Écrans et hyperconnectivité - Veille analytique, automne 2024 - Numéro spécial
Dans ce numéro spécial
Résumés d’articles
Médias sociaux et santé mentale des jeunes : un avis du médecin-chef des États-Unis, mai 2023.
Contexte
L’utilisation des médias sociaux est une habitude bien ancrée dans la vie des jeunes : près de 95 % des jeunes Américains de 13 à 17 ans rapportent en faire usage et un peu plus du tiers rapporte en faire une utilisation quasi constante. Bien que l’âge minimal pour faire usage de ces plateformes est généralement de 13 ans aux États-Unis, environ 40 % des jeunes âgés de 8 à 12 ans les utilisent.
L’usage des médias sociaux peut représenter certains avantages, entre autres ils facilitent les interactions sociales, le sentiment de communauté et l’expression de soi. Cependant, de plus en plus de chercheurs, de professionnels de la santé, de parents et de jeunes sont préoccupés par l’impact de leur utilisation sur la santé mentale des jeunes se trouvant dans une période charnière de leur développement. Parmi les risques qui ont été évalués à ce jour, on note une association avec un état de santé mentale détérioré, notamment la présence de symptômes dépressifs et anxieux, une association avec les troubles alimentaires et les troubles liés à l’image corporelle ainsi qu’une diminution de la qualité du sommeil. De plus, l’exposition à des contenus inappropriés ou néfastes parfois liée à l’utilisation des médias sociaux peut engendrer plus de comparaison sociale, une diminution de l’estime de soi, de la cyberintimidation et les conséquences qui en découlent, des comportements de prédation et des interactions avec des personnes malintentionnées, entre autres. Malgré ces différents risques, aucune évaluation rigoureuse de l’innocuité des différentes plateformes de médias sociaux n’a été effectuée.
Objectif et méthode
Dans ce contexte, le présent avis du médecin-chef des États-Unis vise à informer le public de l’état des connaissances concernant l’utilisation des médias sociaux et leurs risques sur la santé mentale des jeunes. Ce document est basé sur une revue non exhaustive de la littérature scientifique, avec une priorité accordée aux méta-analyses et aux revues systématiques, et à des ressources documentaires suggérées par des experts thématiques. Les recommandations1 incluses dans cet avis visent à diminuer les risques associés à l’utilisation des médias sociaux chez les jeunes.
Ce que l’on y apprend
Les recommandations du médecin-chef des États-Unis se basent sur une approche de précaution face aux médias sociaux. Elles s’adressent à différents groupes de la société civile, soit les décideurs politiques, les compagnies technologiques, les parents et les dispensateurs de soin, les enfants et les adolescents ainsi que les chercheurs.
Les décideurs politiques : Améliorer les mesures de protection des enfants et des jeunes utilisant les médias sociaux en collaborant avec les gouvernements, les sociétés savantes, les experts de la santé publique ainsi que les compagnies technologiques. Parmi les mesures qui peuvent être prises par les décideurs politiques, on note :
- développer et adopter des standards de santé et sécurité adaptés à l’âge pour les différentes plateformes technologiques;
- adopter un plus haut niveau d’exigence pour la protection des renseignements personnels des jeunes;
- mettre sur pied des politiques qui limitent l’accès des enfants aux médias sociaux
- s’assurer que les compagnies technologiques partagent leurs données à des chercheurs indépendants et au public de façon ponctuelle, détaillée et de manière à protéger la vie privée;
- soutenir le déploiement, l’implantation et l’évaluation de formations visant le développement de la littératie numérique.
Les compagnies technologiques : Réaliser et faciliter l’évaluation indépendante et transparente des effets des différentes plateformes de médias sociaux sur la santé des enfants et des adolescents. Assumer la responsabilité de ces effets et préconiser :
- la transparence et le partage des résultats d’évaluations et des données avec des chercheurs indépendants et avec le public;
- l’évaluation des risques potentiels des interactions faites en ligne et la mise en place d’actions pour prévenir les usages néfastes;
- la mise en place de comités consultatifs composés de scientifiques indépendants afin de fournir de l’information permettant de soutenir les politiques visant à créer des environnements en ligne qui sont sécuritaires pour les enfants.
Prioriser la santé et la sécurité des utilisateurs dans la conception et le développement des médias sociaux et autres services en :
- s’assurant que les paramètres par défaut pour les enfants soient au plus haut niveau;
- en adhérant et en faisant respecter une politique d’âge minimal.
