01) de fibre/ml.
Par ailleurs, quelques données disponibles sur les concentrations de fibres d'amiante engendrées par les haldes inactives de résidus miniers, indiquent des concentrations inférieures au dix millième (0,0001) de fibre/ml.
Quant aux concentrations à proximité de lieux d'enfouissement pouvant contenir des déchets amiantés, elles sont de l'ordre du millième (0,001) de fibre/ml, et peuvent atteindre quelques fibres par millilitre lors d'activités de déchargement ou d'ensevelissement de déchets contenant de l'amiante.
En ce qui concerne la prévention en milieu de travail, il existe des directives de pratiques et des réglementations pour la gestion et le contrôle de l'amiante qui visent à protéger la santé des travailleurs. Ces directives et réglementations s'articulent généralement autour de plusieurs mesures regroupées dans un plan global de prévention mis en œuvre par l'employeur. Elles comprennent, entre autres, l'instauration d'un programme de surveillance environnementale touchant l'amiante et d'autres contaminants inhérents à la composition des produits en amiante ciment, ainsi que la mise en place de moyens de protection adaptés aux types de travaux effectués.
Malgré la présence de directives de pratiques et de réglementations encadrant la fabrication et l'utilisation sécuritaires de produits à base d'amiante, l'Organisation international du travail ainsi que l'Organisation mondiale de la Santé préconisent l'arrêt de l'utilisation de l'amiante comme mesure préventive pour éliminer les maladies découlant de l'exposition à l'amiante.
Par rapport à la collecte et à l'élimination des déchets d'amiante, les exigences réglementaires sont beaucoup plus rigoureuses pour les pays qui considèrent l'amiante comme une matière dangereuse que pour ceux qui, à l'instar du Québec, le considèrent comme une matière solide dont on doit empêcher uniquement la dissémination dans l'environnement. Toutefois, toutes les réglementations font une distinction entre les MCA friables et non friables et imposent des précautions plus strictes pour l'amiante friable. De plus, toutes les législations consultées, y compris la québécoise, identifient les MCA friables comme matières dangereuses, lorsqu'il est question de transport.
À cause du bannissement de la production et de l'utilisation de produits en amiante ciment dans plusieurs pays, il n'a pas été possible de recenser des systèmes utilisés pour retracer ces produits depuis leur fabrication, en passant par leur utilisation et jusqu'à leur élimination. Par contre, le concept de repérage des MCA dans les édifices est enchâssé dans plusieurs législations nationales (p. ex. : Ontario) et internationales (p. ex. : France, États-Unis) consultées, mais pas au Québec. De même, certaines législations exigent que la localisation des déchets de MCA sur les lieux d'enfouissement soit adéquatement identifiée, ce qui n'est pas le cas au Québec.
Plusieurs recommandations sont formulées suite à cette revue. D'abord pour les milieux de travail, les mesures préventives issues de la réglementation et des directives de pratiques doivent être renforcées et appliquées afin de favoriser la protection des travailleurs. Ensuite, des mécanismes permanents de surveillance des niveaux ambiants d'amiante doivent être instaurés afin de détecter les variations de concentrations environnementales, tant en milieu de travail, que dans l'environnement général ou proche de sources d'émissions afin d'enclencher les mesures préventives qui s'imposent. À cet effet, il est recommandé que les mesures environnementales respectent les conditions optimales d'échantillonnage et d'analyse pour s'assurer de la fiabilité et de la représentativité des résultats.
Il est également important de retracer les MCA à diverses étapes de leur utilisation. Ainsi, afin de prévenir l'exposition accidentelle à l'amiante lors de travaux de démolition ou de rénovation, il est capital de procéder à la localisation et à l'identification préalable de ces MCA dans les édifices publics et privés, si possible. Une réglementation au Québec, en ce sens, est recommandée.
En outre, il est recommandé d'évaluer les mesures les plus adaptées à mettre en place afin de prévenir les expositions accidentelles à l'amiante pouvant survenir lors de travaux d'enfouissement, de terrassement ou d'utilisation future des lieux d'enfouissement acceptant des déchets amiantés.
Finalement, une actualisation des niveaux ambiants d'amiante dans les différentes régions du Québec est nécessaire afin de mesurer les variations temporelles de ces niveaux et de les exploiter en évaluation du risque. Les futurs prélèvements de fibres dans l'environnement général devraient être analysés par microscopie électronique à transmission afin de caractériser adéquatement le type de fibres d'amiante impliquées.