L’éthique, condition essentielle pour l’atteinte des objectifs en santé publique

L’intégration systématique de l’analyse éthique dans la santé publique est une condition essentielle à l’atteinte des objectifs de santé collective, au renforcement de la démocratie sanitaire et à la promotion d’une société plus juste.

Telle est la conclusion du Comité d’éthique en santé publique (CESP) dans son avis sur la Stratégie nationale de prévention en santé 2025-2030, présentée le 20 août dernier par le ministère de la Santé et des Services sociaux. Dans son rapport, le Comité établit les facteurs à tenir en compte pour assurer une place à l’éthique dans la prévention en santé publique.

Bienfaisance et équité

Deux valeurs fondamentales guident et justifient l’action en santé publique : la bienfaisance et l’équité.

La bienfaisance sous-tend que les actions choisies et mises en œuvre sont reconnues scientifiquement et qu’elles contribueront ultimement à l’amélioration de l’état de santé de la population. Pour qu’elle soit effective, la bienfaisance doit donc se traduire en actions et ces dernières doivent être reconnues comme efficaces. En ce sens, elle mène à la priorisation des actions sur les déterminants sociaux, économiques et environnementaux de la santé de la population.

Dans une perspective d’équité, toute action de santé publique préventive devrait tenir compte des disparités qui existent dans la collectivité à toutes les étapes de l’intervention, de la conception à l’attribution des ressources. De même, une évaluation des bénéfices et des inconvénients de celle-ci sur les divers sous-groupes de la population devrait être réalisée.

Autonomie, responsabilité et participation

L’autonomie et la responsabilité des individus doivent être prises en considération lors de la prise de décisions sur leur santé. Il faut également valoriser la participation active des individus à la prise de décision pour les mesures et les politiques publiques à mettre en œuvre.

Trouver un équilibre entre intervention efficace et respect de l’autonomie exige un examen éthique attentif. Cela est d’autant plus important lorsque cela crée de la tension avec des valeurs auxquelles certains groupes tiennent.

L’analyse éthique permet de déterminer si un empiètement sur l’autonomie se justifie dans un contexte particulier. Par exemple, on peut considérer légitime d’encourager la personne ou même de la contraindre à certains choix plutôt que d’autres. 

Les actions de santé publique qui misent uniquement sur la responsabilité individuelle face à la santé pourraient indirectement contribuer à accroître les inégalités de santé et le risque de stigmatisation de certains groupes. Une approche plus sensible à la complexité et à l’interaction des facteurs qui déterminent la santé et qui reconnaît les contraintes systémiques pesant sur les choix individuels permettrait d’éviter de faire porter injustement le fardeau de la santé sur les individus seulement.

Engager la population dès la conception de mesures ou de politiques permet de lui donner un réel pouvoir d’agir en faveur de sa santé et de renforcer le pouvoir d’agir collectif. Par exemple, les individus ou les groupes pourraient prendre part directement aux décisions concernant les soins de santé et de services sociaux qui leur sont offerts, leurs conditions de vie ou leur environnement.

Confiance et transparence

Pour que l’action préventive porte ses fruits, elle devrait également s’ancrer sur des valeurs phares comme la confiance et la transparence. Ces dernières mettent l’accent sur le lien des autorités avec la population et elles contribuent à renforcer la qualité et la portée de la prévention. Les individus devraient ainsi pouvoir comprendre que les actions proposées sont pertinentes, efficaces et proportionnelles aux problèmes de santé, pour que les efforts ou les renoncements demandés soient justifiés.

La transparence suppose de justifier et d’expliciter, en fonction de l’ensemble des variables contextuelles, les valeurs priorisées pour soutenir les mesures de santé publique ainsi que les moyens mis en place pour atténuer leurs conséquences négatives.

Soutenir et éclairer les choix

L’intégration de l’éthique dans l’élaboration et l’évaluation des interventions permet d’expliciter et d’arbitrer les conflits de valeurs qui leur sont sous-jacentes. L’éthique est donc nécessaire pour garantir leur pertinence, leur légitimité et leur acceptabilité sociale.

L’approche délibérative

Au cœur des démarches éthiques en santé publique se trouve l’approche délibérative. Elle met l’accent sur la participation des parties prenantes concernées par les décisions qui sont prises — qu’ils soient usagers, citoyens, cliniciens, gestionnaires, scientifiques —, en assurant une bonne sélection et la diversification des participants aux processus décisionnels. Les processus délibératifs permettent d’apprécier et de peser les arguments en faveur et en défaveur des interventions en prévention et de formuler des orientations avec un groupe de personnes diversifiées.

16 septembre 2025