Concevoir, développer et évaluer des plateformes, des produits, et des outils :
- qui favorisent un environnement en ligne sain et sécuritaire pour les jeunes et qui respectent les besoins des jeunes filles, des personnes racisées ainsi que des minorités sexuelles et de genre;
- dont les algorithmes priorisent la santé et la sécurité de ses utilisateurs, maximisent les bénéfices potentiels et ne sont pas conçus de façon à augmenter le temps passé sur la plateforme, l’attention des utilisateurs ainsi que leur engagement.
Les parents et dispensateurs de soin : Adopter un plan médiatique familial permettant d’établir des limites claires à l’utilisation des technologies numériques à la maison, y compris les médias sociaux. Par exemple :
- créer des lieux sans écran et encourager les enfants à développer des relations en personne;
- agir en tant que modèle en ce qui a trait à l’utilisation des médias sociaux;
- enseigner aux enfants les bénéfices et les risques associés à l’utilisation des médias sociaux et leur donner les moyens d’être des utilisateurs responsables;
- dénoncer les cas de cyberintimidation, d’abus en ligne et d’exploitation;
- travailler avec les autres parents pour développer des pratiques et des normes partagées relativement à l’utilisation des technologies et soutenir les politiques et les programmes en lien avec une utilisation saine des médias sociaux.
Les enfants et les adolescents : Bien que le fardeau de la réduction des méfaits sur la santé liés aux écrans ne repose pas entièrement sur les épaules des enfants et des adolescents, certains comportements et précautions peuvent être privilégiés :
- demander de l’aide en cas de besoins;
- établir des limites claires afin d’assurer un équilibre entre les activités faites en ligne et les activités hors ligne (p. ex. : limiter l’utilisation du téléphone intelligent, de la tablette ou de l’ordinateur au moins 1 heure avant de se coucher ainsi que durant la nuit);
- adopter des comportements sains à l’égard des médias sociaux et développer des pratiques protectrices (p. ex. : suivre le nombre d’heures passées en ligne, bloquer les contacts et les contenus non sollicités, utiliser les paramètres de sécurité et de vie privée, etc.);
- faire attention à ce qui est partagé sur les médias sociaux;
- se protéger et protéger les autres du harcèlement et de la cyberintimidation en se référant à une personne de confiance.
Les chercheurs : Ils jouent un rôle essentiel en aidant à mieux comprendre l'impact des médias sociaux sur la santé mentale et le bien-être, et en informant les décideurs politiques des meilleures pratiques. Ils peuvent, notamment :
- poursuivre la recherche sur les effets des médias sociaux et la santé mentale des jeunes;
- développer un agenda de recherche commun incluant : l’évaluation des effets des médias sociaux sur la santé mentale et le bien-être des jeunes; l’évaluation du rôle de différentes caractéristiques individuelles (p. ex. : âge, stade développemental, influence de l’environnement); l’évaluation des risques et bénéfices de certains types de médias sociaux ainsi que leurs caractéristiques; l’évaluation des effets à long terme de l’utilisation des médias sociaux chez les adultes;
- développer et établir des définitions et des mesures standardisées de la santé mentale et de l’utilisation des médias sociaux;
- évaluer et identifier les meilleures pratiques pour une utilisation saine des médias sociaux;
- améliorer la coordination et la collaboration dans la recherche en lien avec les médias sociaux.
1 Les principales recommandations sont rapportées dans le cadre de ce résumé. Le lecteur intéressé peut se référer à la source originale pour consulter l’ensemble des recommandations.
The U.S. Surgeon General’s Advisory. (2023). Social Media and Youth Mental Health: The U.S Surgeon General’s Advisory. 25 pages.
« Enfants et Écrans – À la recherche du temps perdu » France, avril 20241
Contexte
Souhaitant mieux comprendre l’impact de l’exposition aux écrans et plus particulièrement des réseaux sociaux chez les jeunes, le chef d’État français, Emmanuel Macron, a mandaté une commission d’experts pour se pencher sur le sujet le 10 janvier dernier. Après plus de trois mois de travail, les dix experts ont présenté le rapport final composé de 29 propositions au chef d’État qui a demandé au gouvernement de légiférer rapidement.
Les travaux de cette commission s’ajoutent aux mesures déjà adoptées ou mises en place en France depuis 2016. Notamment, au niveau juridique, différentes dispositions européennes ou nationales ont été prises pour protéger les mineurs en ligne :
- une majorité numérique est fixée à 15 ans pour l’inscription et l’utilisation des réseaux sociaux sans autorisation parentale depuis 2023;
- les personnes condamnées pour haine en ligne, cyberharcèlement ou autres infractions graves sont depuis 2023 bannies des réseaux sociaux pendant 6 mois, un an en cas de récidive;
- le travail des enfants youtubeurs sur toutes les plateformes en ligne (réseaux sociaux tels qu'Instagram, Snapchat ou TikTok) est encadré et protégé par le Code du travail (2020);
- le Code civil a été modifié pour introduire dans la définition de l’autorité parentale la notion de vie privée afin de garantir le respect du droit à l’image des enfants (2024);
- les plateformes accessibles aux mineurs doivent prendre les mesures appropriées et proportionnées pour assurer le plus haut niveau de protection de la vie privée, de la sécurité et de la sûreté des mineurs. Les conditions générales d’utilisation, notamment le fonctionnement de la modération, doivent être adaptées et facilement compréhensibles pour les enfants depuis 2024;
- les fabricants d'appareils connectés sont obligés d’installer un dispositif de contrôle parental et de proposer son activation gratuite lors de la première mise en service de l'appareil depuis 2022;
- les téléphones mobiles, tablettes et montres connectées sont interdits dans l’enceinte des écoles et des collèges (maternelles, primaires, secondaires) depuis 2018. Ces téléphones doivent être éteints et rangés.
En plus des mesures juridiques, des experts français ont aussi émis des lignes directrices pour « le bon usage des écrans » entre autres, la règle du « 3-6-9-12 » (Serge Tisseron, 2008), les recommandations des « quatre pas » (Sabine Duflo) et les recommandations de l’Association française de pédiatrie ambulatoire.
Des actions de communications et des outils d’accompagnement ont été déployés par les pouvoirs publics. Notamment, un plan d’action interministériel pour promouvoir l’information, l’éducation et l’accompagnement des enfants, des parents et des professionnels a été déposé en 2022. En complément, un site web « Je protège mon enfant » a vu le jour et offre des informations pertinentes à tous publics.
Enfin, de nombreuses initiatives nationales et locales viennent compléter ces actions institutionnelles. Elles sont menées par des associations ou des collectifs. Si certaines actions locales mettent en œuvre les recommandations de façon intéressante, elles demeurent toutefois très isolées et/ou localisées.
Ultimement, au niveau des représentants du secteur du numérique, même si les enjeux attachés à la protection de l’enfance ne sont pas ignorés, ils sont largement motivés par des enjeux d’image et de réputation. Ces acteurs ne sont pas mobilisés notamment pour concevoir un système robuste de vérification de l’âge et renvoient la responsabilité aux parents.
Objectif et méthodologie
Ce rapport vise à dresser un portrait de l’exposition aux écrans et de leurs usages chez les jeunes Français, à évaluer les impacts sur leur santé et faire le bilan des actions déjà mises en œuvre afin de proposer de nouvelles actions. Pour la rédaction du rapport, les experts ont consulté plus de 150 jeunes et une centaine d’experts et de praticiens. Ultimement, les travaux de la commission ont mené à l’élaboration d’un ensemble de propositions pour l’amélioration de l’encadrement de l’utilisation des écrans chez les jeunes.
Ce que l’on y apprend?
À l’issue des consultations et de l’analyse des mesures existantes, la commission d’experts préconise une action systémique autour de 29 propositions structurées selon six axes2 :
Axe 1 : S’attaquer, pour les interdire, aux conceptions addictogènes et enfermantes de certains services numériques afin de redonner du choix aux jeunes;
- dans cet axe, on propose notamment de proscrire les pratiques nuisibles en termes de conception (p. ex. : algorithmes délétères) et de faire émerger un standard éthique européen. Spécifiquement pour les jeux vidéo, on recommande de renforcer les « garde-fous » pour réduire les contenus inappropriés, le développement des microtransactions et les designs trompeurs;
Axe 2 : Protéger plutôt que contrôler les enfants, une bataille qui doit se mener et peut se gagner auprès des acteurs économiques;
- le deuxième axe préconise, par exemple, d’encourager le développement de solutions privées de protection plus efficientes et accessibles, notamment pour les familles. Concernant les sites de pornographie, on recommande de développer la DSA3 afin de contraindre l’industrie à adopter les outils de contrôle de l’âge. Parallèlement, on préconise d’investir dans la production de ressources adaptées aux questions légitimes des enfants sur leur vie affective et sexuelle;
Axe 3 : Assumer et organiser une progression des usages des écrans et du numérique chez les enfants en fonction de leur âge;
- cet axe propose notamment d’« Associer systématiquement le déploiement des programmes et des ressources numériques éducatifs dans un cadre scolaire à une expérimentation, une étude d’impacts préalable avant diffusion plus large et à une formation des enseignants à leurs usages pédagogiques. […] Labelliser les solutions numériques éducatives ayant validé scientifiquement leur impact positif sur les apprentissages et les mettre à disposition des enseignants via une interface dédiée et sécurisée. […] Renforcer l’application de l’interdiction des téléphones au collège, et systématiser dans chaque lycée un cadre partagé sur la place et l’usage des téléphones dans la vie de l’établissement. »;
Axe 4 : Préparer sérieusement les jeunes à leur autonomie sur les écrans, leur donner le pouvoir d’agir et, dans le même temps, redonner toute leur place aux enfants et aux jeunes dans la vie collective;
- cet axe recommande, entre autres, de renforcer l’éducation à la santé et plus particulièrement aux enjeux du sommeil, de la vision, ainsi que de la sédentarité et du manque d’activité physique. Pour y parvenir, on suggère d’entamer une réflexion pour une meilleure adaptation des milieux scolaires aux besoins physiologiques des jeunes, de mieux mobiliser les cours d’éducation physique et sportive et de multiplier les occasions de temps à l’extérieur. De plus, on recommande de développer dans l’espace public des alternatives aux écrans pour les enfants afin de leur redonner une place, « y compris bruyante »;
Axe 5 : Mieux outiller, mieux former au numérique et mieux accompagner les parents, les enseignants, les éducateurs et tous ceux qui interviennent auprès des enfants, tout en organisant une société qui remet l’écran et le numérique à sa juste place;
- le cinquième axe propose notamment d’inclure dans la formation initiale des enseignants, ainsi que tout au long de leur carrière, des connaissances leur permettant de maîtriser les fondamentaux du numérique, les enjeux de la citoyenneté numérique et les usages pédagogiques. Aussi, on préconise de valoriser les lieux et le temps sans écran, entre autres, pour sensibiliser les adultes à leurs propres usages;
Axe 6 : Mettre en place un dispositif ambitieux de gouvernance permettant à la puissance publique de définir une véritable stratégie, de disposer de capacités de pilotage, de pouvoir mieux soutenir les acteurs qui interviennent auprès des jeunes et des familles, et d’informer les citoyens;
- ce dernier axe propose notamment de garantir le soutien financier de la recherche, des politiques publiques et des acteurs vertueux en mettant en place le principe de pollueur payeur.
1 Pour répondre aux objectifs de ce bulletin de veille spécial, le résumé rapporte uniquement les actions mises en œuvre et les propositions des experts (parties 3 et 4 du rapport).
2 Seules quelques mesures sont décrites dans ce résumé. Reportez-vous au document pour y consulter l’ensemble.
3 Règlement européen sur les services numériques (ou « DSA » Digital Services Act), adopté le 19 octobre 2022, qui vise à réguler les accès en ligne.
« Enfants et écrans – À la recherche du temps perdu » Rapport de la Commission remis au Président de la République, France avril 2024. 142 pages.
Code de conception numérique adapté à l’âge des jeunes : Analyse des codes californien et britannique
Contexte
De plus en plus d’enfants et d’adolescents accèdent librement aux diverses technologies en ligne, sans méfiance à l’égard des dangers potentiels pour leur vie privée et leur sécurité. Des politiques existent, telles que la Children’s Online Privacy Rule (États-Unis) et le Règlement général sur la protection des données (Union européenne) mais ne suffisent pas à protéger adéquatement les jeunes utilisateurs. En 2021, le Royaume-Uni a adopté un « code de conception adapté à l’âge », c’est-à-dire un ensemble de normes s’adressant aux concepteurs de médias numériques interactifs susceptibles d’être utilisés par les mineurs (p. ex. : les plateformes de médias sociaux, les applications pour cellulaires et les jeux vidéo). En 2024, une version modifiée de ce code entrait en vigueur en Californie. En comparaison aux politiques existantes, ces deux codes de conception vont au-delà de la simple protection des données : ils s’intéressent à la façon dont les interactions avec les technologies en ligne affectent les enfants et les adolescents et tiennent compte des divers groupes d’âge et de leurs besoins développementaux.
Objectif et méthode
L’objectif de cette étude est d’explorer le contenu des codes de conception adaptés à l'âge pour le développement de médias numériques interactifs susceptibles d’être utilisés par des enfants et des adolescents. Pour ce faire, les auteurs ont procédé à une analyse de contenu des codes britannique et californien à l’aide d’un processus de codage à deux cycles.
Ce que l’on y apprend
Les auteurs ont identifié quatre catégories principales de normes communes aux deux codes de conception adaptés à l’âge.
La catégorie « valeurs de conception » représente les principes, les convictions et les objectifs qui guident le processus de conception. Elle englobe deux axes principaux : la conception adaptée à l’âge et l’intérêt supérieur de l’enfant :
- les deux codes stipulent qu’une conception adaptée à l’âge doit tenir compte des stades de développement suivants : 0 à 5 ans, 6 à 9 ans, 10 à 12 ans, 13 à 15 ans et 16 à 17 ans;
- les deux codes encouragent aussi les concepteurs à soutenir l’intérêt supérieur de l’enfant en le protégeant et en l’aidant dans son utilisation des technologies numériques connectées. En cas de conflit entre les intérêts commerciaux et l'intérêt des enfants, les entreprises doivent prioriser la vie privée, la sécurité et le bien-être de ces derniers.
La catégorie « communication de l’information » concerne la manière dont les entreprises communiquent avec les enfants et les autres utilisateurs. Elle se compose de deux grands axes : la transparence de l'information ainsi que le contrôle et le suivi parental :
- concernant la transparence de l’information, les deux codes insistent sur la nécessité pour les concepteurs de technologies numériques de fournir des informations relatives à la vie privée, aux conditions de services, aux politiques et aux normes communautaires et ce, de manière bien visible et dans un langage adapté à l’âge des enfants susceptibles d’y accéder. Le code britannique stipule aussi que les enfants doivent pouvoir choisir le degré de complexité de l'information;
- quant au contrôle et au suivi parental, les deux codes mentionnent que les enfants doivent être informés de tout type de suivi ou de surveillance.
La catégorie « interactions avec les technologies » comporte six axes de directives et de recommandations :
- le premier axe est le respect des politiques et des normes communautaires publiées par l’entreprise, que les deux codes préconisent;
- le second axe concerne les outils en ligne. Le code californien stipule que les entreprises doivent fournir des outils en ligne visibles, accessibles et réactifs pour aider les enfants ou, le cas échéant, leurs parents ou tuteurs, à exercer leurs droits en matière de protection de la vie privée et à signaler leurs problèmes. Le code britannique suggère d’inclure des fonctions telles que « télécharger toutes mes données », « supprimer toutes mes données » ou « sélectionner les données à supprimer » et « corriger »;
- le troisième axe fait référence aux techniques de manipulation. Les deux codes recommandent d’éviter les fonctions conçues pour accroître, soutenir ou prolonger la durée d'utilisation par les enfants (boucles de récompense, défilement continu, notifications et lecture automatique);
- le quatrième axe concerne les paramètres de confidentialité, lesquels, selon les deux codes, devraient être réglés par défaut à « élevés »;
- le cinquième axe touche au profilage, défini dans les deux codes comme « toute forme d’analyse automatisée d’informations personnelles ». Le code californien stipule que les entreprises ne doivent pas faire le profilage d'un enfant par défaut à moins de pouvoir assurer la protection de ce dernier, ou seulement si cela est nécessaire ou dans l’intérêt supérieur de l’enfant;
- le dernier axe concerne les jouets et appareils connectés, et n’est présent que dans le code britannique qui recommande de ne pas collecter des données inutiles, de prévoir les divers groupes d’âge des utilisateurs, et d’être transparent et clair sur l'utilisation des données.
La catégorie « gestion des données » se divise en trois axes : les données minimales, le partage des données et l'utilisation préjudiciable des données :
- les deux codes recommandent que les entreprises ne collectent que la quantité minimale de données nécessaire à l'exercice de leurs activités principales. Le code californien précise que les entreprises ne doivent pas conserver ou utiliser à d'autres fins les informations personnelles collectées pour estimer l'âge des enfants;
- les deux codes mettent en garde contre le partage des données personnelles; le code californien se restreint aux données de géolocalisation, tandis que le code britannique inclut toutes les données à caractère personnel;
- enfin, les deux codes stipulent que les entreprises ne doivent pas utiliser les informations personnelles d'un enfant si cela porte préjudice à sa santé physique, à sa santé mentale ou à son bien-être.
Conclusion
Les auteurs concluent que les codes britannique et californien constituent une base solide pour la conception d'espaces en ligne adaptés à l'âge des enfants. Bien que leur mise en œuvre dans le contexte de médias numériques interactifs spécifiques comporte encore des zones d'incertitude et des défis, les codes de conception adaptés à l'âge constituent une politique bienvenue et nécessaire pour soutenir et protéger les enfants en ligne.
Grace, T. D., Abel, C. et Salen, S. 2023. Child-Centered Design in the Digital World: Investigating the Implications of the Age-Appropriate Design Code for Interactive Digital Media. Interaction Design and Children IDC, June 19-23, 2023, Chicago, IL, USA. ACM, New York, NY, USA, 14 Pages.
Nouvelles publications INSPQ
Pour y voir plus clair, un dossier sur les écrans et l’hyperconnectivité
Pour la rentrée, l’INSPQ publie un dossier sur l’utilisation des écrans et leurs effets sur la santé. De façon vulgarisée, neuf pages font le point sur l’ensemble des travaux réalisés par l’INSPQ depuis 5 ans. Les différents effets sur la santé mentale et physique de la population et sur le développement des enfants, documentés dans la littérature scientifique, sont traités. Un outil d’analyse permet de mieux comprendre les facteurs qui contribuent à des conséquences possibles sur la santé. Des données sont présentées quant à l’exposition et l’usage des écrans chez les jeunes. Ce dossier se penche aussi sur les deux principaux milieux de vie des jeunes : la famille et l’école. Les recommandations qui existent pour ces deux milieux y sont rassemblées. Afin de mieux comprendre comment l’usage des écrans influence notre santé et constitue un réel problème de santé publique, consultez notre dossier Écrans.
Veille signalétique
- Atwal, S. et Browne, D. (2024). Screen Time and Mental Health in Canadian Youth: An Examination of Nationally Representative Data. Psychological Reports, 127(4), 1678‑1704.
- Cullen, J., Muntz, A., Marsh, S., Simmonds, L., Mayes, J., O’Neill, K. et Duncan, S. (2024). Impacts of digital technologies on child and adolescent health: recommendations for safer screen use in educational settings. New Zealand Medical Journal, 137(1598), 9‑13.
- de la Rosa, P. A., Cowden, R. G., Bulbulia, J. A., Sibley, C. G. et VanderWeele, T. J. (2024). Effects of Screen-Based Leisure Time on 24 Subsequent Health and Wellbeing Outcomes: A Longitudinal Outcome-Wide Analysis. International Journal of Behavioral Medicine.
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- Statistique Canada. (2024). Différences sociodémographiques dans le temps de loisir passé devant un écran avant et pendant la pandémie de COVID-19 au Canada.
- Vidal, C., Philippe, F. L., Geoffroy, M.-C. et Paquin, V. (2024). The Role of Social Media Use and Associated Risk and Protective Behaviors on Depression in Youth Adults: A Longitudinal and Network Perspective. International Journal of Mental Health and Addiction.
- Xie, W., Lu, J. et Lin, X. (2024). Is screen exposure beneficial or detrimental to language development in infants and toddlers? A meta-analysis. Early Child Development and Care, 194(4), 606‑623.
Rédaction
Hélène Arguin, conseillère scientifique
Caroline Braën-Boucher, conseillère scientifique
Yan Ferguson, conseiller scientifique
Fanny Lemétayer, conseillère scientifique
Équipe Écrans et hyperconnectivité | Santé mentale, suicide
Unité Santé et bien-être des populations
Direction du développement des individus et des communautés
Avec la collaboration de :
Marie-Claude Roberge, conseillère scientifique
Coordonnatrice de l’équipe Écrans/Santé mentale/Suicide
Révision
Julie Laforest, cheffe d’unité scientifique
Unité Santé et bien-être des populations
Direction du développement des individus et des communautés
Maude Chapados, conseillère cadre
Marie-Kim Bouchard, étudiante stagiaire
Unité Affaires publiques, communications et transfert de connaissances
Secrétariat général
Révision linguistique
Fanny Poliquin, agente administrative
Direction du développement des individus et des communautés
Pour toute question, vous pouvez contacter notre équipe à l’adresse courriel suivante : [email protected]
L’inclusion des articles présentés dans ce bulletin de veille ne signifie pas leur endossement par l’Institut. Le jugement professionnel demeure essentiel pour évaluer la valeur de ces articles pour votre pratique. Vous pouvez également consulter la méthodologie de la veille scientifique.